IVe et IIIe siècles av. n. è.
Pour la période des IVe et IIIe siècles av. n. è., on connait seulement trois sites miniers : Rougé, La Coustalade et Hautech, mais nous avons indiqué que l’ensemble des mines a dû faire l’objet d’une exploitation dès cette période. Aucun habitat ni atelier n’est cependant identifié pour cette chronologie, ni à côté des mines, ni dans un rayon de quelques kilomètres. On ne peut donc pas savoir si la production de métal était centralisée en un point ou si chaque mine fonctionnait de manière autonome jusqu’à la production de métal brut. De même, on ne sait pas si les mineurs et leurs familles vivaient à côté de la mine qu’ils exploitaient ou si un habitat plus important regroupait la population. Les données régionales concernant les IVe et IIIe siècles av. n. è. sont globalement rares en dehors de la frange côtière méditerranéenne (notamment Rancoule & Schwaller 1994 ; Py 2012, 188 et 200 ; voir partie 3, chapitre 1). Les mines identifiées dans cette fourchette chronologique représentent ainsi des points d’ancrage dans le territoire à partir desquels la recherche pourrait se développer.
On rappellera d’autre part que la configuration des réseaux datés de cette période permettait un travail simultané de plusieurs équipes, même si l’option d’un travail plus progressif avec une seule équipe de mineurs ne peut pas être éludée. À côté de l’extraction en elle-même, les ressources boisées devaient être gérées en amont pour l’approvisionnement des bûchers d’abattage. D’un autre côté, le traitement du minerai et la métallurgie primaire demandaient aussi de la main-d’œuvre et des ressources (combustible, argile pour les fours/foyers, etc.). Cet ensemble peut laisser penser que la communauté minière locale était bien structurée, d’autant plus si l’option d’un travail à plusieurs équipes en simultané s’avérait exacte. Son insertion dans des réseaux d’échanges pour écouler le métal produit, cuivre et peut-être argent, est aussi à prendre en compte. Les deux tessons d’amphores attribués à cette période provenant de la mine d’Hautech témoignent de cette insertion dans les réseaux d’échanges régionaux. Pour ce qui est de l’organisation du territoire minier à cette période, seules de nouvelles recherches pourraient apporter des informations.
De la fin du IIe siècle av. n. è.
à la période augustéenne
À partir de la fin du IIe siècle av. n. è. et jusqu’à la période augustéenne, période d’interruption de l’exploitation antique, les données concernant les habitats sont un peu plus nombreuses. Trois sites de ce type sont connus sur le front nord du massif de l’Arize pour cette période (fig. 168) : le village de Nescus, Bugnas (La Bastide-de-Sérou) et le château de Saint-Barthélemy (Durban-sur-Arize) un peu plus au nord. Ce dernier est un site fortifié de hauteur, les deux autres sont des sites ouverts, Nescus en plaine et Bugnas sur une colline. Aucun de ces sites n’a fait l’objet de véritable fouille permettant de les caractériser précisément. D’autre part, le mobilier amphorique et céramique recueilli à proximité des mines de Berni, d’Hautech, du Goutil et des Atiels, par sa variété et son abondance, laisse à penser que des habitats se trouvaient dans les environs immédiats de ces sites d’extraction (fig. 168).
Le site du château de Saint-Barthélemy est connu pour son occupation médiévale, attestée du XIe au XVIIe siècle (Mirouse 2009). Du mobilier daté de la période tardo-républicaine (amphores Dr 1 et céramique campanienne) a cependant été identifié dans plusieurs sondages effectués sur le site et en prospection sur ses abords (Abila 1994 ; Abila 1995 ; Mirouse 1998 ; Ayrault 2000). Une enceinte de pierres sèches qui ceinture la partie sommitale de l’éperon pourrait correspondre à cette période si l’on tient compte de la distribution des tessons d’amphores. Des monnaies attribuées à la fin du IIIe ou au début du IVe siècle de n. è. ainsi que de la céramique commune antique pourraient indiquer que l’occupation s’est poursuivie jusqu’à l’antiquité tardive, bien qu’elle soit plus difficilement perceptible pour ces phases plus avancées (Ayrault 2000, 23).
Le site de Nescus a fait l’objet de six petits sondages de la part de C. Dubois en 1992. Aucune structure domestique n’a pu être mise en évidence. Seule une série de fosses irrégulières se recoupant parfois1, comblées par d’abondants tessons d’amphores Dressel 1 et de céramique commune2, a pu être identifiée. Ce dépotoir confirme la présence d’un habitat proche qui reste à localiser plus précisément (Dubois & Métailié 1992, 72-82). Hormis les amphores et la céramique commune, quelques tessons de campanienne A, un fragment de bracelet en verre bleu et points jaunes de type 3c d’Haevernick (Rolland 2021, 264) et une monnaie des Neronken ont aussi été recueillis dans la couche de labours au-dessus du comblement du réseau de fosses (Dubois & Métailié 1992, 73). La chronologie de cette monnaie inciterait à situer l’occupation de Nescus dans la première moitié du Ier siècle av. n. è., mais le reste du mobilier peut s’étendre tout au long du Ier siècle av. n. è. Toutefois, l’absence d’amphores Dressel 1B irait dans le sens d’une chronologie resserrée. Des urnes à incinérations avaient par ailleurs été signalées au XIXe siècle près du village (Dubois & Métailié 1992, 71), mais la nécropole à laquelle elles devaient appartenir n’a pas pu être retrouvée.
Le site de Bugnas, enfin, a livré un peu de mobilier antique dans les parcelles en haut de la colline, dans les labours et les jardins (Meunier 2014, 56 ; Meunier 2015, 14-15). Il s’agit de tessons d’amphores de type Dressel 1 et Pascual 1 ainsi que de céramique commune, tournée, à cuisson oxydante, pouvant être antique ou médiévale. Un fragment d’assiette en céramique peinte est également présent. Lors de l’implantation d’un poteau électrique sur le versant sud, du mobilier a également été récupéré : tessons d’amphores Dressel 1, Dressel 2-4 et Pascual 1, ainsi que de la céramique commune. Les sondages effectués à proximité par C. Dubois se sont avérés stériles, mais il signale également la présence de scories de forge dans les tas d’épierrement en bordure de champs (Dubois & Métailié 1992, 92-93). Le mobilier médiéval est à rapprocher de vestiges architecturaux encore présents à l’ouest de la colline, consistant en une tour partiellement ruinée. Les ruines d’une chapelle aujourd’hui complètement disparue étaient encore présentes il y a quelques décennies. L’église de Bugnas est mentionnée sur des documents de l’abbaye du Mas-d’Azil du XIIe siècle (Vidal 1997, 12). Le mobilier antique correspond à une occupation qui démarre au Ier siècle av. n. è., mais s’étend au-delà de la période augustéenne du fait de la présence d’amphores Pascual 1, fait plutôt rare parmi les sites de ce secteur. Dans l’ensemble, il s’agit cependant de mobilier très épars sur la colline, ne permettant pas de restituer le type d’habitat ni son ampleur.
Ces données, d’autant plus si l’on tient compte des concentrations de mobilier domestique près des mines de Atiels, du Goutil, d’Hautech et de Berni, indiquent plutôt une dispersion de noyaux d’habitat tout au long du front nord du massif, en lien avec l’exploitation minière. Le site du château de Saint-Barthélemy est un peu à part, à plus de 3 km à vol d’oiseau de la mine la plus proche (La Coustalade). Il surplombe l’Arize et contrôle le passage à cet endroit, ce qui lui confère une fonction qui dépasse l’hébergement des mineurs et de leur famille, mais qui reste difficile à cerner avec les données très lacunaires dont nous disposons. Les autres sites d’habitat sont très proches des mines. Celui de Bugnas est à moins de 2 km de celles des Atiels, du Goutil et de l’ensemble d’Hautech/La Tuilerie. Celui de Nescus, un peu en retrait sur la vallée de l’Arize, se trouve malgré cela toujours à moins de 2 km de la mine de Lagarde, accessible par un petit col. Le type de relation ayant existé entre ces différents habitats demeure cependant indéterminé. La chronologie du mobilier de Nescus, plutôt centrée sur la première moitié du Ier siècle, et celle de Bugnas, qui est plus avancée, pourrait faire penser à un basculement entre les deux sites autour du milieu du Ier siècle. Les données sont cependant fragiles pour assurer cette hypothèse.
On signalera également que les indices d’habitats des sites des Atiels, d’Hautech et de Berni sont associés à des ateliers de traitement des cuivres gris, datés de la seconde moitié du Ier siècle au Atiels, de la période augustéenne à Sourre et de la seconde moitié du Ier siècle avec la possibilité d’un démarrage un peu plus tôt à Berni (fig. 169). Cela semble constituer des petites unités autonomes sur toute la chaîne opératoire de production de la mine au métal brut, avec un habitat associé. Une configuration similaire pourrait être proposée au Goutil, où le mobilier est abondant et des scories isolées ont été identifiées, ainsi que sur le site de La Calotte, où des scories isolées dans une couche cendreuse étaient associées à un lot de tessons d’amphores, dont la majorité se rattachent à la seconde moitié du Ier siècle av. n. è. (fig. 169). Les chronologies de fonctionnement de ces unités sont peu précises. Le décalage qui semble apparaître à Hautech, avec la datation augustéenne de l’atelier de Sourre, est à considérer avec prudence car le mobilier provenant des mines couvre un intervalle bien plus précoce. Le fonctionnement de ces unités pourrait donc être concomitant.
Cet ensemble illustre le potentiel de recherche qui existe encore dans ce district minier et la nécessité d’affiner les chronologies pour mieux comprendre l’organisation de l’exploitation. Des fouilles sur les habitats permettraient peut-être d’identifier des niveaux des IVe ou IIIe siècles. Préciser les dates d’abandon des sites permettrait également de réfléchir à l’évolution du secteur après l’arrêt de l’exploitation minière à l’époque augustéenne.
Notes
- C. Dubois propose que les fosses puissent être en relation avec de l’extraction d’argile (Dubois & Métailié 1992, 75).
- L’inventaire détaillé du mobilier n’est pas fourni, ni les NMI par catégories. Les amphores recueillies occupent trois quarts de m3 et la céramique commune regroupe 128 tessons, correspondant à des vases tournés et non-tournés, à cuisson réductrice ou oxydante (jattes et pots principalement). Trois tessons de campanienne A (panses) ont été recueillis (Dubois & Métailié 1992, 73-75).