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Écoles et maîtres d’école en Bazadais au XIXe siècle

À propos de :
Marquette, J. B. (1962-1963) : “L’enseignement primaire en Bazadais sous la Restauration et l’enquête secrète de 1828”,
Les Cahiers du Bazadais, 2, avril 1962, 19-32 ;
Les Cahiers du Bazadais, 3, septembre 1962, 9-13 ;
Les Cahiers du Bazadais, 4, avril 1963, 26-29 ;
Les Cahiers du Bazadais, 5, septembre 1963, 24-35.

Lorsque parut en 1962 et 1963, en quatre livraisons, cet article, Les Cahiers du Bazadais, dont le premier numéro avait été publié en septembre 1961, étaient une toute jeune revue, et Jean Bernard Marquette, qui en était le principal contributeur, un jeune chercheur.

En ce début des années 1960, l’histoire de l’enseignement primaire était déjà un chemin bien balisé. Quelques années plus tôt, en 1959, Maurice Gontard avait publié, aux Belles Lettres, un ouvrage majeur, et qui, aujourd’hui, le demeure : L’Enseignement primaire en France de la Révolution à la loi Guizot. Pour ce qui concerne le Bazadais, il existait une référence ancienne, le livre d’E. Rotgès, inspecteur primaire en Gironde à la fin du XIXe siècle, Histoire de l’enseignement primaire dans l’arrondissement de Bazas du seizième siècle à nos jours, paru en 1893, et, qu’au demeurant, Jean Bernard Marquette cite dès les premières lignes de son article.

Pour écrire celui-ci, Jean Bernard Marquette a été l’inventeur de sources nouvelles découvertes dans les fonds d’archives de l’archevêché de Bordeaux. Sans doute aujourd’hui dispose-t-on d’une documentation plus abondante, les papiers des archives départementales de la Gironde (série T, Enseignement) dont un état des écoles primaires à diverses dates pour la période sur laquelle Jean Bernard Marquette s’est arrêté.

Son article montre le rôle majeur joué par le clergé dans la réorganisation de l’enseignement primaire au lendemain de la chute de Napoléon Ier, le texte essentiel étant ici l’ordonnance royale du 29 février 1816. Certes cette ordonnance mettait l’enseignement primaire sous le contrôle de “l’Université”, c’est-à-dire de l’État, mais elle faisait aussi une place au clergé dans son administration. En effet, à l’échelon local, le curé était, avec le maire, l’un des deux surveillants particuliers de l’école ; en outre, le curé du chef-lieu de canton présidait le comité cantonal tandis que l’évêque se voyait reconnaître un rôle d’inspection. Quant aux candidats à la fonction d’instituteur, il leur fallait se présenter devant le recteur d’académie munis de certificats de bonne vie et mœurs du curé et du maire de leur résidence. Le recteur leur remettait alors, s’ils les jugeaient aptes à enseigner, un brevet de capacité qui comportait trois degrés ; le troisième degré, le plus répandu, permettait d’enseigner à lire, écrire et compter. Pour enseigner en un lieu donné, les instituteurs devaient être munis d’une autorisation rectorale. Cet entre-deux qui plaçait l’instituteur entre l’État et l’Église ne fut pas sans créer des tensions aux seins des comités cantonaux, prémices d’une bataille scolaire qui a parcouru tout le XIXe siècle et au-delà. Au sein des comités cantonaux, certains curés avaient tendance à ignorer l’administration universitaire et s’abstenaient d’exécuter l’ordonnance. De même, les frères des écoles chrétiennes refusèrent de demander l’autorisation nécessaire pour ouvrir une école ainsi que les brevets de capacité prévus par l’ordonnance. 

Une nouvelle ordonnance prise le 8 avril 1824, au moment de la réaction ultra royaliste, fit pencher la balance du côté de l’Église : elle imposait aux instituteurs un certificat d’instruction religieuse ; l’autorisation d’enseigner devait être délivrée par l’évêque (qui pouvait la retirer) ou par un comité à prépondérance ecclésiastique. Le brevet d’enseigner était toujours exigé, mais dans le cas des frères des écoles chrétiennes, le recteur le leur attribuait à la simple vue de la lettre d’obédience de leur Supérieur. Mais avec le succès électoral des libéraux et la formation du ministère Martignac, en 1828, on en revint à la tradition “universitaire”. Le régime de 1824 fut supprimé et l’enseignement primaire replacé sous l’autorité de l’État en vertu d’une ordonnance du 21 avril 1828. Étaient créés des comités d’arrondissement en lieu et place des comités cantonaux ; cependant,  par souci de conciliation, on accorda au clergé une place plus grande dans ces nouveaux comités qu’il n’en avait dans les anciens. Tout ceci, Jean Bernard Marquette l’évoque avec même beaucoup plus de précisions que nous n’en donnons ici. 

Il fixait ainsi le cadre dans lequel trouve place le document majeur qui est au cœur de son étude, à savoir, pour le Bazadais, les résultats de l’enquête sur la situation de l’enseignement primaire en France, lancée par le ministère en vertu d’une circulaire de décembre 1827 que relaya Monseigneur de Cheverus, archevêque de Bordeaux, auprès des curés de son diocèse. Jean Bernard Marquette en restitue le contenu, de façon détaillée, canton par canton, commune par commune. 

L’enquête montre que le réseau scolaire demeurait encore très clairsemé avec  soixante-dix d’instituteurs seulement et guère plus de mille deux-cents élèves au total. Le nombre des élèves n’était pas en rapport avec l’effectif de la population ; beaucoup de familles, pauvres, ne pouvaient se permettre de mettre leurs enfants à l’école ; d’autres ne voyaient pas dans l’apprentissage scolaire un enjeu. Bazas, qui comptait quatre instituteurs dont deux frères des écoles chrétiennes, et Langon, avec trois instituteurs sortaient du lot. Mais sans doute, à côté des instituteurs recensés par l’enquête, en existait-il d’autres non répertoriés qui enseignaient hors des cadres de l’autorisation et du brevet de capacités. Certaines écoles mêlaient filles et garçons comme, par exemple, à Castets-en-Dorthe. Les institutrices sont les grandes absentes du document. Il y en avait néanmoins : à preuve, en janvier 1828, l’instituteur de Brannens fut mis en demeure de ne pas recevoir les jeunes filles parce que, d’une part, c’était contrevenir aux règlements les plus formels, et parce que, d’autre part, c’était porter préjudice à l’institutrice, légalement autorisée, établie dans la même commune. L’oubli des institutrices par l’enquête signe le peu d’intérêt qui était alors porté à la scolarisation des filles. 

Dans la lettre circulaire qu’il avait envoyée aux curés de son diocèse, l’archevêque de Bordeaux disait attendre de ces derniers une foule de renseignements sur les instituteurs locaux : leur âge, leur titre, leur opinion religieuse, leur adhésion aux principes monarchiques, leur conduite, leurs moyens d’enseignement, leur notoriété, etc. 

La réponse des curés montre que ces maîtres n’étaient pas en-dessous de leur devoir dans l’ensemble, même si tous n’étaient pas brevetés. Sur la question des origines sociales et de l’âge des instituteurs, le document apporte peu ; il est trop lacunaire. En revanche, il éclaire un aspect de l’origine géographique des maîtres d’école du Bazadais à ce moment-là. Jean Bernard Marquette signale, en effet, la présence “d’instituteurs itinérants originaires de Béarn et Bigorre”. On fera observer ici que tous les instituteurs étaient plus ou moins itinérants. La plupart étaient cependant du cru ou originaires d’un horizon proche. Ceux natifs du piémont pyrénéen venaient de loin. Ajoutons que, jusque sous la Monarchie de Juillet, le Béarn, qui, dès le XVIIIe siècle, se singularisait par un niveau d’alphabétisation élevé, a fourni quantité d’instituteurs aux régions qui lui étaient voisines. Par exemple, sur la douzaine d’instituteurs recensés en 1815 dans le canton girondin de Créon, si peu éloigné du Bazadais, figurait un béarnais. Les Béarnais étaient plus nombreux encore dans les cantons déshérités de la lande girondine. Dans le canton de Belin, il n’y avait d’école, à cette même date de 1815, qu’au chef-lieu et à Salles : toutes les deux étaient tenues par un instituteur d’origine béarnaise.  Dès la fin de l’Ancien Régime, les régents béarnais était très nombreux dans ce qui devait devenir les Landes. Les visites pastorales des évêques d’Aire et de Dax ne disent pas autre chose pour le milieu du XVIIIe siècle : le nombre des instituteurs de souche étant insuffisant, il fallait faire venir les maîtres de l’extérieur et spécialement de la région pyrénéenne. Un siècle plus tard, les registres matricules des instituteurs landais pour les années 1833-1849 montrent encore que sur 1 024 instituteurs landais, 307 étaient nés dans le département des Basses-Pyrénées ; les instituteurs originaires de celui-ci, (en fait, du Béarn), représentaient alors plus de 45 % des maîtres des cantons d’Aire, Grenade, Villeneuve, Roquefort, Gabarret, soit peu ou prou la route menant de Pau à Bazas. Ils étaient même majoritaires (55 %) dans le canton de Gabarret. Or, tout ce secteur, jusqu’au sud de la Gironde, figurait dans la zone de transhumance des troupeaux descendus des Pyrénées ; les instituteurs béarnais, brevetés à Pau, avaient suivi le même chemin, le long d’un espace qui rappelle celui que dominaient les Foix-Béarn au milieu du XIVe siècle.

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EAN html : 9782356136541
ISBN html : 978-2-35613-654-1
ISBN pdf : 978-2-35613-655-8
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
3 p.
Code CLIL : 3385
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Comment citer

Jourdan, Jean-Paul, “Écoles et maîtres d’école en Bazadais au XIXe siècle », in : Boutoulle, F., éd., Jean Bernard Marquette, historien de la Haute Lande, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, vol. 3, 2025, [en ligne] https://una-editions.fr/marquette-ecoles-et-maitres-d-ecole-en-bazadais-au-19e-siecle [consulté le 15/11/2025].
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