Le site dans l’Antiquité (Ier-Ve s.)
État 1 : Première moitié du Ier s. p.C.
Bien qu’extrêmement ténus et lacunaires, les premiers vestiges d’occupation sont précieux, car ils procurent des informations chronologiques majeures sur l’histoire du site et plus globalement sur l’histoire de la ville haute à une époque pour laquelle peu de données avaient été recueillies jusqu’à présent. On perçoit ainsi comment le site fut modelé par la création d’un système de terrasses.
Création de murs de terrasses
En effet, au début du Ier s. p.C., la volonté d’occuper le sommet d’une colline, au pendage naturel assez rude, nécessita l’aménagement de murs de terrasses disposés en échelons (fig. 132). Destinés à structurer l’espace et à faciliter l’occupation, la présomption de leur présence qui reposait sur l’observation de fortes amplitudes dans les niveaux de l’argile géologique, s’est muée en assurance avec la découverte des vestiges de l’un de ces murs (Mur 2105) immédiatement sous la paroi occidentale de la galerie ouest du cloître (Mur 1264) qui, à l’époque carolingienne puis au XIe s., l’a remplacé (fig. 69). De cette structure romaine, il ne subsiste que le radier avec des négatifs de pierres noyées dans du mortier beige-rosé, observé au fond de la tranchée du IXe s. (US 1776) qui recevait le mur carolingien (Mur 1264). D’orientation nord-sud, il est parallèle à une voie antique hypothétique (fig. 132, 147.E) que l’on restitue immédiatement à l’ouest du complexe épiscopal primitif (Labaune 2003-2004a), ainsi qu’à un caniveau daté de l’Antiquité tardive (fig. 51) trouvé dans la cave du n° 7 place du Terreau (Rebourg 1993a, 40, fig. 68), perpendiculairement à un égout gallo-romain situé plus au nord (Rebourg 1998, 187 ; Chardron-Picault 1997, 24-27 ; Boreau 2009, 41-43). La fonction de soutènement de ce mur est évidente puisqu’il épaule un niveau d’argile géologique surplombant de plus de 4,30 m une surface de nature semblable jouxtant à l’est cette même paroi.
Au nord, le mur de terrasse identifié (Mur 2105) devait accuser un retour orienté vers l’ouest (fig. 132), car le sol géologique rencontré à l’ouest de cette paroi domine de plus de 3 m le même niveau situé au nord, au sein de la structure identifiée comme l’atrium de l’époque mérovingienne sur lequel on reviendra. La présence de l’argile géologique à un niveau élevé à l’emplacement du chœur de Saint-Lazare ainsi qu’à l’ouest de son chevet, comme l’ont révélé plusieurs opérations archéologiques (Berry et al. 1991, 35-36 ; Labaune & Gadéa 2004, 26-27), semble confirmer le prolongement du mur de terrasse selon un axe est-ouest, avec peut-être un autre retour vers le sud que l’on peut déduire d’observations récentes (Labaune & Gadéa 2004, 26-27 ; Labaune 2003-2004b). Cette structuration de l’espace se conforme aux courbes de niveaux (fig. 5), même si ces dernières relèvent probablement en partie d’actions anthropiques (Rebourg 1993a ; fig. 4).
Au sud, d’importantes différences de niveau entre les espaces situés au nord et au sud du bâtiment sud (fig. 97) laissent envisager le retour de ce mur antique vers l’est. Toutefois la fouille pratiquée au pied de la paroi nord de cette construction n’a pas permis d’en retrouver la trace. Il prenait peut-être place plus au sud, mais en l’absence d’interventions archéologiques dans les caves de cet édifice, cela demeure conjectural. On peut par ailleurs proposer l’existence d’un mur de terrasse intermédiaire, orienté nord-sud, dans la zone orientale du futur préau du cloître (fig. 132.E) suggéré par l’observation d’un dénivelé de près d’un mètre sur un axe est-ouest (360.60 NGF à l’est ; 361.50 NGF à l’ouest). Ainsi, à l’est de cette supposée paroi les niveaux antiques et du Haut Moyen Âge ont été reconnus, alors qu’à l’ouest ils sont pratiquement inexistants. Mais cette différence devait être encore plus marquée avant le décaissement de la zone orientale du site intervenu à l’époque carolingienne pour la création du cloître.
Le site accusant primitivement un pendage important fut donc totalement remodelé par la mise en place de murs de terrasses. Ce phénomène d’étagement en terrasses a été observé ponctuellement dans d’autres parties de la ville à l’échelle d’îlots d’habitation ou d’artisanat (Rebourg 1998, 163 ; Chardron-Picault & Pernot 1999, 32-41, fig. 22). Aussi Alain Rebourg a-t-il souligné à juste titre que dans l’Antiquité “la ville tout entière s’étageait en gradins” (Rebourg 1998, 180). Toutefois, les murs disposés sur la zone surélevée du plateau méridional suivaient apparemment un tracé complexe dont surent tirer parti les constructeurs du Moyen Âge. L’abbé Jean Berthollet avait d’ailleurs déjà noté la présence dans la ville haute de “gradins” qui selon lui “communiquaient par des ‘escaliers’” et qui étaient “en moyen appareil faits de blocs de granit ou de grès” (Berthollet 1950-1951, 175-176).
Silo
Au nord-ouest du mur de terrasse occidental dont le radier de fondation a été retrouvé en fouille (US 2105), le dégagement d’une fosse dépotoir antique (US 757) a révélé la présence d’un modeste silo de forme circulaire, particulièrement bien conservé (US 755 ; fig. 35, 53). On ne sait à quel type d’occupation il faut rattacher ce silo isolé (une activité domestique située au nord, sous la future nef de la cathédrale Saint-Nazaire ?) et sa relation avec la fosse n’est pas complètement claire, mais en l’absence de vestiges d’artisanat, il semble que ces deux entités étaient antérieures aux activés métallurgiques qui s’installent par la suite. La céramique résiduelle suggère une poursuite de cette occupation jusqu’à la fin du Ier s. p.C., date après laquelle la quantité de céramique régresse de manière significative. On suspecte donc un chevauchement avec l’activité artisanale pendant un certain temps.
Éléments de datation et d’interprétation
Outre un dépôt de matières organiques, le remplissage du silo (US 755) comprenait du mobilier homogène daté du règne de Tibère (Simon 2005, 67-68), tandis que le contenu (US 751, puis 750) de la fosse (US 757) peut être situé dans la période Tibère-Claude. Ce matériel fournit un terminus ante quem assuré pour la création de la terrasse à l’ouest. C’est donc à cette époque assez haute de la seconde ou troisième décennie du Ier s. p.C., que l’on peut faire remonter ces éléments qui correspondent aux plus anciens vestiges d’occupation du site étudié.
État 2 : Deuxième moitié du Ier s.-deuxième moitié du IIe s.
Activités artisanales
Le site a livré une grande quantité de creusets de cémentation très fragmentés, destinés à la fabrication du laiton, ainsi que des scories de bronze et de fer. En position primaire ou plus probablement secondaire, car ces dernières, débris de coulées intervenant dans le processus de réduction du minerai, ont subi un concassage étonnamment méthodique, témoignant de la présence d’activités métallurgiques assez lourdes sur le site ou dans ses environs immédiats.
Dans le tiers occidental de l’espace fouillé, les traces de ces activités se résument à des épandages de terres cendreuses ou charbonneuses mêlées à de l’argile, recoupés par des structures plus récentes. Dans la zone orientale (notamment le bâtiment oriental), des vestiges un peu plus parlants ont pu être observés, notamment des surfaces cendreuses avec recharges, assimilables à des niveaux de travail, mais ces éléments ont été extrêmement perturbés par des fosses postérieures. De même, sous les silos mérovingiens rencontrés dans le futur emplacement de la galerie sud du cloître, des couches charbonneuses doivent vraisemblablement être liées à cette activité.
Par ailleurs, des fours ont peut-être été rencontrés. Le premier prenait place à l’est du site, dans la future galerie est, au nord d’un sol qu’il a perturbé (US 2090), mais seule une partie a été fouillée, ce qui ne facilite pas l’interprétation (fig. 36). De forme visiblement incurvée, cette structure était remplie de terre noire charbonneuse et cendreuse (US 2089). Son exploration très limitée et le fait qu’elle ait été creusée au nord par une tranchée qui semble associée à la réalisation d’un mur (Mur 2118) ainsi que, au sud, par une fosse (US 2113 avec remplissage 2092B), rendent difficiles la reconnaissance de sa disposition globale et de sa véritable fonction. La concentration de déchets de verre au sein de cette structure et dans ses environs immédiats plaiderait toutefois pour son assimilation à un four de verriers.
À l’ouest du futur préau, une fosse que l’on peut tenir hypothétiquement pour un autre four (US 1054) a été identifiée, bien que très dérangée (fig. 35). Sa création non loin du silo et de la fosse dépotoir de Tibère-Claude évoqués plus haut (US 755 et 757), semble procurer un précieux terminus post quem pour ces activités manufacturières. Ces vestiges doivent probablement être associés à des surfaces extrêmement charbonneuses (US 1212A et B) rencontrées à l’ouest du mur de terrasse observé (Mur 2105), directement sur l’argile géologique (fig. 68).
À l’emplacement de la future galerie sud, au moins deux fosses supplémentaires, parmi d’autres visiblement plus récentes, peuvent être attribuées à cette phase d’artisanat antique (US 703 et 704). Elles comportaient un mélange de terre noire organique et de pierres. Le seul mobilier diagnostic reconnu est un fragment de creuset gallo-romain. L’une des fosses (US 704) présentait la particularité d’être scellée par une chape de terre damée. Mais des réserves sur la datation sont toujours de mises en raison de l’ample décaissement carolingien ayant touché cette partie du site.
De 1988 à 1992, la fouille des “terres noires” rencontrées au centre du préau (fig. 39, 86) a mis en évidence la présence d’une imposante dépression, vestige probable d’un grand four, apparemment circulaire ou ovale, dont le négatif partiellement conservé avoisine les 3 à 4 m de diamètre. Cette dépression a été creusée dans l’argile naturelle (US 767) qui, là où elle était préservée, était très fortement rubéfiée, particulièrement du côté occidental, au-dessous d’une fondation médiévale (US 731). Les débris qui composaient le remplissage (US 7601 et 2 et 1054) comportaient des pierres, de l’argile et du mortier brûlés, mêlés à des fragments d’amphores ainsi que des céramiques des Ier et IIe s. Le tassement de ce remplissage semble à l’origine de l’accumulation des “terres noires” à cet endroit depuis le IVe s.
Vestiges d’un sol
Si aucun élément appartenant à un bâtiment n’a été catégoriquement reconnu pour cette époque, on doit toutefois mentionner, dans la zone de la future galerie orientale, la présence d’un radier de sol (US 2090) dont l’extrémité septentrionale a été sectionnée à la fois par la tranchée de construction d’un mur (Mur 2118) et par l’hypothétique four de verrier (US 2089), qui lui seraient donc quelque peu antérieurs (fig. 36, 37). L’altitude de cette surface (361 NGF) correspond à celle des niveaux cendreux rencontrés plus à l’est, dans le bâtiment oriental. Ainsi, ce vestige de sol semble ainsi bien appartenir au complexe artisanal.
Éléments de datation et d’interprétation
Pour cette phase antique, il est effectivement possible d’évoquer un véritablement complexe artisanal, tant sont nombreux les indices d’activités manufacturières au sein du site étudié et de ses alentours. Ainsi, plus à l’ouest, à l’emplacement du chœur de la cathédrale Saint-Lazare, une fouille réalisée en 1991 a montré la présence d’un bâtiment associé à un four de bronzier (Berry et al. 1991, 35-36) qui devait s’étendre à l’ouest et au sud puisque dans les jardins attenants à ce chevet des niveaux cendreux et charbonneux finement stratifiés ont été identifiés, de même qu’un petit foyer (Labaune & Gadéa 2004, 16 ; Balcon-Berry & Berry 2006, 7, 16). Des observations archéologiques réalisées ponctuellement à l’occasion du suivi de travaux effectués dans les jardins de l’évêché situé à l’est du site ont permis de mettre en évidence la présence de nombreux fragments de creusets de cémentation qui ont également été rencontrés en contrebas, dans la cour de l’école Bouteiller (Labaune 2007-2008 ; Labaune & Tisserand 2008, 19). Il serait intéressant de fouiller ces jardins, mais aussi de poursuivre l’exploration des éléments découverts, mais non fouillés, dans la zone orientale de la cour du Chapitre. Cela permettrait d’affiner notre connaissance de l’artisanat antique à Autun, objet de préoccupations récentes (Chardron-Picault 2004 ; Chardron-Picault 2007 ; Chardron-Picault 2009).
Chronologiquement, cette occupation artisanale serait postérieure au milieu du Ier s. et se poursuivrait au moins jusqu’au milieu du IIe s. Dans la seconde moitié du IIe s., s’amorce en effet un changement radical ; le site prend un tout autre visage.
États 3a et 3b : Seconde moitié du IIe s.-début Ve s.
Le IIIe s. marque en effet un changement majeur dans la fonction de l’espace étudié à la suite de l’abandon des activités manufacturières, probablement vers le milieu du IIe s., et en raison de l’installation d’une vaste demeure dont on peut suivre les transformations, notamment la restructuration massive au IVe s. Les vestiges de cette période rendent compte de phases d’occupation extrêmement importantes pour l’histoire globale du site puisqu’elles correspondent vraisemblablement aux premières installations chrétiennes intra-muros au cours du IVe s., mais aussi en raison de l’incidence qu’elles auront sur le développement futur du site. En effet, c’est peut-être dans cette demeure de la fin du IIIe s., restructurée au siècle suivant en raison d’un incendie, qu’a pris place la domus ecclesiae, résidence primitive de l’évêque et des clercs (Balcon-Berry & Berry 2012). Par ailleurs, cette bâtisse comportait peut-être un espace dévolu au culte avant la construction d’une première église, immédiatement au nord, église qui portera au VIe s., le vocable de Saint-Nazaire, à la suite de la translation des reliques du saint milanais.
Construction d’une grande demeure dans la zone orientale du site
Notre vision de la demeure du IIIe s. est assez restreinte, mais il a notamment été possible d’identifier une salle bordée d’une cour et d’autres espaces attenants (fig. 133). Cette salle de vastes proportions (plus de 8 m x 6 m reconnus) était limitée au sud par un mur orienté est-ouest (Mur 1466) de 0,60 m de largeur, constitué de moellons de granite liés par du mortier de couleur rouille (fig. 38, 42). Si sa partie orientale a été fortement perturbée par des activités de construction, notamment au XIIIe s. (elle est apparue sous le Mur 1420), sa moitié occidentale était beaucoup mieux conservée puisqu’une assise de l’élévation a été reconnue. À l’ouest (fig. 36), un mur composé de granite et de mortier ocre sur radier de pierres sèches (Murs 2057 et 781) venait certainement le rejoindre de façon perpendiculaire (fig. 41).
Une autre maçonnerie en granite (US 840), mais très fragmentaire, a été reconnue plus à l’ouest (fig. 36, 39). Quelques moellons dessinant un mur orienté est-ouest ont été observés, ainsi qu’un retour au nord-ouest, voire plus au sud, qui reste toutefois hypothétique en raison de la récupération des pierres (US 848). Cette dernière paroi, probable limite occidentale de la maison, se confondrait aussi avec l’hypothétique mur de terrasse du Ier s. évoqué plus haut (fig. 133.C, 132.E), surtout si l’on envisage sa poursuite vers le sud. Aucune trace de dallage n’a été rencontrée, mais la zone explorée était très perturbée.
En revanche, au nord-ouest (fig. 39, 133.F), un espace couvert de dalles (US 813 ; surface à 361 NGF) posées directement sur l’argile géologique (US 2058) et correspondant vraisemblablement à une cour, a été mis au jour. Cette cour surplombait d’une vingtaine de de centimètres le sol de la salle étudiée (vers 360.65 NGF).
Ce sol constitué d’argile (US 773) présente, à l’instar des parois intérieures des murs, des traces de rubéfaction absentes des aménagements postérieurs, aussi envisage-t-on l’hypothèse d’un incendie ayant entraîné la reconstruction de cette salle, et plus globalement de la demeure du IIIe s. (fig. 40). L’élévation probablement en pisé ou en torchis sur solin de pierre, comme ce sera le cas plus tard, aurait d’autant plus facilité l’emprise du feu. La simplicité du sol associé à cette première salle invite à penser que le lieu avait une fonction assez modeste, peut-être une annexe d’un édifice plus complexe. Aucune trace ligneuse ne permet d’envisager l’existence d’un plancher.
Au sud du Mur 1466 (fig. 38, 133.E), une maçonnerie extrêmement lacunaire (Mur 2118), mais postérieure aux fours du Haut-Empire, car sa tranchée aurait apparemment creusé le remblai de l’un d’entre eux, peut être liée à cette phase. Cet élément dont il ne subsiste que d’infimes parties possède un liant comparable à celui des autres murs attribués à la demeure (Murs 2057, 1466 et 781). D’autre part, il repose sur un radier composé de pierres sèches, à l’instar de ce que l’on a pu observer pour le Mur 2057. Aucune trace de rubéfaction n’a été décelée, ce qui tient peut-être à l’état très fragmentaire de la structure. Visiblement orientée est-ouest, elle était ainsi parallèle au Mur 1466, ce qui conduit à envisager entre ces deux parois l’existence d’un couloir qui, fait intéressant à noter, sera plus tard traversé par une canalison. Un dernier élément qui a pu appartenir à cet ensemble consiste en un sol en opus signinum trouvé 25 m au nord-est au-dessous de l’absidiole du nord de la cathédrale. Il est intéressant de noter que ce sol remontant probablement au IIe ou au IIIe s., semble avoir été établi directement sur l’argile naturelle ; aucune trace d’activité antérieure n’a été décelée à cet endroit.
Éléments de datation
Les éléments de datation, en particulier la céramique, pour l’établissement de cette demeure et sa première phase d’occupation se situent entre la seconde moitié du IIe s. et le dernier tiers du IIIe s.
Reprise du bâtiment et création supposée de la domus ecclesiae
Cette habitation du IIIe s. a subi plusieurs transformations dont la plus ancienne, datée dans le courant du IVe s., fait suite à l’incendie précédemment mentionné (fig. 134). À cette époque, un mur est vraisemblablement élevé à l’emplacement de la paroi orientale de la future galerie est, mur détruit par la suite. On en veut pour preuve la différence dans le type de sol rencontré de part et d’autre de cette supposée paroi. En effet, à l’ouest un sol carrelé a été mis au jour (US 831 à 360.77 NGF) au-dessus d’une préparation constituée d’argile, sol totalement absent à l’est (fig. 41). Cette surface était limitée à l’ouest par un mur établi précédemment (Mur 781 correspondant à la suite du Mur 2057) et maintenu. Un revêtement composé d’argile blanche tapissait la paroi intérieure de cette maçonnerie, contre lequel les carreaux venaient s’appuyer. Vu le niveau de destruction postérieur, il est vraisemblable, comme on l’a déjà noté, que ce mur occidental constituait en fait un solin de pierre qui portait une élévation en torchis ou pisé, à l’instar de ce qui devait exister antérieurement. Le sol carrelé conservé sur une longueur de 3,50 m, devait ainsi tapisser un espace étroit, d’au moins 1,30 m de large, c’est-à-dire un couloir.
À l’est, le sol découvert est de tout autre nature (US 1268), car composé de mortier de tuileau de très belle facture, en grande partie conservé (fig. 38, 42). Ses dimensions exceptionnelles à Autun, dans le cadre d’une architecture domestique, (c’est-à-dire au moins 6,50 m x 6 m) sont à souligner. Au sud, il était limité par le Mur 1466 appartenant à la phase antérieure, mais maintenu. Ses limites septentrionale et orientale n’ont pas été atteintes (fig. 38). Ce sol ayant été entaillé dans le sens nord-sud par une tranchée de récupération gothique, il était aisé de voir sa composition : il repose sur un mince radier composé d’éclats de granite couvrant le niveau d’argile en partie brûlé par l’incendie précédemment mentionné, cette fondation insuffisante pouvant expliquer le pendage ouest-est nettement accusé de ce sol de terrazzo. Ceci confirme bien sa postériorité par rapport au Mur 1466, d’autant plus que, comme on a pu l’observer, son radier vient nettement buter contre le côté nord, et rubéfié, de la maçonnerie.
Compte tenu des informations disponibles, on peut donc proposer l’hypothèse selon laquelle à l’ouest la salle au terrazzo était bordée d’un couloir d’au moins 1,30 m de large, doté d’un sol carrelé (US 831) reposant sur une préparation constituée d’argile blanche qui couvrait aussi la base du mur occidental (Mur 781-2057). Cette argile était peut-être destinée à protéger le couloir de l’humidité, d’autant plus que, dans cette deuxième phase, le niveau de sol est maintenu plus bas qu’à l’ouest. Il a de plus été possible d’identifier une reprise du parement originel du mur occidental (Mur 781-2057) composée d’arases de tuiles plates, ou de carreaux, liés par de l’argile blanche (US 2077). Au nord-ouest, la cour dallée déjà évoquée (US 813), qui longeait une partie de ce couloir, a visiblement été maintenue. Quatre négatifs de poteaux (notamment US 815) de taille assez modeste (environ 0,10 m de diamètre), difficiles à dater, ont été repérés entre le côté occidental (Mur 781) et le sol dallé (US 813 ; fig. 36). Il pourrait s’agir de vestiges d’une porte qui donnait sur la cour (fig. 133).
Les données sont beaucoup trop lacunaires pour avoir des informations précises, mais il semble qu’au sud du Mur 1466 ainsi que plus à l’ouest, aucun changement majeur n’ait été opéré.
Interprétation et éléments de datation
La datation de la réfection de la demeure du IIIe s. consécutive à un incendie se situe au cours du dernier quart du IIIe ou dans la première moitié du IVe s., comme tendrait à le prouver une monnaie de cette époque trouvée au fond de la tranchée de récupération du Mur 1466 ainsi que du mobilier céramique1. Les dimensions imposantes de la salle agrémentée dans un second temps d’un sol en mortier de tuileau, de même que la facture soignée de ce dernier, permettent de penser que ce bâtiment d’envergure, doté d’au moins un portique donnant sur une cour dallée, correspondait à la domus ecclesiae mentionnée par Venance Fortunat (Carmina, I, 5-6). Résidence de l’évêque et des clercs (Balcon-Berry & Berry 2012), elle devait comporter une salle de réception, voire même dans un premier temps un espace de culte, qui permettraient de justifier l’existence d’une ample salle à sol en terrazzo (Bonnet 2012b). L’ampleur du bâtiment, ses multiples transformations et son maintien sur la longue durée pourraient appuyer cette hypothèse, de même que son emplacement au sud de Saint-Nazaire qui lui est probablement quelque peu postérieure. Par ailleurs, de nombreux fragments d’opus sectile, parfois retaillés, car remployés, et des vestiges de mosaïques découverts dans des remblais de récupération datés des phases gothiques, localisés dans le futur bâtiment oriental du cloître, conduisent à penser que certaines parties de la demeure qualifiée de domus ecclesiae devaient être plus luxueusement dotées.
Des vestiges appartenant probablement au même édifice ont été retrouvés plus à l’est, à l’emplacement des actuels jardins du palais épiscopal (Balcon-Berry & Berry 2012). Il s’agit de découvertes remontant au XIXe s. faisant état de la présence d’autres sols en mortier de tuileau associés à des maçonneries comportant des blocs de remplois, mais aussi des colonnes avec chapiteaux2. L’angle d’un bâtiment a de même été observé ainsi que des traces d’incendie. Ces découvertes fortuites montrent l’extension et la densité de l’occupation, comparables à ce qui a pu être observé à Genève (Bonnet 2012b) ou Valence (Gabayet 2009) à proximité de la cathédrale, mais ne permettent pas d’étayer la datation. La surveillance de travaux de canalisation récemment effectués dans ces mêmes jardins a confirmé cette densité, mais aussi les fortes perturbations subies par le terrain vraisemblablement au XVIIIe s. lors de la reconstruction de l’aile septentrionale de l’évêché, avec de nombreuses récupérations de maçonneries – parmi lesquelles on peut noter celle des absides de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte – et au moins un ample décaissement qui explique le hiatus important constaté dans la chronologie relative établie (Labaune & Tisserand 2008).
Cet ensemble de bâtiments interprétés comme appartenant à la domus ecclesiae se serait développé à l’abri de l’enceinte réduite récemment étudiée (Balcon-Berry 2011b). En l’absence d’investigations raisonnées, cette dernière ne peut encore être datée précisément, mais des observations réalisées en 2008 dans les jardins de l’évêché tendent à montrer qu’elle est bien postérieure aux niveaux du Haut-Empire, ces derniers ayant été fortement perturbés lors de sa mise en place. De plus, des fragments de grands chapiteaux en marbre découverts au XIXe s. dans les fondations de cette muraille proviendraient du démantèlement d’un édifice du Haut-Empire intervenu dans le courant du IVe s. Cette datation semble se confirmer à la lecture du texte d’Ammien Marcellin sur l’attaque des Alamans par Julien, qui précise que l’enceinte de la ville était vaste mais en mauvais état3. La création de l’enceinte réduite serait ainsi postérieure à 356, date de rédaction de ce texte. Cette fortification était composée d’un petit appareil réglé surmontant une semelle constituée d’un grand appareil de remplois antiques. Barrant au nord la ville haute, elle comprenait deux tronçons se rejoignant presque à angle droit et était égrenée de quatre tours polygonales (fig. 7). L’une d’elles a été reconnue à la fin du XIXe s. dans les jardins de l’évêché, tandis que dans les caves nord de ce même bâtiment, un arrachement d’une tour comparable a été observé récemment. Les murs de courtines composent l’épine dorsale de la résidence épiscopale qui est venue prendre appui contre les élévations de l’enceinte réduite. Deux autres tours polygonales ont été identifiées sur le tronçon nord-ouest. Une porte – la Porte des Bancs – permettait d’accéder à la ville haute, de même que probablement une, voire deux poternes, sur le tronçon nord-est.
Le cas de figure d’Autun serait ainsi comparable à celui des groupes épiscopaux de Genève, Lyon ou Grenoble où l’on a pu montrer le développement de premiers bâtiments dévolus à l’Église non loin des murs d’une enceinte élevée au cours des IIIe-IVe s.
Le site à l’époque mérovingienne (Ve s.-Ière moitié du VIIIe s.)
État 4 : Ve s.
Première restructuration de la supposée domus ecclesiae
Au cours de la phase suivante (État 4), le couloir occidental de la demeure est dallé une seconde fois (fig. 135), comme le montrent les vestiges d’un autre niveau de carreaux identifié au nord dans un espace très limité (US 784). Les carreaux en place (fig. 36, 41) reposaient sur un mince niveau d’argile jaunâtre (US 784A et B) surplombant le premier sol carrelé (fig. 40). Plus au sud, seul le niveau de préparation pour ce sol (US 2104 à 360.80 NGF) sur lequel ont été décelées des empreintes de carreaux, a été mis au jour (US 2076). Il venait buter contre le parement (US 2077) composé de tuiles plates, ou de carreaux et d’argile blanche (fig. 36, 45). À cette phase appartient probablement aussi la reconstruction du Mur 781 selon un axe légèrement différent. Cette phase a vu la mise en place d’un muret (US 821) de 0,40 m de large qui divisait le couloir en deux. Orienté est-ouest et abouté, à l’ouest, au Mur 781, son côté nord présentait un enduit. De part et d’autre, le sol carrelé a bien été retrouvé (US 784 au nord de 821 et 822 au sud).
Les éléments en dur sont très lacunaires, voire absents, dans le reste du site, mais la céramique montre la continuité de l’occupation. Dans la cave de la maison située au n° 1, place du Terreau (fig. 51 : cave n° 1 ouest), on perçoit ainsi les traces d’une importante activité de remaniement là où le terrain a été rasé jusqu’à l’argile naturelle, puis le creusement d’une fosse remblayée avec des débris de démolition (y compris de la céramique du IVe s. plus intéressante que celle découverte dans le secteur du cloître), scellée par un niveau contenant des monnaies de la fin du IVe s. et du début du Ve s. Il est possible que cette “activité” soit associée à l’établissement de la cathédrale primitive vraisemblablement adjacente. On note par ailleurs qu’au cours du Ve s., ce terrain se couvre de minces niveaux de limon (de la terre battue) antérieurs à l’établissement d’une aire de circulation plus structurée dans le courant du VIe s.
Éléments de datation
La céramique associée à cette phase de restructuration, caractérisée par sa nature transitionnelle entre l’Antiquité et l’apparition des groupes techniques du Haut Moyen Âge, témoigne d’une continuité d’occupation. De plus, en dépit de sa taille restreinte, l’échantillon semble bien correspondre au mélange des types trouvés sur d’autres sites urbains contemporains (par exemple à Mâcon), aspect qui semble confirmé par le lot de cette période récupéré en 1997 aux n° 1 et n° 3, place du Terreau ainsi que dans les assemblages provenant des opérations de 1991 et 2006 réalisées à Saint-Lazare.
État 5 : VIe s.
Deuxième restructuration de la supposée domus ecclesiae
La demeure que l’on peut tenir pour la domus ecclesiae primitive a visiblement été profondément restructurée au VIe s. (fig. 136). Les transformations réalisées lors de cette phase sont cependant difficiles à saisir dans le détail en raison d’un décaissement sévère intervenu à l’est de la demeure à l’époque moderne, de l’impossibilité, dans sa partie occidentale, de fouiller à l’aplomb des murs, et parfois aussi de l’exiguïté de l’intervention. L’analyse repose donc sur l’observation de faits archéologiques dont le lien stratigraphique est souvent perdu, et sur l’étude d’une élévation conservant des maçonneries fort anciennes (le mur ouest du bâtiment oriental).
Cette restructuration du VIe s. entraîne le dérasement de la partie orientale du mur fermant initialement l’édifice au sud (Mur 1466, ID 1711 à 360.94 NGF) de même que la paroi qui séparait la salle composée de mortier de tuileau du couloir carrelé (fig. 38). Leurs élévations en torchis ou pisé sur solins de pierre sont abattues pour former un niveau de destruction (US 7744-7, 1441, 1595 et 2056-2066). Ce dernier composé d’une couche assez homogène à forte teneur en argile et mortier, devait être scellé et surmonté par un sol dont aucune trace n’a été clairement identifiée en raison d’un décaissement postérieur. La surface en mortier de tuileau antérieure n’est donc plus visible, car totalement couverte par cet exhaussement, de même que le sol carrelé du couloir occidental. Cette intervention engendre la création d’une vaste salle dont les limites sont difficiles à appréhender.
En effet, l’ancienne limite occidentale de la demeure est probablement maintenue (Mur 848 ; fig. 36, 39), car elle est toujours liée à la partie occidentale de la maçonnerie fermant au sud le sol en mortier de tuileau identifié dans la phase précédent (Mur 1466), auquel devait être abouté perpendiculairement le mur occidental de l’ancien couloir carrelé (Mur 781-2057). Le maintien de ce dernier est bien attesté puisqu’il est entaillé pour recevoir une maçonnerie (Mur 782, surface à 361.09 NGF) se poursuivant à l’est (Mur 1422, arasement à 360.84 NGF). Composée de pierres sèches formant une semelle, cette maçonnerie est réalisée dans une tranchée étroite qui creuse le niveau de destruction (fig. 38, 41). Elle est large de près d’1 m. Il pourrait s’agir là encore, d’un solin de pierre portant une élévation en torchis ou pisé.
À l’est de ce mur (Mur 1422), une structure maçonnée (Mur 1620) bien distincte et comprenant du mortier ocre jaune, a été identifiée. Extrêmement lacunaire, car perturbée par les activités de construction des XIIIe-XVe s., elle présente une orientation nord-sud et devait être accolée au Mur 1422. Des vestiges d’un mur perpendiculaire se poursuivant vers l’est ont d’autre part été décelés (Mur 1633)4.
Au sud du mur en pierres sèches (Mur 1422), une autre maçonnerie ayant comme ce dernier entamé le niveau de destruction, a été observée (US 1481), mais en raison d’un décaissement postérieur il est difficile d’être affirmatif quant à leur contemporanéité. À présent incorporée à l’élévation du mur ouest du bâtiment oriental, elle prend place sous le montant sud d’une ouverture aménagée à l’époque carolingienne (US 1720 ; fig. 42). Elle a vraisemblablement repris en partie l’emplacement du supposé mur de séparation situé entre la salle qui abritait le sol en mortier de tuileau et le couloir carrelé.
Cet élément (US 1481 ; fig. 49) de 1,45 m de long (surface à 361.10 NGF) est composé de moellons rectangulaires, assez réguliers, sur lesquelles reposent des lits de mortier de couleur ocre rouille, associés au nord à un bloc quadrangulaire. Il a été aménagé dans une tranchée (US 1477 ; fig. 43) remplie de terre brune (US 1479) qui a apparemment entamé le sol en mortier de tuileau (US 1268) ainsi que le mur sud de la demeure primitive (Mur 1466). La faible longueur – on ne connaît pas sa largeur – de la maçonnerie étudiée conduit à penser qu’elle devait plutôt porter un support en bois ou en pierre. Une structure comparable, bien que très lacunaire, a été retrouvée au nord-ouest (US 2226 ; niveau d’arase à 361.16 NGF). Sa relation avec le supposé stylobate (US 1481) est donc fort hypothétique et s’il existait d’autres structures de ce type dans son alignement méridional, la construction du mur occidental de la galerie orientale à l’époque carolingienne les a fait disparaître. En tout état de cause, l’existence d’un portique occidental associé à celui situé parallèlement à l’est, plaiderait pour une date de réalisation postérieure, attestant une restructuration de la demeure.
La limite orientale de la bâtisse de cette époque dont l’organisation est difficile à déterminer en raison de nombreuses lacunes, occupait peut-être l’emplacement du mur ouest du bâtiment oriental. La limite méridionale est incertaine. Il est possible qu’elle correspondit au Mur 2118 maintenu très longtemps, car un mur orienté est-ouest (Mur 2227 ; niveau d’arasement à 360.895 NGF) comportant du mortier rose clair, daté des VIIe-VIIIe s., lui a été accolé.
Canalisation et portique
D’autres structures erratiques ont été rencontrées dans le bâtiment oriental. Ces éléments dont il ne subsiste souvent que peu de choses ont été profondément perturbés par un décaissement réalisé au XVe s. Aussi leur position stratigraphique et leur datation sont-elles fluctuantes. Ils sont en tout cas postérieurs aux niveaux de destruction d’une grande partie de la domus ecclesiae du IVe s. et sont probablement associés à la mise en place d’une bande d’argile orientée nord-sud avec retour au nord-est, interprétés comme des éléments d’un portique.
Il faut mentionner en premier lieu une structure rectangulaire (fig. 38, 136.C) composée de pierres noyées dans du mortier rose (US 1446), à surface lisse, qui surplombait une bande d’argile comblant une dépression assimilable à un fragment de solin du portique ou de la colonnade déjà évoqués, ainsi qu’une canalisation en bois (US 1687 ; fig. 136.D).
Cette canalisation orientée est-ouest, est large de 0,45 m et longue de 1,80 m. Elle est parallèle au mur sud de la résidence (Mur 1466) qui pourtant, fait avéré, n’existait plus au moment de sa création. À l’est, elle a été transpercée par une fosse, tandis qu’à l’ouest elle a été bouchée (US 1705) au moment de la création de la fondation (US 1580) faisant partie du mur occidental du bâtiment oriental (fig. 49), elle n’était donc plus en usage au moment de la construction de cette maçonnerie. Ses côtés sont composés de moellons de calcaire et de fragments d’opus sectile ainsi que de briques (altitude de ces éléments autour de 360.85 NGF). Il faut imaginer que cette canalisation était couverte de briques ou de dalles. Une frette et un joint de fer liant des tuyaux de bois, dont des fragments en décomposition ont été retrouvés, ont été mis au jour au fond de la canalisation (altitude à 360.77 NGF). L’hypothèse la plus probable serait de voir dans cette canalisation un système d’adduction d’eau (Bonnet 2012a, 102). Sous cette canalisation, un niveau de terre très humide et sableuse (US 1694) est apparu dans la tranchée de construction (US 1687). Cette tranchée a creusé la bande d’argile (US 1417-1636 et 1449-1637 ; à 361 NGF pour le niveau le plus haut) prenant place dans une dépression orientée nord-sud avec un retour vers l’est, dans sa partie nord. Cette bande d’argile est bien postérieure au Mur 1466, car elle couvrait son niveau de destruction.
La canalisation fonctionnait peut-être avec le portique hypothétique dont feraient partie les niveaux d’argile verte associés à des structures maçonnées, telle l’US 1446 (fig. 38, 43). Formant un rectangle, cette dernière prenait place en face et à l’est de l’US 1481 et au sud du Mur 1422. Des pierres constituaient un radier d’une seule assise assez régulière. Au-dessus du radier de pierres dont le liant était rose, reposait un lit de mortier de même couleur qui correspondait à la surface (à 361.06 NGF). Le côté ouest de la structure étudiée ne présentait pas un agencement régulier, de même que le côté sud. D’autre part, la face orientale a été perturbée par un trou de poteau (US 1445) plus tardif puis par la tranchée de récupération du Mur 1420 (US 1485). Cette structure en mortier rose reposait sur ce qui semble être un niveau de préparation (US 1622) qui surplombait le niveau d’argile verte (US 1636) et le niveau d’argile noire (US 1637) appartenant au supposé portique. Ces surfaces d’argile avaient entamé le niveau de destruction ou/et de nivellement (US 1595).
Il est possible que la zone méridionale du portique ait été transformée a posteriori. En effet, une structure (Mur 2241 ; fig. 36, 136.E) extrêmement perturbée par une tranchée de récupération du XVIe s. (US 1912), composée de gros blocs de calcaire et de grés liés par du mortier rose clair, située dans la zone sud de la future galerie sud, s’est apparemment insérée, à une époque qui reste malheureusement indéterminée, entre un gros bloc se trouvant à son extrémité orientale, englobée plus tard dans la fondation du mur occidental du bâtiment oriental (US 1580) et l’hypothétique limite méridionale de la demeure (Mur 2118) toujours conservée en élévation. En effet, l’altitude des gros blocs supérieurs de cette structure (361.08 NGF) correspond pratiquement à celle d’une grosse pierre située dans son alignement, englobée dans la fondation (US 1580 ; fig. 49) du mur occidental du bâtiment oriental (à 361.02 NGF), qui lui est peut-être lié. Cela reste toutefois fort conjectural, car la banquette installée aux IXe-Xe s. au revers du mur surmontant cette fondation ne permet pas de voir la relation stratigraphique entre ces derniers éléments. Cette maçonnerie (Mur 2241) devait présenter une largeur de plus de 0,80 m.
Silos et fosses
Une succession de silos et de fosses a été retrouvée essentiellement dans la zone de la future galerie méridionale (fig. 46-47, 136.H). Deux silos entiers se trouvaient au sud-est de cette galerie, sous l’emplacement d’un escalier (US 203) créé au XVIIIe s. Ces éléments ont creusé un niveau composé d’argile mêlée à du charbon (US 1538 à 361.35 NGF) correspondant, comme on l’a déjà mentionné, à des vestiges de fours antiques. Le premier (US 1542 et US 1539 pour le remplissage à 361.47 NGF) présentait une circonférence de 1,10 m. Il a été recoupé par un autre silo (US 1541 et US 1536 pour le remplissage). Ce dernier, d’un diamètre de 6,50 m, a été perturbé par une tranchée orientée est-ouest (US 1537). La profondeur conservée de ces silos est de 0,20 à 0,40 m (fond de l’US 1541 à 360.99 NGF), mais ils devaient cependant être plus profonds à l’origine, la partie supérieure ayant été sectionnée par le décaissement qui a accompagné la création du cloître au milieu du IXe s. Un autre silo existait peut-être au sud du dernier mentionné (US 1541) et venait le recouper (US 1543 et US 1540 pour le remplissage, fouillé jusque 361.24 NGF). Toutefois, au contraire des autres, sa forme est difficile à appréhender et il pourrait s’agir tout aussi bien d’une tranchée de construction pour les parties inférieures de la zone orientale du mur nord du bâtiment méridional (US 1510). Un dernier silo a été décelé au nord-est des deux autres (US 516). De plus d’1 m de circonférence (seule une partie a été dégagée), le matériel qu’il contenait était assez peu représentatif.
De par leurs dimensions plus imposantes, les autres négatifs rencontrés semblent plutôt correspondre à des fosses dont la fonction est indéterminée (fosse d’extraction d’argile, fosse dépotoir ?). Ils occupaient la partie centrale de la future galerie sud. Il en existait peut-être d’autres plus à l’ouest, mais deux grandes fosses du XVe s. ne permettent pas d’en être assuré (fig. 48). Il s’agit tout d’abord d’une fosse de 2 m de circonférence (US 601, fig. 46). Elle comportait un mélange de pierres, de terre noire grasse, de tuiles et des céramiques gallo-romaines, ce qui a peu de valeur pour sa datation, car le décaissement intervenu au IXe s. a perturbé sa partie supérieure et sa relation avec les niveaux existants. Mentionnons aussi deux autres fosses (US 640 et 599) qui doivent également remonter à cette période et qui sont comparables aux autres.
“Terres noires” au centre du futur préau
C’est apparemment aussi au cours du VIe ou au VIIe s. que se met en place un nivellement dans la partie nord du futur préau avec en surface la formation d’un dépôt sédimentaire naturel de terre grasse (fig. 39, 136.F) s’apparentant aux fameuses “terres noires” (Verslype 2004). Ces US se sont développées dans une dépression postérieure aux niveaux de four antique repérés dans cette zone. Ces niveaux ont été fouillés très finement selon des passes arbitraires de 5 cm (notamment la série portant le numéro d’US 710). Cette fouille minutieuse a permis de déceler la présence d’un empierrement dont une partie, au nord-est, constituait peut-être un mur orienté est-ouest (US 811), même si les vestiges sont trop ténus pour en être assuré. Ces niveaux sédimentaires bioturbés semblent attester la présence d’un espace non bâti à couvert végétal, de type jardin, à l’ouest de la supposée domus ecclesiae. Ce lieu dégagé accueillera par la suite des sépultures5.
Éléments de datation et d’interprétation
Si la datation des silos et des fosses mentionnés doit demeurer très prudente toujours en raison du décaissement du IXe s. et des nombreuses perturbations postérieures, le matériel retrouvé dans les remplissages (notamment US 1539), essentiellement céramique, conduit à les dater du VIe s., ou après. Leur concentration au sud, vraisemblablement en dehors de l’emprise de la demeure restructurée à plusieurs reprises, tend à montrer la fonction plus domestique de cet espace. Plusieurs fragments de verre plat ont d’autre part été trouvés dans les remplissages de ces silos (Balcon-Berry 2009b). De petites dimensions, de coloris limités et dénués de peintures, ces éléments s’apparentent aux fragments de vitraux dit “mosaïques” du Haut Moyen Âge découverts sur plusieurs sites européens, par exemple à Serris (Gentili 2009). Ces verrières devaient orner les salles occidentales de la domus ecclesiae.
Malgré de grandes lacunes dans la stratigraphie, il semble que la mise en place du portique soit postérieure aux Murs 1422 et 1481, mais antérieure à la restructuration massive de l’élévation sud du mur occidental du bâtiment oriental que l’on évoquera plus bas.
Le mobilier contenu dans les niveaux de “terres noires” fouillés de façon arbitraire a permis de déceler une succession chronologique, comme ce fut le cas sur le site de Marchaux fouillé en 1997 (Becu-Aïssou 1997).
Les importantes transformations de la résidence épiscopale observées lors de cette phase peuvent être mises au crédit de l’évêque Syagrius (560-600), conseiller de la reine Brunehaut avec laquelle il fonda un xenodochium, espace d’accueil des pauvres et des pèlerins, probablement à l’emplacement de Saint-Andoche (Sapin 1986, 37). Cette figure importante de l’épiscopat d’Autun a par ailleurs grandement contribué à rénover la cathédrale dotée, à son époque, d’une mosaïque à fond d’or (Balcon-Berry & Berry 2012, 51 ; Balcon-Berry & Berry 2014, 182). On pense par ailleurs, qu’il fit orner l’entrée de la résidence épiscopale par un poème acrostiche que lui avait adressé Fortunat (Fortunat, Carmina, V, 6).
État 6 : VIIe-VIIIe s.
Restructuration de la partie méridionale de la domus ecclesiae
La supposée domus ecclesiae subit aux VIIe-VIIIe s. des transformations majeures. Pour cette phase de la résidence, comme pour l’atrium de l’église, nous possédons, fait exceptionnel, des vestiges en élévation, préservés lors des aménagements postérieurs, ainsi que des niveaux associés (fig. 49, 137.B). Il s’agit de la partie sud du mur occidental du bâtiment oriental (mur est de la future galerie est), avec son prolongement plus au sud (mur est du bâtiment sud) et probablement d’un mur perpendiculaire intégré au milieu du IXe s., lors de la création du cloître en dur, au mur nord du bâtiment sud.
La limite occidentale du bâtiment primitif est probablement là encore maintenue, de même que le mur qui lui est attaché de façon perpendiculaire, mais nous ne connaissons rien des modifications qui auraient pu les toucher à l’occasion de cette ample modification, à cause, toujours, de leur arasement extrême dans la première moitié du IXe s. Au contraire de la canalisation bouchée au moment de la création de l’élévation de cette époque, le portique oriental monté sur semelle d’argile est peut-être conservé. Il semble en effet que la bâtisse s’organise de façon plus rationnelle autour de ce portique, avec des espaces reconnus immédiatement à l’ouest, au sud et au nord.
L’exceptionnelle maçonnerie mérovingienne conservée est donc intégrée au mur occidental du bâtiment oriental. Elle se compose d’une fondation englobant des éléments plus anciens dont il a déjà été question et d’une élévation qui occupe les deux tiers méridionaux de l’actuel mur concerné. La fondation (US 1580, fig. 49) prend la forme d’un large empattement qui surmonte des structures antérieures, à savoir, outre la canalisation mentionnée ci-dessus le mur sud (US 1466) de la salle à l’origine en mortier de tuileau ainsi que la structure postérieure faisant vraisemblablement partie d’un portique (US 1481). Cette semelle comprend un niveau de gros blocs non liés par du mortier, enrobés d’un liant blanc chargé de petites pierres. Ces dernières posées de chant, remplissaient la tranchée de construction (US 1703) clairement identifiée au sud de la structure appartenant à un hypothétique portique (US 1481).
L’élévation (US 1503) qui repose sur cet empattement comprend des blocs rectangulaires au sud et des moellons de formes variées disposés en assises plus ou moins régulières au nord. Ces pierres sont liées par du mortier rose très clair. Au sud, il subsiste une porte (US 1731 accompagnée par les US 1735 et 1727 – cette dernière correspondant peut-être à un montant de fenêtre) aux montants (US 1730 et 1729) formés de blocs monolithes rectangulaires en granit, posés en délit. Ces éléments oblongs se situent immédiatement à l’aplomb d’un seuil (US 1751 à 361.30 NGF). Dans son extrémité nord, cette élévation (US 1503) comporte deux grosses pierres de remploi antique séparées des blocs qui les surmontent par des petites pierres de calage, pour former le montant sud d’un arc postérieur (US 1498 et US 1720). Entre ces deux entités, une légère différence de mortier est aussi perceptible, renforçant le décalage dans la datation. Ces pierres de remploi formaient soit un angle avec retour vers le nord, ou bien elles composaient le montant d’une ouverture dont le pendant aurait été repris a posteriori. Étant donné que la semelle de fondation se poursuit au nord et qu’aucun vestige de mur n’a été trouvé à l’ouest, la seconde hypothèse semble la plus probable. On doit aussi noter que ce mur était apparemment assez mince, car un sondage pratiqué du côté occidental n’a pas permis de retrouver l’un des montants monolithes de la porte méridionale6. La paroi a ainsi été doublée par la suite, comme on le verra. En tout cas, elle ne devait pas être très élevée, sauf si sa fonction de mur de refend autorisait sa relative minceur.
Cette maçonnerie se poursuit au sud où elle constitue le mur est du bâtiment sud (US 2329). Là aussi, de gros blocs de remploi, et notamment un élément particulièrement imposant, sont associés à des moellons, et peut-être à une pierre dressée cassée, le liant étant de nouveau d’une teinte rose très clair. Plus au sud, cette élévation a malheureusement été très perturbée au XVe s. lors de la création de la cave actuelle (US 2330). Il est à noter que la face orientale de cette maçonnerie a probablement été retrouvée à l’est, au moment du démontage récent de l’abside de la chapelle des Bonnes Œuvres aménagée au XIXe s. à l’emplacement du bâtiment sud7.
L’extrémité orientale du bâtiment sud comprend une maçonnerie comparable avec un énorme bloc de remploi surmonté d’une pierre dressée (US 1514, fig. 72). Cette élévation est visible à la fois au sud de la galerie orientale (US 1952) et à l’est de la galerie sud (mur nord du bâtiment sud). Des enduits plus récents rendent parfois difficile l’analyse de la maçonnerie, mais l’on observe qu’à l’est du Mur 1070 qui est plus tardif, la partie inférieure de ces éléments (US 1511 et 1510) que l’on peut considérer comme des fondations recoupe visiblement les silos mérovingiens présentés plus haut, et se situent à un niveau assez bas par rapport à celles de la maçonnerie rencontrée plus à l’ouest (US 1512) qui elle repose directement sur l’argile géologique. De plus, ces fondations (US 1511 et 1510 auxquelles il faut associer la partie inférieure de l’US 1952) sont composées de blocs de remploi de tailles diverses (on note la présence d’une moulure) non liés par du mortier, ce qui est assez comparable à la fondation du mur occidental du bâtiment oriental (US 1580).
Ce mur perpendiculaire à l’actuelle paroi orientale de la galerie est (mur ouest du bâtiment oriental) comprenait au moins une ouverture à l’emplacement d’un bouchage (US 2243). Il est possible que la pierre dressée et cassée de l’US 1514 fasse partie, avec le gros bloc situé en dessous, du montant ouest de cette ouverture.
Des structures remontant à l’époque mérovingienne, retrouvées immédiatement à l’ouest du mur oriental de la galerie est, doivent être associées à ces murs en élévation, même si elles ont connu plusieurs phases difficiles à dater. Notre incertitude quant à leur relation avec cette paroi tient d’une part à la présence d’une banquette disposée a posteriori (US 1908) le long de ce mur et qui, dans l’éventualité d’une présentation au public n’a pas été démontée. D’autre part, ces éléments ont été en grande partie récupérés avant la construction du cloître en dur.
Il s’agit tout d’abord d’un dallage presque entièrement perdu (fig. 36). Ce sol comprenait notamment une dalle (US 1983, à 361.35 NGF), très bien conservée (fig. 50), prise en partie sous la banquette, associé à un vestige de dallage (US 2025) situé plus à l’ouest (à 361.295 NGF), correspondant à la partie inférieure de deux blocs de calcaire cassés. D’autres négatifs de dalles ont été repérés plus au sud. Le fait que la dalle conservée se situe dans l’axe de la porte méridionale de la paroi mérovingienne (US 1731), allié à sa préservation et à son altitude, incitent à penser qu’elle faisait partie de son seuil. Au sud, cette dalle était longée par une structure linéaire composée d’une rangée de pierres non liées par du mortier (US 2030 à 361.295 NGF) et alignée avec le montant sud de la même porte mérovingienne. On pourrait y voir les vestiges d’une cloison, voire même un aménagement liturgique, ce qui impliquerait une vocation religieuse de l’espace auquel elle appartenait. On peut envisager l’existence de barrières à proximité de l’ouverture, et même une solea, comme c’est notamment le cas à Genève pour l’église nord du IVe s. et le Baptistère III, (Bonnet 2012b). Au nord, les données ont été perturbées par une tranchée de récupération du XVIe s. (US 1911) qui a détruit une maçonnerie (US 2241) peut-être à l’origine perpendiculaire au mur mérovingien orienté nord-sud. Des vestiges d’un dallage comparable (US 700, à 361.40 NGF) ont été mis au jour dans le préau, à l’ouest du Mur 848, de fondation antique, ce qui tend à montrer la longue conservation de ce dernier (fig. 36). Comme pour l’US 2025, il s’agit essentiellement de fragments de calcaire dessinant un rectangle, le tout associé à des négatifs. Ce sol récupéré au cours du Haut Moyen Âge comme celui observé plus à l’est (US 2025), a de plus été très perturbé au nord par une grande fosse de la fin du Moyen Âge (US 353) ayant servi de moule à cloche.
Dans un deuxième temps, le dallage est visiblement récupéré pour faire place à un sol composé de carreaux de terre cuite (US 2028 à 361.17 NGF). La dalle (fig. 50) placée à l’ouest de l’ouverture mérovingienne (US 1983) est en revanche conservée, ce qui tend à montrer que cette porte dont elle constituait une partie du seuil était bien toujours en usage. Elle servait aussi d’emmarchement, car le niveau des carreaux est sensiblement plus bas. Finalement les montants de la porte sont refaits ce dont témoigne le mortier beige disposé de part et d’autre de la dalle conservée (US 2029) dans une tranchée ayant perturbé les carreaux. En dernier lieu, et après récupération des carreaux de terre cuite, un nivellement composé de terre noire a été mis en place (US 1986). Il accueillait une dépression abritant une surface sableuse couverte par une lentille d’argile (US 1981) dont on ne connaît pas la fonction en raison du décaissement lié à l’aménagement du cloître.
Il semble donc que l’on ait miraculeusement conservé en élévation une grande phase de restauration des VIIe-VIIIe s. de la résidence épiscopale. Dans ce complexe monumental ainsi remanié prenait peut-être place au sud un espace de culte – oratoire ou chapelle – si l’hypothèse d’une barrière liturgique se confirmait. Immédiatement au nord de cet espace, se trouvait une salle abritant une sépulture (privilégiée ?) dont on reparlera plus bas. Au sud, se déployait une troisième salle. Il est ainsi possible de reconstituer une aile occidentale de la domus ecclesiae comportant au moins trois salles. À l’ouest, elles donnaient sur une cour dallée et un espace ouvert accueillant des sépultures ; à l’est elles étaient longées par une aile du portique déjà mentionné.
Le supposé atrium construit à l’ouest de Saint-Nazaire
Les vestiges d’une structure quadrangulaire que l’on assimile à un atrium, ou cour à portiques, ont été mis au jour dans la zone occidentale de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire (fig. 51, 127, 149.D). Cette structure, vraisemblablement refaite sous l’évêque saint Léger, comme le précise un passage de sa Vie, précédait certainement la nef de l’église, élevée antérieurement. Datés du VIIe s., il s’agit à ce jour des éléments les plus anciens reconnus en ce qui concerne Saint-Nazaire. Ils ont été découverts dans deux caves de maisons accolées construites au XVe et au XVIIIe s. en partie à l’emplacement de cette église et qui longent l’actuelle rue (les n° 3 et 5, place du Terreau). Précisons que ces découvertes, et notamment la reconnaissance de l’existence d’une élévation du VIIe s., ont été faites dans le cadre d’opérations de sauvetage préalables à des aménagements (fig. 51), avec un système de numérotation des US différent de celui employé dans la cour du Chapitre (Rebourg 1993a, 83-84 ; Saint-Jean Vitus & Gerbet 1997 ; Venault 1997 ; Balcon & Berry 1997)8.
Dans la cave sud, un caniveau orienté nord-sud, large de 0,60 m et haut de 0,50 m, avec léger désaxement, a été mis au jour (à 361.92 NGF). Il était constitué d’épaisses dalles de grès munies en leur centre d’un trou de louve. Alain Rebourg proposait d’y voir un caniveau longeant à l’est un cardo antique qui traversait la ville haute, dans le prolongement d’une telle voie restituée de façon hypothétique plus au sud (fig. 147.E, 148.F). Si les opérations menées par la suite dans les environs immédiats, notamment à l’ouest, n’ont pas permis a priori de révéler de façon assurée des vestiges de cette rue, cette hypothèse ne doit pas être totalement rejetée au vu des nombreuses perturbations subies par les niveaux observés (Venault 1997, 14) et plus au nord, des observations récentes de vestiges d’une voie semblant correspondre au cardo pourraient corroborer cette hypothèse (Labaune 2003-2004a). Toutefois, la chronologie relative établie à la suite des opérations de 1997 a conduit à dater ce caniveau des environs du IIIe s., voire plus tard (Saint-Jean Vitus & Gerbet 1997, 12-13 ; Balcon & Berry 1997, 13). À l’est, prenait place un élément maçonné de 0,60 m de large orienté nord-sud avec retour vers l’est. Dix sépultures datées entre le VIIe et le XIe s. occupaient la totalité de l’espace (fig. 51). Si certaines couvraient le caniveau qui n’était donc plus visible à l’époque de leur installation, les autres respectaient le mur en forme de L. Ces sépultures étaient soit en pleine terre soit cernées de pierres et de blocs de construction antique réemployés composant des coffrages. Ces deux types d’inhumations semblent suggérer deux phases, comme on a pu le mettre en évidence dans le préau du cloître, mais les données stratigraphiques sont trop lacunaires pour en être assuré. Au sud, il existait un caveau de bonne facture, contenant trois corps superposés. À l’ouest, les tombes semblaient limitées par le mur de la cave orienté nord-sud. Cette paroi pourrait donc comporter une partie contemporaine, voire antérieure, à ces inhumations. Le mur nord (Mur 30 ; fig. 52), d’1,30 m de large, a pu faire l’objet d’un relevé révélant des phases de même date que la structure formant un angle, ce qu’a confirmé l’étude de son parement septentrional conservé dans la cave attenante analysée en 1997, alliée à une fouille. Cette dernière a été toutefois très limitée en raison de l’existence d’une fosse septique ayant pris place dans la quasi-totalité de la cave nord au XIXe s. Seuls quelques niveaux stratigraphiques étaient conservés à l’aplomb du mur. Étant donné que pratiquement aucun niveau ancien n’a été fouillé, la datation reste fondée en large partie sur une chronologie relative établie à partir de la succession stratigraphique en place vue dans les coupes après l’enlèvement du remplissage de la fosse moderne ayant servi de fosse septique.
Au moment de la réalisation de ce mur, la canalisation devait être en place, car un arc de décharge a été aménagé pour la surmonter. La tranchée (US 34 et US 35 pour le remplissage) qui accueillait le caniveau a été identifiée à l’aplomb de cet arc, ainsi que la tranchée de récupération du même élément dont rien ne subsiste dans cet espace (US 149 avec US 32 et 33 pour le comblement). On ne sait pas exactement quand cette structure a été récupérée dans cet espace, mais cette action est certainement intervenue avant le XIXe s., date de la réalisation de la fosse septique, et après la reprise occidentale du mur, datée, on le verra, du XIe s., puisque l’arc de décharge a été maintenu. Des fragments d’une sépulture ainsi qu’un os taillé daté du VIIe s. découverts dans le comblement de la tranchée de récupération (US 32 et 33) montrent de plus que cette récupération est postérieure à cette dernière date.
La partie la plus ancienne de cette paroi se situait donc à l’est. Elle comportait une fondation en deux parties avec tout d’abord, au niveau inférieur (US 70), des blocs assez gros, sans mortier, formant des assises irrégulières, posés directement sur l’argile géologique (observée entre 361.50 et 362.20 NGF). À l’ouest, un bloc antique remployé (US 31) faisait probablement partie de la même substruction. Il reposait sur des moellons grossièrement équarris faisant selon toute vraisemblance partie à l’origine d’un système de calage de la canalisation (US 75). Au-dessus du premier niveau de fondation, les assises s’organisaient (US 71) de façon plus régulière. Un ressaut, marquant l’emplacement du niveau de sol (à 362.50 NGF) séparait cette partie de l’élévation proprement dite (US 72) d’aspect assez comparable, avec à mi-hauteur une assise de réglage comportant des pierres de moyen appareil. Le liant rose beurrait les pierres. Les claveaux – en fait de simples moellons – conservés de l’arc de décharge comprenaient des blocs étroits et bicolores. Un coup de sable qui remonte vraisemblablement au XIe s., époque de la reprise de cette paroi, avait entaillé cette maçonnerie. Le parement sud montre une histoire comparable, mais là les claveaux de l’arc de décharge ont été totalement démontés peut-être au XVIIIe s., époque de l’installation d’un placard (US 29) visible côté nord.
Les niveaux supérieurs du remplissage (US 32) ont malheureusement été presque entièrement éliminés par la mise en place du placard en pierre (US 29) créé au moment de la transformation de l’espace en cave, c’est-à-dire au XVIIIe s. C’est encore une partie importante de l’histoire de la zone qui a été effacée.
Quant au mur occidental de la cave nord dont les fondations sont peu profondes (fig. 51), il semble être plus tardif que le mur sud. Le parement doit dater, comme le bâtiment en élévation, du XVIIIe s. Il n’est toutefois pas exclu qu’il englobe une élévation plus ancienne.
La fouille des autres caves situées à l’ouest a permis de repérer l’existence d’un chemin empierré ou plus simplement, d’une zone de circulation (US 15 et 101, à 362.21 NGF) daté des VIe-VIIe s. (Venault 1997, 16-17). Accusant un léger pendage vers l’est, cette surface correspond sans doute à un extérieur. Elle a par la suite été creusée pour l’installation de deux maçonneries (US 25 et 26) dessinant un L, avec retour à l’ouest, dont la facture, et notamment la présence d’un mortier beige saumon associé à de l’argile, n’est pas très éloignée de la phase la plus ancienne du Mur 30 présentée ci-dessus. Ces éléments doivent aussi être mis en relation avec les niveaux mérovingiens découverts en 1991 sous le chœur de Saint-Lazare (Berry et al. 1991, 36-39), notamment un édifice rectangulaire orienté est-ouest, comprenant des colonnes adossées et bordé d’une cour au nord, que l’on attribue avec réserve à l’espace de la matricula. Cette structure destinée à l’accueil des pauvres, mentionnée là encore dans la Vie de Saint Léger, se trouvait à proximité de l’entrée de Saint-Nazaire (Pietri & Picard 1986, 42). Or, ces vestiges prennent place 10 m à l’ouest du supposé atrium mérovingien dont on vient de présenter les vestiges.
Le niveau supérieur du mur nord a pu faire l’objet d’un relevé pierre à pierre en mars 2012 à l’occasion de travaux d’aménagement de la maison située au n° 3, place du Terreau qui ont totalement exposé les maçonneries (fig. 83, 84). Le relevé rend compte de la conservation des élévations anciennes au niveau du rez-de-chaussée de l’actuelle maison, voire même au premier étage. À l’est, la partie inférieure du parement s’inscrit dans la lignée de la maçonnerie observée en 1997 dans la cave. Élevée en moellons avec assises de réglage composées de blocs plus imposants, elle remonte elle aussi au Haut Moyen Âge.
Sépultures
C’est au centre du futur préau du cloître, et donc 9 à 11 m au sud de la cathédrale Saint-Nazaire (fig. 53, 54, 136, 137), que va se développer une zone cimétériale distincte de celle de l’atrium présenté ci-dessus. Des vestiges d’un mur en pierres sèches (Mur 753) ont été observés. Orienté nord-est à sud-ouest et de fonction incertaine, il séparait dans un premier temps cet espace de la zone domestique peut-être maintenue plus au sud. Ce mur qui creusait des couches faisant partie du nivellement précédemment mentionné, est daté du VIIe s. Il a été détruit assez rapidement, au VIIIe s., des sépultures de cette époque le recoupant.
Dans cet espace, cinq sépultures ont été mises au jour (fig. 53). Trois corps (Sép. 10, 11 et 12), orientés nord-sud, prenaient place dans fosses cernées de pierres posées de chant. Les deux autres (Sép. 8 et 9) occupant un cercueil de bois étaient orientés est-ouest. Pour ceux-ci, des traces de décomposition de bois ont été notées, et des clous ont été retrouvés.
Ces cinq sépultures présentent la particularité d’appartenir à des enfants âgés de 2 à 12-15 ans. Il s’agirait essentiellement de garçons. On doit associer à ces inhumations une autre sépulture d’un très jeune enfant d’environ 2 ans (Sép. 13 dans US 801) découverte plus tard, en 1992, et beaucoup moins bien conservée. Le corps orienté est-ouest reposait dans un cercueil de bois dont des clous ont été retrouvés. Ces jeunes enfants étaient peut-être liés au clergé de la cathédrale Saint-Nazaire, en raison de leur inhumation juste au sud de cet édifice, et l’on peut se demander s’il ne s’agissait pas d’oblats. Cette hypothèse doit toutefois être proposée avec prudence, tant que le nombre d’inhumations primitives ainsi que la dimension et la fonction exacte de l’espace funéraire restent inconnus.
Une autre inhumation (US 2110 pour le squelette dans US 2111, n° de la fosse, US 2112 pour la terre de remplissage ; fig. 55, 56) a été retrouvée à l’emplacement de la galerie orientale, dans la partie nord (fig. 36). Dans ce cas, et au contraire des autres sépultures mentionnées précédemment, il s’agit d’un adulte. Comme les sépultures 8 et 9, cette dernière est orientée est-ouest. Un muret en pierre sèche la longeait au sud, mais semble appartenir à une phase postérieure. Il ne peut en tout cas s’agir de vestiges d’un quelconque coffrage de pierre.
Il ne subsiste que la moitié inférieure du corps, le reste ayant été perturbé lors de la construction du mur occidental de la galerie (Mur 2007), au milieu du IXe s. ; cette inhumation lui est donc antérieure. Cette sépulture prend place à l’ouest du Mur 2057 appartenant à la demeure antique, puis à la supposée domus ecclesiae précédemment étudiées. Cette paroi était apparemment toujours en élévation à l’époque de la mise en place de l’inhumation. Elle n’a visiblement été détruite qu’au moment de la création d’une structure en bois de la fin du VIIIe s.-début du IXe s. dont on reparlera. Cette bâtisse a entamé la couche argilo-limoneuse (US 2067) qui couvrait la destruction du Mur 2057. La sépulture semble ainsi avoir été installée dans une salle faisant partie de l’aile occidentale de la résidence épiscopale (Balcon-Berry & Berry 2012, 54 ; Balcon-Berry & Berry 2014, 193).
La présence de cette sépulture d’adulte est assez intrigante. Sa mise en place dans l’une des salles nord de l’aile occidentale de la supposée domus ecclesiae, la désigne comme une inhumation privilégiée nettement distincte de celles des enfants rencontrées plus à l’ouest. L’intrusion, à l’intérieur des murs d’enceinte de la ville, d’inhumations dès les VIIe-VIIIe s., selon la datation que l’on peut proposer, doit par ailleurs être soulignée, d’autant plus que dans le cas présent, on peut parler d’un véritable cimetière, plusieurs sujets étant concernés. De plus, il est possible que d’autres sépultures aient existé dans les environs, des ossements erratiques et un morceau de cuve de sarcophage ayant été découverts respectivement dans la future galerie orientale et dans le bâtiment oriental. On doit aussi évoquer de nouveau le décaissement important intervenu au IXe s. au moment de l’installation du cloître, qui a probablement entraîné la disparition d’autres sépultures.
Interprétation et datation
La chronologie relative et les types de maçonneries évoquées ci-dessus pour cet État conduisent à dater de la fin du VIIe s. ou du tout début du VIIIe s. les modifications apportées aux bâtiments. L’étude du mobilier confirme cette datation. Dans les élévations conservées, on note l’emploi de moellons et d’assises de réglages. Ponctuellement, des blocs de remplois antiques ont été observés. Lorsqu’il est présent ou lorsqu’il a pu être étudié, le mortier présentait une teinte rose clair. Ces caractères se distinguent nettement des maçonneries plus tardives.
Pour partie, on est tenté d’attribuer ces transformations majeures qui ont touché la cathédrale et la résidence épiscopale à l’épiscopat de saint Léger, personnage influent qui, on l’a déjà mentionné, est à l’initiative de nombreuses constructions, ou reconstructions, telles les fortifications de la ville haute. Dans la Vie de ce prélat rédigée à la fin du VIIe s. il est question de l’ecclesiae domus qui correspond peut-être à l’édifice étudié (Picard & Piétri 1986, 42).
Dans le préau, le type de sépulture, notamment les fosses avec pourtour de pierres, de même que la découverte d’une paire de boucles de bronze (agrafes à double crochets) retrouvée dans des contextes associés, remontant aux VIIe-VIIIe s., confirment cette datation. Toutefois, la différence dans l’orientation montre que les deux ensembles doivent être légèrement décalés dans le temps. Quant à la sépulture retrouvée dans la zone de la galerie orientale, le fait qu’elle soit coupée par le mur occidental de la future galerie est (Mur 2007) la place avant le milieu du IXe s. De plus, le niveau dans lequel sa fosse a été creusée a été percé par un trou de poteau (US 2101) faisant partie d’un grand bâtiment en bois quelque peu antérieur au même mur occidental (Mur 2007) qui doit remonter à la fin du VIIIe s. ou au début du IXe s. Cette bâtisse en bois a remplacé la structure devant – ou dans – laquelle la sépulture (Sép. 2110) prenait place. Ces éléments, liés au fait que cette inhumation soit orientée est-ouest comme les sépultures 8 et 9, plaident en faveur d’une datation à situer au VIIIe s., mais toujours avec une certaine réserve.
Prémices, création et développements du cloître à l’époque carolingienne
État 7 : Fin VIIIe s.-début IXe s.
Édifices en bois, vestiges d’une “maison commune” ?
L’histoire du cloître débute probablement par la restructuration de la zone occidentale de l’ancienne domus ecclesiae identifiée à l’est de la cour du Chapitre (fig. 138). L’élévation datée du VIIe s. est maintenue et amplifiée par l’adjonction, au nord, d’une structure en bois (fig. 36, 38, 138). Cette dernière a été reconnue à travers la présence de grands trous de poteaux orientés vraisemblablement nord-sud. Sa datation, à situer à la fin du VIIIe s. ou au tout début du IXe s., c’est-à-dire après les sépultures étudiées ci-dessus (VIIe-VIIIe s.) et l’élévation mérovingienne conservée, mais avant la construction en dur du cloître (milieu IXe s.), son ampleur et le fait que la bâtisse ainsi réaménagée devait comporter deux niveaux d’élévation pourraient très bien s’accorder avec l’hypothèse d’une toute première structure à vocation communautaire.
À l’emplacement de la future galerie orientale, quatre trous de poteaux ont été identifiés (fig. 36). Ils creusent une couche noire assez grasse (US 2073 et 2067 à 361.14 NGF et 2026 à 361.21/361.24 NGF) recouvrant le niveau de destruction (US 2056-2066-2068 à 360.97-361.02 NGF et 774 à 361 NGF) du mur occidental de l’ancienne résidence épiscopale (Mur 2057). De plus, ils se situent après une sépulture orientée est-ouest déjà évoquée (Sép. 2110).
Du premier trou de poteau (US 794 rempli par l’US 819 ; a creusé l’US 7747 à 361 NGF ; dimensions du trou : 23 cm x 34 cm ; fond à 360.55 NGF), il n’a été possible d’en étudier qu’un quart, le reste étant caché par des élévations plus récentes. Plus au sud, un autre trou de poteau (US 2069 rempli par l’US 2070 ; dimensions : 0,90 x 0,86 ; fond à 360.61 NGF) était directement lié à un négatif (US 2101, rempli de 2102 ; dimensions : 0,60 x 0,58 ; surface à 361 NGF, fond à 360.55 NGF), vestige d’un poteau placé de biais destiné à épauler le trou de poteau sud-ouest (US 2069) qui, avec d’autres, devait porter un étage. Il faut toutefois mentionner le fait que la moitié nord de ce dernier trou de poteau (US 2069), de même que celui du nord-ouest (US 794), ont visiblement été perturbés par une fosse orientée nord-sud, accusant un net pendage sud-nord (remplie par les US 2056-2066 et par l’US 7746). Cette fosse a d’autre part touché un trou de poteau (US 2074 remplie par l’US 2075 ; dimensions : 0,75 ; fond à 360.80 NGF) rencontré au nord-est du trou de poteau sud-ouest (US 2069) et en grande partie caché par la banquette (US 2013). Sa relation stratigraphique avec les autres trous de poteaux est perdue, mais le fait qu’il se trouve dans l’alignement d’un autre trou de poteau (US 794), incite à le retenir.
Plus à l’est, dans le bâtiment oriental, deux autres trous de poteaux ont été mis au jour (US 1438 et 1445 ; fig. 38). Le premier (US 1445) a creusé la structure en mortier rose (US 1446) qui, selon nos hypothèses, faisait peut-être partie d’un portique. Le second (US 1438) présente un diamètre de 0,80 m dans sa partie supérieure tandis que le premier (US 1445), qui a été coupé par la tranchée de construction d’un mur daté des XIIIe-XIVe s. (Mur 1420), a un diamètre de 0,70 m (fond à 360.34 NGF).
L’étude de la distribution de ces négatifs montre que les trous de poteau portant les n° d’US 1445 et 1438 devaient fonctionner avec les trous de poteaux portant les n° d’US 794 et 2074, car ils se situent en parallèle. Au sud-ouest, les trous de poteaux 2069 et 2101 disposés côte à côte correspondent visiblement à un poteau cornier accompagné d’un contrebutement destiné à supporter une élévation comprenant au moins un étage.
L’identification du sol associé à cette grande structure en bois n’a pas été clairement établie. Il pourrait s’agir d’une surface composée de pierres noyées dans du mortier beige (US 2054, à 361.175 NGF), essentiellement conservée au sud-est du trou de poteau 2069, reposant directement sous le premier sol du cloître construit en dur (US 2034-2038).
Il importe de mentionner également la découverte de vestiges d’un autre bâtiment en bois dans la zone sud-ouest du site. Il s’agit d’un négatif rectiligne interprété comme un solin de bois (Mur 20 ; fig. 138.F). À l’ouest, un angle a été identifié, laissant penser que l’édifice se développait au sud sous le bâtiment méridional actuel. À l’est, cette structure prenait vraisemblablement appui sur la partie méridionale de l’aile occidentale de l’ancienne résidence épiscopale conservée en élévation et cédée aux clercs.
Éléments de datation et interprétation
La faible quantité de mobilier trouvée dans les remplissages des trous de poteaux de la zone orientale est résiduelle (gallo-romaine), mais le fait que ces structures interviennent après le squelette d’adulte trouvé dans la future galerie est (Sép. 2110) et immédiatement avant les niveaux de construction en dur du cloître, permet de soutenir une datation située vers la fin du VIIIe s. ou le début du IXe s., ce qui concorde avec les donnes issues de l’étude de la céramique.
L’examen des données de fouille conduit ainsi à restituer un grand bâtiment en bois dont on n’a vraisemblablement reconnu que l’angle sud-ouest épaulé par un contrefort qui induit l’existence d’un étage. Son développement au nord et à l’est est envisageable. Cette structure en bois était vraisemblablement aboutée à l’élévation mérovingienne conservée au sud.
La datation du négatif d’un bâtiment en bois situé perpendiculairement au sud (Mur 20) est plus problématique en raison des nombreuses perturbations dues à des fosses plus récentes. Toutefois, un tesson non diagnostic du Haut Moyen Âge lui était associé.
Le bâtiment en bois découvert à l’est abouté à l’élévation antérieure conservée constituait peut-être un édifice à vocation communautaire accolé à Saint-Nazaire qui prenait place immédiatement au nord. L’hypothèse d’une “maison commune” dont des exemples sont connus à Aix-en-Provence et possiblement aussi à Lyon peut être avancée (Esquieu 1992, 151-158). L’aménagement de cette structure aurait pu répondre aux propositions de Chrodegang de Metz émises au milieu du VIIIe s., comme l’avait d’ailleurs envisagé Gagnarre. Une autre aile en bois prenait peut-être place au sud, perpendiculairement, avec vraisemblablement une fonction différente. Bien que l’inférence archéologique implique l’aménagement de ces bâtisses autour de 800, elles pourraient également remonter à l’époque de l’évêque Modoin (évêque vers 810 à 840) qui, comme nous le rapportent les sources, dota ses clercs des bas-fonds, contribuant ainsi à leur émancipation9. Ce prélat, proche du pouvoir impérial, a peut-être joué un rôle majeur dans l’application rapide de la règle d’Aix-la-Chapelle instaurée en 817, enjoignant le chapitre des chanoines nouvellement institué à se doter de bâtiments nécessaires à leur vie commune. D’autant plus que dans la première source mentionnant le cloître d’Autun, en 858, on précise que l’évêque Jonas doit doter le site de locaux “plus convenables et mieux adaptés aux besoins” des chanoines. Ce qui laisse entendre qu’il existait déjà des bâtiments pour les accueillir.
Création d’une avant-nef ou reprise de la nef de Saint-Nazaire
La fin du VIIIe s., ou le début du IXe s., a également vu la mise en place d’une structure qui correspond soit à la reprise de la nef de Saint-Nazaire, soit à la création d’une avant-nef (fig. 82, 126). De cette maçonnerie, nous avons reconnu un tronçon assez imposant mis au jour au rez-de-chaussée du bâtiment appelé “la Chambre des Comptes” situé au nord du cloître (fig. 57). Les incertitudes concernant la datation et la fonction de cette maçonnerie résident dans l’exiguïté de l’intervention archéologique, car pour des raisons de sécurité, il n’a été possible de fouiller qu’un espace très restreint10. Bien que limitées, les informations issues de ce sondage montrent l’excellente conservation des maçonneries identifiées puisqu’il s’agit en réalité d’élévations.
L’élément le plus ancien correspond ainsi à une massive structure maçonnée (US 1025-1026 ; surface à 362.65 NGF ; fond atteint à 361.45 NGF) dont la longueur reconnue est de 2,90 m tandis que la largeur était de 1,55 m (fig. 57). Toutefois, si sa limite sud a vraisemblablement été observée, la structure était certainement beaucoup plus longue puisqu’elle se poursuivait au nord dans la berme. Sa partie occidentale a été détruite aux XIIIe-XIVe s. tandis qu’à l’est elle a visiblement été reprise au XIe s. Composée de gros blocs de remplois antiques liés par de l’argile noire et jaune avec parfois du mortier rose, il est difficile d’établir s’il s’agit du mur gouttereau sud d’une nef ou d’une avant-nef – comme à Saint-Andoche d’Autun (Sapin 1986, 37-41) – ou bien d’une maçonnerie massive qui incorporait des supports ou ouvertures, donnant ainsi sur un bas-côté – comme à Saint-Pierre-l’Estrier d’Autun où le mur sud de la nef assez massif est percé d’arcs (Sapin 1986, 129) – contre lequel la galerie nord du cloître s’installera. Cette dernière hypothèse semble cependant la plus plausible, car un sol (US 2023) comprenant des carreaux de pavement a été mis au jour au sud de cette paroi qui était donc toujours en élévation. Ce sol du Moyen Âge central en remplaçait un plus ancien reposant sur un niveau de préparation identifié (US 2024). Son altitude (361.45 NGF) correspond à celle des niveaux carolingiens trouvés dans le préau du cloître, et notamment le puits, ce qui tend à montrer que sa date de réalisation doit être de peu contemporaine (fig. 126).
Aussi proposons-nous de dater cette maçonnerie et le sol associé de la fin du VIIIe s. ou du début du IXe s. Le type de maçonnerie incorporant de nombreux blocs de remplois antiques est comparable à celui de la reprise de l’enceinte réduite (Balcon-Berry 2011b) dont la datation assez large est comprise entre le VIIe et le IXe s. L’existence d’un mortier rose à forte teneur en argile, distinct de celui de couleur rose-saumon des constructions du milieu du IXe s., renforce l’hypothèse d’une datation légèrement plus haute. Pour l’heure, on ne peut malheureusement aller beaucoup plus loin dans l’interprétation. Seul un dégagement plus ample de la structure permettrait de préciser ses dispositions et sa date11. Les données archéologiques montrent par ailleurs que cette structure a été conservée jusqu’à la fin du XIIIe s., voire le début du XIVe s., époque de l’amorce d’une nef gothique finalement jamais réalisée.
État 8 : Les premiers aménagements du cloître (deuxième moitié du IXe s.)
Décaissement à l’emplacement du préau
Les galeries cernaient un espace ouvert, le préau (fig. 129, 139, 150). Dessinant à l’origine un carré de 18 m de côté, il a été amputé au nord-est lors de l’extension du chœur de la cathédrale Saint-Nazaire aux XIIIe-XIVe s. Près de la moitié de l’espace initial du préau a pu être fouillée, essentiellement la zone méridionale du site. Cette fouille a surtout montré de fortes perturbations stratigraphiques, avec décaissements et mélanges des sédiments dus, selon toute vraisemblance à la mise en culture de l’espace. Une chronologie générale des US a pu être établie, mais il est très difficile d’en saisir les détails.
Il est cependant clair qu’autour de l’altitude 361.30 NGF, un décaissement préalable à l’installation du préau a été réalisé. Il s’agissait d’établir une surface totalement plane afin de gommer les dénivelés dus au pendage naturel et surtout au système de terrasses créé au Ier s. p.C. L’aménagement de ces murs de terrasse a entraîné, comme on l’a vu, l’élimination quasi-totale des niveaux antiques au nord et à l’ouest du site, tandis qu’à l’est, ce sont les niveaux mérovingiens qui ont été parfois dérasés, tel les silos mis au jour au sud-est et les “terres noires”.
Au sud-ouest du préau, un puits a vraisemblablement été installé dès cette époque, même si la prudence reste de mise en raison de perturbations plus récentes et de sa restructuration à l’époque romane (fig. 85-86, 101, 126, 128).
Construction des galeries
Trois des quatre galeries du cloître ont été examinées de façon approfondie à l’occasion d’interventions échelonnées sur plusieurs années. Il s’agit des galeries est, sud et ouest (fig. 139). Toutefois, même si une attention soutenue leur a été accordée, on doit parfois déplorer des incertitudes d’ordre chronologique en raison de problèmes stratigraphiques propres à la fouille de sites claustraux (Foreman 1996). En effet, la datation des niveaux mis au jour est difficile car, dans le cas de sols en terre battue, leur nettoyage fréquent a entraîné la disparition des quelques fossiles directeurs que l’on aurait pu glaner. De plus, leur discontinuité entrave leur vision d’ensemble. En ce qui concerne les sols dallés, la difficulté réside dans la récupération des dalles qui étaient posées soit sur une surface argileuse, soit sur une chape de mortier, voire les deux. Aussi ne conserve-t-on aujourd’hui que des lambeaux de ces niveaux de préparation bien pauvres en matériel et souvent perturbés par la récupération des dalles, ou bien encore parfois les remblais préparatoires à la pose des dalles qui certes abritent du mobilier en grande quantité, mais de nature très hétérogène. Quelquefois, un décaissement préalable à la pose d’un nouveau sol dallé a même été observé, créant un hiatus dans la maigre chronologie d’ensemble que l’on pouvait établir. Ce préambule a donc pour but d’avertir le lecteur sur la fragilité de la datation établie, même si comme on le verra on peut parfois avancer des propositions plus assurées, notamment pour la galerie méridionale ou lorsque les niveaux ont pu être appréhendés parallèlement aux élévations conservées. Ces problèmes posés, il n’en demeure pas moins que le fait d’avoir fouillé progressivement les galeries, parfois à plusieurs années d’intervalle, a permis de repenser et de vérifier l’enchaînement des faits que l’on peut exposer avec une certaine assurance. La rareté d’une telle approche systématique des galeries doit également être soulignée.
La galerie orientale
Au contraire des ailes sud et ouest, la galerie orientale est conservée en élévation, du moins sa moitié sud (fig. 58, 88), puisque sa partie nord a été détruite au moment de l’agrandissement du chœur de Saint-Nazaire aux XIIIe-XIVe s. (fig. 143-144). Elle a bénéficié de deux grandes phases de fouille qui ont conduit à appréhender son histoire de façon claire et précise. La première intervention archéologique eut lieu épisodiquement entre 1985 et 1992 dans un espace limité appelé le “passage”, situé au nord de l’actuelle aile étudiée et immédiatement au sud de Saint-Nazaire (fig. 2, 3, 10, 58). Cet espace qui, à l’origine correspondait au centre de la galerie est devenu au XVIe s., voire peu après, un passage permettant d’accéder au bâtiment oriental, transformé en cave, ou cellier, un peu plus tard, aux environs du XVIIIe s. Pour aménager ce passage, un mur de bouchage (US 224-2229 ; fig. 9) a été monté dans la travée nord de la galerie orientale toujours en élévation, l’espace étant limité au nord par le mur méridional du chœur de la cathédrale Saint-Nazaire. Dans cette zone, les vestiges archéologiques étaient particulièrement bien préservés, encore que perturbés à l’ouest par une grande fosse des XIIIe-XIVe s. liée au chantier de construction gothique de Saint-Nazaire et la stratigraphie permettait de remonter jusqu’à l’Antiquité. Des résultats tout aussi concluants, mais abordés sur une plus grande échelle, étaient attendus dans le reste de la galerie qui se développait plus au sud. La fouille de la galerie orientale menée en 2003 a effectivement répondu aux attentes et a remédié en grande partie aux pertes stratigraphiques observées dans le bâtiment oriental entraînées par un décaissement massif au XVIe s. Dans cette galerie est, les vestiges au sol et en élévation se sont en effet révélés bien conservés et extrêmement importants pour la connaissance des phases des galeries, mais aussi pour des périodes antérieures mentionnées ci-dessus.
Nous abordons la galerie orientale en faisant abstraction des divisions qu’elle a subies ou que nous avons imposées afin d’avoir une vision globale de son histoire. D’autre part, nous incluons dans cette étude l’extrémité méridionale qui, à l’origine faisait la jonction avec la galerie sud12, car du point de vue de son évolution, nous verrons que cette dernière présente de nombreux points communs avec la galerie orientale.
Pour la première phase du cloître, on doit tout de même déplorer des pertes en ce qui concerne la galerie orientale. Il s’agit en premier lieu des niveaux d’occupation décaissés en grande partie au XIe s., époque d’une ample reprise du site (fig. 58). D’autre part, le mur occidental qui donnait sur le préau, a été récupéré au XVIe s. Toutefois, ces pertes sont compensées en quelque sorte par la conservation exceptionnelle de l’élévation carolingienne du mur oriental de la galerie est située dans le prolongement de la paroi mérovingienne qui subsiste au sud, de façon là aussi tout à fait remarquable. Ce mur oriental, conservé sur plus de deux mètres d’élévation, accueille un arc de facture particulièrement soignée, à joints rubanés (US 1720 ; fig. 59, 71). Son étude sera abordée de façon plus approfondie lors de la présentation du bâtiment oriental, puisqu’il permettait de lier la galerie est avec cet espace. Signalons toutefois dès à présent que des vestiges de l’enduit beige qui couvrait cette ouverture ont été conservés à la base du montant nord, protégés derrière la banquette aménagée un peu plus tard. Les joints rubanés n’étaient donc pas visibles, comme on a pu l’observer par exemple dans la crypte de Saint-Germain d’Auxerre (Sapin 2000a, 417 ; fig. 442). Ils servaient d’accroche à un enduit. D’autres fragments d’enduits beiges à surface très lissée ont été trouvés dans des niveaux plus récents. L’un d’eux correspond au revêtement d’un angle de support qui se trouvait probablement au nord de l’ouverture en plein cintre (US 1720).
Outre cette élévation carolingienne exceptionnelle, les niveaux de construction de la galerie ont été préservés (fig. 44), avec en premier lieu une perturbation (comprenant les US 2056-2066) que l’on associe à la tranchée de construction du mur oriental, côté nord, cette tranchée étant plus étroite au sud. Sur le remplissage de cette supposée tranchée (au-dessus de 2056-2066 donc) prenaient place des vestiges du chantier de construction du milieu du IXe s., avec tout d’abord une petite structure maçonnée (US 2052 ; à 361.24 NGF) comportant des pierres formant globalement un cercle sur lesquelles reposait une surface de mortier rose. Immédiatement au sud, prenait place un petit trou de poteau de 0,25 m de diamètre (US 2042) cerné en partie par du mortier rose (surface à 361.17 NGF), qui servait à caler un poteau dont on a trouvé des traces de décomposition. Ce négatif creusait le sol (ou radier) composé de pierres noyées dans du mortier beige clair (US 2054 à 361.175 NGF) que l’on peut associer aux trous de poteaux du grand bâtiment en bois interprété comme le tout premier lieu de réunion des chanoines. Ces éléments erratiques (US 2042 et US 2052), car très perturbés par la suite correspondent vraisemblablement aux vestiges d’un échafaudage à perches (Baud & Reveyron 1996, 41-44). Ils sont en tout cas clairement postérieurs aux trous de poteaux du bâtiment en bois.
Le niveau de sol (fig. 60-62) contemporain des vestiges de construction a été identifié (US 2079 ; à 361.185 NGF) et comportait en surface des traînées de mortier. Au-dessus de cette surface prenaient place des niveaux alternativement blancs, car composés de chaux (notamment US 2039 à 361.24 NGF), et très sombres en raison de leur nature limoneuse (notamment US 2078 ; à 361.195 NGF). Ce feuilletage visible surtout au nord-ouest, en relation avec les quelques vestiges de la paroi occidentale de la galerie (Mur 2007) accusait un net pendage dans le sens est-ouest. Ces niveaux ont été très nettement sectionnés au XIe s. lors d’un décaissement préalable à l’installation d’un dallage (US 2115 et ID 2114). Ces surfaces décaissées correspondent vraisemblablement aux niveaux de construction associés au mur ouest de la galerie. Par ailleurs, elles devaient composer la préparation pour un sol perdu dont la nature est donc inconnue (plancher, dallage ?). À l’ouest du mur occidental de la galerie (Mur 2007), une couche de mortier de couleur rose saumon (US 2244 ; fig. 61) a été reconnue en continu dans la coupe de la tranchée de récupération du XVIe s. (US 2011). Il indique le niveau du sol situé à l’extérieur de la galerie en cours de construction.
Comme déjà mentionné, le mur occidental construit à l’époque carolingienne (fig. 58 ; Mur 22-1913-2007) a malheureusement été presque entièrement récupéré au XVIe s., au cours de l’État 15 (fig. 119 ; US 1902, 1919 et 2011 ; fond à 360.74 NGF au nord, pour l’US 2007), il est donc difficile de l’étudier dans le détail. On ne le connaît qu’au travers des moignons de maçonneries conservés à l’aplomb de supports aménagés au XIVe s. contre ce mur qui donnait sur le préau et épargnés par les récupérations du XVIe s. (fig. 60-62). Dans les tranchées, ces éléments sont ainsi visibles en coupe. À travers ces vestiges, on perçoit que ce mur occidental de galerie (surtout pour le Mur 2007) était composé de moellons liés par du mortier de couleur saumon aux nuances rosées et orangées constituant un empattement (large de 0,94 m) sur lequel reposait l’élévation (large d’environ de 0,50 m). Cet empattement réalisé dans une tranchée étroite13 prenait place sur une assise de grosses pierres surmontant un radier composé d’éclats de calcaire (US 2060 fouillée au fond de l’US 2011 ; entre 360.89 et 360.80 NGF). La partie supérieure de cette fondation qui correspondait à un ressaut recevait les niveaux (préparation de sols ? ; US 2037 et 2040, à 361.18 NGF) en contact avec l’élévation malheureusement démantelée au XVIe s. Il est donc difficile d’en connaître les dispositions, même si elle accueillait vraisemblablement des ouvertures. Toutefois, l’ampleur des fondations laisse supposer que son élévation devait être à l’origine assez massive et haute. Elle a été restructurée à plusieurs reprises, comme on le verra.
La galerie méridionale
La galerie sud comprend deux grandes zones de fouille (fig. 10, 63, 139). La moitié occidentale a été excavée entre 1985 et 1988, avec complément de fouille réalisé en 2001-2003 dans l’angle sud-ouest formé par la rencontre du bâtiment sud et du bâtiment sud-ouest, complément rendu possible par la destruction d’un escalier moderne. Cette zone a été très perturbée par une grande fosse du Bas Moyen Âge, vraisemblablement associée à la restructuration de la partie occidentale du bâtiment sud. La moitié orientale a été fouillée en grande partie entre 1984-1989, puis, pour l’extrémité orientale en 1999-2001. Ce dernier espace a réservé bien des surprises et s’est révélé déterminant dans la compréhension globale de la galerie sud, car il n’avait pas été touché par la grande fosse du Bas Moyen Âge. En effet, nonobstant des perturbations dues à de grands collecteurs et tuyaux d’évacuation d’eau pluviale ainsi qu’à la construction de murs à la fin du Moyen Âge (Murs 7, 11 et 2), les niveaux stratigraphiques étaient extrêmement bien conservés. Il en était de même sous les fondations d’un escalier à volée droite (US 203) construit au XVIIIe s. pour accéder directement à l’étage élevé au-dessus de l’ancienne galerie orientale. En 1999, le démantèlement de cet escalier moderne14 nous a donc offert l’opportunité de compléter nos informations concernant cette galerie tout en révélant l’existence d’une élévation méridionale du bâtiment sud non touchée par une ample reprise du XIXe s., même si de lecture difficile et comportant des phases fort anciennes, comme nous le verrons lors de l’étude de cet édifice. La fouille des niveaux stratigraphiques a ainsi pu être menée parallèlement à l’analyse de l’élévation, les deux se nourrissant mutuellement.
Dans l’extrémité orientale de la galerie (fig. 64), un sondage entrepris après le démontage de l’escalier moderne (US 203) a donc révélé l’existence d’une stratigraphie très bien conservée s’échelonnant entre l’époque mérovingienne et le XIVe s. Immédiatement au-dessus du décaissement des silos mentionnés plus haut (telle l’US 640) reposait une fine couche noire retrouvée de façon sporadique (US 1531) associée à de fins niveaux argileux (US 1532 et 1533). Cette séquence stratigraphique présente des similitudes par rapport à celle observée dans la galerie ouest, pour les niveaux les plus anciens du cloître, avec une surface organique de couleur noire interprétée comme un sol en terre battue qui comportait des traces d’un plancher lui ayant succédé.
Dans la moitié occidentale, ces vestiges de sols ont été extrêmement perturbés par une fosse antérieure au XVIe s. (US 686). Ce n’est que le long des murs de fondation carolingienne (Murs 12 et 13) que des vestiges antérieurs à la fosse ont pu être identifiés, notamment dans la travée située à la jonction des galeries sud et ouest. À cet endroit, on retrouve au-dessus d’une surface pierreuse (US 660) un niveau noir (US 653) criblé de petits trous de poteaux, vestiges d’un plancher (fig. 65). Cela semble confirmer l’hypothèse selon laquelle, comme dans la galerie occidentale, la galerie méridionale avait dans un premier temps été dotée d’un plancher ayant succédé à un sol en terre battue.
Les structures à associer à ces premières phases du cloître ont été presque entièrement récupérées, à l’instar de ce qui a été observé pour la galerie orientale. Ainsi, le mur donnant sur le préau (Mur 13) a été totalement démantelé au XVIe s. pour faire place à un mur de soutènement (Mur 2) qui repose d’ailleurs en partie sur le comblement de la tranchée de récupération de la maçonnerie du IXe s. (US 169B, 175 et 345). Seule la partie occidentale de ce dernier, faisant la jonction avec le mur de la galerie ouest (Mur 12) perpendiculaire et qui lui est contemporain, a été retrouvée en partie. Ces deux parois présentaient une largeur de 0,70 m en fondation. Pour le premier, des moellons disposés en assises assez régulières étaient liés par du mortier rose qui, au niveau de la surface exposée, portait des négatifs de pierres. On ne peut rien affirmer quant au décor de la galerie de cette époque. Des fragments d’enduits peints retrouvés dans les niveaux d’exhaussement et de restructuration du XIe s. (voir ci-dessous les US 1523 et 1524) laissent toutefois clairement entendre que les murs n’étaient pas laissés nus, mais bénéficiaient au contraire d’un traitement soigné. En effet, une grande variété de coloris et la présence probable de décors de damiers et de faux-marbre ont été reconnues (fig. 180). Les dispositions de l’élévation du mur de galerie côté préau sont cependant inconnues, aucune information n’ayant été recueillie en ce qui concerne d’éventuelles ouvertures agrémentées d’un décor sculpté.
La galerie occidentale
La moitié sud de la galerie ouest a été fouillée en plusieurs phases dans les années 1980, puis en 2000-200315, en laissant une berme témoin à l’angle du mur est et du mur nord du bâtiment sud-ouest (fig. 65, 139). Il a ainsi été possible de vérifier progressivement la séquence stratigraphique depuis l’Antiquité jusqu’au XXe s., d’autant plus que la zone était peu perturbée. Des niveaux de sols particulièrement précieux pour la connaissance de l’évolution du cloître ont notamment été mis au jour en relation avec le mur de la galerie ainsi qu’avec la paroi orientale du bâtiment ouest d’origine (mur est du bâtiment sud-ouest compris). Globalement, l’excellente conservation de la stratigraphie renseigne de façon précise sur l’histoire de cette aile du cloître sensiblement différente de celles du sud et de l’est.
En préalable à l’installation en dur du cloître, le mur de terrasse antique (Mur 2105) dont on a trouvé le radier au nord de la zone fouillée (fig. 66), a été récupéré puis remplacé par le mur oriental du bâtiment occidental (Mur 1264) selon un axe toutefois légèrement différent16, ce qui explique l’absence de traces de la paroi antique plus au sud. C’est contre ce mur que s’appuyait la galerie ouest. À l’est, la paroi antique était associée à un niveau (US 660) composé d’un mélange d’argile et de granite, surface compacte qui devait constituer la préparation pour un sol dont il ne subsiste pas de traces à cause probablement d’un décaissement. Cette couche présentait des trous de poteaux que l’on attribue à la mise en place d’un échafaudage.
Comme c’est le cas pour les galeries est et sud, le mur de la galerie (Mur 12) a été en grande partie récupéré à la fin du Moyen Âge (fig. 66-67), mais il en subsistait trois assises du IXe s., mince semelle de fondation, conservée sur plus de 7,50 m de long, avec au-dessus quelques assises de l’élévation. Large de 0,80 m en fondation et de 0,60 m en élévation, ce mur est constitué lui aussi de mortier de couleur saumon. Étant donné qu’une reprise du XIe s. vient directement se poser sur ces assises supérieures, comme nous le verrons, on ne peut exclure que l’élévation originelle de ce mur de la galerie occidentale était constituée de bois et de pisé sur semelle de pierre. Des cavités cernées de pierres de calage pourraient correspondre à des empreintes de poteaux associés à l’élévation de la galerie, ou bien marquer l’emplacement d’une porte17.
Ces fondations étaient en partie cachées par les terres de remplissage des tranchées de construction (US 1589 et 688) elles-mêmes surmontées de surfaces de chantier. Il s’agit du niveau 659, composé d’argile verte couverte, de façon discontinue, d’un lit de mortier rose, ainsi que de l’US 664 comportant aussi de l’argile avec des traces de mortier blanc en surface, localisé le long du mur de la galerie (Mur 12).
La couche d’argile verte portant en surface des épandages de mortier rose (US 659 sur les US 652 et 660) venait mourir, à l’ouest, sur la semelle du mur de la galerie (Mur 12). Elle était absente à l’ouest et comportait sporadiquement des zones caillouteuses (déchets de taille ?). Cette couche doit être associée aux activités de construction de la galerie.
Dès le début de sa construction, la galerie ouest comportait un escalier (US 1290) en pierre qui permettait d’accéder à l’aile orientale du bâtiment ouest (Mur 1264) contre laquelle il était accolé (fig. 65, 68). Constitué de grands blocs antiques réemployés, de dalles et de tuiles gallo-romaines, le tout lié par un mortier maigre de couleur ocre-saumon et de terre argileuse grise, il reposait directement sur l’US 660. Toutes les couches de la galerie venaient buter contre cette structure ; elle faisait donc bien partie des premiers aménagements et sera maintenue sur le long terme.
Essentiellement dans la moitié occidentale de la galerie (fig. 65), un niveau très organique et limoneux de couleur noire (US 653), avec parfois du charbon de bois en surface, des ossements d’animaux et des arêtes de poisson, accusait un léger pendage ouest-est. Ces éléments montrent qu’il s’agit d’un ou de plusieurs niveaux d’occupation. Cette US était en contact avec le mur est du bâtiment ouest (Mur 1264) et s’interrompait peu avant la semelle de fondation du mur oriental de la galerie (Mur 12). Des petits trous de poteaux distribués de façon assez aléatoire lui étaient associés et leur présence à l’est (vers le Mur 12) semble indiquer que l’US 653 a bien existé dans cette zone même si rien n’en subsistait. Ponctuellement, notamment au sud de l’escalier, des négatifs d’éléments de bois posés horizontalement, comme des petites sablières, ont d’autre part été observés en surface. Les trous de poteaux laissent penser que le sol en bois était suspendu et couvrait un léger vide sanitaire au-dessus du niveau d’occupation proprement dit (l’US 653). Ce plancher devait donc à l’origine être porté plus haut, puis il a été enlevé avant de procéder à la pose d’un nouveau sol18, aucune trace de bois en décomposition n’ayant été observée. Comme dans la galerie sud, ces vestiges correspondent vraisemblablement au premier sol du cloître en terre battue, remplacé par un plancher. Plus au sud, ils ont été reconnus jusqu’au négatif d’un pilastre du XIe s. (US 1964) mais pas au-delà, dans la galerie sud donc. Cette absence s’explique probablement par un décaissement observé dans la zone faisant la jonction entre la galerie sud et la galerie ouest. Ainsi, le plancher de la galerie ouest existait primitivement au moins dans l’angle sud-ouest.
La partie nord de la galerie ouest abritait dès l’origine une structure en grande partie récupérée a posteriori (US 1778), dont on a retrouvé des vestiges (US 1645 ; fig. 69). Cet élément, en partie reconnu en fouille et surtout visible dans la berme nord du sondage situé devant le bâtiment ouest, est composé de moellons et de terre argileuse grise mêlée à du sable gris. Large de 0,70 m, il devait présenter une hauteur de 0,55 m (longueur inconnue), ce qui correspond à la fois à la limite de la tranchée de récupération (US 1778) et à l’assise de réglage de la fondation (Mur 2216) du mur oriental du bâtiment ouest (Mur 1264). À l’origine il portait peut-être une structure en bois qui, au moment de la création du premier dallage, n’était plus visible, car le négatif d’une dalle a bien été reconnu au-dessus. Il a été mis en place au moment de la construction du cloître, car il repose sur l’US 660 et sur le remplissage (US 1777 = 690) présent dans la tranchée de construction du mur est du bâtiment ouest (Mur 1264), tout en lui étant en tous points semblable. Cette construction était plaquée contre le mur oriental du bâtiment ouest (Mur 1264), avec de la terre argilo-sableuse de couleur grise (identique à l’US 1777) pour assurer la transition entre ces deux faits. Elle se poursuivait probablement au sud (US 1644) et elle a été perturbée par une fosse (US 1288, remplissage US 1289) correspondant selon nos hypothèses à la récupération d’un pilastre du XIe s. En raison de problèmes stratigraphiques et de perturbations, nous restons cependant dans l’incertitude quant à la fonction de cette structure, si ce n’est qu’elle était visiblement associée au mur oriental du cellier bâtiment ouest (Mur 1264) et à ses fondations19.
Les bâtiments communautaires
Le bâtiment oriental
Si l’emplacement du bâtiment oriental, jouxtant la galerie est, invite à l’assimiler à une salle de réunion de type salle capitulaire, comme l’affirme Charles Böell dans son étude inédite20, du fait de sa localisation habituelle tant en milieu monastique que canonial, les fouilles menées dans ce lieu incitent à être prudent quant à sa fonction, surtout pour cette première phase où les fonctions des bâtiments ne sont pas aussi clairement définies dans les sources (fig. 88). En effet, dans cet édifice qui correspond actuellement à une cave21, un décaissement sévère intervenu du XVIe s. a conduit à la disparition d’une grande partie des niveaux archéologiques, avec un hiatus de plus de dix siècles. De plus, l’espace avait déjà été grandement perturbé aux XIIIe-XIVe s., car on a noté une grande activité de construction parallèle à l’amplification des parties orientales de la cathédrale Saint-Nazaire, projet amorcé, mais jamais réalisé. La salle de réunion se trouvait peut-être plus au nord, au contact direct de l’ancienne cathédrale, ou bien c’est la partie méridionale de la galerie orientale, dotée dès les IXe-Xe s. de banquettes, qui en faisait office. La volonté de créer un tel espace ne se serait fait sentir que plus tardivement, aux XIIIe-XIVe s., comme certains indices tendraient à le faire penser. Il en serait de même pour le dortoir qui, si l’on s’en réfère à d’autres sites, devait surmonter cette salle de réunion.
Toutefois, on doit souligner le fait que le bâtiment oriental, comme la galerie le jouxtant, a remplacé l’ancienne domus ecclesiae et a accueilli une construction en bois que l’on interprète comme étant un des premiers bâtiments communautaires, de la fin du VIIIe ou du début du IXe s. Si tel était bien le cas, sa transformation en salle capitulaire semblerait aller de soi.
On doit également rappeler qu’une grande ouverture de belle facture, aménagée au nord de la porte à orthostates de l’élévation mérovingienne conservée (fig. 42, 59, 70-71), appartenant à la domus ecclesiae fait partie du mur occidental de ce bâtiment. Cette ouverture permettait de faire le lien avec la galerie est adjacente. Sa face orientale comprend de gros blocs antiques de réemploi (US 1720 avec comme montants les US 1496 et 1498). L’arc surmontant ces blocs est visible côté occidental. Il est doté de beaux joints rubanés parfois doublés, de facture très soignée. Les piédroits sont en légère avancée par rapport à lui, dessinant de la sorte un décrochement. Ces différentes observations, liées au fait que les joints soient composés de mortier de couleur rose saumon, conduisent à dater cette ouverture du milieu du IXe s. Seul un relevé partiel a été réalisé, car sur sa face occidentale l’enduit récent, très compact, est toujours en grande partie en place. Son élimination totale devrait être effectuée au cours d’un aménagement du site. La base du piédroit nord de cet arc présente un enduit beige protégé par une banquette créée a posteriori (US 2013). Ce vestige de revêtement de l’arc, et plus globalement de la paroi carolingienne, miraculeusement préservé permet de faire des comparaisons tout à fait intéressantes avec d’autres fragments d’enduits trouvés en fouille.
Comme déjà dit, lors de cette phase, l’élévation mérovingienne maintenue au sud est visiblement doublée, car un sondage très limité pratiqué à l’emplacement supposé de son piédroit nord (US 1498), côté face occidentale, n’a pas permis, pour l’heure, de découvrir le pendant de cet élément22. Donc cette porte n’était apparemment plus en usage, sans doute bloquée, au IXe s.
Au nord, la maçonnerie carolingienne est beaucoup plus visible côté bâtiment oriental, dont elle compose le mur occidental. Là, on peut en effet apprécier sa fondation (US 1718) constituée de moellons assez bien équarris et disposés en assises assez régulières. Les joints sont larges et parfois rubanés. Cette fondation a été réalisée dans une tranchée assez étroite (US 1710) reconnue au sud (à l’aplomb du montant 1496). Plus au nord, cette tranchée a visiblement été élargie (US 1604, à l’aplomb de l’US 1495), car la forme du négatif diffère23. Ces négatifs ont perturbé le sol en mortier de tuileau (US 1268) de l’Antiquité tardive. Le montant nord (US 1496) de l’arc (US 1720) repose totalement sur la fondation (US 1718) qui lui est contemporaine. Si, comme pour le montant sud (US 1498) il comporte des gros blocs disposés en assises régulières, des moellons plus petits sont aussi observables, dont un qui présente des traces de taille en arêtes de poisson. Ces éléments sont liés par du mortier de tuileau de couleur rose clair.
L’existence de cette porte de construction soignée, tend à montrer qu’elle avait une fonction déterminante au sein du bâtiment auquel elle conduisait et pour lequel nous ne possédons pas d’autres informations, en raison des perturbations postérieures. Comme on l’a déjà dit, il pourrait s’agir d’une salle de réunion, sorte de salle capitulaire ou bien d’un espace associé à l’évêché qui se déployait vers l’enceinte réduite.
Le bâtiment sud
Le bâtiment sud correspond probablement au réfectoire dès sa fondation, bien que dans la première moitié du XIXe s., l’abbé Devoucoux y voyait plutôt l’emplacement du dortoir. L’édifice dessinant un grand rectangle a été amplement remanié au XIXe s., époque de sa transformation en chapelle – la chapelle des Bonnes-Œuvres (fig. 72, 139). Mais une lecture attentive des maçonneries, couplée à la fouille de la galerie sud qui a permis de dégager la base de son mur septentrional, a montré la conservation de parties fort anciennes.
La paroi septentrionale de cet édifice porte les marques de la réfection d’envergure menée au XIXe s. Elle présente deux entités nettement différenciées : à l’est se développe le Mur 212 jusqu’à une césure clairement marquée sur le plan vertical, avec avancée de la maçonnerie signifiant le début du Mur 211, à l’ouest. Seule la base des murs comporte des vestiges antérieurs au XIXe s., notamment à l’est d’une ouverture (US 77) elle aussi restructurée au XIXe s. Toutefois, l’extrémité orientale a été épargnée grâce à la présence d’un escalier (US 203) mis en place au XVIIIe s., sur lequel les reprises du XIXe s. sont venues s’appuyer. Aussi, lors du démontage de ce dernier, d’autres maçonneries anciennes ont-elles pu être mises au jour, maçonneries étudiées parallèlement à celles ayant survécu plus à l’ouest.
On a déjà évoqué la difficile lecture de cette élévation orientale de la paroi nord du bâtiment sud au sein de laquelle on propose de voir, à la jonction avec la galerie est, une ouverture mérovingienne (fig. 72 avec le bloc de l’US 1514 associé à l’US 1511), à cause notamment de la présence d’un enduit blanc cachant une grande partie de la maçonnerie. Les parties relevant du IXe s. occupent la base du mur. Il s’agit pour les parties visibles de pierres oblongues mariées à des blocs antiques de remploi (US 150924 et 1510) ainsi qu’à des moellons disposés en assises assez régulières. Les blocs de ces maçonneries reposent directement sur l’argile vierge, alors que ceux faisant partie de l’élévation mérovingienne, à l’est, ont été insérés dans une tranchée de construction qui a creusé les silos déjà mentionnés. Immédiatement à l’ouest, à l’aplomb de l’ouverture du XIXe s. (US 77), un gros bloc antique surmonté de pierres massives semble dessiner un montant d’ouverture directement lié à d’autres pierres oblongues (à 361.95 NGF) qui pourraient correspondre à un seuil d’une largeur d’1,40 m, si l’on se fonde sur la limite occidentale conservée de ces mêmes dalles horizontales. Ce seuil surplombait ainsi d’une vingtaine de centimètres le sol probablement dallé de la galerie méridionale dont on a proposé plus haut la restitution pour le IXe s. (dalles posées sur l’US 1530). Le mode de construction de cette ouverture, avec ses blocs de remploi antique, est assez comparable à celui de l’arc découvert dans le mur de fond de la galerie orientale (US 1720), ce qui tend à confirmer sa datation. Elle marquait ainsi le centre de la paroi, tout en permettant d’accéder au niveau inférieur du bâtiment sud.
Des maçonneries comparables, bien qu’également fort remaniées, ont été mises au jour dans l’extrémité occidentale, au niveau du Mur 211 et d’une porte qui lui est associée (US 75 ; fig. 72). En effet, la base orientale de cette paroi (US 1519) présente des blocs oblongs, semblables à ceux identifiés à la même altitude au sein du Mur 212 (à 361.95 NGF). Là aussi, ces pierres sont semble-t-il liées à une ouverture ancienne déduite de l’observation, immédiatement à l’est, d’une nette limite verticale pouvant correspondre à son montant oriental.
D’autres arguments peuvent étayer cette hypothèse : la présence d’un socle (US 1968) qui, comme ceux rencontrés dans la galerie sud, on le verra, a été mis en place au XIe s., mais qui, au contraire des autres, a été englobé dans une maçonnerie plus tardive (en l’occurrence du XVe s.), tout comme la base (US 1969) du XIIe s. posée sur ce socle. Ces deux éléments se seraient apparemment greffés à une ouverture remontant au IXe s. Ainsi donc, dès l’époque carolingienne, le mur nord du bâtiment sud devait, selon nos hypothèses, être scandé d’ouvertures – une à l’est, de fondation mérovingienne, une autre au centre et une à l’ouest – mettant de la sorte en relation le niveau inférieur de l’édifice avec la galerie qui lui était accolée.
Entre les baies inférieures de la paroi méridionale du bâtiment sud, au centre du mur, on a pu mettre en évidence la présence d’un tronçon de maçonnerie de facture soignée, composé de moellons disposés en assises assez régulières, certains correspondant à des remplois antiques, les fameux “pâtureaux” (fig. 98). Ce parement visible aussi en face interne, est comparable à celui du mur oriental du bâtiment ouest, de fondation carolingienne, comme on va le voir, mais aussi avec le mur nord du même bâtiment sud, d’autant plus que des blocs oblongs y sont aussi présents. En tout cas, cette maçonnerie de belle facture remonte vraisemblablement à l’époque carolingienne. Elle est conservée jusqu’à une altitude de 367 NGF, c’est-à-dire près de quatre mètres de plus que son pendant septentrional. Elle a été elle aussi fortement remaniée, notamment au milieu du XIIIe s. lors de l’aménagement du niveau inférieur de fenêtres à remplages aujourd’hui bouchées, qui remplacent probablement des ouvertures plus anciennes, ainsi qu’au XVe s. et au XIXe s., comme on le développera plus loin.
Vu l’importance de l’élévation carolingienne au sud, on peut se demander si le bâtiment ne comportait pas au IXe s. deux niveaux, avec un espace inférieur réservé au scriptorium surmonté d’un réfectoire, comme ce sera vraisemblablement le cas plus tard. De même, la nette division du mur nord (Mur 211 et 212) se retrouve au sud, bien que dans ce cas il s’agit probablement d’une reprise, au XIe s., d’une partie plus ancienne, ce qui conduit à s’interroger sur la division possible de cette bâtisse en deux entités. De plus, l’étude de la faune menée aux abords de son espace occidental (Beck 1996), galerie sud comprise, a montré la prépondérance d’ossements d’animaux, et donc la possibilité de l’existence des cuisines à cet emplacement (Madignier 2011, 259-251).
Le bâtiment ouest
L’histoire du bâtiment ouest est intimement liée à celle de la galerie ouest attenante puisqu’il en constitue la paroi occidentale (fig. 66, 69, 139). Si l’actuelle élévation du bâtiment ouest remonte essentiellement au XIe et aux XVe/XVIe s., l’archéologie a permis de révéler l’existence d’un premier bâtiment dès le IXe s. La fouille de la moitié sud de la galerie méridionale a en effet donné l’opportunité de mettre au jour toute une élévation carolingienne assortie de l’escalier déjà présenté, conduisant à l’aile orientale du bâtiment ouest dans son état primitif.
La paroi orientale du bâtiment ouest carolingien (Mur 1264) qui s’est substituée au mur de terrasse antique (Mur 2105), comme on l’a déjà précisé, a été dégagée sur une longueur de plus de 16 m, avec fondations et élévations, permettant une analyse assez détaillée (fig. 66, 68). En ce qui concerne les premières, on observe plusieurs phases de construction comme l’attestent des différences dans les tranchées de construction, mais également dans les fondations elles-mêmes. Ainsi au nord et au sud, les tranchées orientales sont assez étroites et les fondations parementées (US 2216), tandis qu’au centre elles sont plus larges et constituées essentiellement d’un blocage (US 2213). Toutefois ponctuellement on a pu observer que les remplissages des tranchées ont été réalisés en deux temps que ce soit pour la tranchée large ou pour celle qui était un peu plus étroite : un premier niveau de terre mêlée à de l’argile verte pour la fondation en blocage (US 690) à peu près jusqu’au sommet de la tranchée de construction, puis un épandage de terre argileuse (US 652) verdâtre qui couvre l’US 690, le haut de la tranchée de construction et, plus à l’est, l’US 660. Pour la tranchée plus étroite abritant la fondation parementée, deux niveaux de remplissage ont aussi été observés dans la tranchée, mais constitués cette fois d’argile jaune impure. La continuité du tracé des tranchées larges et minces, le même remplissage réalisé en deux temps, nonobstant une différence de terre, une assise de réglage constitué de pierres plates qui marque la fin du libage, ainsi que le même type de liant de couleur saumon pour les fondations parementées ou non, indiquent clairement que ces éléments appartiennent bien à un même édifice25. On doit toutefois noter la présence d’une fosse circulaire cernée de pierres (US 2223) qui a été installée dans l’US 690 avant la mise en place de l’US 652 et qui était visiblement liée à la fondation constituée de blocage (US 2213) du Mur 1264. La présence de cette fosse ancienne doit s’expliquer par l’activité de construction.
La fondation parementée (US 2216) se caractérise par l’emploi de gros blocs antiques réutilisés (on note la présence de tambours de colonnes, d’un chapiteau…) non liés par du mortier, solide semelle pour un bâtiment qui devait être assez élevé. Au nord, ces blocs sont surmontés de deux assises de longs moellons qui marquent la fin de la fondation dont on vient de parler (vers 362 NGF) et constituent des assises de réglage. Au-dessus de ces dernières prend place l’élévation. Particulièrement bien conservée au nord de l’escalier qui mettait en liaison la galerie ouest avec le bâtiment ouest, elle est constituée de moellons disposés en assises assez régulières, avec mortier de couleur rose saumon. À certains endroits, un enduit blanc était conservé.
Ce mur oriental du bâtiment ouest se poursuivait au sud où il est bien conservé à la base du bâtiment sud-ouest et au nord. Le niveau approximatif de son sol, bien supérieur à 363.50 NGF, a pu être apprécié. Il se situait à près de deux mètres au-dessus du sol primitif de la galerie ouest, comme l’a montré un sondage pratiqué au pied du mur est du bâtiment ouest actuel, dans le prolongement du côté nord de l’escalier carolingien de l’ancienne galerie attenante. En effet, à cet endroit, malgré de nombreuses perturbations modernes, il a été possible de reconnaître la présence du point culminant de l’argile géologique à cette altitude. Cela montre de nouveau qu’à l’époque carolingienne, la construction du bâtiment ouest a tiré parti du système de terrasses antiques. On en déduit aussi que l’escalier de la galerie ouest comportait en partie haute au moins deux marches supplémentaires permettant de rattraper le niveau du sol du bâtiment ouest, marches reprises au XIe s. Il subsiste tout de même une différence de près d’un mètre entre la surface actuelle du bâtiment ouest qui, dans ses phases les plus anciennes ne pouvait être plus bas puisqu’il repose sur l’argile géologique (à 364.45 NGF) et celui identifié immédiatement à l’est. Ceci conduit à penser que l’élévation étudiée correspond en fait au mur est d’une aile orientale du bâtiment ouest carolingien, dont la paroi occidentale a été totalement reprise au XIe s., on y reviendra. La continuité de cette élévation carolingienne observée au sud de la limite actuelle du bâtiment ouest montre aussi que ce bâtiment se poursuivait beaucoup plus au sud dès sa première phase, ce que l’étude des reprises du XIe s. confirmera.
À Autun, la fonction du bâtiment ouest au IXe s. n’est pas connue, mais au XIe s. et après, ses niveaux inférieurs sont clairement destinés au stockage de denrées alimentaires. La fonction de cellier/farinier semble ainsi probable pour ces périodes et dès le IXe s.
État 9 : Réaménagement des galeries seconde moitié IXe s./Xe s.
Galerie orientale
Les vestiges d’une banquette accolée à la partie sud du mur oriental de la galerie (US 1908) ont été mis au jour (fig. 58, 73, 140). Cette banquette comportait visiblement deux phases : une partie plus ancienne au nord (US 2230) et son prolongement au sud (US 2232) au-dessus de la dalle associée avec l’ouverture mérovingienne bouchée (US 1983). Ces deux parties présentent une largeur de 0,50 m. Le fragment le plus ancien (US 2230 ; surface à 361.71 NGF), au nord, est constitué de moellons disposés entre des niveaux d’argile fortement damée mêlée parfois à du mortier. Comme pour sa reprise méridionale, les niveaux du XIe s. et les suivants viennent buter contre. Ces structures sont donc antérieures au XIe s. ; elles pourraient remonter à la seconde moitié du IXe s. ou au Xe s. Les éléments d’une autre structure (US 1962 ; surface entre 361.35 et 361.46 NGF), vestiges possibles d’une banquette, ont été observés dans l’extrémité sud de la galerie orientale, le long du mur méridional (Mur 1952). Composée de moellons surmontés d’un lit d’argile, à l’instar de l’US 2230, cette maçonnerie a été perturbée par le décaissement du XIe s. dont on va reparler, ce qui indique que contrairement à la banquette orientale, elle a été supprimée par la suite (au XIe s.). De même, il est clair qu’elle est postérieure au mur sud de la galerie (Mur 1952), car sa tranchée de construction a creusé les niveaux associés à ce dernier. Cette constatation renforce l’hypothèse d’une datation ancienne de cette paroi méridionale que l’on attribue à l’époque mérovingienne.
De façon générale, cette banquette pose la question de la fonction de la galerie orientale : il est en effet possible que la partie sud de l’espace, peut-être isolée par une clôture aujourd’hui perdue, constituait un espace de réunion, suppléant ainsi à l’absence de “salle capitulaire” dont aucune trace tangible n’a été retrouvée à l’est pour ces phases anciennes. Une autre hypothèse serait de voir dans la galerie orientale le lieu d’accueil de l’école capitulaire. En l’absence de textes précisant la destination des espaces du cloître à cette époque reculée, on ne peut proposer de réponse catégorique26.
En outre, la datation précise de la banquette demeure problématique, car il n’a pas été possible de la démonter en partie pour mieux la positionner sur le plan stratigraphique, d’autant plus que le décaissement du XIe s. a éliminé les niveaux de sol avec lesquels elle fonctionnait. Elle est toutefois antérieure à ces niveaux. Elle pourrait remonter au début du Xe s., époque de la séparation de la mense des chanoines de l’évêque (920) et donc de leur plus grande autonomie.
Galeries méridionale et occidentale
On l’a indiqué plus haut, pour la galerie sud, la comparaison avec des niveaux identiques, mais beaucoup mieux conservés, dans la galerie ouest, conduit à proposer l’existence d’un plancher supplanté par un dallage (fig. 64-65, 140). Cette séquence est beaucoup plus claire dans la galerie ouest, sur laquelle nous allons nous attarder.
En effet, dans cet espace ont été retrouvés les négatifs de dalles sur une couche de mortier blanc (US 2214) avec préparation rosâtre pour la pose du revêtement (US 2215). Ces niveaux de mortier ont été rencontrés au pied du mur occidental de la galerie, qui compose aussi le mur est du cellier carolingien (Mur 1264), notamment contre sa fondation (US 2216), et au sud de l’escalier (US 1290) qui faisait la jonction entre ces espaces. À cet endroit, le négatif incurvé d’une dalle était nettement visible au contact du niveau de mortier blanc (US 2214) qui se prolongeait en élévation pour constituer l’enduit du Mur 1264. Une estimation de la hauteur des dalles comprise entre 0,20 et 0,30 m est possible en se référant au niveau de l’assise de réglage de la fondation de ce mur (US 2216) qui constitue la limite de la fondation.
Ce premier dallage avait vraisemblablement été prévu dès l’origine, même s’il ne fut mis en place que dans la seconde moitié du IXe s., voire au Xe s. (peut-être, là encore, au moment de la séparation de la mense des chanoines ?) en raison d’une parfaite adéquation entre le haut des dalles et le sommet de la fondation du mur auquel il était associé.
Cette hypothèse d’un dallage postérieur à un plancher peut donc aussi être proposée pour la galerie sud, l’arrachement des dalles aurait provoqué la perte de la plupart de la surface de pose (US 521-1530). De plus, à l’extrémité occidentale de la galerie sud, cette préparation pour un dallage était plus épaisse (US 598), comportait tant du mortier blanc que du mortier rose, et concordait en tous points avec l’US 2214-2215 rencontrée un peu plus au nord, dans la galerie ouest. Puis prenait place une autre couche noire (US 597B), absente à l’est de la galerie sud, mais bien reconnue dans la galerie ouest, ce qui tend à montrer qu’une certaine continuité existait à la jonction de ces deux ailes du cloître.
Reste à signaler pour l’époque carolingienne la présence d’un caniveau (Nég. 680 ; fig. 69) creusé à même l’argile, à l’est du Mur 12. Il était tout naturellement destiné à canaliser les eaux de pluie non absorbées par le sol très argileux. Seul le négatif de cette structure a été identifié, sans aucun autre aménagement.
Éléments de datation
Pour cette phase, le mobilier céramique est plus abondant et correspond soit à des importations du Val du Saône (surtout des ateliers de Sevrey) datables de la seconde moitié du IXe et du Xe s. soit à des productions locales contemporaines. Ces éléments ont permis de bien étayer les datations.
Comparaisons
Le cadre général et les sources
Il convient de souligner particulièrement l’intérêt de cette phase du site avec ses restitutions et reconstitutions hypothétiques, non seulement pour Autun, mais aussi pour cette période du Haut Moyen Âge peu représentée dans la recherche en Europe, témoignant de changements concomitants aux monastères et aux cathédrales. Comme on le verra, cette nouvelle ordonnance s’impose désormais aussi à la ville et modifie la trame antérieure en définissant le futur espace claustral et les bâtiments qui l’accompagnent pour dix siècles.
Plusieurs indices dans les sources textuelles laissaient supposer une activité d’aménagement ou de reconstruction à partir du IXe s. Déjà pour l’ancienne église Saint-Pierre-l’Estrier nous avions émis l’hypothèse d’une phase importante liée à la restructuration carolingienne du diocèse et à la reprise en main des anciennes églises (Sapin 1982). Nous nous situons cette fois plus précisément dans le cadre de la réforme imposée par le Concile d’Aix-la-Chapelle de 816-817, et sous l’influence de Benoit d’Aniane. On voit en effet que l’aménagement d’un cloître à galeries pour les chanoines à côté de la cathédrale est d’un autre ordre. Il s’agit de repenser la vie des clercs et de leur communauté sous le modèle monastique. Un tel programme qui a eu partout des incidences sur l’organisation des bâtiments communs devient un projet nécessairement planifié ; un projet qui aura des conséquences sur l’organisation générale des abords de la cathédrale et donc sur toute la ville haute (Balcon-Berry 2011a). Si par la suite, l’usage des maisons séparées pour les chanoines l’emportera, dans cette période de Réforme qui suit le Concile, les préoccupations premières semblent bien porter sur cette réorganisation dont on a pu retrouver une partie du bâtiment oriental et les traces des galeries.
Le bâtiment oriental (États 8 et 9)
C’est la chronologie relative des niveaux fouillés d’une part et la forme particulière de la porte à épaule du mur ouest d’autre part qui nous incite à placer une partie du bâtiment oriental à l’époque carolingienne. Cette porte de plus de 2,50 m de hauteur actuellement (son seuil n’est pas visible, car caché par une banquette) pour 1,38 m de largeur, et dont on possède le revers à l’est, ouvrait nécessairement dans une salle importante à l’orient. Sans qu’on puisse encore parler de salle du Chapitre à cette date, on est tenté d’y voir à la suite des états antérieurs décrits plus hauts et considérés comme relevant de la domus ecclesiae, une salle désormais dévolue aux clercs dans la configuration de la réforme carolingienne. Rappelons que l’analyse des sources écrites sur les développements des organisations canoniales, et notamment celle des sources carolingiennes (Stein-Kecks 1996 ; Stein-Kecks 2004), montre que l’on commence à différencier à partir du second quart du IXe s. et de manière spatiale in refectorio, in dormitorio et in capitulo (Gillon 1998). Le modèle monastique présent dans ces textes devait concerner de la même façon la vie canoniale. On sait que déjà au VIIIe s., chez Chrodegang, évêque de Metz (742-766), la prière en commun et la réunion en chapitre étaient une règle pour chaque jour avec un temps important pour la lecture (Hocquard 1967). En l’absence de mention explicite de bâtiment, on suppose que la rencontre en chapitre pouvait se faire dans une galerie du cloître.
Sans peser sur l’interprétation des fonctions, il est toutefois utile de regarder de près les informations nouvelles fournies par la porte retrouvée dans le mur nord de la galerie orientale d’Autun, dont la forme s’apparente aux ouvertures connues à Saint-Germain d’Auxerre pour les accès aux cubicules d’angle de la crypte (au nord : hauteur de 2,42 m pour 1,38 m de largeur) et datées vers 850 (Sapin 2000, 279-281), ou celles récemment retrouvées pour les églises de Brienne ou de Saint-Aubin, attribuées par les analyses radiocarbones au Xe s. (Sapin 2013). Ces formes bien connues dans le sud, héritées des époques paléochrétiennes, dépassent rarement l’an mil pour leur datation. Les claveaux de taille inégale ici utilisés, et la présence de traces de taille reconnues pour les pierres de chaînages cotés est avec l’utilisation du ciseau ou de la polka, militent pour une date dans la période carolingienne. Les rapprochements des enduits en place avec ceux découverts en fouille contribuent à retenir cette date haute. La création d’une banquette (US 2013, État 10) va correspondre à l’obturation de cet accès et à un autre usage de la galerie.
Les niveaux supérieurs de ce bâtiment actuellement entièrement enduit et cimenté pourraient comporter d’autres indices de la construction originelle et peut-être du dortoir, mais l’accessibilité et les problèmes de propriétés rendent actuellement difficiles d’autres vérifications. Au sud, le bâtiment sud, reconstruit au XIIIe s. a fait disparaître la plupart des indices permettant de restituer les bâtiments accompagnant de ce côté le cloître. Il en est de même à l’ouest avec le bâtiment ouest dont une partie du mur occidental remonte aux XIe-XIIe s., mais dont les caves du XVe s. ont été excavées jusqu’au terrain naturel. C’est entre la galerie ouest du cloître et ce même bâtiment ouest qu’on trouve cependant l’assurance d’une occupation carolingienne grâce à une stratigraphie bien conservée.
Le cloître à galeries
Comme on l’a vu, le cloître en maçonnerie a succédé à un premier état probablement en partie en bois dont des vestiges situés à la fin du VIIIe et au tout début du IXe s. ont été retrouvés. Le nouveau cloître de 18 m de côté construit en dur comprend des murets de 0,60 m d’épaisseur délimitant des galeries de 3,20 m de largeur (fig. 129, 139). Ces maçonneries en appareil de moellons plus ou moins réguliers et assisés ne sont pas sans rappeler d’autres constructions carolingiennes de ce type comme à Müstair, en Suisse (Sapin 2006). On n’est vraisemblablement pas en présence de séries d’arcades depuis le sol comme à Landevennec, mais on ne peut dire cependant comment se comportaient les élévations au-dessus du muret, c’est-à-dire s’il existait des ouvertures dans un mur plein comme à Müstair, ou s’il s’agissait d’un mur bahut, support d’arcades comme l’exprime le dessinateur du plan de Saint-Gall.
La chronologie des phases de constructions et d’occupations conduit ainsi à restituer un espace claustral quadrangulaire, régulier au sud de la cathédrale (fig. 129, 139), bordé par les bâtiments évoqués plus haut. Même en tenant compte des incertitudes quant aux dimensions exactes, en particulier du côté nord, il est clair que les constructeurs ont souhaité cette organisation qui reprend le dispositif monastique et qui n’existait pas auparavant à Autun. Les datations issues du mobilier et de l’analyse des sources textuelles permettent de placer cette organisation et ce cloître au cours du IXe s. Il est probable que le cloître à galeries suivit la mise en place des bâtiments tout en répondant à un schéma prévu. C’est toute la question des cloîtres qui entre le VIIIe et le IXe s. adoptent de façon organisée l’usage de galeries. Celles-ci connues depuis l’époque antique et toujours utilisées pour relier des bâtiments vont se conjuguer à l’organisation progressive des bâtiments monastiques autour d’une cour quadrangulaire, comme on le voit à Hamage (Louis 2014) et plus encore clairement encore dans les deux monastères de la fin du VIIIe s. à HerrenChiemsee et FrauenChiemsee près de Munich où il s’agissait de réunir des bâtiments jusqu’alors séparés. L’usage de l’espace du préau peut alors être varié, plutôt de l’ordre de la cour de distribution, comme à Müstair vers 800 (Sennhauser 1996), avant de devenir une clef du dispositif liturgique, comme ce sera le cas plus tard à Cluny (Sapin 2017).
C’est bien dans le IXe s. et à la suite du concile d’Aix, avec cet exemple emblématique du cloître de Saint-Gall que l’on voit s’imposer le modèle en question. De manière générale, il semble s’imposer plutôt dans la seconde moitié du siècle et être limité jusque-là dans plusieurs cas étudiés par l’archéologie, à une ou deux galeries reliant les bâtiments, comme on le constate à Landévennec (Bardel & Perennec 2015) où, semble-t-il, il existait déjà une salle du chapitre. On comprend combien dans le cadre de l’application de la réforme cette relation matérielle est à la fois nécessaire et importante en protégeant le parcours entre les différents lieux par tous les temps. Dans le cas d’Autun, on serait en présence d’un des premiers exemples d’un type complet avec quatre galeries dans le domaine canonial. On ne doit certainement pas séparer les deux domaines canonial et monastique dans la réforme dont on connaît les prémices avec Chrodegang et l’exemple de Lorsch (Ericsson & Sanke 2011). Cependant, les fouilles aux abords des cathédrales, comme à Rouen, ont montré que l’usage du cloître à galeries n’était pas immédiat et que plusieurs modes de constructions variées pouvaient exister. Dans le cas d’Autun, on serait tenté de voir une application plus stricte d’organisation et de reconstruction des bâtiments canoniaux engagée par l’évêque Modoin (av. 815-843) à la suite du concile. Toutefois, c’est seulement sous l’évêque Jonas (850-865), au milieu du IXe s. que sont attestés des bâtiments répondant aux nouvelles règles et besoins avec dortoir, réfectoire, etc. On peut penser que des réticences à leur usage ont dû apparaître ici comme ailleurs et retarder le programme complet de construction. Enfin s’il est clair que le terme de claustrum qui apparaît pour Autun dans ces années 858 doit s’appliquer dans sa réalité matérielle non directement au cloître à galerie, mais plus vraisemblablement au quartier réservé et clos (Sapin 1994 ; Klein 2004). Il n’empêche que sa réalisation, attestée par l’archéologie, répond à la fois à un réel besoin de lien pour la circulation entre les bâtiments, et en même temps d’image d’unité d’un espace, reflet de l’unité d’un groupe devant former et représenter une communauté.
La place de la cathédrale carolingienne
Du fait de l’extension de la fouille sur le secteur du cloître, peu d’éléments ont jusqu’à présent été recueillis dans les zones occupées par des constructions gothiques au nord, en dehors d’un fragment de mur. Il s’agit essentiellement d’une structure maçonnée (US 1025-1026) de 2,90 m de longueur pour une largeur minimum de 1,55 m. Composée de gros blocs de remplois antiques, liés par de l’argile noire et jaune, avec parfois du mortier rose, reprise au XIe s. et détruite aux XIIIe-XIVe s., elle semble comme on l’a dit, appartenir par sa position et son orientation à un mur gouttereau sud d’une nef ou d’une avant-nef. La datation proposée à partir des niveaux et de certaines comparaisons de maçonneries à Autun, à la fin du VIIIe ou au début du IXe s., pourrait s’accorder avec une reconstruction de la cathédrale des IVe-Ve s. restaurée au VIe s. par l’évêque Syagrius. Jusqu’à présent on ne savait pas si la destruction de 731 évoquée dans les sources fut effective – hypothèse récemment remise en cause (Mouillebouche 2011) – et si la cathédrale avait bien été restaurée et agrandie au IXe s., comme l’affirme un diplôme de 84327.
L’élément bâti retrouvé est évidemment insuffisant pour se faire une idée de la réalité et de l’ampleur de cette reconstruction carolingienne. Dans le cas d’un massif occidental, on sait par les nombreux exemples fouillés en Allemagne combien les structures et fondations peuvent être complexes. Il suffit de regarder le plan de fouille de la cathédrale d’Halberstadt par exemple pour inciter à la prudence (Lobbedey 2002). De même, on ne peut être affirmatif en imaginant que la reprise du XIe s. corresponde à une campagne à laquelle appartiendrait l’arcade du porche d’entrée conservée ainsi qu’une tour dont une gravure de la fin du XVIe s. semble indiquer la présence.
Restitution générale du site au IXe s.
Si l’on considère la fouille du cloître et des parties adjacentes, mais aussi des zones fouillées sous la cathédrale Saint-Lazare, on doit admettre que les constructions, en relation avec le cloître au sens strict, correspondent, à l’image du claustrum, à une nouvelle pensée structurant l’espace conservé de l’Antiquité. On assiste ainsi à un redéploiement du côté sud qui, avec son enclos canonial, aura des conséquences inégalées depuis la mise en place du castrum (Balcon-Berry 2011a). Fossés et murs, voies d’accès, ne sont plus présents dans une seule relation avec le groupe épiscopal et le pouvoir de l’évêque, mais introduisent un nouveau parcellaire (sans pour l’instant de partage réel avec l’évêque) et donc une nouvelle entité dans l’espace urbain.
Les comparaisons et le contexte européen : la place d’Autun
Les comparaisons pour ce type de restructuration canoniale ne sont pas aisées à reconnaître et sont souvent limitées dans plusieurs villes, comme Langres, à quelques indices. En effet peu de fouilles extensives ont permis de reconnaître en dehors des édifices cathédraux, leur environnement du Haut Moyen Âge. En Bourgogne, aucun élément n’a été trouvé aux abords des cathédrales pour autoriser des comparaisons pertinentes ou pour offrir des perspectives sur des topographies réaménagées pour le Haut Moyen Âge, du moins avant le XIe s. (Sapin 1995 ; Boissavit-Camus & Sapin 2013 ; Sapin 2015). C’est probablement à Rouen, déjà cité, qu’il nous faut observer les transformations les plus explicites bien qu’elles se situent en amont de la période considérée (fin VIIIe-début IXe s.) ou en aval, après la reconstruction qui suivit le passage des Normands. Le mobilier comme les structures sont différents…
C’est souvent l’exemple de l’ensemble des abords au sud de la cathédrale de Metz qui est donné. Mais, outre que les études s’appuient essentiellement sur l’interprétation de plans anciens, ce sont surtout les églises qui ont intéressé nos prédécesseurs, églises qui semblent résulter de la persistance du culte stational dont on n’a pas écho à Autun dans les sources (Héber-Suffrin 2003). On peut seulement supposer une telle pratique à partir des édifices du groupe épiscopal et peut-être de l’église Sainte-Croix connue à partir de 854 (Piétri & Picard 1986, 42). Le cloître à galeries de la cathédrale de Metz, reproduit en 1769, apparaît très grand dans ses dimensions. Il semble plutôt plus correspondre à un système de galeries destinées à relier les anciennes églises entre elles qu’à un cloître régulier à usage quotidien. Il n’existe pas de connaissance archéologique de cet ensemble, arasé à l’époque moderne, permettant des comparaisons précises des constructions. La même question sur les circulations et la réalité des vestiges s’est longtemps posée pour Saint-Riquier avec ces célèbres galeries ; depuis les derniers travaux d’Honoré Bernard attestant vraisemblablement un autre cloître carré, il semble bien qu’il s’agisse là également de simples galeries permettant de longues liturgies abritées, galeries dont on a également écho pour le monastère de Luxeuil (Bully et al. 2014).
Dans le domaine monastique, le système de cloître à galeries est peu attesté par l’archéologie, pour le moment, avant le XIe s. Sa genèse a été plusieurs fois appréhendée (Klein 2004), mais peu de fouilles d’abbayes permettent véritablement d’en comprendre l’évolution depuis le plan de Saint-Gall (Sapin 2008). Les comparaisons pour l’ensemble des bâtiments doivent être recherchées de manière très ouverte sur une large étendue (Untermann 1996) En Europe, de manière générale, l’archéologie des sites carolingiens a surtout porté sur les édifices religieux et en particulier les cathédrales comme bâtiment. Les grandes fouilles opérées en Allemagne, à Cologne, ou publiées, pour la cathédrale de Paderborn (Lobbedey 1986), montrent des cas pouvant être rapprochés pour l’usage des espaces liturgiques ou la présence de tours, mais ne nous aident pas pour Autun où comme on l’a vu la connaissance de la cathédrale carolingienne est trop limitée et on ne peut prétendre que la tour visible sur les gravures du XVIe s. soit carolingienne ou romane. Inversement, les questions des abords autorisent des comparaisons limitées. À Paderborn, toute la fouille s’est tournée vers le palais carolingien ou les reconstructions précédentes, ou celles dues à l’évêque Meinwerk, chapelle ou palais de l’évêque autour de l’an mil (Stiegemann & Kroker 2009). La question de l’emplacement des chanoines reste encore débattue. On ne peut rien dire sur les choix contemporains au IXe ou au Xe s. ; comme à Münster ou Regensburg où l’espace étudié est trop restreint (notamment Lobbedey 1996), tandis qu’à Tournai (Belgique), les vestiges retrouvés ont surtout révélé une continuité des structures antiques ou immédiatement antérieures (Brulet 2012). Pour ce site, ce sont surtout les sources médiévales qui renseignent le mieux sur la vie quotidienne des chanoines et l’usage du cloître sans qu’on puisse les transposer aisément et sans erreurs anachroniques aux premiers temps canoniaux (Pycke 1986). De nombreuses fouilles comme à Trèves ou Lisbonne (Portugal) se sont concentrés sur d’autres problématiques.
La question de l’identification des bâtiments démontrant la vie commune des chanoines est d’autant moins évidente que les sources montrent de très grandes différences d’une région à l’autre en Europe. Si dans les cathédrales germaniques ou à Saint-Lambert de Liège, l’abandon de la vie commune est tardif (Pycke 1986, 107), il semble bien que dans d’autres cas comme à Angers (Robin 1970), l’évolution soit non linéaire avec un abandon au Xe s., une reprise au XIIe s. et un renoncement définitif pour le chapitre de Saint-Maurice au XIIe s. Ailleurs, en France, les différentes enquêtes ont montré des cas également variés (Esquieu 1992 ; Picard 1994). L’archéologie a ainsi beaucoup de difficulté pour affirmer des états successifs. C’est probablement à Genève (Suisse) que ces fouilles archéologiques ont le mieux permis de comprendre la genèse du dispositif ecclésial avec son environnement (Bonnet 2012b). On voit ainsi apparaître très tôt (dès le Ve s.) au nord de l’église cathédrale nord, des cellules interprétées comme servant à l’usage des clercs. Tandis que les bâtiments de l’évêque se développaient au sud-est, c’est bien de ce côté nord que se trouveront plus tard, la plupart des bâtiments canoniaux et le cloître. C’est de cette zone nord que part une galerie mettant en relation les bâtiments carolingiens (non retrouvés) avec la cathédrale du VIIIe s. Si une permanence des cathédrales, du baptistère, comme de l’atrium est visible à Genève entre le IVe et le VIIIe s., on réalise ici comme à Autun, combien l’époque carolingienne fut l’occasion de bouleversements profonds pour toute la topographie religieuse.
Les restructurations romanes (XIe-XIIe s.)
État 10 : XIe s.
Décaissement du préau ?
À l’emplacement du préau, une perturbation du XIe s. (fig. 101), difficile à interpréter, a été bien mise en valeur par l’analyse de la céramique et des monnaies en raison d’un hiatus chronologique (série des US 575). Il pourrait s’agir d’un second décaissement lié à cette autre grande phase du cloître qui a particulièrement touché les galeries, comme on va le voir. Mais ce possible décaissement pourrait aussi témoigner du remplacement du supposé puits carolingien situé dans le préau par une structure plus importante, entièrement maçonnée, même si, sur la base des données stratigraphiques très perturbées, cette action semble plutôt être intervenue au milieu du siècle suivant. Toutefois, étant donné que la terre a visiblement été retournée, on pourrait aussi penser à une mise en culture d’au moins une partie du préau, peut-être pour des plantes médicinales, dont la présence a été bien mise en évidence par l’analyse palynologique.
Réfection des galeries
La galerie orientale
Les premiers niveaux de sols de la galerie orientale, ceux associés à la construction de la paroi occidentale (Murs 2007 et 1913), qui accusaient un pendage d’est en ouest – ou qui plus probablement étaient bombés – ont par la suite été décaissés (ID 2114 et ID 2120) pour faire place à une surface destinée à recevoir un dallage (fig. 74, 141). En effet, une chape de mortier beige (US 779-1953-2036-2038) ainsi qu’un niveau d’argile fortement damée (US 2034 à 361.21 NGF) installés après ce décaissement et accusant un léger pendage du sud au nord (entre 361.15 au nord et 361.42 NGF au sud), portaient des dalles (US 2115 et 2121) dont des empreintes ont été observées. Ceci est en outre confirmé par la présence à la base et le long d’une banquette (US 1908-2013) installée à l’est à la même époque, car visiblement associée aux niveaux de préparation du dallage sur lesquels elle repose aussi28, d’une bande de mortier au profil convexe trahissant là encore la présence d’un revêtement au sol.
La banquette constitue la reprise et l’extension au nord (US 2013) et au sud (2231), de celle installée aux IXe-Xe s. dans la partie méridionale (US 1908 avec US 2230). Cette construction du XIe s. comporte des moellons disposés en assises assez régulières liés par du mortier blanc. Si au sud l’ouverture mérovingienne a été bouchée bien antérieurement, l’arc carolingien, au nord (US 1720 ; fig. 71), l’a nécessairement été à cette époque, la banquette plus élevée à l’origine entravant considérablement le passage. En préalable à une présentation au public, il serait intéressant de démonter une partie de cette banquette pour voir sa relation avec la paroi orientale contre laquelle elle s’appuie afin de confirmer sa position stratigraphique29. Toutefois, la question de l’existence à l’est d’une salle capitulaire demeure, de même que son accès par le cloître. Soit elle se trouvait plus au nord, au contact de la cathédrale, soit la galerie orientale en faisait office, ce qui pourrait d’ailleurs expliquer la présence précoce des banquettes. En outre, immédiatement au nord de l’arc carolingien, il existait peut-être une autre ouverture donnant vers l’est, antérieure à celle conservée aujourd’hui qui est moderne.
Comme on le verra plus bas, lors de la fouille de la galerie sud, des fondations de pilastres ajoutés au XIe s. ont été retrouvées30. Il en était apparemment de même dans la galerie orientale, même si leurs vestiges extrêmement lacunaires invitent à la prudence. En effet, ils se résument à la présence à peu près au centre de l’espace fouillé de la galerie (fig. 58, 60), à une pierre (US 2116 ; à 361.31 NGF) faisant saillie de façon perpendiculaire par rapport au côté oriental du mur occidental de la galerie (US 2007), au sud d’un support ajouté au XIVe s. (US 2233), très perturbé par des tranchées de récupération du XVIe s. (US 2003). Cette pierre formant une excroissance, se trouve bien en dessous du niveau de préparation pour un sol du XIIe s. (US 2016). Elle lui serait donc antérieure31 et fonctionne visiblement avec les niveaux de préparation (US 2034-2038) du dallage du XIe s. Pour renforcer l’hypothèse de la présence de pilastres du XIe s., on pourrait arguer du fait que des fragments de sculpture, dont la facture conduit à les dater du XIe s. et appartenant à des bases ou des chapiteaux trop imposants pour des vestiges de décors de baies géminées ouvrant sur le préau, ont été trouvés dans le remplissage de la tranchée de récupération du mur occidental (Mur 2007, US 2010). Il pourrait s’agir de vestiges de décors de pilastres du XIe s., conservés au XIIe s. lors du voûtement de la galerie.
Au sud, la situation est plus complexe en raison de l’angle formé par la rencontre des galeries orientale et méridionale, difficulté majorée par la récupération presque totale de cette même maçonnerie. Là, des vestiges du mur carolingien (fig. 58 ; Mur 1913) ont vraisemblablement été mis au jour à l’emplacement de l’intersection, vestiges surmontés, voire, surtout un peu plus au nord, accolés à de gros blocs de pierre de taille récupérés au XVIe s. et dont on perçoit clairement le négatif (US 2237). Cet agencement rappelle celui observé à la jonction des galeries ouest et sud qui correspond probablement à une reprise du XIe s. Sous la pile du XIVe s. (US 1817), disposée juste au nord de cet angle et au-dessus du mur carolingien de la galerie (Mur 1913), sont visibles des blocs oblongs (US 2236) qui pourraient remonter au XIIe s. et constituer des éléments d’un contrefort donnant sur le préau. Mais aucune fondation assimilable à un quelconque pilastre n’a été clairement mise au jour vers l’est, si ce n’est une petite avancée en mortier orange (US 2122) trouvée sous le niveau de préparation du dallage du XIe s. (US 1953), aussi son assimilation à un pilastre est-elle légitimement questionnable. L’absence d’un tel élément à cet endroit pourrait s’expliquer par la proximité de la massive maçonnerie d’angle qui, tout comme celle des galeries ouest et sud, aurait été amplifiée et renforcée au XIe s. (US 2237), même si les blocs qui la composaient ont été récupérés au XVIe s. On doit toutefois évoquer un autre négatif créé là aussi au XVIe s. (US 1902) situé immédiatement au nord du contrefort du XIIe s. (US 2236) dont la forme quadrangulaire pourrait évoquer celle d’un pilastre entièrement récupéré. S’il s’agit bien de l’emplacement d’un tel élément au XIe s., le contrefort du XIIe s. serait décalé au sud par rapport à ce dernier, ceci pouvant s’expliquer là encore par la jonction des galeries est et sud.
Côté oriental, les deux structures assimilables à des pilastres sont datées du XIIe s. On peut toutefois penser que d’éventuels supports du XIe s. surmontaient la banquette. Leurs traces auraient ainsi été éliminées au moment de la récupération partielle de cette dernière.
Ainsi, bien que de fortes incertitudes demeurent en raison des remaniements et des perturbations, l’hypothèse de la mise en place au XIe s. de pilastres ayant introduit un rythme dans la galerie – probablement en alternance avec les ouvertures donnant sur le préau – est envisageable. Les pilastres portaient selon toute vraisemblance des arcs doubleaux sur lesquels prenaient appui la charpente, car l’hypothèse d’un voûtement ne peut être proposée que pour la phase suivante (XIIe s.) qui voit l’insertion de contreforts.
La galerie méridionale
Au-dessus des vestiges de préparation pour un premier dallage (US 521-1530) plusieurs niveaux correspondant à un nivellement ont été observés (US 1525 et 1524 ; surface entre 2.85 et 2.88 NGF), abritant du mortier rose, de l’argile et des pierres (fig. 64, 75-76, 141). Ces niveaux étaient légèrement entamés par une dépression comblée de terre de nature comparable (US 1526, US 1523).
Outre le nivellement correspondant aux couches évoquées, destiné à porter un nouveau dallage – dont un fragment a été trouvé dans l’US 1523 –, l’élévation a visiblement subi des reprises avec ajout de pilastres et modifications des ouvertures donnant sur le préau. Cela explique également qu’au sein de ces couches se trouvaient des fragments de mortier rose ainsi que d’enduits peints. Un niveau de préparation pour le nouveau dallage a aussi été identifié à des endroits très limités (US 2224), comparable à une surface lenticulaire de mortier (US 598) repérée dans la galerie ouest, associée à un dallage faisant partie de la phase de restructuration du XIe s. Un décaissement (ID 2225) préalable à l’installation des niveaux postérieurs, notamment dans l’extrémité sud-ouest de la galerie sud, a de plus été observé, ce qui laisse entendre que le sol pavé du XIe s. accusait un léger pendage, ou en tout cas n’était pas totalement plan.
Comme pour la galerie orientale, la restructuration de l’élévation de la galerie méridionale a consisté en la mise en place de supports destinés à porter des doubleaux par l’intermédiaire de chapiteaux. Cela se traduit par la présence de socles – six au sud et quatre conservés au nord – sur lesquels prenaient place des pilastres.
Ainsi, vers l’est, le long du Mur 212, deux socles (US 1071 et 1067 ; fig. 75) ont été retrouvés. Le premier correspond à un bloc rectangulaire large de 0,80 m, profond de 0,40 m et haut de près de 0,30 m. Il repose sur un radier de pierres et présente sur ses côtés des traces d’enduit blanc. Plus à l’est, et distant de 2,90 m, prend place l’autre socle composé d’une dalle rectangulaire remployée, dont les dimensions sont comparables à celles du premier socle. Sa fondation est elle aussi composée de petites pierres liées à du mortier beige. Un autre élément (US 507 ; fig. 63) a été mis au jour au pied du Mur 211. Il est composé de deux blocs de grès posés sur un radier de pierres (0,90 m de large ; profondeur de 0,40 m), le tout lié par du mortier beige avec en outre des traces d’enduits blancs sur les côtés.
À l’ouest, d’autres structures de même nature ont par ailleurs été rencontrées (fig. 63, 69). La première (US 1968), située dans l’angle sud-ouest de la galerie, perpendiculairement au Mur 211, correspond probablement à une reprise de l’ouverture carolingienne que l’on propose de voir à l’extrémité occidentale de la galerie. Elle consiste en un socle de calcaire de facture tout à fait comparable à celle des autres conservés à l’aplomb du Mur 212, avec bloc rectangulaire (largeur : 0,40 m ; longueur indéterminée car cachée en partie : visible 0,32 m) posé sur un radier de pierres liées par du mortier beige. Immédiatement à l’est, toujours en relation avec le Mur 211, la fondation très fragmentaire d’un autre socle a été retrouvée (US 503) ainsi que, 3 m plus à l’est, le négatif d’un autre élément comparable (US 407). Un dernier vestige d’une telle structure (US 627) a été observé furtivement sous la fondation d’un arc-boutant mis en place au XVIe s. (Mur 1). De plus, une excroissance notée sur le côté sud de l’extrémité ouest du mur nord de la galerie sud (Mur 13) peut aussi être assimilée à un vestige de pilastre du XIe s. monté sur socle. Une telle reprise de l’angle des galeries est et sud a d’ailleurs été notée plus haut.
Ces éléments avaient leur pendant au nord, égrenés le long de la paroi septentrionale de la galerie (Mur 13 ; fig. 63), mais, comme ce dernier, ils ont été d’un part très remanié au XIIe s., puis presque entièrement récupérés au XVIe s. Il s’agit tout d’abord d’un négatif (US 608) faisant face à l’US 507. Comme les autres, on estime sa largeur à 0,90 m et il se projetait de 0,40 m par rapport au nu du Mur 13. Plus à l’est, face à l’US 1071, le négatif d’un autre vestige de socle, d’un type comparable, a été mis au jour en 1987 (US 607), puis un dernier (US 606) opposé à l’US 1067.
Comme pour la galerie orientale, ces supports installés au XIe s. devaient donc à intervalles réguliers porter des doubleaux placés sous la charpente. Ils ont introduit la notion de travée sans toutefois perturber les ouvertures carolingiennes, et même mérovingiennes en ce qui concerne le mur du fond (Murs 212-211) qui, selon nos hypothèses, occupaient les extrémités orientale et occidentale ainsi que le centre. Elles devaient encore bien exister au XIe s., car les socles portant les pilastres ont été accolés aux portions de murs pleins.
Il subsiste des vestiges du décor associé à cette phase de “monumentalisation” de la galerie sud (fig. 64, 66). En effet, plusieurs fragments de chapiteaux ont été trouvés dans les niveaux de destruction du XIIe s. (US 1522 et 1117) puis du XIIIe s. (US 1114). Ils correspondent à des volutes réalisées dans un calcaire blanc tendre, avec traces de badigeon blanc, et des fragments de rosettes. La facture soignée de ces éléments et le type de décor permettent de les dater autour du second quart du XIe s. Ils sont comparables, sur le plan stylistique, à un chapiteau entier retrouvé en 1988 dans le puits du préau. Un autre, plus fragmentaire, car retaillé pour être utilisé comme corbeau, probablement au XIIe s., a d’autre part été mis au jour. On peut aussi évoquer celui inséré dans le bouchage de la récupération d’un pilastre dans l’extrémité occidentale de la galerie sud (US 2218 dans le Mur 1264), avec volutes et rosette (fig. 66). Certains de ces chapiteaux devaient surmonter les pilastres étudiés. D’autres plus petits, auxquels on peut associer des fragments de colonnes ainsi qu’un tailloir trouvé dans le négatif d’un contrefort du XIIe s. (US 508) dont on va parler, faisaient certainement partie de baies géminées donnant sur le préau, intégrées au Mur 13, ce qui suppose que l’élévation de ce dernier fut elle aussi remaniée au XIe s., avec modification de baies préexistantes. Un fragment de chapiteau du XIe s., sans doute du cloître, transformé en corbeau au XIIe s. montre bien l’importance du changement stylistique dans le décor à cette période (Berry 2011, 158 ; fig. 7.9).
La galerie occidentale
Dans cette galerie, après récupération du revêtement de calcaire, le premier niveau de dallage a été remplacé par un second pavage dont on a essentiellement retrouvé la préparation constituée d’une chape de mortier orange (US 598) portant des négatifs de dalles (fig. 65).
Cette restructuration a aussi touché l’élévation, puisque plusieurs vestiges de pilastres ont été observés, notamment côté occidental. Ainsi les restes d’un tel support en contact avec l’US 598, ce qui prouve leur contemporanéité, ont été mis au jour (US 2219 ; fig. 66). Inséré dans le mur occidental de la galerie correspondant à la paroi est du bâtiment ouest primitif (Mur 1264, ID 2222), il lui était donc chaîné à l’instar du pilastre situé à la jonction entre la galerie sud et la galerie ouest, dont l’arrachement (ID 2217) a nécessité l’insertion d’un bouchage (US 2218) associé au négatif du socle (US 1964). Ce pilastre a été très perturbé par la construction de l’angle nord-est du bâtiment sud-ouest (ID 2221, US 2220). Il n’en subsiste que les pierres inférieures. Un autre vestige de pilastre a vraisemblablement été retrouvé plus au nord où il se manifestait au sol sous la forme d’un négatif (US 1288 et 1289 ; fig. 69) qui devait abriter un socle comparable à ceux retrouvés dans la galerie sud. Des blocs liés à du mortier blanc ont aussi été retrouvés (US 1287). Contrairement à celui du sud, ce pilastre n’a pas été intégré au mur préexistant, mais simplement accolé. Cela pourrait aussi traduire des différences dans le traitement architectural des galeries : le pilastre identifié dans l’angle sud-ouest du cloître, vers le préau, étant associé à un système de doubleaux de pierre qui égrenait la galerie sud, tandis que le pilastre accolé au mur, identifié dans la galerie ouest, constituerait le pendant de supports apparemment plus légers – peut-être en bois – posés sur le mur est de la galerie ouest, cette galerie étant dépourvue de doubleaux en pierre. La galerie ouest directement liée au cellier aurait ainsi une fonction moins prestigieuse que les galeries sud et est.
Cette hypothèse permettrait de résoudre la question des supports orientaux de la galerie ouest. Au contraire de ce qui a été observé dans la galerie sud, aucune fondation de pilastre n’a été retrouvée le long du mur oriental (Mur 12). Toutefois, pour ce dernier, on a déjà évoqué l’hypothèse d’une première élévation en bois sur solin de pierre remplacée au XIe s. par une paroi de pierre, comme semble l’attester un lit de mortier beige-clair posé sur le sommet de la maçonnerie conservée (à 361.68 NGF). Ce mortier est en effet identique à celui de la reprise de l’aile orientale du bâtiment ouest. Seul ce niveau nous permet de prendre connaissance de cette reconstruction totalement récupérée au XVIe s. Aussi ne connaît-on pas l’aspect de ce Mur 12 au XIe s. et s’il englobait des pilastres.
Les bâtiments du cloître
Le bâtiment sud
L’extrémité occidentale du bâtiment sud interprété comme le réfectoire, subit vraisemblablement au XIe s. une modification importante (fig. 99). De gros blocs rectangulaires superposés et accolés, conservés sur une hauteur de plus de 1,50 m, pourraient en effet remonter à cette époque. Ils ont été bûchés au XVe s., époque de la destruction de corbeaux mis en place au milieu du XIIIe s. pour porter un plancher, dans le but de constituer une grande salle.
Des arguments plaident pour une datation antérieure au XIIe s. Ainsi, de par leur facture, ces blocs sont comparables aux supports découverts dans la cave du bâtiment sud-ouest (US 2210 ; fig. 80) ainsi que dans la maison du n° 5, place Sainte-Barbe, eux même constituant les pendants de pilastres faisant partie de la reconstruction du bâtiment ouest au XIe s., comme on le développera ci-dessous. Les éléments du bâtiment sud pourraient de la sorte constituer les vestiges d’un support de même nature, d’autant plus qu’ils présentent une largeur équivalente aux pilastres mentionnés (environ 0, 80m). On peut supposer qu’ils faisaient partie d’un système de supports destinés à porter une tribune, comme il en existe encore aujourd’hui un peu plus à l’ouest, bien que cette dernière remonte au XIXe s. Une autre possibilité serait de voir dans ces blocs perturbés l’amorce d’un mur de refend orienté nord-sud. Le fait que des vestiges d’une bande de rinceaux peints remontant vraisemblablement au XIIe s., en tout cas antérieure au motif du XIIIe s. à faux joints et petites fleurs, se situent de part et d’autre de ces blocs, conduit à privilégier la première hypothèse puisqu’il indique une continuité dans l’espace et tend aussi à confirmer l’antériorité du supposé pilastre par rapport à ce décor peint.
Il est de plus intéressant de remarquer que cet hypothétique pilastre se situe à l’aplomb d’un mur épais conservé au niveau inférieur du bâtiment, prenant à présent l’aspect d’une cave (fig. 97). S’il s’agissait bien d’un pilastre, il était vraisemblablement couronné d’une imposte qui, comme dans le bâtiment ouest, dans sa phase romane, portait un plancher. On doit à cet égard préciser que ce niveau de sol correspondrait à celui du plancher mis en place au XIIIe s. Cela tendrait à étayer l’attribution de ces blocs à un pilastre qui a apparemment eu une incidence sur les aménagements postérieurs de l’espace. À moins que le supposé pilastre et les corbeaux soient contemporains et que ces derniers aient été laissés en place au moment de l’élargissement des fenêtres, au XIIIe s. Dans une certaine mesure, cela expliquerait pourquoi les intrados de ces ouvertures étaient cachés par le plancher.
Reprise totale du bâtiment ouest
Le bâtiment ouest qui correspond au cellier est quant à lui totalement reconstruit au milieu du XIe s. (fig. 78, 79, 141). L’aile orientale est remontée sur la base des maçonneries carolingiennes (Mur 1264 ; fig. 68). En témoigne la présence au niveau du seuil, qui par l’intermédiaire de l’escalier du IXe s. (US 1290) mettait en relation la galerie ouest avec le cellier, d’une maçonnerie en petit appareil composée d’un mortier beige très clair caractéristique du XIe s. (US 1292). La reprise de la galerie ouest s’est donc assortie d’une reconstruction d’envergure de l’aile orientale du cellier primitif. On l’a déjà dit ci-dessous, il est possible qu’une lacune dans cette reprise (US 1292 à 362.45 NGF) du Mur 1264 corresponde à l’emplacement d’un pilastre (US 1287) de la galerie ouest. L’importance de la réfection de l’élévation a nécessité la réalisation d’une tranchée de construction située à l’ouest du Mur 1264 (US 1277 remplie par l’US 1212A).
Le corps du bâtiment ouest a de même été complètement repris au XIe s. et constitue aujourd’hui encore l’ossature de la bâtisse, même si seul le parement oriental du mur ouest permet actuellement d’en rendre compte (fig. 78, 79.1). Cette élévation est composée d’un petit appareil associé à quatre pilastres en grand appareil dont les blocs sont en continuité de parement. L’étude des assises du parement informe sur la marche du chantier de construction, avec réalisation par grandes tranches horizontales de 3 à 4 assises correspondant à la hauteur des blocs des pilastres montés parallèlement. Au sud, une rupture pourrait correspondre à la rencontre de deux équipes (Baud 2003). Le type de maçonnerie associant le petit et le grand appareil, ainsi que le fin layage présent sur les pierres de taille des pilastres conduisent à dater l’ensemble du milieu du XIe s. En effet, ces dispositions ne sont pas sans rappeler celles de l’avant-nef de Saint-Germain d’Auxerre (Sapin 2000) ou de Cluny III (Baud 2003). Entre ces pilastres, prennent place des ouvertures (des soupiraux ?) aujourd’hui bouchées, mises en place aux XIIIe-XIVe s., mais qui ont peut-être remplacé des percements aménagés au XIe s. L’ouverture située au nord correspond visiblement à une porte, car ses montants descendent jusqu’au sol primitif. Ce passage pourrait plaider pour l’existence d’une aile occidentale en ce qui concerne ce bâtiment ou bien ces ouvertures donnaient sur la rue dont l’altitude était plus haute.
Les pilastres présentent un socle de hauteur variable, montrant une pente originelle, et donc un niveau de sol, accusant un fort pendage sud-nord. Ils sont coiffés d’impostes à simple moulure qui portaient un plancher. On peut restituer le niveau de sol en se référant à un “bas de mur” ou plinthe composée elle aussi de grandes pierres. Sous ce dernier, un mortier comportant des tuiles avait été mis en place au moment de la réalisation de la cave en sous-œuvre, directement creusée dans l’argile, au XVe s. Ce niveau de mortier adhère aux fondations du mur ouest du XIe s. qui vraisemblablement descend plus bas, mais elles ne sont plus accessibles car doublées, au niveau de la cave, par un mur installé au XVe s. pour recevoir une partie des retombées des voûtes. Sous les pilastres du mur sud sont visibles des blocs en forte saillie. On peut simplement les interpréter comme les fondations de ces éléments structurants, mais ils semblent aussi constituer de véritables murs de chaînage orientés est-ouest, destinés à assurer la stabilité du bâtiment, dans sa forme du XIe s., en mettant en liaison les murs ouest et est. Cela induit l’existence de pilastres au niveau du mur oriental, masqués par un reparementage intervenu au XVe s., comme on le verra. Cette hypothèse repose sur l’observation d’un soubassement composé de grosses pierres, à la base du mur sud de ce niveau du cellier, c’est-à-dire le niveau 1 au milieu du XIe s. Invisible à cette époque, il a été révélé au XVe s. lors de l’aménagement de la cave. La présence de chaînages de fondation, laisse penser que le bâtiment ouest du XIe s., devait être assez haut, ce que confirme l’analyse des actuels niveaux supérieurs.
La partie supérieure de l’élévation est dénuée de supports, mais des sondages dans les enduits récents ont montré la présence, en partie sommitale, de cinq ouvertures d’un mètre de large, sans ébrasements, qui donnaient sur l’actuelle place du Terreau (fig. 78). Elles sont en décalage par rapport aux pilastres des niveaux inférieurs. Elles se composent d’une alternance de grands blocs dont la taille, un fin layage, s’apparente à celle présente sur les pierres des pilastres. Aussi peut-on de même les dater du milieu du XIe s. Leur sommet a été sectionné lors de la restructuration de l’édifice au XVe s., qui a notamment vu la mise en place de la charpente actuelle après écrêtement des murs. Leur présence conduit à s’interroger sur la fonction de la salle supérieure du bâtiment qui n’était visiblement pas destiné à abriter des denrées alimentaires. À moins que, à l’instar de ce que l’on connaît à Metz et à Meaux, ce niveau supérieur ait été occupé par un dortoir, des salles de justice ou même encore un chartrier (Sapin 1995, 3-4). Ces fenêtres sont par ailleurs assez comparables à celles conservées de façon très fragmentaire dans un mur perpendiculaire au bâtiment sud, que l’abbé Devoucoux avait identifié. Il nous a été donné de photographier les éléments actuellement accessibles qui se trouvent dans une propriété privée.
Au niveau supérieur, au nord des fenêtres écrêtées, le mur ouest du cellier abrite, sur son parement occidental, des pierres alignées formant chaînage. Il s’agit vraisemblablement de la limite septentrionale du cellier dans son état du milieu du XIe s. À cette époque, l’angle du bâtiment devait ainsi se situer 1,40 m au nord du mur nord du passage créé au XVIIIe s., et l’on peut encore observer un arrachement à son emplacement.
De même, au sud, le bâtiment ouest dans son état du XIe s. était vraisemblablement plus long. En effet, au niveau 1 du XIe s., il subsiste des vestiges d’un cinquième pilastre dans l’angle sud-ouest de l’espace qui se matérialise par un gros bloc en saillie (fig. 79.1). Ceci nous assure du fait que le bâtiment devait se poursuivre vers le sud d’au moins une travée, voire de deux, à l’emplacement de la maison du n° 3, place Sainte-Barbe où des vestiges d’un tel support ont été identifiés lors de travaux récents (fig. 78). Dans l’hypothèse d’une travée méridionale supplémentaire, le pignon sud du cellier se situerait dans la continuité du mur nord du réfectoire, tandis que dans la seconde hypothèse, celle de deux travées en plus initialement, la façade sud du cellier se trouverait dans l’alignement du mur sud du réfectoire (fig. 130, 151). L’élimination de cette extension méridionale remonte probablement au XIIIe s.
De plus, de gros blocs pouvant être assimilés à un revers de pilastre se rencontrent dans le mur ouest de la cave du bâtiment sud-ouest (US 2210 ; fig. 80). Cet élément faisait partie de l’aile orientale du cellier du XIe s. On en déduit que cette aile comportait elle aussi des supports pour accueillir un plancher.
La paroi orientale du corps du bâtiment ouest actuel a été totalement chemisée au XVe s., masquant de la sorte une maçonnerie remontant vraisemblablement elle aussi au XIe s., qui devaient comporter des pilastres répondant à ceux de l’ouest (fig. 79.2, 112). On peut de même envisager l’existence de grandes baies romanes dans la partie sommitale de ce mur, qui répétaient les dispositions de celles observées à l’ouest, en donnant sur le cloître et en surplombant l’aile orientale du bâtiment ouest.
Ces observations conduisent à proposer l’existence d’un ample bâtiment ouest roman avec aile orientale épaulant un corps massif composé de deux hauts niveaux. Cette configuration n’est pas sans rappeler celle d’une partie de l’hospice de Cluny, appelé “Écuries de saint Hugues”, dont la charpente a été datée de la fin du XIe ou du tout début du début du XIIe s. (Roiné 1996).
Comparaisons
La rénovation du cloître canonial au début du XIe s. correspond au mouvement de monumentalisation en pierre de nombreuses constructions canoniales et monastiques (fig. 130). Il s’agit essentiellement de voûter de manière pérenne des espaces jusqu’à présent charpentés. On n’en a pas la certitude à Cluny en dépit de mentions de la Vie de saint Odilon, mais les vestiges de la galerie nord du cloître de Tournus procèdent bien de cette même volonté, contemporaine de la reconstruction de l’église (Saint-Jean Vitus 2006a). Celle-ci suit le mouvement constaté pour le voûtement des églises en Bourgogne au début du XIe s., ainsi que celui des salles du chapitre. C’est le cas à Saint-Bénigne de Dijon, où les vestiges retrouvés de la salle construite probablement après 1018 et les cryptes montrent des traces de pilastres assurant la présence de voûtes d’arêtes. Aucun indice de ce type ne peut être confirmé jusqu’à présent du côté de la galerie, où subsistent une colonne et un chapiteau (Gaugé 2010).
Rappelons que les autres cloîtres canoniaux de Bourgogne ont, soit disparu, soit ont été reconstruits au XIVe ou au XVe s. comme à Chalon-sur-Saône (Didier 2010). On sait cependant qu’à Nevers, les chanoines avaient demandé à leur évêque de leur concéder plusieurs autels, en retour, ils prenaient à leur charge la construction de tout un côté de l’église et du cloître. Selon l’étude de la construction de l’édifice conservé, consacré en 1058 (le cloître a disparu), il semble bien que les travaux aient eu lieu à la suite de ces négociations (Sapin 1995, 59)
Les travaux d’Autun pourraient être situés à l’époque de l’évêque Gauthier (975-1024) comme le suggère les données archéologiques et le type de sculpture.
La cathédrale Saint-Nazaire
La cathédrale Saint-Nazaire subit au XIe s. de profondes transformations qui ont surtout affecté ses extrémités. Le chœur est vraisemblablement entièrement reconstruit, tandis que l’ancien atrium est restructuré pour donner naissance à un porche ou à une avant-nef.
Réfection de la zone orientale
En l’absence d’investigations raisonnées réalisées de façon extensive, il est difficile d’apporter des informations précises en ce qui concerne les aménagements de la zone orientale de l’église à l’époque romane (fig. 130, 151). Notre connaissance repose sur des données lacunaires glanées au cours d’un sondage limité entrepris par Jean-Charles Picard en 1986-1987 et lors du suivi de travaux de requalification du réseau de canalisations effectué dans les jardins de l’évêché, en janvier 2008.
Le sondage réalisé en 1986-1987 au nord-ouest du jardin de l’évêché a notamment permis de mettre au jour le négatif de deux murs parallèles, orientés est-ouest, interprétés comme étant les parois d’une absidiole récupérées à la fin du XVIIIe s., époque de la destruction presque totale de l’ancienne cathédrale. Les dimensions limitées de cette structure, large d’environ 3,80 m avec un mur d’une épaisseur de moins d’1,40 m, et sa profondeur conduisent à la dater de l’époque romane, et on peut notamment la comparer aux plans des églises de Cluny II, Perrecy-les-Forges, Paray-le-Monial ou même encore de la cathédrale de Chalon dans sa phase romane, remontant aux Xe-XIe s. Comme dans ces exemples, l’existence d’un transept étroit auquel l’absidiole venait se greffer serait à envisager.
Cette absidiole flanquait une abside, elle aussi entièrement récupérée, dont le négatif a vraisemblablement été récemment repéré dans les jardins de l’évêché (Labaune & Tisserand 2008), de même pour l’absidiole sud. Le remplissage de ces tranchées de récupération recelait des fragments d’enduits peints, généralement blancs, avec toutefois un fragment bleu, ainsi que des tomettes, vestiges d’un sol de la fin du Moyen Âge, voire moderne. Ces absides ainsi que l’absidiole seront reprises aux XIIIe-XIVe s.
Aménagement d’un porche ou d’une avant-nef
Au milieu ou dans la seconde moitié du XIe s., dans la continuité du cellier totalement reconstruit, est aménagé un porche occidental reprenant en partie l’emplacement de l’atrium mérovingien de Saint-Nazaire (fig. 81, 130). À l’ouest, en façade, il en subsiste des élévations, en particulier un arc en plein cintre à double rouleau porté par deux piles à dosserets et impostes. Les bases de ces supports ne sont pas visibles aujourd’hui ; le niveau de sol du XIe s. était situé plus bas (vers 365 NGF). Cet arc marquait l’axe de la structure d’entrée. Il conduisait à une construction comprenant une nef et des bas-côtés se déployant vraisemblablement sur trois travées jusqu’à la façade primitive de Saint-Nazaire (fig. 82 et 151 avec deux hypothèses en ce qui concerne ses agencements). En effet, au nord, une fouille réalisée dans la cave de la maison située au n° 3, place du Terreau a clairement montré la reprise romane (fig. 52 ; US 73) du mur gouttereau nord de l’atrium mérovingien (US 71 et 72). Plus récemment, en 2012, on a pu observer que ces mêmes maçonneries sont conservées au rez-de-chaussée de la même maison (fig. 82-84). Une ouverture occidentale peut-être du XIe s., a été mise en évidence. L’angle de la structure d’entrée, composé d’un moyen appareil comparable aux piles de l’arc occidental, a de plus été relevé. La limite nord de la structure a ainsi été reconnue.
La limite méridionale de cette structure d’entrée a été mise en évidence sur la paroi occidentale de la travée septentrionale du deuxième niveau du bâtiment ouest où les vestiges d’un mur bûché et remanié sont décelables (fig. 78). Cette paroi prenait appui sur le mur nord du bâtiment ouest dans sa phase du XIe s. (fig. 130, 151).
Au sud du porche actuel menant à la cour de la Maîtrise qui a repris l’emplacement de Saint-Nazaire, des maçonneries en partie visibles et ayant des dimensions comparables à celles des supports de l’arc occidental pourraient appartenir à des piles cruciformes (fig. 81-82). À l’est du porche moderne, les piles quadrangulaires portant un arc en plein cintre sont vraisemblablement liées à la création de la maison du XVe s. aménagée en incorporant les vestiges de la zone d’entrée romane (fig. 81). Le sondage réalisé à l’emplacement de la salle basse du bâtiment septentrional (Chambre des Comptes, fig. 57) a montré des reprises de la nef carolingienne de Saint-Nazaire, notamment une grande tranchée orientée nord-sud à l’emplacement probable de la façade primitive de l’église. Des traces de mortier beige, caractéristique du XIe s., ont d’autre part été mises en évidence sur les blocs carolingiens de la nef, dans l’étroit sondage pratiqué dans la Chambre des Comptes. Elles semblent témoigner de la limite orientale de cette structure ; mais seule une étude archéologique plus extensive permettrait de le confirmer.
Afin de rattraper la forte déclivité entre ce massif de façade et la nef carolingienne dont le niveau de sol se trouvait à 361.45 NGF comme l’a révélé le sondage entrepris dans le bâtiment septentrional (fig. 126), il est nécessaire d’envisager l’existence d’un escalier monumental disposé dans le vaisseau central de ce massif d’entrée (fig. 130), comme c’était le cas, par exemple, à Saint-Germain d’Auxerre (Sapin 2000, 108-109) aux XIe-XIIe s., au niveau de l’avant-nef, ou bien à Saint-Lazare d’Avallon au XIIe s. (Sapin et al. 2006, 274-276). Ceci conduit aussi à renforcer le postulat d’une structure occidentale à trois travées, raccordée à l’est à l’ancienne façade (fig. 130).
La relative étroitesse du vaisseau central de ce porche ou avant-nef est vraisemblablement tributaire des dispositions de l’atrium mérovingien dont les murs nord et sud ont été en partie conservés au XIe s. Le plan hypothétique de restitution de cette avant-nef que nous proposons (fig. 82, 130, 151) rappelle dans une certaine mesure l’imposante structure occidentale de Cluny II telle que la reconstruit Conant, et surtout l’avant-nef de Saint-Philibert de Tournus (Sapin et al. 2006, 29 et 42), ces deux édifices relevant du XIe s. À Autun, comme à Cluny II et Tournus, on note l’absence de contreforts. L’entrée axiale s’apparente également à celle de Tournus, très remaniée au XIXe s.
La restitution des élévations de ce massif de façade n’est pas aisée au vu des données archéologiques aujourd’hui disponibles. L’étude des parties septentrionales du cellier et de la maison située au n° 7, place du Terreau qui sont venus la remplacer à la fin du Moyen Âge permet de proposer quelques hypothèses. Les élévations romanes conservées concernent essentiellement le premier niveau de cette structure d’entrée, les parties hautes ayant été reprises aux XIIIe-XIVe s., comme on le développera plus bas. La relative étroitesse du vaisseau central pourrait indiquer l’existence d’une tour. Cette donnée est renforcée pour cette première travée par l’épaisseur des maçonneries certes remaniées à plusieurs reprises. Aucune trace de feuillure n’étant visible sur les supports intérieurs de l’arc à double rouleau, le portail d’entrée de l’église proprement dite prenait certainement place plus à l’est, à l’emplacement de la façade donnant sur la nef.
Comparaisons et datation
Les massifs occidentaux attestés depuis l’époque carolingienne dans l’Empire carolingien et encore très présents dans leur survivance ottonienne (Sapin 2003a), pouvaient se présenter différemment dans la Bourgogne du XIe s. À côté des galilées propres à Cluny et à sa liturgie, on constate plusieurs cas. À Mâcon, la cathédrale Saint-Vincent est réduite depuis la Révolution à son massif occidental où se distinguent le massif originel du début du XIe s., de plan barlong avec son grand escalier en vis au sud et des salles au nord, et le porche appuyé au XIIe s. avec son tympan. Si à Mâcon, le choix a été de faire deux tours symétriques, à Autun, il pourrait s’agir d’une simple tour occidentale. À Nevers, la question ne se posait pas dans la construction occidentée, et rien de cette période n’est visible à Chalon, Langres ou Sens. En revanche, à Auxerre, les sources textuelles des IXe et Xe s. attestent la présence d’un massif à l’ouest dont des vestiges subsistent sous le sol de la cathédrale (Sapin 2011b, 96-112). À Autun, comme à Auxerre, une tradition carolingienne très forte a dû subsister avec ces constructions affirmant dans une position d’entrée la puissance de la cathédrale et de l’évêché, comme le traduiront plus tard les tours de croisée.
État 11 : XIIe s.
Réfection du puits du préau
Le puits de plus de vingt mètres de profondeur, trouvé au sud-ouest du préau comportant une fondation polygonale parementée (US 702 à 361.20 NGF) associant mortier hydraulique et moellons a vraisemblablement été restructuré au XIIe s., car dans les niveaux de destruction de cette structure, datant de la fin du Moyen Âge, de nombreux fragments de blocs de calcaire moulurés, avec doucines, pouvant appartenir à une margelle très décorée du XIIe s. ont été rencontrés (fig. 85, 142.B). Cette margelle a été remplacée à la fin du Moyen Âge, à la suite d’un important exhaussement du niveau du terrain par le bloc antique de remploi trouvé en place lors de la fouille (US 473 à 361.65 NGF).
Les céramiques, monnaies et autre mobilier trouvés dans les couches situées autour du puits montrent une utilisation intensive de cet espace aux XIIe-XIVe s. Toutefois, si l’association physique entre ces couches et le puits (US 702) a été perdue lors du démontage de la margelle du XIIe s. et la mise en place d’une nouvelle margelle (US 473) à la fin du Moyen Âge, la relation stratigraphique préexistante peut être reconstruite avec confiance. En effet, en dépit du démantèlement de la margelle du XIIe s., des indications limitées d’une possible superstructure en bois ont été mises en évidence. Il est intéressant de noter qu’une fois excavée, la partie la plus inférieure du puits s’est avérée ne contenir presque aucun mobilier, ceci impliquant une utilisation liturgique plutôt que domestique de cette structure32. Cette hypothèse pourrait expliquer la présence de nombreux tessons disposés autour du puits de façon intentionnelle et non en raison de cassures sur place.
Les galeries
La galerie orientale
On le verra, la galerie sud a été vraisemblablement voûtée au XIIe s. et a fait l’objet d’une autre monumentalisation qui s’est traduite par le remplacement des pilastres du XIe s. par des colonnes épaulées par des contreforts (fig. 58, 62, 87, 142). Il en a été apparemment de même dans la galerie orientale, ce dont témoigne un chapiteau du XIIe s. conservé en élévation dans la travée sud-ouest, visiblement en place (US 2239 ; fig. 62). Sa corbeille totalement lisse, a peut-être reçu un décor peint à l’origine. Ce chapiteau a été maintenu au XVe s. au moment de la reprise de la voûte, au contraire de ceux de la zone nord éliminés probablement à l’époque de ce même revoûtement total. D’autres traces de reprises du XIIe s. ont d’autre part été retrouvées en fouille.
Il s’agit en premier lieu de la récupération du dallage du XIe s. dans le but de le porter à un niveau supérieur après quelques ajustements (US 2117-2123). En attestent un niveau de remblais hétérogène (US 7458 et 1938-2031 ; à 361.64 et 361.33) sur des épandages de terre limoneuse mêlée à des éclats de calcaire, de la chaux et du mortier (US 2032, 2031, 2035, 2022, 1941, 1944, 1950, 1948), ces derniers reposant directement sur une chape de mortier beige et d’argile damée (US 779, 1953, 2034-2038). Les niveaux supérieurs (US 1938-2031) portaient une surface argileuse noire (US 7451, 1927, 2021-2022), elle-même surmontée d’une couche d’argile verte (US 744, 1923 et 2016 ; entre 361.25 et 361.68 NGF) présentant des traces de dalles (US 2117-2123). Ce nouveau revêtement était constitué d’un calcaire assez fin, si l’on en croit les déchets de taille, essentiellement des angles, découverts dans les couches de préparation. Les enduits des élévations ont peut-être été repris lors de cette phase, comme semblent l’attester de nombreux fragments d’enduits peints, sur différents supports, retrouvés notamment dans deux couches (US 1944 et 1950). Des traces de ce dallage du XIIe s. se reconnaissent aussi le long de la banquette longeant le mur oriental de la galerie, où l’on a observé la présence d’une bande de mortier blanc rosé au profil incurvé.
Lors de cette phase, la banquette est étendue au nord (US 21 ; fig. 41). Ce tronçon revêtu d’un enduit blanc, ce qui n’était pas le cas auparavant, reposait sur une fondation peu profonde mise en place dans une tranchée assez étroite (US 777). Cette structure était bien en contact avec la surface d’argile qui portait le dallage du XIIe s. (US 744) ainsi qu’avec les minces niveaux d’argile noire du dessous (US 7451-2). Dans un niveau (US 7453) creusé par la tranchée de construction de la banquette (US 777), une pièce de monnaie du XIe s. a été découverte, procurant un précieux terminus post quem. Cette information, couplée à l’analyse du matériel contenu notamment dans les niveaux de préparation du revêtement du XIIe s. où l’on a recueilli de la céramique glaçurée orange sur pâte orange – toute première manifestation de la glaçurée à Autun – permet de penser que cette banquette a bien été mise en place à la fin du XIIe s. parallèlement au dallage.
Faisait aussi partie de cette reprise de la banquette une dalle placée horizontalement (US 2234 ; fig. 74) surmontée de moellons, qui, au sud, venait achopper à une autre dalle de belle ampleur, placée cette fois de chant (US 2238), aboutée à la banquette antérieure (US 2013). Ces éléments correspondaient vraisemblablement à des remplois du revêtement au sol du XIe s. Ils ont eux aussi été mis en place dans une tranchée assez étroite (US 2044 et US 2048) située dans le prolongement de celle observée immédiatement au nord (US 777). Si, dans cette zone septentrionale, une ouverture agrémentait le mur oriental de la galerie, elle a certainement été bouchée, en partie ou totalement, à la fin du XIIe s., au moment de l’extension de la banquette au nord. Cela pose, encore une fois, le problème de l’accès au bâtiment oriental – l’hypothétique salle capitulaire – qui se faisait peut-être encore plus au nord, ou bien uniquement par l’intermédiaire des parties orientales de la cathédrale Saint-Nazaire. On l’a déjà dit, des fragments de piédroits d’une ouverture vraisemblablement carolingienne, car composés de mortier rose extrêmement bien lissé à l’instar de ce que l’on a observé pour le montant nord de l’arc du IXe s. (US 1720 ; fig. 71) ont été trouvés dans la tranchée de construction de cette nouvelle banquette laissant envisager à son aplomb l’existence d’une telle ouverture bouchée au XIIe s. et très remaniée par la suite si elle correspondait à la porte actuelle.
Plus au sud, la banquette (US 1908) a de même été retouchée à la fin du XIIe s. (fig. 50). Cela se traduit par la présence d’une maçonnerie composée de gros blocs (US 2232, surface à 361.60 NGF) ayant perturbé les structures antérieures (US 2230 et US 2231). Cette maçonnerie correspond selon toute vraisemblance à la fondation d’une colonnette adossée à un dosseret et qui, tous deux, recevaient un voûtement. Cet élément constitue en effet le pendant d’une excroissance (US 2236) que l’on attribue à la fondation d’un contrefort ajouté au mur occidental carolingien (Mur 1913), qui se projetait vers le préau. Le fait que ces deux entités se font face et qu’elles comportent des blocs liés par du mortier beige conduit à les dater de la même période, et donc de la fin du XIIe s. Il en est de même pour une autre maçonnerie (US 2235 à 361.75 NGF) située au nord de l’US 2236, constituée de blocs placés à l’aplomb de la pile du XIVe s. Un vestige de pilastre peut aussi être proposé (US 2116), bien qu’il soit désaxé par rapport aux blocs de l’US 2235. Ces éléments essentiellement visibles en coupe, en raison toujours de la tranchée de récupération du XVIe s., pourraient remonter eux aussi au XIIe s., avec là encore un liant beige clair comparable à celui rencontré au niveau de la dernière reprise des banquettes.
Il semble d’autre part que le voûtement du XIIe s. ait entraîné une modification totale du système de travées établi au XIe s., qui se manifestait par le vestige possible d’un pilastre (US 2116), en décalage avec les fragments de contreforts. On serait ainsi passé de travées d’environ 3 m (ou 3,20 m comme dans la galerie méridionale) à des travées de 3,80 m (fig. 142).
Cette modification dans le rythme des travées est vraisemblablement imputable à la création d’un portail qui marquait le centre de la galerie (fig. 58, 74, 130, 142). Il comprenait plusieurs éléments dont, tout d’abord, une base (US 2227) trouvée en fouille, dans l’extrémité nord-ouest de la galerie orientale. Sa facture, notamment son profil écrasé et la présence d’une griffe d’angle, est bien à rattacher à la fin du XIIe s. (niveau inférieur de la base à 361.65 NGF). Elle est en léger décalage par rapport à une autre base découverte immédiatement au sud-ouest (US 2240), qui présente des caractères stylistiques comparables (niveau inférieur de la base également à 361.65 NGF). De façon assez ironique, toutes deux doivent leur survie à l’insertion, au XIVe s., de la pile qui les surplombe (US 2228) et qui les cachait. Ce décalage entre ces entités posées directement sur le mur occidental remontant à l’époque carolingienne (Murs 22 et 2007), qui devaient légèrement surplomber le sol du XIIe s., nous conduit à penser qu’elles composaient un portail monumental à ébrasements, dont le côté nord est perdu.
Doivent être associés à cette structure d’entrée les vestiges infimes d’une maçonnerie (US 2062, à 361.125 NGF) retrouvés au fond de la tranchée de récupération (US 2011) du mur occidental de la galerie (Mur 2007), juste au sud de la base méridionale du portail. Elle comprend en effet des pierres mêlées à du mortier beige (comme celui de la reprise du XIIe s. des banquettes) et elle fait face au retrait noté dans l’extrémité nord de la banquette (US 2234).
Le XIIe s. a donc vu de profondes modifications de la galerie orientale avec la création d’un nouveau dallage à un niveau plus élevé, l’extension de la banquette, un voûtement épaulé à l’ouest par des contreforts, et la création d’un portail monumental qui devait ainsi magnifier le centre de la galerie orientale. Malgré leur ténuité, ces quelques vestiges miraculeusement épargnés rendent compte de la monumentalité que devait revêtir cette galerie orientale, particulièrement soignée du point de vue architectural.
La galerie méridionale
Comme dans la galerie orientale, la réalisation d’un nouveau dallage ayant succédé à celui du XIe s. a pu être mise en évidence dans la galerie sud (fig. 64). Cette action a nécessité au préalable le démantèlement de ce revêtement, accompagné d’un léger décaissement (ID 2224), puis d’un exhaussement du sol. Participe à cet exhaussement un niveau (US 1522) constitué de fragments de mortier blanc mêlé à des tuiles et des morceaux de grés, qui témoigne aussi de la restructuration de l’élévation. En effet, cette couche, tout comme la surface damée qu’elle portait et qui devait porter le nouveau dallage (US 1117), recelait en outre des fragments de chapiteaux à volutes du début du XIe s. Ils sont comparables à l’élément complet découvert dans le puits et au chapiteau là aussi entier inséré dans le bouchage (US 2218) créé au sein du mur de fond de la galerie occidental (Mur 1264) après récupération d’un pilastre.
La reprise du pavement, que l’on situe au XIIe s., s’est donc accompagnée de la création d’un nouveau décor venu remplacer les éléments préexistants. Toutefois l’organisation globale de la galerie a visiblement été maintenue, au contraire de ce qui a été observé dans la galerie orientale où le rythme des travées a été modifié.
Cette restructuration s’est accompagnée du voûtement de la galerie avec mise en place de contreforts égrenés le long du Mur 13 (fig. 63, 130, 142). Ces éléments de contrebutement ont été retrouvés de façon très fragmentaire dans l’alignement des supports intérieurs. Ainsi l’US 508 (fondation d’un contrefort) répondait à l’intérieur à l’US 608 qui faisait face à l’US 507 correspondant à des fondations des éléments porteurs. De même largeur que cette dernière maçonnerie (0,90 m) et se projetant de 0,40 m vers le nord, le contrefort était composé de plusieurs blocs de réemploi liés par du mortier gris, caractéristique de cette phase du XIIe s., dont un tailloir de l’an Mil provenant vraisemblablement de la restructuration contemporaine des ouvertures donnant sur le préau. Un autre élément de même nature et extrêmement arasé a été reconnu plus à l’est (US 511). Il était associé à un négatif de socle (US 606) et à un socle opposé bien conservé (US 1067). Ces socles ont été repris au XIIe s. pour recevoir des colonnes surmontées de chapiteaux portant les doubleaux d’une voûte.
L’emploi de mortier gris pour cette nouvelle phase d’embellissement attribuée au même XIIe s. caractérise notamment la reprise (Mur 13A) de l’extrémité occidentale du mur nord de la galerie (Mur 13), à la jonction avec la galerie ouest (Mur 12 ; fig. 48, 63). Ce même mortier gris a été décelé sur certains socles fortement remaniés au XIIe s. dans le but d’insérer des bases surmontées de colonnes engagées et de chapiteaux venus remplacer les pilastres du XIe s. En témoignent les deux bases conservées sur socles antérieurs (à l’est l’US 1068 et à l’ouest l’US 1969) et les traces de démantèlement de chapiteaux du XIe s. évoquées ci-dessus.
De même, les socles du XIe s. totalement récupérés a posteriori (US 1964 et 501 et respectivement US 2064 et 503 ; fig. 63, 76, 77) présentaient des traces de mortier gris attestant là encore de leur reprise au XIIe s. En ce qui concerne le premier, le pilastre puis la colonne engagée qu’il a portée par la suite ont été insérés dans la paroi comme en témoigne une saignée (US 1966-2218) correspondant à la récupération du support et au bouchage consécutif à cette action comportant pêle-mêle un chapiteau du XIe s. ainsi que des demi-colonnes (fig. 66). Ce socle constituait le pendant des gros blocs insérés dans l’angle des Murs 12 et 13 (XIe s. puis reprise 13A au XIIe s.) formant une excroissance qui devait en élévation recevoir l’arc doubleau reposant sur le pilastre (puis la colonne) porté par le socle mis en place dans le US 1964. Ces blocs du Mur 13A, comme le socle (US 2064) qui occupait le négatif (US 1964), étaient liés par du mortier gris qui se retrouve au niveau des contreforts mis en place au nord du Mur 13 (US 508) pour contrebuter la poussée des voûtes.
Galerie ouest
Si, comme dans la galerie sud, le dallage du XIe s. a été démantelé, il n’a cependant pas été remplacé (fig. 65). En atteste une surface limoneuse et organique (US 597B) qui s’est développée sur les vestiges de préparation du dallage du XIe s. (US 598). De plus, comme le montre le mobilier, ce démantèlement date du XIIIe s. et non du XIIe s.
Aucun indice d’une quelconque transformation de cette galerie ne peut être attribué au XIIe s. On doit toutefois mentionner la découverte, dans les couches de destruction de la galerie, au XVIe s., d’une tête sculptée du milieu du XIIe s., vestige probable d’un chapiteau. Réalisée dans un calcaire de médiocre qualité, elle a toutefois bénéficié d’un traitement de surface soigné, avec couche de préparation masquant les aspérités de la pierre, puis application d’un lavis clair pour la carnation, associé à des rehauts de couleurs notamment pour la bouche. Le style de ce visage semble se rapprocher du cycle sculpté “rhodanien” provenant vraisemblablement du cloître, dont des vestiges – chapiteaux et pilastre – ont été remployés au milieu du XIIIe s. dans les ouvertures supérieures du réfectoire (Zink 1984 ; Stratford 1985). Ces éléments ainsi que des reliefs montrant deux Arts Libéraux (Géométrie et Astronomie, aujourd’hui au Musée Rolin), vestiges de supports d’angles de galeries ou de piédroits d’un portail, ont d’ailleurs été attribués à un cloître (Stratford 1985, 129). On peut donc envisager l’existence au sein du cloître de Saint-Nazaire d’un décor sculpté roman de belle facture. Ces fragments sont peut-être contemporains des bases et du chapiteau conservés dans la galerie orientale.
Les bâtiments du cloître
Le bâtiment sud
Un décor peint très altéré relevant probablement du XIIe s. a été identifié dans la zone inférieure du mur sud du bâtiment méridional. Il s’agit d’une frise à rinceaux de couleur rouge, ocre et blanche, essentiellement observée dans la partie occidentale du mur, de part et d’autre du support attribué au XIe s. (fig. 99). D’autres traces de rinceaux ont été décelées plus à l’est, sous les peintures du milieu du XIIIe s. à faux joints et fleurettes. De plus, des blocs utilisés en remploi lors de la reprise du XIXe s. et portant des vestiges d’un tel décor ont été observés sur le mur oriental, tant en face interne qu’en face externe. La facture de ces rinceaux et le fait qu’ils soient antérieurs aux faux joints du milieu du XIIIe s. associés aux baies géminées à arcs trilobés venues perturber une maçonnerie fort ancienne, que l’on fait remonter au IXe s., conduisent à les placer au XIIe s. Ce décor semble fonctionner avec une porte rencontrée elle aussi à l’ouest, en-dessous des rinceaux et qui, du point de vue stylistique, daterait du XIIe s., tandis que l’ouverture qui la surplombe, avec son tympan trilobé visible au sud, serait plutôt contemporaine des baies géminées. L’ouverture inférieure doit être associée à une autre porte rencontrée plus à l’ouest, dans la cave occidentale du bâtiment sud. Le seuil de la première se trouvait à peu près à 364.45 NGF (0.00 du site). Ces portes, de même que celle du XIIIe s., devaient permettre l’accès à un bâtiment orienté nord-sud qui, en partie haute, comportait de grandes ouvertures. On l’a dit, l’abbé Devoucoux signale déjà leur existence dans les années 1830-1840, bien qu’il les date de l’époque carolingienne et qu’il interprète le bâtiment comme étant le dortoir. De nos jours, le mur occidental de cette bâtisse, portant des vestiges de fenêtres, est conservé dans les greniers du bâtiment transformé en cure.
Le bâtiment ouest
Le mur oriental du bâtiment ouest dans son état actuel est beaucoup plus épais que celui de l’ouest (fig. 111, 151). Il abrite en son sein la paroi du XIe s. conservée en sandwich entre deux parements du XVe s. (fig. 112). En 1999, une partie de son parement extérieur est tombée, révélant la présence d’un arc en grand appareil (US 2185 ; fig. 79.2). Cet arc se situe dans l’alignement du seuil observé en fouille plus à l’est, au sein du mur de fond de la galerie ouest (Mur 1264). Ce dernier faisait partie d’une ouverture remaniée au XIe s. qui donnait accès à l’escalier carolingien de la galerie ouest (US 1290) situé dans l’axe du puits du préau du cloître. L’arc du bâtiment ouest (US 2185) correspond probablement à une reprise d’une ouverture plus ancienne, contemporaine de l’escalier carolingien et de la porte qui lui était primitivement associée. Son montant sud est conservé dans la cave du bâtiment sud-ouest (fig. 80). Sa facture, avec blocs de grand appareil finement layés, est semblable à celle de la porte qui, au nord, fermait le domaine du chapitre en étant intégrée dans le mur de clôture du quartier canonial. Elle était perpendiculaire au bâtiment ouest, comme en témoignent ses vestiges. Cette porte canoniale est mentionnée dans un document de 1178, de même que le cellier. L’ouverture du bâtiment ouest que l’on identifie au cellier pourrait ainsi remonter au moins à la fin du XIIe s., la date de 1178 fournissant un terminus ante quem.
Les bâtiments communs d’Autun aux XIe et XIIe s. : comparaisons
Depuis le IXe s., on voit à Autun un certain attachement au dispositif classique autour du carré claustral avec cellier, réfectoire etc. Ce qui est loin d’être le cas dans de nombreux ensembles canoniaux, notamment du sud de la France (Esquieu 1994a, 44). Les fonctions plus variées que dans les monastères et les contraintes urbaines qui interdisent de grands développements dans l’espace, invitent à retenir quelquefois plusieurs hypothèses en l’absence de sources.
Comme pour l’étage du cellier aux XIe et XIIe s., la fonction propre au réfectoire est complexe. Il apparaît clairement que les chanoines d’Autun ressentirent la nécessité de reconstruire et d’aménager successivement au XIIe et au XIIIe s. ce bâtiment méridional. Les traces d’enduits et de peintures qui traduisent plusieurs partitions révèlent probablement comme au réfectoire des chanoines de Noyon (Pawlak 2008), des affectations multiples et changeantes. C’est le cas au XIIIe s. selon les sources (repas de fêtes et réception des rentes) et on peut imaginer que très rapidement, dès le XIe s., la possibilité d’une grande salle à l’étage faisait office de aula dans une présence ostentatoire, bien connue dans le domaine castral contemporain, mais aussi dans les demeures des évêques. Les chanoines d’Autun, comme ceux de Lyon avec la Manécanterie, ont pu avoir ce même désir. À partir de là, les relations avec un bâtiment orienté nord-sud, attesté par un passage et des vestiges, peuvent indiquer de multiples usages annexes de services, ou encore d’usages pour le réfectoire et le dortoir des clergeons par exemple. L’espace vide de construction dans l’alignement du réfectoire à l’ouest peut correspondre à l’emplacement des cuisines. Comme dans les monastères, elles auraient pu être en relation avec le bâtiment du cellier (Saint-Jean Vitus 2014), mais la reconstruction de maison de chanoine à cet endroit ne permet pas d’attester précisément une telle relation.
Les profondes transformations gothiques (XIIIe-XVe s.)
États 12 et 13 : XIIIe-XIVe s.
Les galeries
Galerie orientale
La reconstruction à l’époque gothique des parties orientales de Saint-Nazaire à l’aplomb de l’église paroissiale Saint-Jean-de-la-Grotte, créée elle aussi à cette époque, a entraîné l’amputation de la moitié nord de la galerie orientale (fig. 58, 88, 131, 144-145). Le portail de la fin du XIIe s. qui en marquait le centre est entièrement détruit. La travée centrale de la galerie est en effet incorporée dans le chantier de construction de la cathédrale, comme nous le développerons plus bas. Des fosses et des tranchées de construction en attestent (US 736, 736A-B). Seule la moitié sud de la galerie était conservée en élévation. On peut toutefois se demander si l’on n’avait pas projeté de déplacer cette galerie vers l’est pour qu’elle longe une salle – possible salle capitulaire – disposée encore plus à l’est, car l’amorce de construction d’une telle structure (US 1491 ; fig. 106) a été identifiée dans l’espace voûté oriental. La présence d’une fenêtre (US 1749) et non d’une porte de communication, pour la première phase gothique, entre le niveau de Saint-Jean-de-la-Grotte et l’emplacement de la galerie orientale semble corroborer cette présomption. Pour cette phase, on doit également imaginer la présence d’un mur temporaire dans la continuité de celui observé plus à l’ouest (Mur 712), isolant la zone du chantier gothique des élévations subsistantes de la galerie orientale. Ce mur aurait été repris par le bouchage du XVe s. qui a séparé la zone sud de la galerie orientale du passage longeant le mur méridional de Saint-Jean-de-la-Grotte/Saint-Nazaire.
Côté préau, trois piles composées de pierres de taille sont greffées sur le mur occidental de la galerie. En façade, seule celle du nord, c’est-à-dire au sud du passage, se discerne derrière des enduits modernes (US 2228 ; fig. 58). À son aplomb, on distingue clairement un larmier bûché. La hauteur à laquelle prend place cet élément laisse entendre qu’il s’agissait à l’origine d’un contrefort ou d’une culée d’arc-boutant à volée, destinée à épauler le mur ouest du dortoir qui prenait place au-dessus du bâtiment oriental. On peut également proposer l’hypothèse selon laquelle le support septentrional (US 2228) était plus haut que ceux du sud afin de contrebuter une salle surplombant la travée nord de la galerie est, interprétée comme une sacristie directement en lien avec le chœur de Saint-Nazaire. Seule un décrépissage permettrait d’étudier plus en détail ces piles et d’infirmer ou de confirmer ces hypothèses. Ces contreforts ou culées se seraient ainsi substitués aux contreforts du XIIe s. dont on pense avoir détecté quelques vestiges (US 2235 et 2236 ; fig. 41, 60-61) fortement perturbés au XVIe s. Plus précisément, les piles des XIIIe-XIVe s., disposées à intervalles réguliers, auraient été accolées au mur occidental originel de la galerie, sans lui être chaîné, tout en remplaçant les contreforts du XIIe s., dont les blocs inférieurs servaient d’assise à ces nouvelles réalisations.
La mise en place des piles de façade de la galerie orientale remonte selon toute vraisemblance à la fin du XIIIe s. ou au début du XIVe s., époque de la construction des parties hautes du chœur de Saint-Nazaire. La récupération des contreforts du XIIe s. et du mur carolingien sur lequel ils reposaient rend difficile une datation précise. Toutefois, en chronologie relative, la création du support nord a entraîné la destruction de l’ébrasement sud du portail central mis en place à la fin du XIIe s., tandis que l’ébrasement nord a été détruit pour permettre l’agrandissement du chœur du Saint-Nazaire gothique. Ainsi, les bases (US 2240 et 2227) appartenant à l’ébrasement sud de ce portail ont été noyées dans la fondation de ces supports (fig. 41, 44). D’autre part, ces derniers sont clairement antérieurs à la grande réfection de la galerie au XVe s. Ainsi, le support septentrional (Pile 2228), visible à l’intérieur de la galerie orientale, a été dégagé postérieurement pour permettre d’y greffer de nouvelles voûtes ainsi que les arcs ouverts sur le préau (fig. 88). Il en est de même des autres éléments de cette aile du cloître (US 1817 et 2233 ; fig. 44). D’autre part, ces piles présentent de nombreuses analogies avec les culées d’arcs-boutants mises en place le long des murs gouttereaux de la nef de Saint-Lazare à la fin du XIIIe s. (Serexhe 1987-1990). Leurs modes de construction et le profil des larmiers sont proches également de ceux présents sur le mur sud de Saint-Jean-de-la-Grotte/Saint-Nazaire.
Avec ces piles nettement en avancée par rapport au mur-bahut donnant sur le préau, l’aspect général de cette galerie dans son état des XIIIe-XIVe s., devait être assez comparable à celui des galeries du cloître associé à la cathédrale de Chalon-sur-Saône réalisées à la fin du XIVe s. (Didier 2010).
Galerie sud
Au XIIIe s., on reprend le dallage de la galerie sud (fig. 64). Au-dessus du niveau de préparation pour le dallage du XIIe s. (US 1117) prenait place un remplissage (US 1114/365B) comportant du matériel du XIIIe s. Il s’agissait, là encore, d’un exhaussement consécutif à la récupération des dalles, en préalable à l’aménagement d’un nouveau sol de nature comparable. La préparation (US 1064/US 389) qui surmontait le remplissage (US 1114) était de nouveau constituée d’une mince couche d’argile observée ponctuellement, sur laquelle reposaient les nouvelles dalles.
Les informations sont très lacunaires, mais il est probable que les élévations de la galerie ont été fortement remaniées aux XIIIe-XIVe s. Une ample reprise a en effet concerné le mur de fond (Mur 212) qui correspond également à la paroi nord du bâtiment sud (US 1515). Cette reprise a surtout été observée à l’est, là où des maçonneries anciennes n’ont pas été affectées par des reconstructions du XIXe s. À cet emplacement, le parement des XIIIe-XIVe s. comprend deux fenêtres rectangulaires chanfreinées (fig. 72).
Galerie ouest
Dans cette galerie, le dallage installé au XIe s. a lui aussi été enlevé (fig. 65, 66, 68), ce qui explique les importantes lacunes de son niveau de préparation (US 598). Directement sur ce niveau reposait une surface noire, limoneuse et organique (US 597B) assimilée à un sol en terre battue. On peut se demander pourquoi un nouveau dallage ne fut pas mis en place alors que ce fut le cas pour les galeries est et sud aux XIIe et XIIIe s. Étant donné que cette galerie ouest longeait le bâtiment ouest assimilé au cellier/farinier qu’elle desservait grâce à un escalier installé dès l’époque carolingienne, elle ne bénéficiait apparemment pas (ou plus) d’un statut prestigieux, sa vocation étant plus domestique. Ou bien il était question de remanier cette aile du cloître et son sol dans le sillage de la reconstruction de la cathédrale Saint-Nazaire, sans pour autant que le projet ait abouti. Dans tous les cas, ce niveau très organique qui semble avoir été exposé assez longtemps comportait du matériel du XIIIe s., notamment des fragments de côtes de verre à pied typiques de cette période.
Ce niveau (US 597B) a subi une perturbation observée essentiellement au nord et à l’est (notamment US 597A avec subdivision 643). Comme la couche précédente (597B), le nouveau contexte (US 597A) était sombre, mais plus meuble et contenait beaucoup de matériel du XIIIe s. À noter aussi la présence d’une grande fosse dans la partie sud de la galerie, fosse remplie notamment de pierres (US 624 couverte par l’US 597B) dont la fonction n’est pas élucidée (puisard pour drainage ?).
Plusieurs exhaussements de sols appartenant aux XIIIe-XVe s. ont été observés. Il s’agit tout d’abord de la mise en place d’un apport de terre grise surmontée d’une surface de tuiles (surface d’occupation-US 557), puis de niveaux comprenant des enduits et du sable (US 502 et 541 sur US 549). Ces exhaussements portant des traces de travaux ont probablement accompagné une reprise des élévations de la galerie, notamment celle du mur donnant sur le préau (Mur 12) pour lequel une tranchée de construction a été observée (fig. 67-68). La récupération massive de ce mur au XVIe s. ne permet cependant pas d’en être totalement assuré.
Les bâtiments canoniaux
Bâtiment oriental
Au XIIIe s., comme auparavant, nous n’avons pas de certitude sur la localisation de la salle capitulaire (fig. 88-89). Toutefois, l’amorce de la création d’une salle voûtée située au sud-est du chœur gothique de Saint-Nazaire, mais au niveau de Saint-Jean-de-la-Grotte, pourrait témoigner de la volonté d’aménager ou de remanier une telle structure à un emplacement qui correspond à sa localisation habituelle tant en contexte monastique que canonial20. Ce projet finalement abandonné s’est accompagné de la mise en place de fondations disposées perpendiculairement. Ces éléments et d’autres situés plus à l’est ont cependant été très perturbés par des récupérations et par un décaissement sévère intervenu au XVIe s. Aussi l’enchaînement des faits est-il difficile à établir de façon assurée. L’abandon de ce chantier s’explique peut-être par le transfert de la salle capitulaire dans le porche de Saint-Lazare dès le XIIIe s. Le bas-côté occidental du porche de Saint-Lazare constituait en effet un lieu de réunion des chanoines. Dans les sources, il est qualifié de petit chapitre ou capitellum (Madignier 2011, 272 ; Berry 2013). Mais le transfert a tout aussi bien pu se faire au moment où l’on engageait la reconstruction de Saint-Nazaire, avec, dans son sillage, le remaniement du cloître.
Analyse de l’élévation septentrionale
La paroi nord du bâtiment oriental, qui constitue en fait une partie du mur d’enveloppe méridional de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire, comme on le verra plus bas, abrite les témoins vraisemblables de l’amorce de la construction d’une grande salle (fig. 106). Ce mur en grand appareil, visible sur une hauteur de 4,40 m et sur une largeur de 7,50 m, est percé à l’ouest d’une porte surmontée d’un arc surbaissé (US 1758). Ce parement est couvert d’un lait de chaux rendant parfois difficile la lecture précise de cette élévation. Il a tout de même été possible d’identifier plusieurs unités murales correspondant à autant de phases ou de reprises.
À l’est, la maçonnerie est constituée de gros blocs de grès rectangulaires posés en assises régulières (US 1489). La base de cette maçonnerie comprend des blocs plus étroits. Il s’agit probablement du pied du mur qui établit la transition entre la fondation et l’élévation identifiée également dans la partie occidentale de cette même maçonnerie.
À l’ouest et au centre du parement, on distingue un arrachement avec bûchage de pierres (US 1491). Les blocs composant cette unité murale sont rectangulaires et disposés en continuité de parement avec ceux de la maçonnerie située à l’est (US 1489). Cela indique que ces deux entités sont contemporaines, d’ailleurs les mortiers sont identiques. La perturbation de la lecture du mur est matérialisée par des pierres bûchées, le blocage exposé et la naissance d’une voûte bien perceptible à l’est. Il s’agit soit d’un arrachement, soit, plus probablement, de pierres du parement laissées en attente en vue de greffer un mur orienté nord-sud se prolongeant par une voûte vers l’est, pierres finalement bûchées au moment de l’abandon du projet. On propose de voir dans cette maçonnerie les prémices de la construction d’une salle située à l’est de la galerie orientale correspondant soit à la reprise de la salle capitulaire antérieure dont rien n’est connu, soit à l’aménagement d’une salle de fonction inconnue. Dans tous les cas, ce projet faisait partie intégrante du chantier gothique puisqu’il a été prévu dès la mise en place du mur d’enveloppe des parties orientales de Saint-Jean-de-la-Grotte/Saint-Nazaire. Il est à noter que cet arrachement occupe l’emplacement d’un contrefort associé à l’intérieur à une culée d’arc-boutant noyée dans les maçonneries séparant deux chapelles. L’ambitieux projet de reconstruction du XIIIe s. qui visait en premier lieu la cathédrale Saint-Nazaire devait donc également toucher cet espace oriental de même que le bâtiment sud, assimilé au réfectoire.
Toutefois, l’analyse de l’élévation montre que ce projet a rapidement été abandonné puisque dans la partie supérieure du mur étudié (US 1489) la courbure de la voûte disparaît (US 1490). Les blocs du mur se projetant vers le sud sont restés en attente, puis ils ont été bûchés (US 1491). Remarquons dans cette maçonnerie un trou de boulin bouché qui, avec d’autres, a servi à l’élévation supérieure de ce parement (US 1490)33, ainsi que l’emploi prépondérant de blocs rectangulaires d’un module distinct de celui employé dans la maçonnerie inférieure (US 1489). Le mortier utilisé pour lier les pierres de ces parements US 1490, US 1489 et 1491) montre peu de variantes, ce qui renforce l’hypothèse d’un laps de temps assez court entre ces réalisations.
Les maçonneries trouvées en fouille
La fouille de la salle orientale (fig. 89-94) a conduit à mettre au jour les vestiges d’une maçonnerie (Mur 1420) alignée avec les pierres bûchées mentionnées (US 1491). Orientée nord-sud, elle est constituée en grande majorité de blocs de grès avec parfois du granite. Elle comporte aussi quelques réemplois de moellons gallo-romains. Ces éléments sont liés par du mortier blanc. Ce mur présente une largeur de 1,10 m et une longueur conservée de 2,50 m. Seules les premières assises ont été conservées puisque le reste a été récupéré (US 1485) comme on le voit nettement sur la coupe sud. Le niveau d’arasement de ce mur (ID 1484) se situe à 360.50 NGF. Cette maçonnerie (US 1420) qui se poursuit sous la berme sud devait aussi primitivement prendre place plus au nord. En effet, ses blocs, disposés du côté nord, ont été arrachés. De plus, la trace de son étroite tranchée de construction a été clairement identifiée plus au nord (US 1486). Elle a laissé un négatif bien net dans l’alignement du côté ouest du mur étudié. Cette maçonnerie était vraisemblablement associée à un mur disposé perpendiculairement à l’est (Mur 1468) attesté uniquement par sa tranchée de récupération (US 1467) visible dans la coupe orientale. Il s’agissait probablement d’un mur de refend marquant la subdivision de l’espace en deux salles. Par la suite, il a été remplacé par une paroi disposée parallèlement plus au sud (Mur 1402) qui est venue se raccorder au mur orienté nord-sud antérieur (Mur 1420). Ce mur (Mur 1402) présente une largeur de 1 m et sa longueur conservée est de 2 m. Seules ses deux assises inférieures sont conservées, le reste ayant été récupéré (US 1465). Le niveau d’arasement de cette structure se situe entre 360.38 et 360.46 NGF. Elle est composée de blocs de grès – ponctuellement de granit – liés par du mortier marron-beige pour l’assise inférieure et blanc-grisé pour l’assise supérieure. L’empreinte d’un gros bloc quadrangulaire disposé à l’est est bien visible. Cette structure pourrait correspondre là aussi aux vestiges d’un mur de refend ou bien à la fondation d’un escalier.
Un peu plus tard, est probablement élevée une fondation (Mur 1433) accolée à deux autres murs préexistants (Murs 1420 et 1468). Elle est orientée nord-sud. Elle présente une largeur de 1,40 m tandis que sa longueur conservée est de 3 m. Cette construction est assez fruste. Les blocs correspondent à du grès et le liant est beige. Au-dessus se trouve un niveau de blocs de grès liés à du mortier blanc. La surface de ce mur (altitude 360.90 NGF) est assez plate et des traces de pierres récupérées sont visibles. La présence de cette fondation (Mur 1433) est difficile à expliquer dans l’état de notre connaissance. Cette structure ne devait pas s’élever très haut car elle est mal fondée. Elle est peut-être liée au coup de sabre (ID 1717) visible au nord du mur occidental du bâtiment oriental ayant perturbé l’ouverture carolingienne à joints rubanés (US 1720 ; fig. 49). L’hypothèse serait de voir dans cette fondation (Mur 1433) un élément faisant partie d’un système de murs temporaires mis en place pour isoler les parties gothiques en partie élevées et délimiter l’aire du chantier de construction. Des niveaux de sols associés visiblement à sa construction ont d’ailleurs été identifiés (US 1366, 1396 et 1399).
Éléments de datation et interprétation
Le mur (US 1420) trouvé en fouille, aligné avec l’arrachement visible en élévation au nord (US 1491) ainsi que la maçonnerie qui lui est liée (US 1489), sont vraisemblablement contemporains des premiers travaux d’aménagement du mur d’enveloppe de l’église paroissiale Saint-Jean-de-la-Grotte. Cette dernière située sous le chœur Saint-Nazaire, est attestée par une source au milieu du XIIIe s. Sur le plan stratigraphique, ces maçonneries sont antérieures à une structure (US 1433) associée à des niveaux de construction du XIVe s. D’autre part, cette structure (US 1433) a été creusée à l’est lors de la réalisation d’une fosse contenant des carreaux de pavement des XIIIe-XIVe s. (US 1406). Ces éléments montrent la volonté de construire une vaste salle orientale dont la vocation est inconnue – salle capitulaire ou autre. Ces travaux du XIIIe s. devaient aussi entraîner le déplacement à l’est de la galerie orientale afin de rééquilibrer le cloître, à la suite de la reprise gothique de Saint-Nazaire. En raison des récupérations postérieures, on ne sait exactement jusqu’à quel niveau ces murs s’élevaient. Il est possible que seules leurs fondations aient été aménagées.
On voit donc qu’avant le XIIIe s. assimiler ce bâtiment oriental à une salle capitulaire n’est pas du tout assuré du point de vue archéologique et que, si, visiblement, sa création ou son déplacement a été envisagé c’est plutôt au XIIIe s., dans le sillage de la reprise des parties orientales de Saint-Nazaire. Mais le projet a été abandonné en cours de construction.
Reconstruction du bâtiment sud
Cet édifice a connu lui aussi une grande phase de réfection au XIIIe s. assortie de la réalisation d’un important décor peint (fig. 95-100). Cette reprise s’inscrit là encore dans le sillage de la reconstruction de Saint-Nazaire.
Les archives nous renseignent assez peu sur la fonction médiévale de ce grand bâtiment, alors qu’un réfectoire est bien attesté au IXe s. Dans deux actes du XIIIe s., de 1228 et 1268 (Charmasse 1865, 141 et 203), il est surtout question de la distribution des prébendes dans le réfectoire. Il faut imaginer que la reconstruction gothique sur deux niveaux est avant tout un acte de prestige alors que les chanoines vivent au moins depuis le XIIe s. dans leur propre maison (Esquieu 1992, 196-199). Les règles de saint Chrodegang et d’Aix qui obligeaient les clercs à prendre leur repas en commun dans le réfectoire n’étaient donc plus suivies. Le bâtiment devait accueillir à l’occasion banquets ou fêtes, peut-être dans la salle supérieure. Au XIIIe s., la salle inférieure pouvait avoir des fonctions plus continues en relation avec l’école ou bien correspondait au scriptorium.
Ces deux espaces étaient pourvus d’un décor peint. La zone occidentale du bâtiment, nettement isolée par un grand mur mais qui n’a pas pu faire l’objet d’une étude approfondie, correspondait probablement aux cuisines ou plus précisément à un couloir qui à partir du rez-de-chaussée permettait d’accéder aux annexes situées dans “cour domestique” au sud, tandis qu’à l’étage un passage élevé (galerie) donnait sur les cuisines proprement dites, que l’on peut localiser dans la cour adjacente. Des sources textuelles (Madignier 2011, 259-261) et l’étude de la faune trouvée dans des fosses situées au sud-ouest (Beck 1996), dans la galerie sud, renforcent cette présomption.
Cette grande construction bordant, au sud, la cour du Chapitre a fait l’objet d’un article de Jacques-Gabriel Bulliot dans les Mémoires de la Société Éduenne de 1864. Cette notice a été écrite avant les restaurations importantes de 1873 qui, sur des plans de l’architecte Jean Roidot, vont transformer l’intérieur du bâtiment en chapelle (chapelle des Bonnes-Œuvres). Aucun plan de ces transformations ne demeure et il nous a fallu les reconstituer comme pour les autres édifices.
Le bâtiment actuel apparaît comme un grand rectangle agrandi à l’est par une abside moderne, récemment détruite34. La description de Bulliot avant les travaux évoque une salle de 19,30 m de long sur 8,90 m de largeur ; c’est ce que nous retrouvons en tenant compte, non des cloisons, mais des murs porteurs qui ont dû s’appuyer sur d’anciennes fondations. Le mur sud est encore aujourd’hui en grande partie conforme à la description de Bulliot, tandis que le mur nord qui donne sur la cour du Chapitre a été amplement remanié au XIXe s. Toutefois, on l’a vu, son parement extérieur comporte en partie basse des vestiges mérovingiens et carolingiens. Dans l’extrémité orientale, au-dessus du toit du bâtiment oriental une ouverture trilobée datable du milieu du XIIIe s. est conservée. Une tête visible dans les combles du même bâtiment oriental tient lieu de culot situé à la base de l’archivolte en arc brisé servant également de larmier. Au XIXe s. on a cherché à imiter ce type de fenêtre, mais de façon beaucoup plus sommaire, en adoptant des chapiteaux épannelés et des culots non décorés pour porter les larmiers. Avant les travaux du XIXe s., le mur nord devait comporter d’autres baies géminées identiques à celles conservée à l’est, disposées au même niveau supérieur.
L’hypothèse de la présence en partie basse d’un scriptorium est renforcée par l’existence d’ouvertures inférieures simples pour le mur nord et de fenêtres à remplages sur le mur sud, à un même niveau inférieur. Ces dernières sont en effet visibles à l’intérieur de l’édifice et dans le jardin de l’ancienne cure où le niveau du terrain est beaucoup plus haut que dans le cloître (sol vers 366.45 NGF ; fig. 98). Deux baies bouchées semi enterrées sont insérées dans une maçonnerie en petit appareil soigné attribué en partie à l’époque carolingienne35. Le meneau central a été éliminé au moment du bouchage. Le remplage à trilobes et oculus central maçonnés est abrité sous une archivolte bûchée. Les culots situés à la base de cette dernière devaient comporter des visages, eux aussi bûchés, tout comme les chapiteaux des montants dont on peut encore distinguer des feuillages. Ainsi, toutes les excroissances par rapport au nu du mur ont été éliminées afin de poser un enduit à une époque indéterminée (fin du Moyen Âge ou après). Ce type de fenêtre est tout à fait comparable aux vestiges de baie observés dans la partie supérieure de l’extrémité orientale du mur nord où un culot montrant une tête sculptée a été préservé mais aussi aux ouvertures supérieures du mur sud, conservées donc juste au-dessus.
En effet, dans la partie haute du mur sud, sont disposées quatre baies gothiques particulièrement bien conservées. Elles sont conformes à celles précédemment décrites. Elles présentent toutefois un trumeau couronné d’un chapiteau du XIIe s. remployé, tout comme les bases des montants. Ces chapiteaux historiés ont fait l’objet de deux articles auxquels nous avons déjà fait référence (Zink 1984 ; Stratford 1985). Nous n’insistons pas sur ce point qui pose avant tout le problème de l’origine de cet ensemble sculpté. Contrairement au niveau inférieur, la maçonnerie est en grand appareil élevé dans la continuité des baies. Le mur et les ouvertures semblent donc contemporains. Par ailleurs, au niveau médian, mais à l’extrémité ouest de ce mur, une porte bouchée est couronnée d’un linteau trilobé. Elle permettait l’accès à une galerie en bois, éliminée au milieu du XXe s. (Béguin 2009), qui longeait un bâtiment situé perpendiculairement. On l’a vu ci-dessus, il pourrait s’agir de vestiges d’une galerie qui permettait de mettre en relation les cuisines avec le réfectoire. Comme déjà dit, l’abbé Devoucoux, dans ses documents, évoque cet édifice perpendiculaire au bâtiment sud qu’il qualifie de dortoir, doté de grandes ouvertures en partie sommitale. Nous avons pu identifier ces maçonneries dans les bâtiments actuels, en particulier une grande ouverture ainsi qu’un visage faisant partie vraisemblablement d’un coussinet. Mais leur étude reste à faire.
En 1989, le décrépissage des enduits du XIXe s. qui couvraient le parement intérieur du mur sud du bâtiment méridional a permis de bien mettre en évidence la porte haute déjà évoquée, mais aussi les vestiges d’un décor peint (fig. 99). L’étude de ce dernier donne des informations sur la subdivision de l’espace avant les réfections du XIXe s. En effet, l’élévation présente les deux rangées de fenêtres déjà observées à l’extérieur (fig. 98) qui appartenaient de toute évidence à deux espaces superposés : en partie basse, le décor peint mis au jour s’interrompt en ligne droite, là où prenaient place une sablière de plancher haut porté par des corbeaux à présent bûchés. Les baies semblent avoir été construites avant qu’on ne décide de la position des niveaux qui affleurent ici l’intrados des arcs. Le décor peint, objet de relevés réalisés en 1989 puis en 2004, est constitué de faux joints jaunes à liserés noirs, sur badigeon blanc, délimitant des blocs qui abritent des petites fleurs de couleur ocre. Cet ornement a été identifié sur les claveaux des fenêtres, les ébrasements que l’on perçoit là où des petits sondages sont venus perturber le bouchage, sur les montants en pierre de taille, mais aussi sur la maçonnerie en petit appareil située entre les ouvertures. Deux types de fleurs ont été mis en évidence : avec pétales détachés ou liés au noyau central circulaire. On rencontre parfois au sein du même bloc dessiné deux fleurs opposées montées sur une tige souple. La fenêtre orientale présente au moins deux niveaux de badigeons portant ce premier type de décor, ainsi qu’un autre, apparemment plus récent, composé de fleurs et de faux joints exclusivement ocres, ceci témoignant peut-être d’une séparation de l’espace oriental du reste de la salle inférieure ou bien d’une réfection des peintures conservée uniquement à l’est.
D’autres décors peints à motifs géométriques ornaient le pignon d’une voûte lambrissée du XIIIe s., détruite au XIXe s., mais dont rend compte un dessin conservé à la Société Éduenne. De même, de part et d’autre des baies géminées supérieures, en partie remaniées au XIXe s., se perçoivent des traces de peintures murales. Bien que très lacunaires, des figures sont discernables, notamment à l’ouest où l’on peut distinguer une sorte de procession de clercs. Il semble ainsi que plusieurs types de décors – floraux, géométriques et historiés – ont accompagné au milieu du XIIIe s. la grande reconstruction du bâtiment sud en couvrant les murs et les voûtes des niveaux supérieurs, comme ce fut par exemple le cas à Arles ou Viviers (Esquieu 1994a, 73-74)36. À ce décor peint il fallait associer les figures sculptées du XIIe s. remployées pour former le trumeau des baies géminées : la figure identifiée comme un saint Pierre liée vraisemblablement à la Rhétorique et la Géométrie, toutes trois conservées aujourd’hui au Musée Rolin. Ces éléments provenaient peut-être du démantèlement de la galerie nord qui longeait la cathédrale en cours de réfection aux XIIIe-XIVe s. (Klein 2004) et/ou du portail qui agrémentait le centre de la galerie orientale au XIIe s., lui aussi détruit au moment de l’agrandissement de Saint-Nazaire.
Des fleurs accompagnées de faux joints jaunes et noirs ornent également une porte conservée dans les combles de la maison du n° 3, place Sainte-Barbe à l’origine liée au cellier. Cette ouverture qui, sur le plan stylistique remonterait à la fin du XIIe s., permettait d’accéder à une salle surmontant la porte du chapitre dont des vestiges sont visibles à l’ouest de cette demeure. Un document permet de dater cette structure des années 1178. À cette époque, elle devait comporter un décor peint de facture très simple composé d’un badigeon blanc avec faux joints ocres, remplacé par la suite par un ornement plus complexe à faux-joints et fleurs. Ce second décor qui s’apparente à celui mis en place sur le mur sud du bâtiment sud, clairement associé à la mise en place des fenêtres basses gothiques, remonterait, comme ces dernières, au milieu ou à la seconde moitié du XIIIe s.
En dernier lieu, mentionnons la découverte de fragments de vitraux qui pourraient être associés aux baies géminées conservées, en particulier un visage très stylisé qui n’est pas sans rappeler, de façon certes plus schématique, les verrières de la Sainte-Chapelle datant des années 1242-1248.
La datation de la reprise du bâtiment sud correspondant au réfectoire et peut-être, pour la salle inférieure, au scriptorium supposé, repose en grande partie sur des données stylistiques, car aucune fouille n’a été pratiquée dans l’édifice ou à proximité. Les données issues de la fouille de la galerie sud qui le jouxte au nord ont mis en évidence une ample reprise des XIIIe-XIVe s., comme on l’a vu plus haut. Du point de vue de l’archéologie des élévations, les éléments étudiés se situent entre le XIIe s. et le XVe s. C’est donc véritablement l’étude stylistique qui permet d’avoir des informations plus précises.
Elle concerne tout d’abord le type de fenêtres, très homogènes, présentes au nord et au sud. Les arcs trilobés, évidés, et les tympans ajourés et maçonnés, composés de dalles montées en tas de charge sous l’archivolte brisé, se rencontrent à Cluny, dans les maisons de la seconde moitié du XIIIe s. (Garrigou-Grandchamp et al. 1997, 204-205 ; Garrigou-Grandchamp 2010, 27). Dans le domaine de l’architecture religieuse, les moulures toriques des trilobes et les chapiteaux végétaux des montants se retrouvent dans le triforium du chœur de Notre-Dame de Dijon, dans les années 1230 (Branner 1960, 132-133, fig. 16). C’est également avec Notre-Dame de Dijon, et notamment le mur oriental du bras sud du transept que l’on peut établir des comparaisons en ce qui concerne la présence de visages au départ des archivoltes, toujours dans ces années 1230-1240 ainsi qu’au niveau des fenêtres hautes du bras nord du transept de l’église Notre-Dame de Semur-en-Auxois (Borlée 2011, fig. 16 et 61). Des visages assez comparables à ceux d’Autun se rencontrent également dans le triforium de la nef de Notre-Dame de Dijon (Borlée 2011, fig. 27). D’autres visages ornent le triforium de Notre-Dame de Semur-en-Auxois, dans les années 1235-1240 (Borlée 2011, fig. 29-51). Ils sont toutefois plus variés et plus raffinés qu’à Autun. Les feuillages hauts des chapiteaux des montants de baies d’Autun peuvent dans une certaine mesure être comparés à ceux des arcades du triforium de la nef de la cathédrale de Nevers, datés des années 1250, bien qu’ils soient d’un motif plus simple (Branner 1960, 157, fig. 22a). On retrouve aussi, dans le cas de Nevers, les trilobes. Pour les trilobes et les chapiteaux, des rapprochements avec le triforium de la nef de l’église Notre-Dame d’Auxonne, vers 1250, peuvent également être évoqués (Branner 1960, 109, fig. 28a).
L’étude du décor peint nous conduit là encore dans les années 1250. Des comparaisons avec certains décors peints des maisons gothiques de Cluny mais aussi avec le décor à faux-joints de l’église Saint-Vérain de Bazarnes, peuvent être évoquées (Caffin 2005, 50), sans compter le fragment de vitrail qui montre des caractères des années 1250 ou après.
Les travaux qui ont affecté le bâtiment sud seraient donc contemporains du grand chantier de reconstruction de Saint-Nazaire assorti de la création de Saint-Jean-de-la-Grotte.
Réaménagements du bâtiment ouest
Le bâtiment ouest a également fait l’objet d’un remaniement aux XIIIe-XIVe s. (fig. 78). Ces modifications ont consisté en la création ou en l’agrandissement de fenêtres dans le mur occidental du deuxième niveau actuel qui correspond en réalité, au premier niveau du bâtiment tel qu’il se présentait au XIe s., avant la grande phase de reprise du XVe s. Les montants des trois fenêtres observées dans la partie sud du bâtiment consistent en des blocs de moyen appareil qui sont venus perturber la maçonnerie du milieu du XIe s. (fig. 79.1). Les ébrasements observés dans l’avant-dernière travée semblent correspondre aux piédroits d’un arc identifié immédiatement au-dessus, dans l’actuel 3è niveau du bâtiment, lors de l’enlèvement partiel des enduits modernes, en 1995. On ne sait pas si les parties sommitales des autres ouvertures étaient comparables, car les enduits du mur ouest du 3è niveau ont été en grande partie conservés en raison de la présence de graffitis de la fin du Moyen Âge et du XVIIIe s. Les blocs de l’arc, réalisés avec soins et régularité, pourraient remonter au XIIIe s. Ces ouvertures observées au 2e niveau sont très différentes de celles visibles dans les parties hautes du bâtiment et qui appartiennent au XIe s. Les fenêtres de l’actuel deuxième niveau ont d’autre part été bouchées au moment de la vaste reprise du XVe s., des corbeaux destinés à porter le plancher ayant été insérés dans leur bouchage (voir plus bas).
Aux XIIIe-XIVe s., le percement d’ouvertures dans la partie inférieure du mur ouest pourrait s’expliquer par un besoin de communication directe avec l’actuelle place du Terreau, face à Saint-Lazare. C’est peut-être aussi à cette époque que la partie sud du bâtiment sud est écourtée pour permettre l’aménagement d’une maison canoniale englobant la porte qui fermait l’accès au quartier des chanoines. L’analyse dendrochronologique des entraits de la charpente primitive de cette maison procure en effet une datation du XIIIe s.
Saint-Nazaire et Saint-Jean-de-la-Grotte
Le XIIIe s. voit l’amorce du grand chantier de reconstruction de la cathédrale Saint-Nazaire avec, au niveau inférieur du chœur, l’aménagement de l’église paroissiale Saint-Jean-de-la-Grotte (fig. 131, 152). Le vocable de cette dernière s’explique selon toute vraisemblance par l’intégration de ancien baptistère, tandis que l’épithète “Grotte” signifiant espace voûté, montre probablement la reprise de la crypte romane, voire carolingienne, présumée de Saint-Nazaire.
L’ambitieuse reconstruction de Saint-Nazaire devait être en mesure de concurrencer Saint-Lazare élevée au titre de co-cathédrale en 1195. L’ampleur du projet était destinée à rappeler l’importance de Saint-Nazaire, l’ecclesia eduensis, la cathédrale des origines. Comme on l’a vu dans la première partie, des difficultés financières et un contexte difficile ont conduit à abandonner ce chantier dans le courant du XVe s. À cette date, l’extrémité orientale du chœur à doubles bas-côtés, dont on ne conserve qu’une partie du côté sud, n’était vraisemblablement pas achevée. Il était prévu de terminer l’édifice par une abside flanquée de deux absidioles, comme ce fut vraisemblablement le cas pour Saint-Jean-de-la-Grotte, si l’on en croit les données archéologiques et les archives. L’archéologie montre en outre l’amorce de la reconstruction de la nef ainsi que du porche roman. À la fin du XVIIIe s., Saint-Jean-de-la-Grotte est comblée jusqu’au départ de ses voûtes démantelées ; de Saint-Nazaire seule subsiste la chapelle Saint-Aubin, à l’entrée sud-ouest du chœur (fig. 10, 18, 21-22), et les murs méridionaux de deux autres chapelles situées plus à l’est incorporés dans la façade nord d’un bâtiment du XIXe s. construit sur l’emplacement du bâtiment oriental du Moyen Âge. Ce sont les élévations de la chapelle Saint-Aubin remaniée au XVe s. ainsi que le mur d’enveloppe sud de Saint-Jean-de-la-Grotte/Saint-Nazaire qui ont donné lieu à des relevés et des interprétations archéologiques. Le mur d’enveloppe méridional, en contact avec la fouille du cloître, a pu être analysé en profondeur et intégré à l’étude du chantier de construction gothique.
Dans les sources écrites, la première mention claire de Saint-Jean-de-la-Grotte remonte au milieu du XIIIe s. Les parties supérieures appartenant à Saint-Nazaire ont été élevées à la fin du XIIIe s., voire au début du XIVe s., comme le montrent des indices formels et archéologiques. Pour la clarté du propos, nous traiterons dans cette partie de ces deux phases difficiles à dissocier. La restructuration de la chapelle Saint-Aubin au XVe s. sera en revanche abordée plus loin.
Les vestiges du chantier de construction
Si la partie septentrionale de la cour du Chapitre n’a pas été investie en totalité du point de vue archéologique, des sondages ponctuels réalisés à différentes périodes ont permis de recueillir de précieuses informations sur le chantier de construction gothique, informations qui viennent compléter avec à propos celles issues de l’analyse des élévations (fig. 86, 101-103). De plus, dans la zone nord du préau, dans le “passage” et dans l’extrémité septentrionale du bâtiment oriental, d’autres données achèvent de fournir une vision assez pertinente de cette grande phase des XIIIe-XIVe s. ainsi que de ses reprises.
Au nord du puits, dans la zone septentrionale du préau, une plateforme rectangulaire constituée de dalles et de pierres (US 731, à 361.35 NGF) a été mise au jour. Orientée nord-sud, elle était associée à un mur très légèrement fondé (Mur 712 ; fig. 102) qui la cernait au sud avec un retour à l’ouest. Cette paroi dont des bribes ont été trouvées plus à l’est, était alignée avec le côté sud du “passage”. Elle constituait la limite du chantier gothique empiétant sur le cloître. Quant à la plateforme, elle peut être interprétée comme une surface empierrée destinée à l’installation d’engins de levage nécessaires à la réalisation des parties gothiques. Elle devait se poursuivre au nord, mais elle a été perturbée par la récupération de la fondation de la culée d’arc-boutant (Mur 17) située à l’est du mur sud de la nef de Saint-Nazaire (US 759). La tranchée ayant permis l’installation de cette plateforme (US 731) n’a pas été clairement identifiée. Cependant son existence est vraisemblable, car son implantation a perturbé les niveaux de “terres noires” situés à cet endroit ainsi que, plus bas, le remplissage (US 1054 à 361.09 NGF) correspondant à la récupération d’un four antique.
Au nord-est, au pied de l’angle sud-ouest du chœur de Saint-Jean-de-la-Grotte/Saint-Nazaire, à l’aplomb du contrefort sud (US 1736 ; fig. 101, 106), une fosse remplie de sable et de pierres a été mise au jour (US 711 pour le remplissage ; partie supérieure à 362.92 NGF, partie inférieure atteinte, à 360.87 NGF ; fig. 101). Elle abritait la fondation du contrefort (US 1753). Cette tranchée a bien été réalisée avant les pénultièmes niveaux du cloître (US 509 et ses subdivisions, associés au puits 473) et elle est de ce fait bien antérieure à une surface de scellement marquant le dernier usage du cloître et sa phase de suppression (US 1111-3). Large de 2 m, elle était légèrement désaxée à l’ouest par rapport au contrefort (US 1736 et US 802 pour les blocs apparemment arrachés qu’elle abritait). Ceci, lié au fait que la fondation (US 1753) est elle aussi décalée à l’ouest par rapport à ce même contrefort, permet d’avancer l’hypothèse selon laquelle la tranchée mise au jour devait recevoir une autre structure qui se projetait plus vers le sud. Il pourrait s’agir de la fondation d’une culée d’arc-boutant qui, à l’origine, était clairement dissociée des chapelles latérales du transept de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte, projet finalement abandonné. Une autre grande tranchée du XIIIe s. a été retrouvée plus à l’est, dans l’espace nommé “passage” (US 736B ; fig. 102). Elle a perturbé les niveaux antérieurs de la galerie orientale, et notamment son mur occidental (Mur 22) construit à l’époque carolingienne. On ne sait pas si cette fosse était directement liée à la construction du mur d’enveloppe de Saint-Nazaire. Cela est toutefois possible, car elle se trouve à l’aplomb d’un autre contrefort (US 1754). Ces tranchées semblent obéir à un projet architectural comprenant des culées d’arcs-boutants dissociées des murs. Ce projet a finalement été abandonné en cours de chantier, les culées d’arcs-boutants du chœur ayant été noyées dans les murs de séparation des chapelles latérales.
L’étroite tranchée de construction du mur située entre les contreforts (US 2817-775-780, remplissage dont la partie supérieure est à 361.53 NGF ; fig. 101) a été repérée en fouille encore une fois sous les derniers niveaux du cloître (US 2811-6/509A et ses subdivisions), eux-mêmes disposés sous le scellement (US 111). Elles se situent de part et d’autre des tranchées réalisées initialement pour les fondations des supposés arcs-boutants qui venaient, en partie basse, épauler le mur d’enveloppe de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte. Toutes ces tranchées ont donc été réalisées en même temps, même si au moment de la mise en place effective des fondations, des changements ont été apportés au projet initial.
Plus à l’est, dans le bâtiment oriental, il n’a pas été possible d’approcher la base du mur nord correspondant à la suite de l’enveloppe méridionale de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte en raison de la présence de nombreuses canalisations.
Étude des élévations conservées
Dans la continuité de ces fondations, il semble que la construction du mur d’enveloppe méridional de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte a débuté par la mise en place de l’angle sud-ouest du chœur avec en premier lieu les contreforts d’angle (US 1736 et 1737 ; fig. 106) suivis par le parement réalisé dans la continuité (US 1738) incorporant un arc de décharge (US 1750) placé sous la fenêtre modifiée par la suite (US 1742), auxquels il faut ajouter les maçonneries (US 1742 et 1743) situées à l’est de cette même ouverture. On observe en effet pour ces éléments une cohérence dans la stéréotomie et des continuités de parement. À partir du niveau supérieur de la fenêtre modifiée, la stéréotomie change (US 1740) ; il en est de même avec le montage du contrefort suivant (US 1754) et de la maçonnerie située à l’aplomb d’une fenêtre entièrement conservée (US 1756). Le voûtement de cet espace central au XIVe s. empêche de voir la partie haute des maçonneries et donc la progression du chantier.
Immédiatement à l’est de cette fenêtre, la création d’une porte au XVe s. (US 1758) a entraîné une perturbation de la maçonnerie, mais l’on a pu observer deux phases de construction horizontales pour le parement disposé à l’est, avec amorce d’une voûte présentée plus haut dans la partie consacrée au bâtiment oriental, dont les pierres, laissées en attente, ont été bûchées plus tard. Ainsi, la partie basse du parement oriental comprend deux parties contemporaines (US 1491 et US 1489) réalisées en continuité de parement. La maçonnerie supérieure (US 1490) est postérieure à l’abandon du projet de création d’une salle voûtée. On a pu y observer un trou de boulin absent ailleurs en partie basses, mais bien identifiable au-dessus du lamier marquant la séparation entre le niveau inférieur de la construction appartenant à Saint-Jean-de-la-Grotte et le niveau supérieur relevant du chœur de Saint-Nazaire. Ces trous de boulins s’expliquent évidemment par le besoin d’avoir recours à des échafaudages encastrés dans les maçonneries pour monter les parties supérieures des murs.
Si l’on fait abstraction des reprises postérieures, le mur d’enveloppe étudié comprenait des travées séparées par des contreforts correspondant au prolongement extérieur de culées d’arcs-boutants, associés à deux fenêtres dont l’allège se situait dans les deux cas à la même altitude (362.70 NGF), au-dessus d’une moulure. Il est probable que la fenêtre orientale donnait sur le préau du cloître amplifié, si, comme nous le proposons, il était prévu de déplacer la galerie vers à l’est. La maçonnerie visible du contrefort central (US 1754) ne présente pas de traces d’ancrage d’un mur de galerie, ce qui viendrait conforter cette hypothèse, même si la retombée de la voûte aménagée au XIVe s. masque peut-être des indices allant dans le sens contraire. Plus à l’est, le mur perpendiculaire faisant partie d’un projet de construction d’une salle voûtée remplaçait un contrefort. Dans les maçonneries visibles, il n’existait apparemment pas de porte de communication entre le cloître et le niveau de Saint-Jean-de-la-Grotte, ce qui peut s’expliquer par la fonction paroissiale de cette église. En revanche, le chœur de Saint-Nazaire communiquait avec les salles aménagées à l’est du cloître, comme en témoigne une porte conservée.
Ainsi se dessinent les phases de construction du mur étudié constituant l’enveloppe extérieure des églises Saint-Nazaire et Saint-Jean-de-la-Grotte. Après avoir établi les fondations, les élévations auraient tout d’abord été réalisées à l’ouest pour être épaulées par les contreforts. Le chantier se serait ensuite acheminé vers l’est par grandes tranches apparemment horizontales, avec une progression par travée37.
• Parement intérieur du mur d’enveloppe méridional
Le mur sud de la cave située sous la chapelle Saint-Aubin correspond au parement intérieur du mur d’enveloppe méridional de la construction gothique au niveau inférieur correspondant à celui de Saint-Jean-de-la-Grotte (fig. 110). La cave de forme rectangulaire, reproduisant globalement celle de la chapelle située au-dessus, constituait aux XIIIe-XIVe s. le bas-côté sud-ouest de l’église paroissiale. Ce bas-côté coïncidait avec une chapelle séparée des autres attenantes par des murs épais, socles puissants destinés à porter des volées d’arcs-boutants qui devaient épauler l’ambitieuse élévation du chœur de Saint-Nazaire.
Le parement sud montre une séquence de construction globalement comparable à celle observée à l’extérieur, pour la partie occidentale du mur, avec toutefois un décalage. Ainsi, un niveau inférieur comprenant une proportion importante de blocs oblongs doit être assimilé à la première tranche de construction. Au-dessus, les blocs plus grands indiquent l’existence d’une autre phase de construction en tranche horizontale. La présence, à l’extérieur, de deux contreforts d’angle dont la construction a été réalisée dans la continuité du niveau inférieur où dominent les blocs oblongs explique peut-être le décalage avec le parement intérieur. Ce mur abrite également la fenêtre du XIIIe s. tronquée par la suite (US 1742) en raison du percement d’une porte aujourd’hui bouchée (US 1744). Notons que le niveau de sol de la cave se situe aujourd’hui à 362.65 NGF, alors qu’à l’extérieur, à l’époque de la réalisation du relevé, il était à environ 360.95. Aussi la totalité de la porte bouchée n’est-elle pas visible.
Le mur ouest présente une maçonnerie en grande partie homogène (US 1789) composée de blocs rectangulaires disposés dans la continuité de ceux du parement inférieur du mur sud (US 1738). Il s’agit du parement intérieur de la limite sud-ouest du chœur. La partie nord-ouest de ce parement est toutefois différente, car composée de moellons irréguliers ou de forme rectangulaire (US 1770). Il pourrait s’agir de la restructuration d’un mur plus ancien situé à la jonction entre l’ancienne nef de Saint-Nazaire et la galerie est du cloître.
Au nord, un escalier moderne (US 1772) masque une partie de la vision du mur. Un arc qui donnait sur le vaisseau central de l’église Saint-Jean-de-la-Grotte est toutefois bien conservé (US 1761 et 1763). Cet arc est surmonté d’une maçonnerie hétérogène, comportant des moellons non assisés surmontés de pierres de taille38 (US 1762). L’arc chanfreiné a été bouché (US 1760 et 1764).
Le mur oriental comprend deux maçonneries distinctes qui correspondent vraisemblablement à deux phases d’une même construction (US 1767 et 1768). Il s’agit du mur qui séparait les chapelles latérales cloisonnées tout en servant d’assise à l’élévation des arcs-boutants. Les deux phases observées pourraient s’expliquer par l’aménagement, dans un premier temps, de la partie sud sur laquelle devait s’implanter la pile associée à la cloison de la chapelle sud, tandis que la partie nord servait d’appui à la puissante pile donnant sur le vaisseau central.
• Élévations intérieures du chœur de Saint-Nazaire
Seule une infime partie des élévations intérieures du chœur de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire est conservée, visible aujourd’hui côté cour de la Maîtrise. L’étude de ces vestiges complète les données relatives au chantier de construction. Elle apporte également de précieuses informations stylistiques, des éléments de modénature étant conservés.
L’arc nord de la chapelle dite de Saint-Aubin s’impose (fig. 18-19). Bouché à la fin du XVIIIe s. au moment du démantèlement de Saint-Nazaire, il composait, avec d’autres, le niveau des grandes arcades du chœur. Au-dessus, prenaient place des fenêtres hautes, visibles sur des documents antérieurs à la destruction (fig. 13), voire peut-être un triforium. Immédiatement à l’ouest est conservé un autre arc qui marquait le début de la nef. Cette dernière qu’il était prévu d’inscrire dans la continuité du chœur avec des supports de dimensions semblables n’a finalement jamais été réalisée ; les blocs de l’arc sont vraisemblablement restés en attente. À l’est, en revanche, les grandes arcades et les parties supérieures qu’elles portaient ont bien été élevées comme l’indiquent les textes et les documents iconographiques. Les supports massifs à bases hautes, étagées, et faisceaux de colonnettes et l’absence de chapiteaux permettent de dater la construction de la fin du XIIIe s. ou du début du XIVe s. comme on le développera plus bas.
L’étude de l’élévation orientale de ladite chapelle Saint-Aubin donne des indices sur la progression du chantier de construction. En effet, le mur d’enveloppe visible au sud a vraisemblablement été construit dans un premier temps ainsi que son support engagé. Le mur perpendiculaire, servant d’assise aux piles, semble avoir été élevé parallèlement jusqu’au niveau du support médian, comme tend à le montrer les continuités de parement. Puis, le prolongement septentrional de ce mur a été aménagé en intégrant la fondation du puissant pilier des grandes arcades. Le léger décalage dans la construction de ce mur perpendiculaire, correspondant à la culée de l’arc boutant, a été observé dans la cave située juste au-dessous pour les élévations de Saint-Jean-de-la-Grotte. Le pilier intermédiaire a ensuite été monté parallèlement au mur de séparation des chapelles construit du nord au sud pour rejoindre le support engagé du mur d’enveloppe du chœur. En revanche, l’espace attenant au nord devait être ouvert pour former le bas-côté sud du chœur. On peut ainsi restituer pour le XIIIe s. une succession de chapelles cloisonnées flanquant les bas-côtés du chœur, comme dans la nef de la cathédrale d’Amiens ou, bien plus tard, aux XVe-XVIe s., dans la nef de Saint-Lazare d’Autun, la création de chapelles latérales procédant d’un aménagement entre les culées d’arcs-boutants du XIIIe s. venues renforcer les contreforts du XIIe s.
• L’intérieur de la chapelle Saint-Aubin
Ce phasage de la construction se retrouve à l’intérieur de la chapelle Saint-Aubin bien que des transformations postérieures en aient quelque peu altéré la lecture (fig. 107-109)39.
La moitié méridionale correspond à l’emprise de la chapelle cloisonnée réalisée aux XIIIe-XIVe s. tandis que la moitié septentrionale constituait à l’origine la première travée du bas-côté sud du chœur. Ces deux entités sont aujourd’hui séparées par un arc surbaissé, fruit d’un remaniement daté du XVe s.
Au sud, subsiste la partie basse de quatre supports qui originellement s’élevaient pour recevoir les voûtes d’ogives de la chapelle. Ces voûtes étaient plus basses que celles du bas-côté sud du chœur, créant de la sorte un étagement des masses dans l’axe nord-sud (fig. 131) avec le déploiement, à l’aplomb des cloisons des chapelles, des culées d’arcs-boutants recevant des volées doubles, probablement.
L’étude des continuités dans les parements en grand appareil montre là encore l’avancée du chantier de construction en grandes tranches horizontales, bien perceptibles d’ouest en est, et par travée. Ainsi, la construction a débuté par le côté occidental du mur sud de la chapelle – le mur d’enveloppe du chœur – avec le pilier engagé de l’angle sud-ouest. Le tout a été construit jusqu’à environ 1,60 m, juste au-dessus d’un trou de boulin qui atteste ainsi la mise en place d’un échafaudage ancré dans le mur. Puis on s’achemina vers l’est en aménageant probablement une ouverture agrandie par la suite.
Le mur occidental a vraisemblablement été réalisé ensuite du nord au sud, selon deux phases, en partant du pilier engagé qui devait aussi faire la transition avec le bas-côté sud de la nef amorcé mais jamais construit. Une grande ouverture y a été insérée par la suite. Parallèlement ou peu après, le mur oriental a été élevé en partant là aussi du pilier nord vers le support engagé sud, comme on a aussi pu l’observer pour le parement oriental. Ce mur abrite un arc surbaissé d’origine correspondant à un enfeu40.
Disposition des parties orientales de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte
Les parties orientales de Saint-Nazaire n’ont pas fait l’objet de recherches archéologiques approfondies, si ce n’est le sondage déjà mentionné, réalisé en 1986/1987, sous la direction de Jean-Charles Picard, à l’emplacement de l’absidiole nord. Les observations ont toutefois concerné le niveau inférieur correspondant aux parties orientales de Saint-Jean-de-la-Grotte. Au nord, une absidiole a été décelée, dans sa phase romane, remaniée au XIIIe s. avec l’ajout de minces contreforts disposés de biais, visibles sur le plan d’alignement réalisé peu avant la destruction de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte et qui nous a permis de composer nos plans de restitution, de même que pour celui de Fontenay au XIXe s. (fig. 131, 152).
Des observations réalisées en 2008 au moment de la requalification de canalisations situées dans les jardins de l’évêché ont permis de déceler la présence de grandes tranchées de récupération datées du XVIIIe s., des murs d’une abside et d’une absidiole méridionale, toujours au niveau de Saint-Jean-de-la-Grotte. La découverte de blocs couverts d’enduits blancs et bleus appartenant eux aussi à une ouverture vraisemblablement de type gothique, confirmerait également la reprise des XIIIe-XIVe s. Cette ouverture appartenait peut-être aux absides situées au niveau de Saint-Jean-de-la-Grotte, ou bien elle ornait le mur temporaire qui, à l’est, a longtemps constitué la limite du chœur de Saint-Nazaire gothique, comme l’attestent des vues anciennes, notamment celles de Lallemand, réalisées juste avant la destruction de Saint-Nazaire (fig. 15). Sur ces documents, on perçoit un oculus dans les parties hautes de cette paroi surmontant une ample baie. En effet, au contraire du niveau inférieur, l’étage correspondant au chœur de Saint-Nazaire n’a vraisemblablement jamais été construit au-delà des quatre travées occidentales. Le grand projet de reconstruction de l’ancienne cathédrale destiné à redonner du lustre à Saint-Nazaire, cathédrale des origines, face à Saint-Lazare, a donc avorté.
Amorce de reconstruction de la nef
Il en est de même pour la nef dont on a trouvé des traces d’amorce rapidement abandonnées. En atteste l’étude du parement occidental du côté sud du chœur de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte (Mur 231), situé dans la lignée du Contrefort 1737, et en continuité de parement avec le mur sud de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte. Comme ce dernier, il s’élève assez haut – seule la partie inférieure accessible a été relevée à l’extérieur et il présente un retour vers l’ouest (Mur 232). On note la présence de pierres laissées en attente correspondant au départ du mur gouttereau méridional de la nef gothique, c’est-à-dire au mur d’enveloppe. Selon le principe d’une construction en grandes tranches horizontales, réalisées travée par travée, on aurait d’abord élevé le côté oriental de ce mur gouttereau dont il subsiste le parement nord d’une maçonnerie en grand appareil (Mur 233 ; partie supérieure à 365.45 NGF). Ce mur présente un décrochement au nord, tandis que son parement sud et son extrémité ouest ont été arrachés. Le décrochement correspondait probablement à un support engagé répondant au vestige de la culée d’arc-boutant intégrée au mur gouttereau sud de la nef mentionnée plus haut. Le mur d’enveloppe de la nef devait ainsi précéder de peu la construction des piles situées plus au nord, dans la continuité de celle portant l’arc laissé en attente immédiatement à l’ouest de la chapelle Saint-Aubin. Il semble que la construction des parties gothiques, côté sud, ait débuté par l’angle sud-ouest du chœur pour s’acheminer parallèlement, ou avec un léger décalage, vers l’est et vers la nef, à l’ouest. Mais en ce qui concerne cette dernière, seule la travée orientale au contact du chœur a été amorcée, avec le mur étudié. Parallèlement au nord, la tranchée de construction destinée à accueillir le support constituant le pendant de celui conservé à l’ouest de la chapelle Saint-Aubin a été aménagée. Cette tranchée, identifiée dans le sondage réalisé dans la Chambre des Comptes étant rectiligne, devait probablement recevoir un mur de chaînage orienté nord-sud incorporant la fondation du support. Il était ainsi projeté de substituer le nouveau bas-côté sud de la nef à la moitié occidentale de la galerie nord du cloître, la moitié orientale ayant déjà été détruite par l’extension du chœur de Saint-Nazaire.
Extension des parties occidentales
Plusieurs observations réalisées dans le bâtiment occidental au moment de travaux ainsi que dans la maison située au n° 7, place du Terreau, dont les maçonneries ont été en partie exposées, laissent penser qu’on avait commencé à élever un porche gothique accolé à l’avant-nef romane étudiée plus haut.
Au 4e niveau du bâtiment occidental, ces indices consistent en un chaînage d’angle (fig. 78) disposé au nord de l’angle du XIe s. du même bâtiment occidental. Ces chaînes sont à associer à un mur orienté nord-sud avec retour vers l’ouest confirmé par la présence dans le mur abritant les chaînes d’angle d’une fenêtre dotée d’un fort ébrasement côté ouest, vers un intérieur. Une ouverture plus grande, mais de nature comparable, a été découverte au nord, au troisième niveau de la maison située au n° 7, place du Terreau. Ces deux fenêtres sont alignées. Dans le bâtiment occidental, le mur comprenant le chaînage d’angle ainsi que l’ouverture associée sont antérieurs à la charpente du XVe s. du bâtiment occidental. Tous ces éléments font ainsi partie d’une campagne de travaux des XIIIe-XIVe s. se développant vers l’ouest et que l’on propose d’attribuer à l’amorce d’un porche gothique accolé à la nef ou l’avant-nef romane de Saint-Nazaire.
Les fondations de la façade occidentale de ce supposé porche ont peut-être été observées ponctuellement immédiatement à l’ouest lors du suivi de travaux de réfection de canalisations qui ont affecté la place du Terreau. On peut également associer à cette structure un mur en grand appareil constituant de nos jours le côté nord du passage créé au XVIIIe s. pour mener à la cour du Chapitre. Ce mur légèrement de biais est presque perpendiculaire à la paroi occidentale de l’avant-nef romane de Saint-Nazaire. Il est constitué de blocs de grès de grand et moyen appareil qui présentent des signes lapidaires constitués de chiffres arabes. On ne peut avec assurance faire remonter ce mur aux XIIIe-XIVe s. – il pourrait avoir été monté au XVIIIe s. – d’autant plus qu’il a été rejointoyé récemment, mais son mode de construction est comparable à celui des murs pleins séparant les chapelles latérales du chœur de Saint-Nazaire.
En dernier lieu, mentionnons l’existence d’une paroi en bois et torchis qui était couverte de bardeaux conservée dans le grenier du n° 7, place du Terreau, et orientée est-ouest. Elle pourrait correspondre à un mur temporaire faisant partie de cette supposée structure occidentale gothique (Sapin 2011a ; Sapin 2011b).
Comparaisons et datation
Les informations issues de la fouille et l’étude archéologique des élévations tendent à montrer que le chantier des parties orientales a connu deux grandes campagnes : la construction en plusieurs phases de la zone inférieure correspondant au niveau de l’église Saint-Jean-de-la-Grotte serait intervenue dans un premier temps avec tout d’abord le montage du mur d’enveloppe. Pour ce niveau, on a remarqué l’emploi prépondérant d’un grand appareil constitué de pierres allongées. La seconde grande phase correspondrait aux parties hautes du chœur qui voit la mise en place de blocs de maçonnerie de plus grand module.
L’étude des sources qui concernent la cathédrale, présentée plus haut, affine ces données. On peut notamment rappeler que Saint-Jean-de-la-Grotte est mentionnée explicitement pour la première fois en 1253 et qu’en 1298 le chœur de Saint-Nazaire devait être accessible, car l’évêque Hugues d’Arcy est inhumé au centre, au pied des marches du sanctuaire, au centre (Gagnarre 1774, 137). D’autre part, des comparaisons stylistiques étayent une datation de la fin du XIIIe s. pour l’aménagement des parties hautes – le chœur de Saint-Nazaire – dont il subsiste la première chapelle sud, c’est-à-dire la chapelle Saint-Aubin.
Les comparaisons stylistiques sont nécessairement limitées étant donné le peu de vestiges conservés de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte pour l’époque gothique. Les données stylistiques concernent essentiellement le type de plan que l’on peut restituer de façon assez assurée, avec un ample chœur à bas-côtés donnant sur des chapelles latérales et une vaste abside flanquée d’absidioles, l’amorce d’un porche rectangulaire dont les dispositions nous échappent en grande partie, le type de fenêtre du niveau de Saint-Jean-de-la-Grotte et surtout le type de pilier composé de forme losangique à multiples moulurations, dénué de chapiteau, ce qui est un fait notable.
La Bourgogne compte plusieurs grands chantiers aux XIIIe-XIVe s. étudiés par Robert Branner (Branner 1960) et plus récemment par Alexandra Gajewski (Gajewski 1996 ; Gajewski 2007) en ce qui concerne le XIIIe s. Ces recherches, et bien d’autres, ont montré qu’à la fin du XIIIe s. et au début du XIVe s., la Bourgogne et la Champagne se singularisent par leur interprétation du gothique rayonnant qui se traduit notamment par l’adoption de façon précoce de piles sans chapiteaux accentuant les lignes verticales des élévations très graphiques (Prache 1998, 39-40). Il en est ainsi dans la chapelle de l’hôpital de Tonnerre, vers 1293-1295 (Salet 1955a) et à la collégiale de Mussy-sur-Seine, vers 1300 (Salet 1955b). Dans ce dernier édifice, profondément marqué par Saint-Urbain de Troyes pour ses parties orientales, les austères piliers polygonaux de la nef sont toutefois très différents de ceux de Saint-Nazaire. Il en est de même pour l’hôpital de Tonnerre caractérisé par un fort dépouillement des formes en accord avec la fonction du lieu.
Mais les parallèles les plus pertinents que l’on peut établir en ce qui concerne ce type de support s’effectuent avec les élévations gothiques de Saint-Germain d’Auxerre, et plus particulièrement avec la deuxième phase de construction (État 10, phase 2). La récente étude menée par Christian Sapin, Hermann Arnhold et Harry Titus (Sapin 2000b ; Arnhold & Titus 2000) modifie de façon sensible la chronologie établie précédemment par Jean Vallery-Radot (Vallery-Radot 1958). C. Sapin et H. Arnhold ont montré que le chantier gothique a tout d’abord concerné le mur d’enveloppe du déambulatoire (État 9) vraisemblablement sous l’abbatiat de Jean Joceval, en 1227, puis, dans la seconde phase (État 10, étape 2), les piles du sanctuaire, la rotonde orientale venue remplacer celle de l’époque carolingienne, et enfin le transept (phase 3) puis les travées orientales de la nef (phase 4). Les supports qui offrent des parallèles plus étroits avec ceux de Saint-Nazaire correspondent à ceux du chœur et de la chapelle axiale (État 10, phase 2) qui, au contraire de ce qu’avait proposé Vallery-Radot remonteraient non pas à 1277, mais auraient été élevés après 1309.
Ces piles reprises dans le transept et la nef, montrent d’intéressantes parentés avec le portail nord de l’église Saint-Jean-au-Marché de Troyes, aménagé au début du XIVe s. On doit par ailleurs évoquer d’intéressants parallèles avec les piles du chœur de la cathédrale de Nevers qui montrent dans leur plan et leur articulation des parentés avec Saint-Nazaire. Là aussi, on se situe au début du XIVe s. Cette datation que l’on pouvait également déduire à la lecture des sources et notamment des obituaires se confirmerait.
L’étude du plan de Saint-Nazaire tel qu’on le connaît par les éléments conservés apporte peu d’informations en raison de son caractère lacunaire (fig. 152). Toutefois, en se fondant sur des observations archéologiques et sur l’étude d’un plan d’alignement de la fin du XVIIIe s., une ample abside centrale flanquée d’absidioles peuvent être restituées (fig. 16). Ce plan rappelle celui de Saint-Lazare, mais aussi celui de la cathédrale de Chalon-sur-Saône fortement influencé par les structures romanes préexistantes (Stratford 2010). Il en était vraisemblablement de même pour Saint-Nazaire qui au XIe s. comprenait au moins une absidiole au nord.
Le chantier de Saint-Nazaire doit ainsi se raccorder aux nombreuses constructions de la fin du XIIIe s. et du début du XIVe s. qui émaillent le territoire de la Bourgogne, constructions témoignant non pas d’un essoufflement du style gothique comme d’aucuns ont pu le proposer, mais bien au contraire d’une belle vitalité qualifiée d’optimiste par Robert Branner (Branner 1960 ; Gallet 2010).
État 14 : XVe s.
Les galeries
La galerie orientale
Comme on l’a dit plus haut, c’est vraisemblablement au XVe s. que la galerie orientale fait l’objet d’un revoûtement avec voûtes comprenant des arêtes brisées et retombées à pénétrations, conservées encore aujourd’hui (fig. 88, 145). Des culs de lampe destinés à recevoir ces voûtes ont été insérées dans les piles mises en place aux XIIIe-XIVe s. (fig. 58, 60, 61 ; US 1817, 2228 et 2233) ainsi que dans le mur oriental de la galerie. Les piles du XIVe s. ont été totalement exposées aux intempéries, alors qu’antérieurement elles étaient accolées au mur carolingien occidental (Mur 1913 et 2007), ce qui suppose un démantèlement partiel de ce dernier. Comme les culs de lampe à l’est, les arcs occidentaux ont été insérés dans les piles du XIVe s.
Toutefois, dans l’extrémité sud de la zone méridionale, les voûtes présentent un profil bien différent par rapport à ce que l’on observe plus au nord (fig. 88). En effet, il semble que l’on ait voulu conserver un système de voûtement plus ancien, vraisemblablement du XIIe s. puisqu’il retombe notamment sur le chapiteau du XIIe s. (US 2239) toujours en place, au sud-ouest de la galerie (fig. 62). Cette intégration pour le moins malheureuse d’une voûte ancienne à un couvrement plus récent, laisse supposer que dans cet espace le revoûtement est plus récent que dans la zone nord, mais seule une étude de la totalité des voûtes en parallèle avec les murs, tous débarrassés de leurs enduits et peintures modernes, permettrait d’y voir plus clair. En tout cas, l’hypothèse d’un voûtement plus récent de l’extrémité sud pourrait être étayée par l’isolement de cet espace par un mur temporaire dont on pense avoir trouvé le négatif dans l’alignement de la pile nord-ouest de la zone sud (US 1912 ; fig. 119).
Traces du chantier de construction
Des US correspondant à des traces du chantier de reconstruction de la galerie orientale couvraient tout l’espace étudié, depuis les banquettes orientales (US 1908-2013) qui préalablement avaient été dérasées (US 1910 et 1909 pour l’US 1908) jusqu’à la base des piles du XIVe s. à l’ouest, masquant ainsi le Mur 1913-2007 en partie détruit pour dégager les supports – à l’origine des contrebutements US 1817, 2228 et 2233 – greffés au mur occidental de la galerie (Mur 1913-2007), finalement intégrés à la galerie afin de constituer les piles portant les voûtes et les arcs. Ces supports ainsi créés ont été entaillés pour recevoir les arcs donnant sur le préau ainsi que, côté oriental, les culs-de-lampe destinés à soutenir la nouvelle voûte d’arête restructurée.
Des trous de poteaux (US 1905, 2015, 2014 et 2019) rencontrés à la surface des US 1921-2009, alignés dans le sens nord-sud, doivent probablement être mis en relation avec un système d’échafaudage permettant de reprendre la voûte de la galerie qui date effectivement du XVe s., du moins dans cette zone nord. Il faut associer à ces négatifs les trous de poteaux (US 1931 et 1933) apparus dans une surface située au nord (US 1921), et qui sont disposés dans le sens est-ouest. Eux aussi doivent correspondre à des négatifs de perches d’échafaudage, ou bien à des éléments d’une cloison, car ils étaient très petits.
Lors de la phase étudiée, une grande tranchée a été creusée, au nord de la zone sud (fig. 119). Orienté est-ouest (US 1912 remplie par l’US 1911, à 361.64 NGF et couverte un peu par 1907 à l’est, à 361.66, ainsi que par 1894D) aux parois presque parfaitement verticales, ce négatif correspond soit à une tranchée de construction, soit à une tranchée de récupération d’un ancien mur. Comme aucune trace de pierres et de mortier, en dehors de vestiges antiques maçonnés, n’a été décelée, la première hypothèse semble la plus probable. Mas cette tranchée de construction n’aurait finalement jamais accueilli de fondation. Toutefois, cet élément situé dans l’alignement de la pile nord-ouest de la zone sud (US 1817) devait peut-être fonctionner avec la mise en place d’un mur temporaire séparant la partie nord de la partie sud de la zone méridionale, parties qui, fait intéressant à noter et que l’on a déjà signalé, n’ont apparemment pas été voûtées à la même époque.
Cette phase du XVe s. qui a touché la moitié sud de la galerie orientale ayant subsisté après l’extension du chœur de la cathédrale Saint-Nazaire, correspond donc à une restructuration majeure avec reprise du voûtement, surtout au nord, exhaussement du sol avec nouveau dallage dont on reparlera ci-dessous et création de grandes arcades ouvertes sur le préau (fig. 88). Ces arcades se sont probablement substituées à des baies géminées plus anciennes (XIe ou XIIe s.). Elles sont conservées encore aujourd’hui, bien qu’en grande partie cachées derrière une façade plaquée au tout début du XIXe s. Seule l’arcade nord donnant sur l’espace appelé “le passage” est visible de l’extérieur.
Nouveau dallage
Cette phase correspond aussi à une surélévation du sol dallé (US 2117-2123), posé sur un nouveau niveau de préparation parfois très épais (US 737-1921-2009 entre 361.40 et 361.69 NGF, beaucoup plus épaisse au nord de la galerie qu’au sud) qui couvre les surfaces composées d’argile, mises en place à la fin du XIIe s. (US 2016 et 2022 au nord, US 1923 et 1927 au sud ; US 744 et 7451 dans le “passage” ; fig. 60-62). Des fragments de calcaire mêlés à de la chaux ont été retrouvés dans les US 2009-1921. Ces déchets résultent peut-être de la réfection des dalles du XIIe s. réutilisées (US 2117-2123) ou/et de la taille de nouveaux blocs. Dans tous les cas, la présence d’un dallage est confirmée par des négatifs observés à la surface de niveaux argileux qui devaient recevoir ces éléments (US 1894A, B, C et D qui, dans la zone sud, surmontaient l’US 1921). Ces dalles du XVe s., procédant en partie de la récupération des éléments plus anciens, ont été visiblement enlevées lors de la phase suivante qui a vu la fin de la fonction canoniale de la cour du Chapitre.
La galerie sud
Une surface charbonneuse (US 1067) comprenant des recharges de sols en terre battue, observée aussi dans l’extrémité occidentale de la galerie ouest s’est développée au-dessus d’un niveau d’argile (US 1064), ce qui laisse donc entendre que le dallage qui reposait sur cette surface a été enlevé (fig. 64). On a pu observer que ce niveau était convexe en son centre, ce qui dénote une circulation intensive, un lieu de passage souvent emprunté. De plus, des fragments de céramiques trouvés en surface confirment bien qu’il s’agit d’un niveau d’occupation (de plusieurs en fait).
À ce niveau charbonneux (US 1067) succède une couche assez épaisse constituée de chaux et d’argile (US 233), surmontée de sols (US 231 ; fig. 64) composés de minces niveaux de gravier et d’argile, matérialisant une dernière phase de restructuration et d’occupation avant le démantèlement du Mur 13 et la construction du Mur 2. Cette dernière grande phase de la galerie sud s’est accompagnée de la création de deux grandes ouvertures sur le mur sud qui donnaient sur la cave aménagée à la même époque à la base du bâtiment sud (fig. 72).
Les bâtiments canoniaux
Bâtiment oriental
Au XVe s., des travaux sont toujours en cours, comme on le verra ci-dessous avec le réaménagement de la chapelle Saint-Aubin. Une structure s’apparentant à un bac à mortier a été retrouvée au nord-est (fig. 89-90). Elle pourrait témoigner de la reprise des travaux à Saint-Nazaire sous le cardinal Jean Rolin, projet finalement avorté. Ces travaux sont surtout mentionnés pour la chapelle Saint-Léger, située au sud du chœur de Saint-Nazaire, où travaillent également un couvreur et un peintre verrier (Fontenay 1879, 337). Le bac à mortier a été installé dans le comblement d’une fosse (US 1406) ayant entamé la fondation d’un mur orienté nord-sud présenté précédemment (US 1433). Cette reprise de la construction a probablement nécessité la création d’une ouverture dans le mur nord de l’espace étudié qui correspond également au mur sud du chœur de Saint-Nazaire (US 1758 ; fig. 106). Sa création a nécessité le dérangement de maçonneries (US 1491 et 1490 avec ID 1757). Le type de mortier employé pour les blocs de cette ouverture est bien différent de celui du reste de l’élévation. On remarque toutefois que son piédroit oriental correspond à un remodelage des blocs occidentaux et inférieurs de l’US 1491. La forme de l’arc de la porte (US 1758) et le fait qu’elle comporte des blocs chanfreinés incitent à la dater du XVe s. Cette ouverture donnait dans l’église située sous les parties gothiques de Saint-Nazaire, à savoir l’église paroissiale Saint-Jean-de-la-Grotte, à l’instar de l’ouverture (US 1744) située plus à l’ouest dans l’étude plus globale de l’élévation de la cathédrale.
Des vestiges de trous de perches d’échafaudages doivent aussi être associés à cette activité de construction (US 1403). Comme on l’a mentionné ci-dessus, il faut également prendre en compte pour la même période les remaniements de la galerie orientale. Des activités de construction ont donc toujours cours sur le site.
Bâtiment méridional
Au moins deux autres types de décors postérieurs au XIIIe s. évoqués plus haut ont été repérés sur le mur intérieur sud, au moment de l’enlèvement des enduits modernes, en 1989 (fig. 99). Il s’agit de losanges à rehauts blancs et roses, observés sur un bloc réemployé au XIXe s. lors de la reprise du mur oriental attenant à l’abside démantelée, mais dont des traces ont été observées sur le bouchage des baies gothiques. Ce décor pourrait ainsi remonter au XVe s., période probable de la création de la cave en partie basse ainsi que d’une ample salle haute débarrassée du plancher médian, ce que tend à confirmer la présence du même type d’enduit à la fois sur les bouchages des baies trilobées inférieures et sur les corbeaux bûchés. De plus, lors d’un dégagement très partiel de la base des baies gothiques inférieures, on a pu constater que l’enduit du bouchage se terminait presque au niveau du sol actuel. Aussi la subdivision de l’espace en cave et ample salle supérieure doit-elle aussi remonter au XVe s. Auparavant, il devait exister une salle basse surmontée d’un étage.
Dans la zone supérieure, entre les fenêtres gothiques modifiées au XIXe s. (fig. 99), on distingue les traces d’un décor plus élaboré visible surtout à l’ouest, au niveau du bouchage de la porte du XIIIe s. ainsi qu’à l’ouest, dans la partie haute d’un espace formant tribune. Là, des vestiges de personnages ecclésiastiques s’acheminant vers l’est ont été reconnus. Il pourrait s’agir de vestiges d’une procession. Sur les enduits de bouchage de la porte, semblent prendre place les pattes d’un agneau dont le modelé assez raffiné peut s’apprécier. Ces ornements constituent vraisemblablement une reprise du XVe s., mais seules des analyses plus poussées permettraient de s’en assurer.
Bâtiment occidental
Le bâtiment occidental subit de profondes transformations à la fin du Moyen Âge. En premier lieu, une cave est aménagée en sous-œuvre en creusant l’argile géologique (fig. 78, 111-112, 145). Ce niveau inférieur dessine un grand rectangle de 28,50 sur 9 m. Il comprend deux vaisseaux divisés en six travées, celle du nord étant plus large que les autres (près de 6 m alors que les autres présentent une longueur de 4,50 m). Les deux vaisseaux sont délimités par cinq piliers massifs et courts, de section circulaire, qui viennent recevoir les voûtes d’ogives. Le sol accuse un pendage sud-nord. Les dais de fondation de ces supports, observés en 1984-1985 lors des travaux d’aménagement de la cave, sont de forme quadrangulaire ou circulaire. Les formes des bases sont assez comparables, sauf pour celle du support septentrional. L’hypothèse selon laquelle cet élément pourrait être un réemploi a été avancée (Sapin et al. 1989, 52). Toutefois, il est aussi fort possible que la travée septentrionale ait été ajoutée dans un second temps, au détriment de l’ancien porche de Saint-Nazaire. Auquel cas, la base septentrionale pourrait appartenir à cet agrandissement.
Pour mener à bien la réalisation de la cave, le mur oriental du bâtiment ouest a été doublé (fig. 111-112). En coupe, l’épaisseur de cette paroi est bien supérieure à celle du mur opposé à l’ouest. D’autre part, une partie du parement de doublage s’est écroulée pendant l’hiver 1999, révélant le parement plus ancien. Ce phénomène de doublage du mur a été confirmé à l’occasion de la réalisation d’un sondage en 198541. Bien que limité, il avait permis de mettre au jour au pied du mur oriental du cellier une maçonnerie interprétée comme la fondation d’un escalier en vis. Les recherches récentes tendent plutôt à l’assimiler à la fondation du doublage daté du XVe s. du mur oriental du XIe s.
De nouvelles ouvertures ont été aménagées dans le mur oriental. Les blocs qui composent ces fenêtres très ébrasées présentent des marques lapidaires – clairement des marques de pose comme tend à le faire penser leur regroupement par paires – très différentes de celles rencontrées par ailleurs sur le site. On doit noter également l’existence d’une entrée dans la cave, associée à un ample escalier (fig. 24).
Dans l’étage surplombant les caves (2e niveau), le creusement de l’argile géologique a entraîné la mise à nue des fondations des pilastres du XIe s. conservés sur le mur occidental. Il est vraisemblable que des murs de chaînage reliaient en fondation les pilastres du mur occidental aux pilastres du mur oriental masqués par un nouveau parement au XVe s. Un tel chaînage est conservé au sud.
Dans ce même étage surplombant les caves, c’est-à-dire l’actuel 2e niveau, sont visibles de grandes piles circulaires maçonnées situées à l’aplomb de celles de la cave à l’exception de celle du nord légèrement décalée. Ce support peut être attribué à la phase d’agrandissement du cellier vers le nord dans un second temps. Ce 2e niveau devait comporter, au moment de la mise en place des supports centraux, six travées et deux vaisseaux.
À ce niveau, les piles aux blocs simplement layés reçoivent un poutrage et non des retombées de voûtes d’ogives. On voit ainsi que les niveaux supérieurs qui, au XIe s., comportaient deux grandes salles superposées ont été subdivisés.
Le 3e niveau est divisé en deux vaisseaux par des supports de bois de section octogonale qui portent le poutrage central par l’intermédiaire d’un long sommier et qui sont disposés à l’aplomb des piles circulaires maçonnées du premier et du deuxième niveau. Elles leur sont donc contemporaines (XVe s.).
Contrairement au 2e niveau, au 3e niveau, la maçonnerie du mur occidental n’a pas été totalement dégagée en raison de la découverte de nombreux graffiti posés sur plusieurs niveaux d’enduits et qui ont fait l’objet d’une campagne de relevés en 1995 puis en 1999 (Balcon et al. 2000). Ces inscriptions incisées ou réalisées au charbon de bois sont de divers ordres : il s’agit généralement de marques de comptage des sacs de grains entreposés dans ce niveau, associant des bâtons courts horizontaux à un bâton long vertical qui barre les autres. Parfois, les noms des types de grains ont été apposés de chaque côté des marques de comptage, accompagnées, ponctuellement, de signatures, peut-être celles des officiers du chapitre. Des inscriptions incisées correspondent parfois à un début de poème. On rencontre aussi des visages vus de profil gravés ou dessinés au charbon. Des dates inscrites sur certains niveaux d’enduits, de même que la paléographie, aident à donner une datation de ces différentes couches échelonnées entre le XVe et le XVIIIe s., soit juste avant la création des appartements. Des négatifs d’anciennes cloisons qui matérialisaient peut-être les limites des prébendes ont aussi été repérées sur ce mur occidental. Ces éléments témoignent ainsi de façon tout à fait vivante du quotidien de l’édifice.
Le 4e niveau reprend globalement les dispositions de celui du dessous. On retrouve les piles de bois portant un poutrage par l’intermédiaire d’un sommier, ainsi que la cage d’escalier du nord-ouest. Il est également divisé en deux vaisseaux à six travées par des piles de bois portant un poutrage sur lequel est posé le plafond par l’intermédiaire d’un chapeau. Toutefois, si le mur ouest n’est pas scandé de hauts pilastres, il présente au sud le bas de cinq amples ouvertures, à savoir l’appui et les montants constitués de pierres de taille (fig. 78). En raison de la présence d’enduits portant des graffiti comparables à ceux du 3e niveau, il n’a pas été possible de dégager les maçonneries et de voir leurs relations avec les fenêtres, c’est-à-dire leur contemporanéité ou leur postériorité. Ces ouvertures bouchées ne présentaient visiblement pas d’ébrasement puisque leur largeur est identique tant vers l’ouest que vers l’est. Elles sont moins larges que les ouvertures du 2e niveau (1 m contre 1,50 m) et ne se situent pas à l’aplomb de celles-ci. De même, leur mode d’assemblage diverge, car elles comportent une alternance de grands blocs. La taille de ces blocs, un layage, s’apparente à celle rencontrée sur les pilastres du 2e niveau, ce qui tendrait à les situer aux XIe s, comme on l’a déjà vu. De plus, du point de vue chronologique, elles sont antérieures au XVe s., époque de la mise en place de la charpente et de la division du bâtiment en plusieurs niveaux sur cave puisqu’elles ont été coupées en deux pour assurer justement une certaine harmonie dans la hauteur des nouveaux étages et asseoir la nouvelle charpente.
Quant à l’étage sous combles, il est scandé lui aussi de supports centraux – les poinçons – qui divisent l’espace en deux travées. Ce 5e niveau, objet d’une étude réalisée en 1984 (Bossoutrot 1984) est occupé par les combles (fig. 78). L’espace couvert est de 29 m par 9 m et la hauteur est de 7,50 m. La charpente est composée de 49 fermes dont 9 fermes maîtresses qui se distinguent des autres par la présence d’un poinçon. Les entre-axes sont de 0,60 à 0,70 m. Des contreventements adoptant la forme de croix de saint André, de même que des jambettes, assurent la cohésion de l’ensemble. Les entraits dont les têtes sont noyées dans le haut des murs portent le plancher ainsi qu’un lattis. Une sablière externe en double peut-être une autre posée sur le haut des murs. En tout cas, les chevrons en net débord sur l’extérieur (côté oriental), protégeant en partie la façade des eaux de pluie, ne reposent pas sur les entraits. L’assemblage des différentes pièces de la charpente est à tenons et mortaises maintenus par des chevilles. Les poinçons ne sont pas à l’aplomb des supports des niveaux inférieurs ; aussi la transmission des poussées s’effectue-t-elle par l’intermédiaire des contreventements, des jambettes et des sablières. Des marques égrènent les différentes pièces de la charpente. Elles servaient à individualiser les éléments au sol avant leur montage.
La mise en place de la charpente a nécessité le dérasement des murs oriental et occidental de la structure préexistante datée, on l’a vu pour le mur ouest, du milieu du XIe s. (avec habillage du mur est au XVe s.), entraînant par là même la suppression des fenêtres du 4e niveau (2e niveau au XIe s.). Le type de charpente et surtout les données dendrochronologiques permettent de situer l’œuvre à la fin du XVe s.
On voit donc que le bâtiment ouest a été amplement remanié au XVe s. avec création d’une cave, doublement des parements du mur oriental, subdivision des étages, création de supports centraux destinés à porter les voûtes et les plafonds et écrêtement des murs du niveau supérieur qui ont servi d’appui à une nouvelle charpente.
Cathédrale Saint-Nazaire
Restructuration de la chapelle Saint-Aubin
La chapelle Saint-Aubin est modifiée au XVe s. avec la construction de voûtes basses permettant l’aménagement d’une salle haute destinée à abriter les archives (fig. 104, 145). À cette fin, l’entrée nord de la chapelle est modifiée : un arc à profil prismatique est monté sur des piles quadrangulaires accolées aux supports septentrionaux du début du XIVe s. (fig. 114-115). Au-dessus de cet arc, est réalisé un mur en grand appareil. Parallèlement, un arc de profil comparable est élevé au sud, au centre de l’actuelle chapelle. Cet arc retombe sur des culots décorés de feuilles de choux qui sont accolés aux montants nord des portes faisant partie des parois orientales et occidentales. Ces portes jouxtent les piles qui à l’origine marquaient l’entrée dans la chapelle Saint-Aubin. Les murs est et ouest de la partie nord de l’actuelle chapelle sont cachés par des enduits, mais ils ont dû être mis en place au moment de la création des arcs étudiés. On aurait donc créé à cette époque un espace cloisonné. Cet arc qui prend place au milieu de l’espace retombe sur des culots décorés de feuilles de choux. Les piles auxquelles sont accolés ces culots et la naissance de la voûte se situent au nord de portes flanquant les piliers primitifs de l’entrée de la chapelle. La porte orientale donnait accès à la chapelle orientale, ce qui laisse supposer qu’à cette date elle était isolée. La porte occidentale conduisait à l’escalier en vis qui permettait d’accéder à la salle haute abritant les archives. Les arcs dont il vient d’être question étaient destinés à supporter un plancher en partie supérieure.
Un autre arc occupe le centre de la travée, mais il s’agit d’un doubleau qui fait partie du système de voûtement sur ogives mis en place au XVe s. sur la seconde travée, au sud. Son profil est simplement à angles abattus. Comme les ogives, cet arc a été greffé aux piles d’origine de la chapelle sud. Ces voûtes basses ont permis le dégagement de l’espace supérieur destiné à abriter les archives.
Analyse et datation
La datation de ces éléments repose sur des données stylistiques et la dendrochronologie avec en premier lieu le type de culots à feuilles de choux sur lesquels repose l’arc nord de la partie médiane. Ces feuilles de choux sont comparables à celles qui reçoivent les ogives de l’abside de Saint-Lazare, datés du XVe s.
Percement de portes dans le mur sud de Saint-Jean-de-la-Grotte
Pour permettre l’accès au cloître, le mur sud de Saint-Jean-de-la-Grotte a été percé de portes au XVe s. Ainsi, à l’ouest, une fenêtre du XIIIe s. (US 1742 ; fig. 106) a été éventrée dans sa partie inférieure pour aménager la porte (US 1744), cela ayant aussi nécessité le dérangement (ID 1739) des parements alentours (US 1738 et 1743). Cette ouverture (US 1744) avec ses blocs chanfreinés et son arc en anse de panier, est tout à fait comparable à une autre porte percée plus à l’est dans le même mur (US 1758). Stylistiquement, ces portes dateraient du XVe s.
Remblaiement de la nef pour création d’un cimetière
Dans le bâtiment nord (Chambre des Comptes) ont été identifiés plusieurs niveaux de remblais datés du XVe s. (US 954, 949, 916, 910 surface à 363.60 NGF ; fig. 57). Ces remblais ont été décaissés de plus d’un mètre et devaient s’élever à environ 365.45 NGF. Cette altitude correspond en effet au départ du fruit composant vraisemblablement la fondation du mur oriental du bâtiment septentrional (Mur 870) et qui, de toute évidence, a été réalisée dans une tranchée (fig. 121-122). Ce mur oriental (Mur 870) compose la paroi occidentale du couloir longeant la chapelle Saint-Aubin, aménagé afin d’accéder à la tourelle d’escalier qui permettait de se rendre dans une salle créée au XVe s. au-dessus de la zone méridionale de la chapelle. L’altitude initiale du remblaiement correspond au niveau supérieur du mur d’enveloppe de la nef gothique de Saint-Nazaire (Mur 233) présent au sud du bâtiment nord. Ces différentes observations suggèrent qu’au XVe s., un épais remblai prenait place dans l’ancienne nef de Saint-Nazaire et jusqu’à l’amorce du mur gouttereau sud de la nef gothique (Mur 233). Ce remblai a été décaissé au cours de la période suivante.
Le terre-plein qui remplace l’ancienne nef accueille vraisemblablement des sépultures après le XIVe s. Dans les sources, il est en effet fait mention du “cimetière” de Saint-Nazaire (Fontenay 1879, 342) à l’emplacement de la nef de Saint-Nazaire Ce cimetière comprenait une croix visible sur la vue cavalière de Saint-Jean-de-Balleure de la fin du XVIe s. et mentionnée au XVIIe s.42.
Moule à cloche dans le préau
La découverte d’un moule à cloche (US 748) à l’est du préau du cloître atteste là encore de la poursuite des travaux de construction sur le site (fig. 145). Le moule accusant une forme de “huit” a été implanté au XVe s. Il pourrait correspondre à la période du cardinal Jean Rolin qui entreprit des travaux de rénovation à Saint-Nazaire ainsi qu’à Saint-Lazare (Grivot 1967, 76). Une étude approfondie de ce moule devrait être prochainement engagée sur le modèle de travaux récents (Neri 2006).
L’après cloître (XVIe-XXe s.)
État 15 : XVIe-XVIIe s.
Transformation en cour avec suppression des galeries sud et ouest
Au XVIe s., la zone occidentale du cloître, englobant le préau et les galeries méridionale et occidentale, est transformée en cour (fig. 146). Préalablement, on procède à la récupération d’anciennes structures pour en construire de nouvelles (fig. 118). Il s’agit essentiellement d’un mur de soutènement orienté est-ouest (Mur 2) qui comprenait des éléments de remploi, élevé immédiatement au nord de l’ancienne paroi septentrionale de l’aile sud du cloître (Mur 13). À ce nouveau mur est-ouest est incorporée une culée d’arc-boutant (Mur 1) qui, plus à l’ouest, est associée à un mur (Mur 5) constituant le prolongement du mur de soutènement (Mur 2). Au sud de ces murs (Murs 1, 2 et 5), le niveau de sol était beaucoup plus bas qu’au nord, là où s’est développée la cour qui recevra une succession de revêtements. Quant à la galerie occidentale dont le sol avait été surélevé à plusieurs reprises au cours des ultimes phases d’utilisation, elle est finalement détruite, mais le mur donnant sur le préau (Mur 12), au contraire de celui de l’aile sud, n’est que partiellement démantelé.
Ainsi, les murs des galeries dotés d’ouvertures donnant sur le préau sont en totalité ou en partie démantelés au XVIe s. lorsque la fonction de l’espace change. Celui de la galerie sud (Mur 13) est entièrement récupéré (US 169B) en plusieurs phases. Puis le mur de soutènement (Mur 2) destiné à rattraper la forte déclivité entre la partie nord et sud de la cour est aménagé immédiatement au nord de l’ancienne paroi septentrionale de l’aile sud du cloître. Ce mur de soutènement (Mur 2) incorpore de nombreux blocs de remploi provenant vraisemblablement du démantèlement du mur de la galerie sud (Mur 13) outre des blocs de facture gothique, provenant peut-être de Saint-Nazaire.
À l’extrémité occidentale de ce mur (Mur 2) une culée d’arc-boutant est aménagée (Mur 1 sur Mur 3) afin d’épauler les parties sommitales du bâtiment méridional qui est donc visiblement lui aussi modifié. Cet élément et la volée qui l’accompagnait étaient toujours conservés, bien que probablement remaniés, au XIXe s., car l’attache de l’arc de la volée a été intégrée dans la reprise massive de l’élévation du mur nord du bâtiment méridional. Plus à l’ouest, le prolongement du mur de soutènement (Mur 5) venait rejoindre cette culée (Mur 1). Il y avait également un passage entre les Murs 2 et 5, bouché après l’exhaussement du niveau au sud.
On doit signaler qu’au sud-ouest, l’angle formé par les anciennes galeries sud et ouest (Mur 12, Mur 13) n’a pas été totalement démantelé, car la semelle de fondation et deux à trois assises de l’élévation ont été conservées. La tranchée de récupération du mur oriental de la galerie ouest (Mur 12) a entamé les dernières couches d’occupation de cette même galerie (notamment l’US 1262) qui correspondaient à plusieurs remplissages. Le tout (niveaux de la galerie et remplissage de la tranchée de récupération) a été surmonté par un grand épandage de niveaux de destruction (US 161 et US 105D) accusant une pente orientée ouest-est (fig. 65, 68). Ces derniers, bien datés du XVIe s. par l’étude de la céramique et du verre, passent au-dessus de la paroi occidentale de l’ancienne galerie (Mur 1264). Ce mur de fondation carolingienne et qui, on l’a vu, avait été repris au XIe s., avait déjà été en partie démonté au XVe s. (jusque 362.80 NGF) pour servir probablement de simple mur de soutènement, au moment de la suppression des deux tiers nord de l’aile orientale du bâtiment occidental (le cellier) qui s’est accompagnée de la création du mur nord du bâtiment sud-ouest (la “prison”)43. Au XVIe s., les niveaux de destruction (US 161 et 105D) surmontant ce mur (Mur 1264) marquent la fin du préau. Au sud, ces couches venaient buter contre le mur de soutènement (Mur 5) orienté est-ouest.
Au nord des murs de soutènement (Murs 2, 3 et 5) on observait un épandage de surfaces sableuses (US 111 et ses subdivisions qui couvraient les derniers niveaux du préau US 509 notamment ; surface US 111 à 362.10 NGF) plus lacunaires à l’ouest probablement en raison d’un décaissement dont on reparlera. Toutefois au sud-ouest, dans un espace limité par deux murs nouvellement construits (Murs 1 et 5A) se développait une surface d’occupation différente qui pourrait correspondre à une petite cour ou, à tout le moins, à un espace isolé. Cette zone située au nord d’une ouverture aménagée au XVe s. (US 75), avait déjà bénéficié à cette époque, voire auparavant, d’un traitement particulier pouvant s’expliquer par la probable fonction domestique (les cuisines ?) de la partie ouest du bâtiment méridional.
La cour
Dans un second temps, le grand mur méridional de soutènement fait l’objet d’une restructuration (Murs 2 et 5) tandis que parallèlement on remblaie quelque peu la zone située immédiatement au sud. Devant la porte centrale du bâtiment sud remaniée à cette époque, on construit des murets (Murs 7 et 11) qui correspondent à une rampe. L’accès à la cave du bâtiment sud aménagée au XVe s. est donc facilité.
C’est peut-être durant cette phase que l’on doit placer une glacière (US 1218) trouvée entre le bâtiment sud-ouest et le bâtiment occidental, mais dont la partie sommitale a été perturbée par un décaissement plus tardif.
La galerie orientale
Si, au XVIe s., au contraire des deux autres galeries, celle de l’est est préservée, il n’en demeure pas moins qu’elle subit de profondes transformations. Ainsi, on récupère le mur occidental de fondation carolingienne (Murs 1913 et 2007) altéré à plusieurs reprises précédemment44. C’est en effet au XVIe s. que l’on doit rattacher les grandes tranchées de récupération du mur occidental (US 1919, 1929, 2005 et 2011 ; fig. 119) de la galerie. Au nord, cette tranchée orientée tout naturellement nord-sud est apparue sous un sol (US 1897) associé à un four dont on reparlera plus bas (US 1917), exposant un niveau de scellement (US 1999 ; entre 361.71 et 361.82 NGF) identifié sur l’ensemble du site. Le remplissage de la tranchée (US 2010) était très sableux et ressemblait beaucoup au niveau de scellement (US 1999). La tranchée de récupération (US 2011) formait un retour au nord (US 2005). Ces deux négatifs comportaient des remplissages (US 2010 et 2004). Le fond du premier remplissage (US 2010) était tapissé par un niveau (US 2060, à 360.80 NGF) chargé d’éclats de calcaire. Au-dessus prenait place une terre noire (US 2059) formant un monticule, car jetée dans la tranchée par le côté nord-ouest (pendage ouest-est ; partie supérieure à 361.21 NGF). Les négatifs des pierres de l’ancien mur occidental (US 2061 à 360.74 NGF) de la galerie (Mur 2007) ont été mis au jour sous la limite de la tranchée de récupération (US 2011). Au nord-ouest, sous la culée d’arc-boutant transformée en pile (US 2228), seule une infime partie du mur carolingien (Mur 2007) était conservée. À cet endroit, la tranchée de récupération du XVIe s. avait épargné la base du XIIe s. mentionnée plus haut (US 2227), à associer à la base plus imposante trouvée dans l’espace appelé le “passage” situé immédiatement au nord (US 2240 ; fig. 58).
Au sud de la culée d’arc-boutant suivante (US 2233), une autre tranchée de récupération a été mise en évidence (US 2003). Le remplissage de cette tranchée (US 2002) était lui aussi très sableux. Cette tranchée constitue en fait la suite d’un autre négatif (US 1902) identifié plus au sud. La récupération (US 1902) comportait plusieurs niveaux de remplissage très sableux (US 1899 sous 1876B à 361.61 NGF ; puis 1900, 1920 et 1949) qui ont été coupés à l’est par des fosses du XVIIIe s. Les deux tranchées sud (US 1902 et 2003) n’en forment qu’une et ont peut-être été réalisées avec un léger décalage dans le temps par rapport à la tranchée rencontrée plus au nord (US 2011). Il y aurait donc plusieurs phases de récupération du mur de fondation carolingienne. Au sud de la culée d’arc-boutant méridionale (US 1817) et du vestige du mur carolingien subsistant (Mur 1913 avec l’US 2236), une autre tranchée de récupération, plus ou moins contemporaine des autres, a été identifiée (US 1919) avec son remplissage (US 1914, à 361.71 NGF). Associée à une dernière tranchée (US 1929 contenant l’US 1928), elle correspondait à la récupération de l’angle maçonné créé au IXe s. à la jonction des galeries méridionale et orientale, repris aux XIe-XIIe s. On le voit, le mur occidental de la galerie orientale a été récupéré en plusieurs phases proches dans le temps et par l’intermédiaire de trois grandes tranchées.
Les banquettes (US 1908 et 2013) qui couraient le long du mur oriental de la galerie est ont été elles aussi démantelées en partie ou en totalité.
Après ces récupérations, et parallèlement à la reprise de la voûte située dans la partie méridionale de l’espace, un muret (Mur 1804 et 1805 plus Mur 23 dans le “passage”) a été aménagé immédiatement à l’ouest de l’ancien mur carolingien entre les supports du XIVe s. transformés au XVe s. Probablement peu après, est réalisé le bouchage (US 2243) dans l’extrémité sud de la galerie orientale dans un mur (Mur 1952) remontant à l’époque mérovingienne. La liaison avec le bâtiment méridional (ancien réfectoire) est ainsi coupée. On peut à cet égard se demander si le chapiteau de la fin du XIIe s. (US 2239) qui surplombe ce bouchage est bien en place, ou s’il a été remployé lors de la possible réfection de la voûte de la zone sud de l’ancienne galerie orientale. Seul un décrépissage des différentes parois composant l’élévation de cet espace permettrait de répondre à ces questions. En tout cas, ces différentes maçonneries créées au XVIe s. remploient des éléments plus anciens. Ainsi le muret situé au sud (Mur 1805) abrite un tambour de colonnette dont le diamètre pourrait tout à fait s’accorder avec le chapiteau du XIIe s. (US 2239) conservé dans la partie sud de la galerie orientale.
Il faut vraisemblablement associer à cette époque les vestiges d’un foyer situé dans l’extrémité sud de l’ancienne galerie orientale (US 1942 dans dépression US 1943). Constitué d’une plaque d’argile rubéfiée de forme rectangulaire couverte par de l’argile verte, il occupait une dépression ayant perturbé un niveau (US 1921) daté du XVe s.
On le voit, cette phase a vu un changement profond de la galerie avec récupération des pierres du mur occidental. Si les arcades de la galerie sont préservées sur les supports du XIVe s., refaits au XVe s., cet espace ne devait plus correspondre qu’à une zone de circulation située entre Saint-Jean-de-la-Grotte/Saint-Nazaire et le bâtiment méridional. Le démantèlement massif et systématique du mur occidental a vraisemblablement alimenté en partie la construction du grand mur de soutènement orienté est-ouest (Mur 2) construit au sud du préau transformé en simple cour.
Pour cette phase et la suivante, plusieurs surfaces très limoneuses correspondant à autant de niveaux d’occupations (avec les sols US 1876 et 1917) ont été identifiées. Situées entre 361.83 et 361.71 NGF, elles sont consécutives au grand réaménagement de l’espace que l’on place au XVIe s. À cette époque, toutes les dalles en calcaire ont disparu pour être réutilisées en partie en éléments de construction (Berry 2011, 162).
Le bâtiment oriental
Parallèlement à la restructuration de la galerie orientale, le bâtiment qui la jouxte à l’est subit lui aussi de profondes transformations (fig. 89-94). Au XVIe s., on procède en effet au décaissement de la salle (ID 1470) puis on récupère des murs amorcés aux XIIIe-XIVe s. (Murs 1420 et 1402). Des niveaux de sols limoneux (US 1254) prenaient place au-dessus du décaissement (ID 1470) et de la surface de scellement (US 1255) identifiée également dans cette zone.
La récupération de fondations mises en place aux XIIIe-XIVe s. a été entreprise après l’épandage de la surface sableuse assimilée au “scellement” (US 1255) qui a succédé au décaissement (ID 1470). Le mur (Mur 1420) orienté nord-sud se situait dans l’alignement d’un arrachement (US 1491) présent sur le mur nord du bâtiment. On l’a vu, ces deux éléments témoigneraient de la volonté de construire (ou reconstruire) la salle capitulaire, et dans son sillage la galerie orientale, plus à l’est. Ces travaux qui devaient avoir lieu parallèlement au remodelage des parties orientales de la cathédrale Saint-Nazaire ont finalement été abandonnés. La récupération presque totale de ce mur (Mur 1420 ; il n’en reste que la partie inférieure) marque l’abandon définitif du projet.
Un autre mur (Mur 1402) devait faire partie, lui aussi, d’une grande campagne de construction liée à la transformation des parties orientales du cloître dans le sillage de la reconstruction de la cathédrale. Mais là encore, il a été récupéré lorsque le projet a été définitivement abandonné. Sa tranchée de récupération (US 1465) est bien visible en coupe (coupe 3, à l’est ; fig. 91). Il ne subsiste que l’assise inférieure de sa fondation. Ce mur avait été implanté au-dessus de niveaux de remplissages (US 1386, 1401 et 1418) de la tranchée de récupération d’un mur antérieur (Mur 1468 et US 1385-1467 pour la tranchée de récupération).
C’est probablement aussi au XVIe s. que l’on doit rattacher la mise en place d’une maçonnerie (US 1499) faisant partie du mur occidental du bâtiment oriental (fig. 70). Elle est composée de moellons mais aussi d’une moulure ainsi que de briques. Le liant très sableux est de couleur marron. Cette maçonnerie a été entamée (ID 1722) par le piédroit nord (US 1500) d’une ouverture récente (US 1723) tandis que sa partie sommitale a été perturbée par la mise en place de la voûte de la salle (US 1494, ID 1734) remontant vraisemblablement au XVIIIe s. Ces observations, de même que le remploi de blocs gothiques, tendent à montrer que cette maçonnerie faisait partie de la grande transformation du XVIe s. qui a vu le démantèlement de constructions anciennes.
Plus au nord, une porte (US 1712) remonterait également à cette phase. Elle remplace probablement une ouverture plus ancienne (XVe s.) qui fonctionnait avec l’escalier situé juste devant (US 1579). La porte allait ainsi de pair avec le mur de bouchage (US 2229) situé au sud de l’espace appelé le “passage” créé justement après l’abandon de la fonction claustrale du site, et isolé de l’ancienne galerie orientale.
Le bâtiment septentrional
L’histoire du bâtiment nord élevé à l’emplacement du bas-côté sud de l’ancienne nef de Saint-Nazaire, tel qu’il se présente en élévation encore aujourd’hui, remonte au XVIe s. (fig. 121-122). Sur le plan de Belleforest, daté de 1575 (fig. 11), le bâtiment nord existe déjà. Il se situe immédiatement au sud d’un espace ouvert correspondant à l’ancienne nef devenue cimetière. L’étude des élévations a montré l’existence d’un premier mur au nord et au sud (Mur 926 à 364.05 NGF au nord et Mur 955 au sud) en grande partie remanié par la suite (US 956).
Au cours de cette phase datée de la fin du XVIe ou du début du XVIIe s., les murs nord et sud du bâtiment sont totalement reconstruits après arasement des murs précédents (Mur 874 réalisé sur l’arasement du Mur 926 et, au sud, Mur 868 à la place du Mur 955). Dans les élévations, on voit aussi la mise en place dans d’un premier système de corbeaux (fig. 122.1) ainsi que des piliers centraux (dont l’US 937 reconnue) supportant un plafond. À noter que cette datation de l’élévation actuelle coïnciderait avec l’analyse des ouvertures ornant le mur nord du bâtiment septentrional, ouvertures visibles cour de la Maîtrise, tandis que la porte située immédiatement au nord est à associer au couloir réalisé au XVe s. pour accéder à l’escalier en vis qui desservait une salle située au-dessus de l’ancienne chapelle Saint-Aubin. Toutefois, seul un décrépissage de l’enduit permettrait, à travers l’analyse des maçonneries, d’en être assuré.
Un peu plus tard, toujours au XVIIe s., le Mur nord (US 874) est de nouveau arasé, la reprise se faisant sur un retrait qui devait supporter les poutres d’un nouveau plafond. Au sud, ce dernier est reçu par des corbeaux d’un type plus récent (fig. 122.2). Les piliers centraux sont éliminés et un petit remplissage couvre l’extrémité nord de l’espace exploré (US 931). Des échantillons prélevés sur la charpente pour une analyse de dendrochronologie menée par Georges Lambert, du laboratoire de chrono-écologie de Besançon corrobore la datation de cette phase puisque le bois employé aurait été coupé et mis en place au milieu du XVIIe s. (Sapin et al. 1995, 4).
État 16 : XVIIIe s.
La seconde moitié du XVIIIe s. est marquée par plusieurs transformations liées notamment à la réunion des états généraux de Bourgogne, en 1763. D’autre part, les parties orientales de la cathédrale Saint-Nazaire sont détruites en 1783. Parallèlement, la galerie orientale accueille une forge destinée à la refonte de grilles d’églises et autres éléments métalliques, tandis que les parties supérieures du bâtiment occidental sont subdivisées pour permettre l’aménagement d’appartements45.
La cour
En préalable à la réunion des États généraux de Bourgogne, en 1763, la cour subit plusieurs modifications notables. On détruit une partie du mur de soutènement au sud (Mur 2B), tandis que les autres murs de nature comparable (Murs 1, 5A, 7 et 11) sont conservés. On a ensuite observé la mise en place d’un niveau de préparation pour un premier pavage (US 93, 97 et 139) qui a été reconnu dans la quasi-totalité de la cour ainsi que dans le “passage” (fig. 125). Dès lors, la cour accuse un léger pendage nord-sud, ce dont attestent les US correspondantes (US 225, 97B, 93 et 97).
À l’ouest, au pied du bâtiment occidental, la création du pavage (US 139) en pente douce a nécessité un décaissement ayant perturbé la tranchée de reconstruction du mur occidental de l’ancienne galerie ouest (Mur 1264) au XIe s. (US 1214) ainsi que, plus à l’ouest, les niveaux de sols qui occupaient l’aile orientale du bâtiment occidental, avant son abandon au XVe s., mais probablement aussi la partie sommitale des niveaux de destruction du XVIe s. précédemment mentionnés (US 161 et 105D ; fig. 68). Aussi, sous les niveaux de préparation des pavés du XVIIIe s., trouve-t-on directement des couches de l’antiquité, à un niveau très élevé dans cette zone en raison du système de terrasse dont on a parlé plus haut, repris à l’époque carolingienne au moment de la création du cloître. Le pavage (US 139) était associé à un muret orienté nord-sud situé dans l’alignement du mur oriental du bâtiment sud-ouest et supportant un auvent dont on a retrouvé la fondation d’un pilier (US 1160). À l’est du muret, une surface constituée de briques et de tuiles cassées a été rencontrée (US 1198, à 363.10-363.15 NGF). Ce niveau dessinant une bande orientée nord-sud et conduisant à la porte orientale (US 75) du bâtiment méridional constituait peut-être une reprise du pavage. Toujours dans la zone sud-ouest, un escalier est aménagé (US 1150 ; fig. 68) sur le muret associé à un auvent (US 1160). Cet escalier présentait une volée droite sur arc et permettait d’accéder aux étages du bâtiment occidental transformés en appartements. Il a été détruit dans les années 1980.
Parallèlement, on construit un escalier (US 203) dans l’angle sud-est de la cour, contre la façade qui cache les arcs de l’ancienne galerie orientale (le pallier correspond à l’US 79 et contextes associés : US 237 et 239). Cet escalier, comparable du point de vue de la construction à celui du sud-ouest (US 1150), a malencontreusement été détruit en 1999 lors de travaux, ce qui a tout de même permis de dévoiler une maçonnerie à l’histoire complexe, antérieure à la grande restructuration du XIXe s.
La galerie orientale
Cette époque voit l’installation d’un, voire de plusieurs, ateliers de forgerons. Des fosses remplies de cendres et des fours ont en effet été identifiés et bien datés, notamment par des pièces de monnaie, du XVIIIe s. L’étude du chevauchement des fosses et des fours permet de proposer une chronologie générale.
Après la découverte, dans le préau, d’un four à cloche du Moyen Âge central et de vestiges de petits fours de réduction de minerais au XVe s. (dans le sud-ouest de la galerie méridionale), le XVIIIe s. voit le retour d’une grande activité artisanale sur le site. De nombreux fragments de grilles de chapelles ou de chœur, à dater du XIIe et du XVe s., ayant été retrouvés dans les niveaux associés à ce (ou ces) forgeron, il est possible que ce (ou ces) dernier refondait ces éléments provenant d’églises situées dans les alentours et donc probablement de Saint-Nazaire ou de Saint-Lazare. Une très belle clef à extrémité tréflée a aussi été mise au jour dans une fosse aménagée dans l’extrémité sud de l’ancienne galerie orientale (US 1853 avec remplissage US 1844).
Au nord de l’ancienne galerie orientale, prenait place un four (US 1917 ; fig. 123). Seul son côté oriental a été découvert, celui de l’ouest ayant été recoupé lors de la création d’un four plus récent (US 1824). Cette paroi était composée de pierres dans sa partie supérieure. Plusieurs soles ont été identifiées (US 1915 et 1925) couvertes de charbon de bois (US 1891) correspondant aux dernières surfaces d’utilisation du four. Orienté nord-sud et donc parallèle à la paroi orientale composée de pierres, ce côté ouest permet d’affirmer que le premier four était bien de forme rectangulaire et qu’il était orienté nord-sud. Le sol associé à l’activité de ce four a été identifié (US 1987A et B ; entre 361.82 et 361.76 NGF).
À l’ouest, dans ce sol (US 1987A) de nombreux petits trous de poteaux (US 1996) ont été mis au jour. Parallèles au muret oriental (Mur 1804), mais légèrement orientés vers l’est, et contournant une fosse (US 1988 remplie par l’US 1821, cette dernière ayant d’ailleurs peut-être entraîné l’élimination de certains trous pourrait leur être postérieure), ils semblent matérialiser la présence d’une palissade séparant la zone artisanale de la cour (ancien préau du cloître). Un autre petit négatif comparable a été observé plus au nord (US 2001, remplie par l’US 2000).
Plus au sud, une énorme fosse est apparue (US 1989, remplie par l’US 1990). Elle était légèrement antérieure au premier four et, aussi, clairement plus ancienne que la fosse mentionnée précédemment (US 1988) qui la sectionne. Elle correspond probablement aux vestiges d’un autre four lié à des éléments (fosse et trous de poteaux) mis au jour encore plus au sud. Son remplissage (US 1990) renfermait essentiellement de la terre mêlée à des tuiles à crochet. Ces tuiles présentaient de l’argile en surface qui servait de liant, ce qui laisse penser que nous sommes bien en présence des vestiges des parois d’un four. Cette fosse est visible essentiellement en coupe dans la berme sud et accuse une forme ovale (fig. 60).
Après la mise en place du premier four (US 1917), une fosse a été creusée immédiatement au sud (US 1988). Elle était remplie de cendre (US 1821, à 361.935 NGF). En forme de “huit”, elle était légèrement décalée vers l’est par rapport au four. Ce dernier (US 1917) était peut-être toujours en activité au moment de la création de cette fosse, mais la mise en place du four plus récent (US 1824) a perturbé leur relation. Il est même probable que la cendre présente dans cette fosse (US 1821) provenait de ce premier four (US 1917) qui en comportait aussi dans son remplissage (US 1865 et US 1865B). La forme de cette fosse est assez comparable à celle d’une autre fosse (US 1854) mise au jour plus au sud qui cependant n’était pas remplie de cendre.
La construction du nouveau four (US 1824) a perturbé le côté nord de la fosse (US 1988), mais cette dernière a été incluse dans le nouveau système, du moins sa partie sud, car son remplissage comportait des éléments comparables à ceux trouvés dans les niveaux de comblement du four (US 1824), en particulier des fragments d’une fenêtre à meneaux de la fin du Moyen Âge. Au sud, prenait place un négatif (US 1848, remplie par les US 1822 et 1825, respectivement à 361.925 et 361.63 NGF) destiné vraisemblablement à accueillir la base d’une enclume si l’on en croit sa forme.
Ce deuxième four (US 1824) était constitué de parois de tuiles (tuiles plates à crochets) liées par de l’argile. Quelques grosses pierres avaient été placées à la base des murs. Trois côtés du four ont été identifiés : un à l’ouest, un au sud et le dernier à l’est. Le côté nord était ouvert et donnait sur une fosse rectangulaire qui a perturbé le four antérieur (US 1917). Ce four ressemble beaucoup à celui mis au jour dans l’ancienne nef de Saint-Germain d’Auxerre (Poil 2000, 432, fig. 450).
De nombreuses US sont à associer à la destruction du Four 1824 (US 1813, 1827, 1828, 1858, 1859, 1864, 1864B, 1870, 1873, 1882). Ces niveaux ont été scellés par ce qui devait correspondre à une surface d’occupation (US 1790, entre 362.04 et 361.86 NGF). Le remplissage du four mis en place au moment de sa destruction, se composait des tuiles de la voûte du four effondrée (tuiles liées par de l’argile : US 1859, 1827, 1870) disposées dans la partie supérieure, et de terre mêlée à des pierres parfois taillées (US 1873 et 1882). On a notamment mis au jour d’autres blocs provenant du démantèlement d’une fenêtre à meneaux des XVe-XVIe s.
C’est essentiellement dans les niveaux surmontant les sols associés aux fours qu’ont été trouvés des fragments de grilles en métal qui devaient orner à l’origine une des églises d’Autun, et même plus probablement Saint-Lazare, voire Saint-Nazaire. Ces vestiges sont certes très corrodés, mais il est possible de discerner des volutes assemblées quatre par quatre pour former une unité. Ce type de décor, et la facture, laissent penser qu’il pourrait s’agir de grilles du XIIe ou du XIIIe s., telles celles du chœur de Saint-Hilaire de Poitiers. Des parties de pics sommitaux ont aussi été retrouvées ainsi que d’autres volutes appartenant apparemment à des grilles plus récentes (XVe s. ?). Seule une étude poussée de ces morceaux, après leur nettoyage et leur consolidation, pourrait permettre de le préciser. De tels vestiges ont aussi été mis au jour au sud, dans les niveaux des XVIIe-XVIIIe s. Dans tous les cas, ces éléments renforcent l’hypothèse de la présence d’une forge, et/ou d’un fondeur dans cet espace, dont les deux fours (US 1824 et 1917) font de toute évidence partie.
Dans la partie sud de l’ancienne galerie, les vestiges de l’activité artisanale étaient plus limités. Toutefois, il semble qu’un léger décaissement situé dans la partie centrale et selon un axe nord-sud, ait entraîné la perte d’une grande partie des sols de cette époque. En effet, des niveaux de remplissage étaient distincts des surfaces rencontrées latéralement, à l’ouest et à l’est, et dessinaient des bandes parallèles orientées nord-sud. Il semble donc qu’un décaissement, ou une dépression centrale, ait bien existé. Les surfaces trouvées sur les côtés correspondaient à une succession de sols souvent très charbonneux et/ou argileux (US 1837, 1838, 1877, 1884 à l’ouest et 1826, 1867 à l’est).
Dans l’extrémité sud, plusieurs trous de poteaux (US 1830, 1832, 1834, 1836, 1840, 1850, 1862), rayonnant autour d’une fosse (US 1854 remplie par l’US 1855) elle-même accompagnée de deux trous de poteaux (US 1861 et 1880) ont été identifiés. Cette fosse méridionale, comme celle du nord (US 1988) accusait la forme d’un “huit”. Remplie par de la terre mêlée à des pierres (US 1855), elle comportait notamment une pierre circulaire présentant un trou central et qui peut être assimilée à une partie d’un tour de potier (crapaudine ?). Sa fonction artisanale semble ainsi attestée, même si on ne peut totalement déterminer la nature d’une fosse par son remplissage. Ces trous de poteaux ainsi que la fosse (US 1854) devaient relever de la même activité artisanale qu’au nord et devaient donc être associés au premier four (US 1917).
Dans l’extrémité sud, une autre fosse a été décelée (US 1853). Dans ses remplissages, (US 1841 et 1844) ont été trouvés des rebuts comparables à ceux identifiés dans les niveaux de remplissage et de sol liés aux fours et aux fosses du côté nord. Il s’agit notamment de vestiges de grilles du XIIe s. et du XVe s. provenant là encore d’une église (probablement de Saint-Lazare, voire de Saint-Nazaire), ainsi que d’une très belle clef du Moyen Âge à l’extrémité ajourée d’un trèfle. Cette fosse (US 1853) a visiblement été réalisée pour servir de dépotoir. Il est ironique de noter que lors d’un sondage pratiqué en 1995 au sud-ouest de la galerie orientale, c’est cette fosse qui a été explorée, laissant ainsi les archéologues dans la plus grande perplexité !
Le bâtiment oriental
C’est au XVIIIe s. que remonte probablement la voûte actuelle (fig. 88) du bâtiment oriental. Cette dernière (US 1494 et 1502) est venue cacher la partie sommitale du mur occidental de fondation fort ancienne (époque mérovingienne et carolingienne) qui comporte notamment l’arc (US 1720) daté du milieu du IXe s. Le bâtiment oriental est dès lors vraisemblablement déjà transformé en cave. Aucune activité notable n’a été décelée au cours de cette phase. Le sol (US 1254, à 361.15 NGF) était composé de plusieurs surfaces limoneuses.
Au cours de cette phase, on assiste aussi à la mise en place d’un remblai (US 1337 ; vers 361.60 NGF) constitué de nombreuses tuiles, qui vient porter d’autres sols (US 1336 ; à 361.40 NGF).
Le bâtiment méridional
Sur les parements intérieurs, on a pu noter la mise en place d’un niveau d’enduit antérieur à celui du XIXe s. Il pourrait correspondre à une phase de réfection du XVIIIe s., phase bien attestée côté cour du Chapitre au moment de la réunion des États généraux de Bourgogne et l’on sait que des travaux sur le réfectoire sont menés en 1763 alors que l’espace est transformé en salle de spectacle pour la venue du prince de Condé. Un autre document de 1786 nous apprend que le bâtiment doit être transformé en magasin. Sur le parement nord, côté cour du Chapitre, les ouvertures basses quadrangulaires observées au nord et remontant au XIIIe s. sont bouchées pour permettre l’installation d’un escalier (US 203) dans l’angle sud-est de la cour, mentionné plus haut.
Le bâtiment occidental
À la fin du XVIIIe s. ou au début du XIXe s., sont mises en place des cloisons de bois qui ont permis la création d’appartements à l’est. Des cheminées avaient également été installées. Au 3e niveau du bâtiment ouest, ces cloisons ont été conservées jusqu’en 1995. Elles divisaient l’espace et venaient s’appuyer contre les piles de bois élevées au XVe s. On a pu noter également la présence d’un long couloir qui longeait le mur ouest, lui-même scandé des pilastres du XIe s., mentionnés plus haut. Les cloisons détruites en 1995, ont permis de libérer les supports de bois. Au nord-ouest prend place un escalier en bois datant du XVIIIe s. et qui dessert ce niveau ainsi que ceux du dessus (4e niveau et 5e niveau : les combles). Cet accès, situé dans l’alignement de l’ancien couloir occidental qui desservait les appartements rejetés vers l’est, reprend peut-être l’emplacement d’un escalier plus ancien (du XVe s. ?). Le mur oriental est un peu moins épais que le mur ouest.
Le 4e niveau reprend globalement les dispositions de celui du dessous. On retrouve les piles de bois portant un poutrage par l’intermédiaire d’un sommier, ainsi que la cage d’escalier du nord-ouest.
Pour cette phase, on doit aussi noter la création d’un passage qui, au nord, est venu traverser le bâtiment ouest (fig. 120). Composée de pierres de taille visiblement réutilisées, au côté nord-est chanfreiné, et surmontée d’un linteau de bois, cette porte fait écho à celle rencontrée à l’ouest et a ainsi été créée au moment de la réalisation du passage, c’est-à-dire au XVIIIe s. On a pu noter que les nouveaux sols conservés au 3e niveau étaient posés sur un remplissage contenant une grande quantité de grains, ce qui montre la poursuite de la fonction de stockage de cet espace, toujours en cours jusqu’à la fin du XVIIIe s. Ce fait est également confirmé par les graffiti les plus récents.
Le bâtiment septentrional
Au XVIIIe s., l’ensemble de la partie basse de la Chambre des Comptes est restructuré (fig. 122). Des piliers avec des corbeaux en bois (type C) sont installés et un premier plancher (US 875) est construit sur un nivellement des couches de remplissage supérieures (US 929). Les dernières réfections concernent la façade côté cour du Chapitre avec l’insertion de la porte et de nouvelles fenêtres qui équilibrent l’ensemble.
Destruction de Saint-Nazaire et reprise de la chapelle Saint-Aubin
La partie nord de la chapelle Saint-Aubin, telle qu’elle se présente aujourd’hui, comporte un arc bouché en 1783, au moment du démantèlement des parties orientales de Saint-Nazaire (fig. 18-19). À l’est, une paroi perpendiculaire est également élevée à l’emplacement de l’arc faisant partie du bas-côté sud du chœur. Les deux portes situées en vis-à-vis, à l’est et à l’ouest, entre les doubleaux, doivent aussi remonter au XVIIIe s. Elles permettaient de traverser la chapelle Saint-Aubin en partant du bâtiment septentrional et de se rendre à l’est. Là, un escalier aujourd’hui perdu mais qui a laissé des traces, facilitait la liaison avec l’extérieur de la chapelle, côté oriental. C’est aussi à cette date que l’on doit faire remonter la réalisation de la voûte en berceau de la partie nord de la chapelle. C’est donc à la fin du XVIIIe s. que la chapelle Saint-Aubin qui, à l’origine désignait essentiellement la partie la plus au sud, bien cloisonnée et séparée du bas-côté nord, a été transformée en un espace rectangulaire incorporant les deux zones initialement bien distinctes.
La cour de la Maîtrise est aménagée en incorporant les gravas de destruction de Saint-Nazaire qui comblent le niveau inférieur correspondant à l’emplacement de Saint-Jean-de-la-Grotte (Fontenay 1879). La prospection géophysique réalisée en 2003, a bien mis en évidence la présence de concentrations de gravas. Elle laisse aussi envisager la conservation des piles de Saint-Jean-de-la-Grotte.
État 17 : XIXe s., phase 1
La cour
Le pavage de la cour du Chapitre (US 97) est repris tandis que l’escalier situé au sud-est (US 203), contre le bâtiment sud, est restauré. Une grande fosse (US 161A), fosse septique ou dépotoir d’un cordonnier dont on a par ailleurs trouvé d’autres traces d’activités dans le bâtiment oriental, a été découverte au nord du mur de soutènement créé au XVIe s. (Mur 1) au sud de l’ancien préau. Cette fosse a apparemment perturbé des négatifs plus anciens.
La galerie orientale
Au forgeron établi au XVIIIe s. succède l’installation de machines d’un artisan (fig. 124). Ses fondations et un négatif dessinant deux rectangles (US 1788, entre 362.16 et. 362.02 NGF) ont été retrouvés. Composées de pierres et de tuiles mêlées à du mortier beige, ces structures occupaient le nord de l’ancienne galerie. Alignées dans le sens est-ouest, elles étaient parallèles. Ces fondations étaient associées à un sol composé de carreaux de pavement (US 1789, entre 362.06 et 362.02 NGF), dont seules les empreintes ont été identifiées. Dessous, prenait place un niveau de préparation (US 1795). Aucun élément révélateur du type d’artisanat exercé n’ayant été retrouvé, en raison probablement de la présence du sol carrelé, il est difficile de préciser la nature de ce dernier.
Dans la partie sud de la galerie, sous le sol en béton actuel (US 1780) prenait place une surface composée de carreaux de pavement (US 1785, entre 362.325 et 362.305 NGF) ou bien des vestiges de son niveau de préparation (US 1789). Plus précisément, au sud, là où il était le mieux conservé, ce sol comprenait une multitude de carreaux de tailles différentes, mais aussi des dalles, dont une plaque tumulaire de la fin du Moyen Âge présentant une inscription et des vestiges d’un décor. Ce sol était associé à la cheminée conservée dans le mur oriental (US 1786) qui date vraisemblablement du début du XIXe s.
Le bouchage des arcs de l’ancienne galerie et l’aménagement de la façade telle qu’elle est conservée aujourd’hui, remonte également à cette phase. Deux fenêtres et une porte centrale occupent les bouchages.
Le bâtiment oriental
Les derniers niveaux de remblais ainsi que des sols (US 1335, 1329, 1341, 1340, 1338, 1216 et 1206) sont mis en place (US 1206 vers 361.90 NGF) à cette époque. Cette phase voit aussi la création d’un petit espace fermé au nord-ouest (US 1354 et 1325 ; US 1239 et 1221) puis d’une grande fosse centrale au sud (US 1342 avec US 1463 et 1462) à lier peut-être à l’activité conjuguée d’un tanneur et d’un cordonnier, car des vestiges de chaussures et autres fragments de cuir traité ont été mis au jour dans les niveaux associés.
La création d’une porte centrale (US 1723) aux montants de briques ainsi que la réfection de la porte du nord (US 1712) remontent aussi à cette phase (fig. 70).
Le bâtiment méridional
C’est en 1870 que le bâtiment méridional est complètement remanié avec de nouvelles ouvertures (fig. 95-97). Le mur nord est en grande partie reconstruit, laissant en place, en partie basse, des vestiges plus anciens (époque mérovingienne puis IXe, XIe et XIIe s.). La porte centrale est bouchée, tandis que les murets de la rampe mis en place au XVIe s. (Murs 7 et 11) sont détruits (US 115 et 223). Le mur sud est quant à lui exhaussé comme en témoigne la maçonnerie visible dans la cour de l’ancienne cure, au sud de la cour du Chapitre. À l’intérieur, les ouvertures trilobées du XIIIe s. sont agrandies avec notamment une modification des appuis. Des supports métalliques sont créés pour subdiviser l’espace intérieur. Un nouveau décor peint est mis en place.
État 18 : XIXe s., phase 2
La cour
Au cours de cette phase, un important nivellement de la cour est réalisé (US 51, 57, 59, 61 et 37B) en préalable à l’aménagement de trois allées pavées (fig. 125), à savoir l’US 137 longeant l’extérieur de la chapelle Saint-Aubin et conduisant au “passage”, l’US 37 qui menait aux portes de l’ancienne galerie orientale, et l’US 37A qui rejoignait, au sud-est, le palier (US 91) d’un escalier (Escalier 203). Entre ces allées pavées se trouvaient, à l’est, deux espaces rectangulaires réservés à des jardins (pieds de rosiers retrouvés), limités par des murets (Murs 197A et B, et Mur 87). Ces structures étaient composées de nombreux blocs de remploi gothiques (XIIIe-XVe s.). Une carte postale de la fin du XIXe s. témoigne de l’aménagement de la cour à cette époque (fig. 23). On voit notamment des rosiers au pied du mur sud de Saint-Nazaire.
À l’ouest, un pavage est aménagé (US 1168). Par la suite, il a subi plusieurs réfections (US 1147 et 1148).
Galerie orientale
Le sol composé d’éléments hétérogène (US 1785) a été repris (US 1787, de 362.305 à 362.28 NGF) au nord (fig. 124). Les carreaux, tous identiques cette fois, étaient de facture plus moderne. Ces carreaux reposaient sur des préparations composées de sable (1791A et B, à 362.235 NGF en moyenne et US 1794, dessous, à 362.225 NGF en moyenne).
État 19 : XXe s.
La cour
Le premier quart du XXe s. voit des modifications rapides de l’espace étudié. Il s’agit tout d’abord de la démolition des murs de soutènement établis au XVIe s. (Mur 1 et Mur 5A ; US 151/159). Une tranchée très profonde (jusqu’à 361.85 NGF) a ainsi fortement perturbé l’espace entraînant des difficultés dans la perception de l’espace environnant et des relations entre cette structure et celles qui lui étaient attenantes.
Par la suite, un bâtiment en bois (un hangar ?) a été construit au milieu de la cour. De forme rectangulaire, aux extrémités ouvertes, sa couverture était supportée par deux rangées de piliers de bois de forme pyramidale posés sur des socles de pierre (US 53, 53A, 83, 25, 273, 321, 119). L’un des côtés de ce bâtiment suivait l’axe du Mur 2B, sa tranchée de construction coupant des niveaux de pavage plus anciens (US 37/37A et US 97). L’espace ouvert situé entre les Murs 197A et B est bouché (US 197D), tandis que la zone orientale de la cour est nivelée (US 63 et 81), entraînant la disparition du pavage (US 37).
Puis, un autre bâtiment en bois est élevé au sud du premier (US 125) et comprend un pavage (US 55).
Vers 1918, les bâtiments en bois sont détruits (traces d’incendie) et l’on procède au nivellement de la cour avec les débris issus de la démolition (US 35).
Après la réalisation des sondages de 1919 par Charles Boëll, notamment à l’emplacement du Mur 1 (fig. 31), une surface sableuse (US 5) est épandue à travers la cour et sert de préparation pour un sol. C’est à cette époque que l’on installe des latrines dans la partie sud-est de la cour (US 199). Cet aménagement est à lier à la transformation de l’espace en cour de récréation pour l’école de la Maîtrise. De nombreuses billes en terre cuite, et autres jouets, attestent de cette occupation. De plus, l’ancienne galerie orientale ainsi que le bâtiment oriental accueilleront d’autres activités ludiques pour enfants et scouts.
Une latrine (US 457) creusant la tranchée de récupération de l’ancien mur de soutènement sud (Mur 5 ; US 151/159) a été retrouvée au sud-ouest, au pied du bâtiment sud-ouest (à 363.05 NGF). De forme rectangulaire, elle avait été curée à plusieurs reprises. Toutefois, le mobilier trouvé dans une couche de remplissage (US 1043) située au-dessus du dernier niveau d’utilisation (US 1044) était particulièrement abondant et intéressant, car il s’agissait d’objets datés entre le XVIIIe s. et le XXe s. Instantané d’une vaisselle familiale mise au rebut au début du XXe s., ce dépôt montre que des céramiques parfois fort anciennes étaient conservées pendant longtemps.
De nombreuses reprises de la surface récente (US 5) ont été notées (US 5A, 7, 9 et 11). Sur ces éléments, de l’humus s’est développé (US 1 et 3).
La galerie orientale
Au nord, l’ultime phase était caractérisée par la destruction des machines d’un artisan et par la création d’un sol en béton (US 1779, à 362.33 NGF) sur une préparation sableuse (US 1784, entre 362.155 et 362.185 NGF ; fig. 124). À ce sol doit certainement être associé le montage d’une cloison en briques doublant la paroi occidentale de l’espace, c’est-à-dire le mur qui présente l’arc carolingien.
À noter que le sol en béton était fortement chargé en gravas et pierres et qu’il ne reposait pas sur un sol composé de carreaux de pavement, comme c’est le cas au sud.
Au sud, sur le sol (US 1785), une surface en béton a été posée (US 1780). Elle correspondait au dernier niveau de l’espace étudié.
On sait par des sources orales que l’espace correspondant à l’ancienne galerie orientale a abrité au XXe s. des activités scolaires à associer à l’école de la Maîtrise, ainsi que des scouts, ce dont témoignent des graffiti.
La fouille des niveaux archéologiques les plus récents a ainsi permis de mettre en évidence la transformation du cloître en cour qui comportera aussi, ponctuellement, des espaces cultivés de type jardin. Aux XVIIIe-XIXe s., la galerie orientale accueille des artisans, notamment un forgeron et un tanneur, tandis que le bâtiment attenant (bâtiment oriental) devient une cave permettant du stockage. Le bâtiment méridional est transformé en chapelle au XIXe s. et le bâtiment occidental devient un lieu d’habitations. Plusieurs appartements y sont aménagés depuis le XVIIIe s.
Le mobilier issu de ces niveaux est extrêmement abondant. Il offre un reflet très vivant des populations qui ont occupé la cour et les bâtiments attenants.
L’occupation continue des lieux a favorisé la conservation des constructions remontant aux époques mérovingienne et carolingienne rendant ce site tout à fait exceptionnel. Une mise en valeur de la cour du Chapitre permettra d’expliquer au public ces fragments d’histoires révélés par l’archéologie.
Notes
- Il est impossible d’établir une date exacte pour la première rénovation de la structure incendiée. Pour des raisons historiques, l’installation avant 313 d’une résidence “épiscopale” sur le site doit être exclue. Cependant, le témoignage conjecturel du développement du cimetière de Saint-Pierre-l’Estrier, à l’est de la cité, semble confirmer l’existence d’une communauté chrétienne fortement organisée dès le premier tiers du IVe s. (Balcon-Berry & Berry 2016), ce qui pourrait conforter l’hypothèse d’une occupation chrétienne sur le site de Saint-Nazaire aux environs du milieu du IVe s. Notons que ceci n’exclut pas une restauration antérieure du bâtiment, endommagé durant la dernière partie du IIIe s. Si cela s’était déroulé au cours d’une phase intermédiaire, la structure restaurée serait plus tard passée dans les mains de l’Église par achat ou donation, selon un schéma pour lequel il existe tant de parallèles.
- Decouvoux, carnet 4, fol. 16 et 79, BSE ; “Notes de M. de Fontenay”, Notes manuscrites de Roidot-Déléage et Roidot-Erard, pochette Augustodunum, BSE, série K10 ; Bulliot, “Travaux manuscrits”, série K3, BSE.
- Amm. Marc., Res Gestae, XVI, 2, 1.
- Cette forme fait évidemment penser à un bras de transept, peut-être pour l’église Saint-Nazaire, mais faute d’investigations plus poussées, on ne peut en être assuré pour le moment.
- Ce phénomène a peut-être été précédé par le démantèlement de l’hypothétique mur de terrasse qui limitait le tiers oriental de la cour du préau, mais rien ne permet d’être assuré de sa présence effective avant ce nivellement.
- Sondage réalisé par E. Boissard-Stankov que nous remercions.
- Destruction opérée en 2004 par les Monuments historiques avec supervision par le Service municipal d’archéologie.
- La fouille de la cave méridionale, située à l’aplomb de la maison située au n° 7 place du Terreau, mais liée à présent au cellier, a été réalisée en 1985 par Alain Rebourg, alors archéologue municipal, assisté notamment de Bailey Young, Olivier Juffard et Benjamin Saint-Jean Vitus détachés de l’équipe travaillant sur le site de Saint-Nazaire. La fouille de la cave septentrionale a été menée en 1997, en plusieurs phases par Benjamin Saint-Jean-Vitus, Stéphane Venault, Sylvie Balcon et Walter Berry.
- Comme on l’a remarqué ci-dessus, il est aussi concevable qu’à la suite du Concile d’Aix-la-Chapelle, Modoin ait voulu reformer son clergé qui avait déjà choisi une certaine forme de la vie commune avant son arrivée vers 810, ce qui permettrait d’expliquer la divergence entre les données archéologiques et les informations historiques.
- Sondages réalisés en 1996, 1997 et 1998, avec vérification en 2005 avant comblement des vestiges. La chute d’un étais mal fixé, placé dans la salle qui surplombe la zone fouillée pour soutenir le plafond, a entraîné un léger affaissement d’une des poutres du niveau inférieur. La base d’un pilier défectueux portant cette poutre a été coffré, tandis qu’un étai a été mis en place au centre de la zone qui était en cours de fouille. Il a donc fallu contourner cet obstacle et éviter d’élargir le sondage, comme on l’avait prévu.
- Charles Bonnet qui a examiné cette maçonnerie pense qu’elle pourrait effectivement appartenir à une structure orientée nord-sud, peut-être le vestige d’un massif occidental du IXe s. ou même antérieur. Nous le remercions pour cette analyse.
- Il en sera de même lors de l’étude de la galerie méridionale qui inclut la partie la plus à l’ouest.
- On a même mis au jour les traces de pics laissées dans l’argile.
- Destruction non programmée et réalisée dans le cadre d’un premier aménagement du site.
- Secteur nord-ouest fouillé en 1986-1988 par Benjamin Saint-Jean Vitus, puis en 2000-2003. Dans les deux cas, la fouille s’est affranchi du cadre trop contraignant du carroyage afin de comprendre la relation directe avec le Mur 207 et celui situé plus au nord dans son prolongement (Mur 1264 mis au jour en 2000).
- On ne connaît pas la raison de ce changement d’axe.
- Un phénomène comparable a été observé pour ladite domus ecclesiae, notamment le mur occidental du portique qui comporte, côté cour, des trous de poteaux. Or, comme on l’a vu, ce mur était vraisemblablement en torchis ou en pisé.
- Merci à Charles Bonnet de nous avoir aiguillé dans la résolution de ce problème de plancher en bois.
- Il ne peut s’agir d’une banquette car ces éléments ne sont pas suffisamment bien maçonnés et ils ne s’élevaient pas au-dessus de l’assise de réglage constituant la base de l’élévation du Mur 1264. De plus, leur aspect diffère nettement de celui des banquettes clairement identifiées dans la galerie orientale. Toutefois, on ne peut totalement exclure l’hypothèse selon laquelle elles portaient une structure en bois éliminée aux XIIIe-XIVe s, au moment de l’enlèvement du second dallage dont on va parler.
- Société Éduenne, série K, p. 98.
- L’abbé Devoucoux le désigne en 1830 en tant que “cellier” ; Bibliothèque de la Société Éduenne, Album 12 (fig. 27).
- Merci à Emmanuelle Boissard-Stankov pour cette intervention.
- Voir plus bas l’analyse des tranchées de fondation.
- Le gros bloc de remploi de cette maçonnerie a visiblement été retaillé lors de la mise en place des fenêtres quadrangulaires à angles abattus.
- On ne peut totalement exclure l’hypothèse de la récupération d’une partie du mur antique désaxé par rapport à la construction carolingienne. Mais on ne peut imaginer la présence d’un mur antique perpendiculaire à celui orienté nord-sud, car la tranchée 1589 est bien limitée à l’est.
- D’après notre propre expérience sur le site, l’utilisation des banquettes de la galerie orientale ne devait être possible que par temps clément, sauf si les ouvertures donnant sur le préau étaient déjà dotées de vitrages. Un autre espace de réunion doit vraisemblablement être envisagé.
- Diplôme de Charles le Chauve du 5 juillet 843 (Éd. Tessier 1943, n° 25, 56-59).
- Alors que ces mêmes niveaux viennent buter contre la partie nord de la Banquette 1908 de la zone sud (US 2230), ce qui prouve bien l’antériorité de cette dernière.
- Rappelons que dans le bâtiment oriental, la stratigraphie a été très perturbée et que l’on ne peut donc s’appuyer sur les recherches entreprises dans cette zone pour dater les phases de reprises du mur occidental.
- Sapin et al. 1989 et Balcon & Berry 1999.
- Évidemment, si cet élément constitue une fondation, on ne peut exclure qu’il soit contemporain de l’US 2016, et qu’il puisse ainsi remonter au XIIe s. En étant aujourd’hui totalement isolé en raison des nombreuses perturbations postérieures, on ne peut avoir de certitude.
- Immédiatement aux sud du puits, dans un secteur très fortement perturbé, des traces d’une structure de plusieurs mètres ont pu avoir été associées à ce dernier.
- Sa partie haute a été construite ; elle est visible dans la cour de la Maîtrise.
- Travaux du printemps 2004, sous la direction de F. Didier, Architecte en chef des Monuments Historiques.
- Merci aux actuels propriétaires de l’ancienne cure, M. et Mme Lequime, de nous avoir permis d’effectuer ces relevés en avril 2003.
- À Arles, il existait dans le réfectoire des peintures représentant des saints sans doute disposés à proximité d’une Crucifixion.
- Avec des réserves car dans la zone étudiée notre vision du mur étudié est fortement tronquée par les Arcs 1746, 1747 et par la Maçonnerie 1773.
- Ces pierres de taille ont peut-être été mises en place au moment de la création de l’escalier (US 1772).
- L’étude minutieuse de cet espace a été menée en 2000 par Christof Schubert de l’Université de Berlin.
- Saint-Nazaire, comme Saint-Lazare et Saint-Jean-de-la-Grotte abritait de nombreuses sépultures mentionnées dans les textes et dont témoigne cet enfeu. Deux enfeus ont récemment été découverts à Saint-Lazare, derrière les boiseries du XVIIIe s. qui cachaient le mur oriental de la chapelle est du chœur.
- Sous la responsabilité de Bailey Young.
- Cérémonial de l’Église d’Autun, ms 223, BM Autun, fol. 13 : “Pro Guillelmo curato de stagno…Iacet sub cruce in medio cemetary s. Nazarii”.
- Le tiers sud de l’aile orientale du cellier a en fait été incorporé au bâtiment sud-ouest.
- Au XIe s. par l’ajout de pilastres, au XIIe s. avec l’adossement de contreforts, au XIVe s., lorsqu’une culée d’arc-boutant et de nouveaux contreforts sont venus renforcer ces derniers et finalement au XVe s., époque de la transformation de ces éléments du XIVe s. en piles destinées à recevoir tant les retombées des nouvelles voûtes que les arcs donnant sur le préau.
- Les cloisons ont été démontées dans les années 1980, mais leurs traces sont toujours visibles sur les murs d’enveloppe. Les subdivisions marquées au sol et les cheminées sont toujours en place.