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Chapitre 4.
Analyses et études du mobilier archéologique

par

avec la contribution de Maurice Picon †, Pascale Chardron-Picault †, Vincent Serneels, Marc Bompaire, Jean Rosen, Ghislaine Merlevède-Hémon, Bruce Velde, Amanda Brown, Hervé Richard, Stéphane Büttner, Emmanuelle Boissard, Georges Lambert, Amélie Béguin et Christian Camerlynck

L’artisanat antique sur le site de Saint-Nazaire

Le verre antique

Par Maurice Picon † et Pascale Chardron-Picault †

Dans les niveaux d’époque romaine qui ont été épargnés par les bouleversements ultérieurs et qui remontent au milieu du Ier s. de notre ère, les fouilles du cloître de Saint-Nazaire d’Autun ont révélé différentes activités artisanales comme la cémentation du cuivre pour la fabrication du laiton, ou la réduction du minerai de fer. Elles ont montré aussi des traces d’artisanat verrier identifiables par ces déchets de soufflage que sont les gouttes et fils de verre.

À Saint-Nazaire d’Autun ces traces sont ténues, bien moins importantes que celles qui ont été retrouvées en d’autres points de la cité, “la rue des Pierres” ou “le Lycée Militaire” (Rebourg 1989 ; Chardron-Picault & Picon 2002-2003). Mais leur intérêt réside dans la datation haute de certaines des couches où elles ont été découvertes, qui débutent au milieu du Ier s. et se terminent dans le IIe s. Aussi n’est-il pas exclu qu’on puisse avoir à faire à des déchets d’ateliers du Ier s., ateliers curieusement absents de la capitale éduenne où l’activité des verriers n’est pas attestée avant le milieu du IIe s., alors qu’en Gaule la première vague d’installation des verriers remonte au milieu du Ier s. Mais comment assigner une date à des gouttes et fils de verre, dans un milieu, comme celui de Saint-Nazaire d’Autun, où le réemploi des déchets artisanaux semble avoir été particulièrement développé ?

À cette question on ne pourrait apporter aucun élément de réponse, si le hasard des approvisionnements en blocs de verre brut des ateliers gallo-romains ne permettait de proposer quelques hypothèses. Mais il faut d’abord rappeler que jusqu’au VIIIe ou IXe s. les verriers installés en Gaule ne fabriquaient pas eux-mêmes leur verre, se contentant de transformer le verre brut importé du Proche-Orient et de recycler le verre brisé récupéré localement ou régionalement. Les ateliers qui fabriquaient le verre brut sont dits primaires ; ce sont à l’époque romaine, et jusqu’au VIIIe s. au moins, des ateliers proche-orientaux. Les ateliers qui transformaient le verre brut en vaisselle de verre, sont dits secondaires, ce qui est le cas semble-t-il de la quasi-totalité des ateliers du monde romain occidental.

Or il se trouve que l’approvisionnement en verre brut des ateliers secondaires de la Gaule romaine devait se modifier profondément à partir de la fin du Ier s. ou du début du IIe s., avec l’apparition d’une nouvelle catégorie de verre importé, dit du groupe 4, concurrençant le verre du groupe 3 qui était le seul dont les verriers disposaient jusqu’alors en Gaule, et cela depuis le milieu du Ier s. (Foy et al. 2000 ; Picon & Vichy 2003). Ces deux catégories de verre se distinguent notamment par l’utilisation, comme décolorant, de l’oxyde de manganèse pour le groupe 3, et de l’oxyde d’antimoine pour le groupe 4. Ce qui rend aisée leur identification en laboratoire, comme celle de leurs mélanges éventuels.

L’analyse des déchets de soufflage provenant des niveaux anciens de la fouille de Saint-Nazaire d’Autun reflète bien cette transformation des approvisionnements, malgré la faiblesse relative de l’échantillonnage. Sur les sept analyses effectuées sur ce matériel, trois correspondent à des verres du groupe 3, trois autres à des mélanges, en proportions sensiblement égales, de verres des groupes 3 et 4, et une seule à un verre du groupe 4.

Si l’on compare ces analyses à celles des déchets des ateliers de “la rue des Pierres” et du “Lycée Militaire”, qu’on pense être postérieurs au milieu du IIe s., on constate la disparition des verres du groupe 3 et une forte augmentation des verres du groupe 4. Ce qui est conforme à l’ancienneté supposée d’une partie au moins des déchets de soufflage de Saint-Nazaire. Il ne faut toutefois pas dissimuler que nous ignorons encore les modalités de pénétration en Gaule des verres du groupe 4, et notamment s’il y eut substitution temporaire ou concurrence permanente entre les importations des deux groupes de verre brut, la première hypothèse semblant actuellement la plus vraisemblable pour le début du IIe s. Quoi qu’il en soit, l’existence à Autun d’un atelier de verrier, au Ier s. de notre ère, paraît, au vu de ces résultats, hautement probable, dans la mesure où l’on peut admettre que le commerce du verre soufflé et la récupération du verre brisé furent à cette époque des activités assez proches des zones d’ateliers, malgré de notables et ponctuelles exceptions. En tout cas les observations faites à Saint-Nazaire d’Autun sont une invitation à poursuivre les recherches sur le verre ouvré du Ier s. à Autun, celui-ci devant donc être en majorité d’origine locale.

Le laiton dans l’Antiquité

Par Maurice Picon † et Pascale Chardron-Picault †

Les fouilles effectuées à l’emplacement du cloître de Saint-Nazaire d’Autun et sur quelques parcelles attenantes, ont livré des milliers de fragments de céramiques aux caractéristiques particulières. Il s’agit de tessons de 1 à 3 cm d’épaisseur (et plus pour les fonds), qui sont très fragmentés, ayant généralement moins d’une dizaine de centimètres dans leur plus grande dimension et souvent 4 ou 5, voire moins. Leur pâte comporte un dégraissant quartzeux abondant ; elle surprend par la fréquence de teintes bleues, inhabituelles. D’autant que ces teintes se développent de façon curieuse dans l’épaisseur du tesson, étant le plus souvent très marquées au voisinage de la paroi interne, et s’éclaircissant progressivement vers l’extérieur où elles peuvent être remplacées par des teintes claires, blanchâtres ou jaunâtres. La paroi externe est souvent recouverte d’un lut argileux qui est encore plus riche en dégraissants minéraux que la pâte, et peut comporter aussi un dégraissant organique.

Ces couleurs bleues des pâtes sont caractéristiques des argiles kaolinitiques réfractaires cuites à température élevée et en milieu réducteur. Comme l’indique l’évolution des couleurs dans l’épaisseur de la paroi, c’est à l’intérieur de la céramique qu’existait un milieu continûment réducteur, alors qu’à l’extérieur l’atmosphère demeurait oxydante, au moins temporairement et lors du refroidissement. Ce milieu intérieur fortement réducteur était produit intentionnellement, ne pouvant en aucune façon résulter de la simple conduite du feu lors de l’utilisation de la céramique ; il traduit une opération de réduction, par le carbone et/ou l’oxyde de carbone, d’un minerai de zinc, comme le montrent les pourcentages en ce métal, souvent très élevés, dans la paroi des tessons (localement jusqu’à 25 % l’oxyde de zinc, voire plus), qui diminuent régulièrement (sauf accident) lorsqu’on se déplace de l’intérieur vers l’extérieur de la céramique, à travers la paroi (Desbat et al. 2000, fig. 2).

La réduction d’un minerai de zinc à l’intérieur des céramiques précédentes se rattache à un procédé bien connu de fabrication – dit par cémentation – du laiton (alliage de cuivre et de zinc de couleur jaune d’or, très prisé). Les céramiques concernées sont donc des creusets de cémentation. On rappelle à ce propos que, si l’on fabrique en Europe depuis le début du XIXe s., voire la fin du XVIIe s., le laiton par fusion directe du cuivre et du zinc, ce n’était pas le cas antérieurement, car le zinc métallique y était inconnu (sauf en très petites quantités, et par accident). C’est donc le procédé de cémentation qui était seul utilisé jusqu’alors. Il consistait à chauffer dans un creuset un mélange de cuivre en lames ou en grenailles, de minerai de zinc et de charbon de bois. Autour de 1 000 °C le minerai est réduit et le zinc (Eb. 907 °C) se dégage sous forme de vapeur dont une partie se fixe sur le cuivre pour donner du laiton, une autre partie se fixant comme on l’a vu dans la paroi du creuset et une autre pouvant se perdre dans l’atmosphère où elle s’enflamme aussitôt en donnant des fumées d’oxyde de zinc (qui se répandent dans l’air en polluant alentour) (Picon et al. 1995, 215).

Une donnée importante qu’apportent les découvertes du cloître de Saint-Nazaire d’Autun, sur cette fabrication du laiton, concerne sa datation. Si de nombreux fragments de creusets se retrouvent, probablement sous forme résiduelle, jusque dans les niveaux médiévaux, la fouille a mis en évidence quelques ensembles, épargnés par les bouleversements ultérieurs, qui permettent de situer les débuts de cet artisanat vers le milieu du premier siècle de notre ère, datation qui concorde bien avec celle des découvertes lyonnaises (Picon et al. 1995, 210-211). En revanche l’arrêt de la production d’alliage qui cesserait à Lyon-Valmy au cours du second siècle, est plus problématique encore à Saint-Nazaire d’Autun, compte tenu de l’ampleur des reprises qui ont affecté le site.

Les formes des creusets sont difficiles à reconnaître à Saint-Nazaire par suite de leur très grande fragmentation, celle-ci étant d’ailleurs surprenante étant donné l’épaisseur et de la dureté des parois. D’autant qu’elle n’a été constatée que sur ce site, les autres découvertes autunoises de creusets de ce type, notamment celle de “la rue Bouteiller” à quelques centaines de mètres de là, ne présentent pas ce caractère (Chardron-Picault & Picon 1997-1998). Faut-il supposer alors un concassage destiné par exemple à préparer des recharges de sols, car cette fragmentation affecte aussi d’autres matériaux comme les scories de bas fourneaux ? Mais, malgré ce concassage énigmatique, on a quelque idée de la forme de ces creusets, car ce sont apparemment les mêmes que ceux de “la rue Bouteiller”, et que ceux de Lyon dont la similitude avec ceux d’Autun laisserait supposer une certaine standardisation de la production du laiton à cette époque (à moins qu’il ne s’agisse d’influences intrarégionales).

En tout cas ce sont de très grands creusets pouvant atteindre 50 à 55 cm de haut, avec un fond plat de 5 à 10 cm de diamètre, une ouverture de 15 à 25 cm, et un diamètre maximal de la panse autour de 30 à 40 cm, situé aux 2/3 de la hauteur. L’ensemble évoque une amphorette à large embouchure et à bord plus ou moins rentrant. La capacité de ces creusets peut dépasser 30 à 35 litres. Leur taille rend impossible de les utiliser à plus de 1 000 °C, sans une structure de confinement de la chaleur, une sorte de four dont on n’a pas identifié de vestiges assurés, à Lyon comme à Autun. Sans doute ceux-ci ne se trouvent-ils pas dans la zone fouillée à Saint-Nazaire d’Autun où l’on aurait plutôt affaire à du matériel de réemploi, comme semblent l’indiquer la fragmentation volontaire des rebuts artisanaux et le mélange des creusets de cémentation et de scories de bas fourneaux, avec lesquels figurent encore, mais en moindre proportion, des déchets de forge et de verrerie.

C’est également à ce caractère de dépôt secondaire des creusets de la fouille de Saint-Nazaire d’Autun que l’on doit de n’avoir retiré de leur étude que peu de renseignements nouveaux sur les opérations de fabrication du laiton, malgré la méticulosité de la fouille. Rien par exemple sur les minerais de zinc et l’éventualité de leur traitement préalable, rien sur la mise en forme du cuivre, rien sur la façon dont se présente le résultat de la cémentation, rien sur les fours… De ce point de vue les expérimentations en cours semblent capables actuellement de nous proposer des voies de réflexions nouvelles, en attendant la fouille indispensable des sites de cémentation demeurés en place (Doridot et al. 2006).

L’intérêt porté au laiton de l’époque romaine est justifié, car il s’agit là d’un alliage extrêmement apprécié et très largement, voire exclusivement employé par toute une quincaillerie d’objets utilitaires et/ou décoratifs, sans compter le monnayage (sesterces et dupondii notamment), et en certains cas la petite statuaire. Sa couleur or, jointe à sa facilité de travail (coulage, moulage, ébarbage, polissage, etc…), fut sûrement pour beaucoup dans cet engouement. On notera enfin que les pourcentages de zinc des laitons de l’époque romaine, généralement compris entre 15 et 25, sont notablement inférieurs à ceux des laitons modernes qui sont fréquemment proches de 50, mais sont obtenus par d’autres voies (la fusion directe).

Cependant, plus que les aspects techniques de la fabrication du laiton, c’est la géographie de la production de l’alliage cuivre-zinc que l’on souhaiterait connaître, celle de son utilisation artisanale étant d’une certaine façon relativement bien connue, dans la mesure où la fabrication d’objets en laiton avait lieu semble-t-il dans la quasi-totalité des officines métallurgiques de la Gaule qui travaillaient le cuivre et ses alliages, à partir du début de notre ère, ou un peu avant. En revanche les centres de production de l’alliage cuivre-zinc sont rares et/ou mal identifiés, puisqu’on n’en connaît jusqu’ici que trois en Gaule : Lyon, Autun et Alésia, encore ce dernier est-il extrêmement peu documenté. Et qu’on n’en connaît par exemple aucun en Italie, ce qui est fort surprenant. Aussi les découvertes de Saint-Nazaire d’Autun sont-elles précieuses car elles complètent les autres découvertes faites dans la ville et suggèrent qu’Autun fut probablement un des centres importants de production de l’alliage en Gaule.

Cette rareté des centres de production de l’alliage, même si elle est aggravée par la méconnaissance et le manque d’intérêt, semble réelle et soulève des questions particulièrement importantes sur le commerce et l’artisanat dans l’Antiquité. Car les travaux récents paraissent s’orienter vers l’existence, à l’époque romaine, d’un commerce de laiton brut, en lingots ou en barres, dont on commence à retrouver des traces dans les ateliers où s’élaboraient les innombrables petits objets en laiton alors si prisés (Doridot et al. 2006). Ainsi ce serait une structure artisanale à deux niveaux, la fabrication de l’alliage et la production des objets, analogue à celle que les textes médiévaux et particulièrement islamiques nous décrivent, qui existerait donc pour le laiton dès l’époque romaine (Lombard 1974). L’étude de cette structure artisanale particulière justifie à elle seule l’intérêt porté à l’alliage, et la place accordée aux découvertes de Saint-Nazaire d’Autun.

Le fer dans l’Antiquité

Par Vincent Serneels

La fouille des niveaux romains du cloître de la cathédrale Saint-Nazaire à Autun a livré divers débris artisanaux, en particulier des éléments liés à la production du laiton par cémentation et à la production d’objets en verre soufflé. De petits fragments de scorie grise dense, attribuables à la métallurgie du fer, ont également été découverts (fig. 156). Un prélèvement d’environ 2 kg a fait l’objet d’un examen macroscopique et des analyses chimiques ont été réalisées sur trois pièces.

Quelques petits fragments de scorie grise dense écoulée provenant des niveaux romains du cloître Saint-Nazaire à Autun et pouvant être attribuée à des opérations de réduction du minerai de fer. © V. Serneels.
Fig. 156. Quelques petits fragments de scorie grise dense écoulée provenant des niveaux romains du cloître Saint-Nazaire à Autun et pouvant être attribuée à des opérations de réduction du minerai de fer. © V. Serneels.

Le matériau est très homogène, de couleur gris sombre avec des reflets métalliques. L’aspect est celui des scories à base de fayalite (silicate de fer Fe2SiO4). Il n’y a pas de réaction à l’aimant ce qui indique l’absence de fer à l’état métallique. La teinte sombre indique la présence probable d’oxyde de fer libre sous forme de wüstite (FeO). Les analyses chimiques (tabl. IV) sont très homogènes et montrent des teneurs élevées en oxyde de fer (55 à 60 %) et en silice (24 à 26 %) qui confirment la composition fayalitique du matériau. La proportion d’alumine (8 à 9 %) n’est pas négligeable.

Analyses chimiques élémentaires de trois échantillons de scorie grise dense coulée provenant des niveaux romains du cloître Saint-Nazaire à Autun. Les analyses chimiques ont été réalisées par spectrométrie des rayons X de fluorescence (programme Uniquant5) au Département de Géosciences de l’université de Fribourg. © V. Serneels.  
 Tabl. IV. Analyses chimiques élémentaires de trois échantillons de scorie grise dense coulée provenant des niveaux romains du cloître Saint-Nazaire à Autun. Les analyses chimiques ont été réalisées par spectrométrie des rayons X de fluorescence (programme Uniquant5) au Département de Géosciences de l’université de Fribourg. © V. Serneels.

Le matériau est dense et compact. La porosité est faible. On n’observe peu de petites bulles inframillimétriques et assez souvent de grandes bulles centimétriques. Cela indique un matériau ayant atteint une bonne fluidité dont les gaz ont pu s’échapper facilement. La composition chimique permet d’envisager la fusion de ce mélange aux alentours de 1150 °C, ce qui est proche du point de fusion minimum du système FeO-SiO2-Al2O3. Ces températures sont facilement atteintes avec les techniques de l’Antiquité.

Les formes témoignent d’un écoulement horizontal du matériel. La surface inférieure est irrégulière avec un faible relief qui montre l’écoulement sur une surface de sol nu. On observe la présence assez rare de grains de sable collés sur cette surface et, plus fréquemment des empreintes de charbon de bois millimétriques. Les surfaces supérieures sont lisses et régulières, avec parfois des reflets rougeâtres. Elles témoignent d’un refroidissement au contact de l’air parfois avec une légère oxydation (formation d’hématite). On reconnaît des formes d’écoulement en cordons étroits (1 cm) ou plus large (> 3 cm). Compte tenu de la petite taille des fragments on ne peut pas exclure la présence de plaque de plus grandes dimensions.

Tous ces caractères morphologiques et chimiques rappellent fortement les scories de réduction écoulées à l’extérieur du fourneau, telles qu’on les rencontre en masse sur les ateliers de production primaire du fer à l’époque romaine.

On peut remarquer une chose curieuse : l’épaisseur des écoulements semble toujours très faible (1 à 2 cm). Cela dit, ce paramètre n’est pas toujours observable dans des conditions fiables en raison de l’état de fragmentation. Cependant, la proportion des fragments sur lesquels on peut observer les deux surfaces (inférieure et supérieure) n’est pas négligeable (plus de la moitié) et l’observation est donc tout de même assez fiable. Ce caractère n’est pas habituel pour des scories de réduction d’époque romaine où les pièces épaisses ne sont pas rares.

L’état de fragmentation est également frappant et inhabituel. Les pièces ne dépassent jamais 5 cm de côté et en général l’arête la plus longue est de l’ordre de 1 cm. Le poids des pièces s’échelonne entre 1 et 50 g. Plus de la moitié pèsent moins de 10 g. Par rapport à ce que l’on observe dans des amas de scories sur les sites de réduction, c’est extrêmement petit. On peut donc penser que ce matériel a subi un concassage particulièrement efficace. On peut imaginer que cela puisse se produire naturellement par le remaniement et le transport, mais il ne faut pas exclure que ce soit le résultat d’un concassage délibéré.

Ces déchets sont très probablement le résidu de la réduction d’un minerai de fer par la méthode directe (Mangin 2004). On n’observe aucun fragment pouvant faire penser à des scories résultant du travail du fer à la forge (forme en calotte caractéristique). L’état de fragmentation pourrait indiquer un transport ou même un concassage volontaire du matériel.

La présence de ces déchets sur le site peut s’expliquer par la présence à proximité d’un atelier pratiquant la réduction du minerai de fer. On ne peut cependant pas exclure le transport de ces débris sur une distance plus importante, par exemple s’ils ont été récupérés pour être recyclés comme matériau de remblais. Dans ce cas, l’atelier de production primaire pourrait se trouver à plusieurs kilomètres de distance.

Il faut aussi rappeler que, de manière générale, à l’époque romaine, les opérations de réduction du minerai de fer sont pratiquées dans des ateliers spécialisés localisés le plus souvent à proximité d’une zone d’extraction minière. Ces ateliers consomment également une forte quantité de charbon de bois et, pour minimiser les transports, il est logique qu’ils soient installés dans des zones couvertes de forêt. Les exemples de découvertes de scories de réduction du minerai sont donc rares dans les agglomérations alors que les déchets provenant du travail du fer à la forge sont, elles, très nombreuses. À Autun, lors de la fouille du quartier artisanal du Lycée Militaire, plusieurs forges ont été mises en évidence et de nombreuses scories de forge ont été retrouvées (Serneels 1999). Aucune trace attribuable à la réduction du minerai n’a pu être identifiée sur ce site. Cependant, sur un autre chantier de fouilles en ville d’Autun, au Faubourg d’Arroux, de nombreux petits fragments de scorie coulée ont été retrouvés dans le comblement de plusieurs grandes fosses, en association avec du mobilier d’habitat et d’autres débris artisanaux. Par contre, aucune structure de travail n’a par contre pu être observée.

Au Faubourg d’Arroux, comme à Saint-Nazaire, les déchets peuvent être attribués à l’opération de réduction. Dans les deux cas, la fragmentation est élevée et les structures de production manquent ainsi que les débris associés (éléments de parois de fourneau, minerai incomplètement réduit). Il est donc difficile d’exclure la possibilité d’une pratique de la réduction en milieu urbain, mais il est aussi très difficile de prouver que ces débris ont été volontairement transportés.

La céramique : analyse des ensembles de datation

Par Walter Berry †

En raison de la méthode de fouille utilisée, la totalité de la céramique comprise entre le Ier s. et le milieu du XXe s. a été récoltée, inventoriée et conservée, offrant de la sorte l’opportunité exceptionnelle d’une étude de l’évolution de ce mobilier sur le long terme. Cette synthèse met l’accent sur ce matériel jusqu’à la première partie du Moyen Âge central (États 1-10). Elle permet ainsi d’étayer les datations proposées pour ces États. Alors que dans un premier temps les importations apparaissent comme un aspect important des assemblages des phases successives d’occupation – et il en sera ainsi jusqu’à la période Moderne – il est apparu également de façon significative qu’après la fin de l’Antiquité, l’industrie locale de céramique s’est poursuivie, alimentant le site tout au long du Haut Moyen Âge et de façon plus intensive à partir du XIIe s. Les nombreuses trouvailles numismatiques donnent une base solide pour la datation de la céramique médiévale relevant du XIe s. et après et fournissent des données en ce qui concerne les échanges économiques au niveau régional.

La céramique antique et médiévale : caractéristiques générales et méthodologie

Au cours des vingt saisons de fouille entreprises dans la cour du Chapitre et les bâtiments alentours entre 1983 et 2004, une très grande quantité de céramiques a été recueillie. Compte tenu de la masse de céramiques issues de la première saison, en 1984, ainsi que de leur fragmentation souvent prononcée, il été décidé l’année suivante d’isoler les fragments “diagnostiques” pour étude (bords, fonds, éléments de préhension et panses décorées), tandis que les fragments “non-diagnostiques” devaient être entreposés pour une recherche ultérieure. C’est aussi en 1985 qu’un système de classification a été établi, avec l’aide de Jean Rosen pour la période postmédiévale, classification fondée sur les caractéristiques des pâtes, le traitement des surfaces et le décor. Le but était d’identifier et de compter les fragments non diagnostiques à des fins statistiques au moment de la réalisation d’inventaires. Mais en 1986, lors du doublage de la surface fouillée en aire ouverte, la quantité des trouvailles a rendu peu pratique l’utilisation du système de classification – qui, à cette époque, atteignait près de 700 céramiques types et sous-types – avec en corollaire le fait que, jusqu’en 1992, la céramique non-diagnostique n’était pas enregistrée typologiquement1. Toutefois, en 1996, lors de la reprise de la fouille sur une échelle plus réduite, un système d’enregistrement informatisé a été introduit, ce qui a rendu possible l’archivage de la totalité de la céramique par groupe chronologique.

La description du mobilier céramique est organisée par États en fonction de groupes techniques. De l’Antiquité au Moyen Âge central, il s’agit de céramique fine (divisée en plusieurs catégories), puis de céramique commune, soit claire (cuisson réductrice et post-cuisson oxydante) soit sombre (cuisson et post-cuisson réductrices). D’autres catégories, telles que les amphores ou les creusets, sont énumérées lorsqu’elles sont présentes. Après le XIIe s., les groupes deviennent de plus en plus variés, en raison tout d’abord de l’introduction de céramiques glaçurées, suivies plus tard par l’apparition progressive d’autres groupes techniques, tels que le grès, la faïence ou encore la porcelaine. Lorsque cela s’avérait nécessaire, les descriptions des assemblages sont accompagnées de tableaux synthétiques présentant par groupe technique un comptage de la quantité totale des tessons trouvés comparée au nombre des vaisseaux individuels présents (Nombre Minimum d’Individus, donc “NMI” ; Arcelin & Tuffreau-Libre 1998), ou simplement par NMI.

L’identification des types techniques repose sur trois critères interdépendants. Le premier concerne la couleur de la pâte et des surfaces afin d’établir le “mode de cuisson” (Picon 1973) qui est pour la plupart soit de mode A, en cuisson réductrice et post-cuisson oxydante (céramique claire) soit de mode B, avec cuisson et post-cuisson réductrices (céramique sombre ou grise). Puis intervient le caractère de la pâte : sa dureté et son type de fracture ; la taille, la concentration et la nature des dégraissants présents. Cet examen des constituants de la matrice a été effectué à l’œil nu ou à la loupe ; une analyse physico-chimique supplémentaire n’a été effectuée que pour une poignée des tessons2. Le troisième niveau d’observation implique la texture des surfaces ainsi que leur traitement intentionnel : engobage ou peinture ; décor moulé, appliqué, digité, incisé ou fait à la molette. Par la suite, la classification morphologique a permis la catégorisation des types de vaisseaux et leur datation fondée sur des comparaisons avec des céramiques et des typologies publiées pour la même période dans la région. Toutefois, on doit signaler que le degré de fragmentation est assez élevé et le nombre des formes complètes restituées relativement rare, alors que l’analyse repose presque entièrement sur des tessons “diagnostiques”, à savoir, dans la plupart des cas, les lèvres et les fonds. La détermination de l’évolution de la production locale entre l’époque mérovingienne et le XIIe s. repose largement sur les données fournies par les céramiques provenant du site en lui-même, dont la compréhension a été facilitée par les fouilles réalisées sous et à l’ouest du chevet de Saint-Lazare en 1991 (Berry et al. 1991 ; Berry 1992) et, en 2006, dans l’emprise du groupe épiscopal (Balcon 2006).

Il importe de revenir sur les bases théoriques relatives à la stratégie de recueillement du mobilier lors de la fouille de Saint-Nazaire. Rappelons que la première grande opération a débuté en 1984, vers la fin de l’ère de “l’archéologie processuelle”, mettant l’accent sur l’analyse quantitative (Clarke 1968 ; Watson et al. 1971). En raison de la possibilité d’une fouille “complète” du site bénéficiant d’un nombre important de bénévoles au fil de plusieurs saisons, il a été jugé avantageux de tenter de collecter un maximum de données pour toutes les périodes (“récupération totale”), en commençant par la première moitié du XXe s., avec l’intention de faire de Saint-Nazaire un “site type” pour la Bourgogne du sud. À cette fin, la fouille en aire ouverte par niveaux naturels et l’enregistrement des découvertes en trois dimensions ont été associés à l’emploi de tamis à 5 mm de maillage. La méthode d’enregistrement à l’aide de plans du jour et de fiches de “contexte” (US) de même que l’inventaire systématique des découvertes destinées au stockage au Musée Rolin reposaient sur l’expérience acquise antérieurement, dans les années 1970, par l’équipe constituée à Saint-Pierre-l’Estrier (Sapin 1982) et au Mont Dardon (Green et al. 1987).

Mobilier céramique et phasage stratigraphique

La majeure partie de la céramique (environ 75 %) appartient au XVIe s. ou après. Ce matériel récent provient des couches successives de remblais apportés et des niveaux d’occupation correspondant à des altérations répétées du site après la suppression du cloître et sa transformation en une cour ouverte, selon un processus qui s’est poursuivi jusqu’au début du XXe s. quand une ultime couche de remblai apporté a été utilisée pour créer une cour de récréation à surface plane appuyée à l’est contre un mur de soutènement (Mur 8). En effet, une succession d’opérations de nivellement ont modifié le site à plusieurs reprises, en commençant par le terrassement du début du Ier s. L’installation de la domus ecclesiae au IVe s. a provoqué la perte partielle des couches d’occupation à l’est tandis que la création du cloître au IXe s. a conduit à des pertes encore plus considérables, en particulier dans la moitié ouest du site. Plus tard, l’angle nord-est du cloître a été détruit par la reconstruction du chœur de la cathédrale gothique et l’espace situé tout autour a été perturbé par la présence du chantier jusqu’aux XIVe et XVe s. Parallèlement, la restructuration contemporaine du bâtiment est a entraîné d’importantes pertes. Malgré ces événements, la décision au XVIe s. de remplacer le cloître par une cour en pente en ajoutant de la terre apportée a eu pour effet la fossilisation partielle du préau et des sols des galeries. Pour cette raison, l’assemblage de la céramique se divise en trois groupes principaux : le matériel antérieur au cloître, celui qui appartient à la période d’utilisation de ce dernier (IXe-XVIe s.) et celui postérieur au XVIe s., correspondant à l’après cloître. La céramique des deux premières parties reflète la vie sur le site, alors qu’à partir de la troisième période, des céramiques provenant d’autres sites alternent avec du matériel lié aux phases successives d’occupation de la cour.

Le préau (IXe-XVIe s.)

Alors que pour les phases postérieures au XVIe s. la distinction entre les couches successives de remblais apportés et les niveaux d’occupation qui se sont développé successivement par-dessus peut être déterminée de manière claire, le processus de formation du site à l’emplacement du préau pendant les huit siècles de son utilisation présente des problèmes d’interprétation particuliers. En 1986, lorsque les dernières couches associées à l’occupation du cloître (tabl. I) ainsi qu’à son abandon (US 1111-3) ont été fouillées par niveaux naturels, elles scellaient une surface (US 509) couvrant l’ensemble du centre du préau et qui était associée à l’utilisation du puits (US 473). Étant donné que la couche située immédiatement en dessous (US 527) montrait un caractère homogène assimilable aux fameuses “terres noires”, il a été décidé de poursuivre la fouille en procédant par niveaux horizontaux artificiels de 5 cm (US 5751-3/3591-2/5871-3) d’épaisseur, jusqu’à l’identification d’une surface antérieure (US 5754/3593/5874) qui s’est avérée reposer elle-aussi sur une couche homogène. À partir de là, la technique de fouille par niveaux artificiels a été appliquée au reste de la partie centrale de la cour (secteurs 800-850/30-35) ainsi qu’à l’est (US 3511-5 et 3591-5 en 750-800/25), le mobilier diagnostique étant enregistré en trois dimensions.

En poursuivant cette approche jusqu’en 1992, une succession de surfaces, souvent discontinues et de nature variée, a été mise en lumière. Certaines de celles-ci correspondaient à des niveaux d’occupation maintenus sur une longue période, comme ceux qui entouraient le puits 702 (US 5871-4 et autres plus à l’est)3, ce dont témoignent les surfaces jonchées de céramiques cassées intentionnellement et les ragréages de surfaces usées avec de nouveaux tessons4, facteur ayant éventuellement conditionné le caractère de l’échantillon et qui a été pris en considération lors du traitement des assemblages. Mais la plupart de ces surfaces semblent avoir été beaucoup plus éphémères et matérialisées uniquement par de fines couches superposées de limon ; très peu ont été conservées en raison de circonstances particulières.

Entre le Xe et le XVe s., on sait que les sols des galeries du cloître, qui semblent avoir été maintenus intentionnellement à un niveau plus élevé que le préau, ont augmenté de façon progressive de près de 0,70 m (tabl. II), ce qui a permis au niveau du préau de croître dans de mêmes proportions. Cependant, pendant de longues périodes, le dénivelé du préau a dû être maintenu par rapport aux sols des galeries, malgré l’accumulation biologique naturelle de la végétation, amplifiée peut-être par la mise en culture, comme en témoigne l’analyse pollinique. Il semble très probable que ce dénivelé ait été conservé grâce à des décaissements épisodiques, visiblement accompagnés par la redistribution de la terre, comme le suggère le pourcentage élevé de céramiques résiduelles.

Les “terres noires”

 Lorsque plusieurs tombes en pleine terre (Sép. 8-13) ont été découvertes en 1988 de part d’autre d’une fondation plus récente (US 712), on a constaté que les tranchées de cette dernière avaient été creusées dans une profonde couche de “terres noires” (tabl. I). La fouille de ces niveaux est devenue un des objectifs majeurs de l’opération des saisons 1989-1992. On avait ainsi l’espoir de mieux comprendre l’histoire du site durant la première partie du Haut Moyen Âge, mais également de tenter de comprendre les processus de formation de ces niveaux qui, à l’époque, constituaient un sujet de controverse (Cammas et al. 1995). Éventuellement, ces niveaux sédimentaires ont été étudiés dans leur intégralité dans les limites de la fouille et sur une superficie de 27 m2. La méthode était la même que dans le préau, avec le recours à des niveaux arbitraires horizontaux de 5 cm, mais ici dans le cadre des carrés de 1 m2 du carroyage pour assurer un contrôle accru de la fouille.

L’étude a montré que le dépôt sédimentaire s’était développé dans une grande dépression ovale de 0,60 m de profondeur creusée dans l’argile naturelle. Au centre et surtout le long du bord occidental, l’argile a été fortement rubéfiée par la chaleur. La partie inférieure était comprise dans un remblai riche en charbon de bois et de pierres brûlées, certaines de leurs surfaces étant vitrifiées. Ces observations plaident pour l’existence d’un four, apparemment circulaire et assez grand, dont la plupart de la structure avait été récupérée. Cet élément doit probablement être lié à la zone artisanale installée à l’est du site dans les premiers siècles du Haut-Empire. C’est au-dessus du remblai de démolition tapissant le fond de la dépression que les couches organiques se sont développées. La date de démantèlement du four reste incertaine, mais la céramique montre que la formation de ces couches très organiques était en cours au IVe s.5. Des différences de texture et de variations en couleur constatées suggèrent que la dépression (ou plutôt le tassement d’un premier remplissage ?) a été remplie assez rapidement et que par la suite le développement des sédiments s’est poursuivi et amplifié en superficie jusqu’au VIIIe s. ou la première partie du IXe, mais à présent en corrélation avec l’exhaussement général du niveau du terrain situé tout autour6. On ne connaît pas le niveau atteint par cette accumulation sédimentaire, en raison de la perturbation de sa partie supérieure au moment de l’établissement du préau, mais d’après la profondeur des sépultures qui y ont pris place, cela devait se situer considérablement plus haut. Il faut par ailleurs noter que la partie supérieure des “terres noires” a été passablement perturbée par des décaissements postérieurs, par exemple par la construction des fondations (US 712 et 731) liées à l’activité du chantier de construction de la cathédrale gothique au nord-est.

Les céramiques antiques

Pour l’Antiquité, les premiers trois siècles de notre ère sont les mieux représentés, avec un large échantillon de céramiques fines et communes souvent rencontrées sur les sites de l’ancienne cité d’Autun, dont notre connaissance s’est considérablement accrue grâce à la recherche archéologique menée ses dernières décennies (Simon 2005). Plus de la moitié de ce matériel a été trouvé en dépôt secondaire dans des contextes médiévaux du préau du cloître, mais étant donné que la plupart peut être considéré comme provenant probablement du site, il permet élargir notre compréhension de l’occupation gallo-romaine. La céramique de l’Antiquité tardive est bien moins représentée, mais ne manque pas d’intérêt.

Haut-Empire

Les céramiques du Haut-Empire trouvées in situ étaient limitées à deux espaces. Le premier est un dépôt de la première moitié du Ier s. recueilli dans une fosse (US 757) située dans le centre-ouest du préau. Le second consiste en un large ensemble de la seconde moitié du IIe s. et du IIIe s. trouvé sous l’emplacement de la galerie est et le bâtiment oriental dans des contextes postérieurs à l’activité métallurgique observée dans ce secteur.

Le Ier s. (État 1)

Mis au jour en 1988 dans le centre ouest du préau, juste à l’ouest du Mur 712 à 754-5/35 A-B, la fosse (US 757) a échappé à la destruction provoquée par l’aménagement du cloître au IXe s. en raison de sa profondeur. La nature de cette fosse, qui pourrait correspondre à une fosse d’extraction d’argile, est compliquée par la découverte d’un petit silo (US 755) installé en son sein au nord, silo toujours scellé par le fond d’une cruche servant de couvercle et remplie de matériel organique. La fouille a montré que le remplissage a été déposé en deux temps : l’US 751 initialement, puis l’US 750, peut-être après le tassement de la partie méridionale du premier. Immédiatement au-dessus de ces dernières, l’US 5757 marque l’occupation du cloître associée à l’utilisation du puits (US 702 ; État 11), ce qui s’explique par un décaissement. Cette couche contenait une quantité de céramiques du Ier s., et de nombreux raccords entre les fragments montrent que ceux-ci proviennent en partie de la fosse. Des tessons comparables provenant d’un contexte voisin (US 5756) s’accordent également avec les vaisseaux trouvés dans la fosse ; c’est un bon exemple du caractère mobile du matériel dans le préau.

Ce dépôt est le lot le plus ancien du site, représenté par un total de soixante-dix-neuf individus (tabl. V), dont quarante-neuf datent du règne de Tibère. Dans ce groupe étudié par Jonathan Simon (Simon 2005, 1.68, 2 .4 et pl. 10-11), la céramique fine inclut une coupelle Drag 24/25 en sigillée de Gaule du sud, et un nombre d’assiettes en terra nigra (Joly & Barral 1992, types 40 et 53). On note aussi la présence d’une assiette enfumée et lissée dans la tradition laténienne et des panses de “type Beauvry” décorés à chevrons estampées. Parmi la commune claire, il existe des cruches à une anse en pâte orange, à lèvre en corniche ou à double inflexion, sans engobe ou à engobe brun-rouge. Il existe aussi des pots ovoïdes de tailles variées en pâte beige semi-grossière caractérisés par des lèvres triangulaires moulurées et le noircissement des parois extérieures, auxquels s’ajoute un grand dolium de pâte beige plus grossière, à surfaces également noircies. La céramique commune sombre est plus nombreuse. Un tiers est constituée par des pots ovoïdes de couleur gris foncé à gris-bleu, de fabrication soignée, avec lèvres évasées et cols côtelés, plusieurs éléments étant égayés par un engobe de mica argenté. Les autres formes en commune sombre incluent les cruches, les pots ovoïdes à lèvre triangulaire, les marmites à lèvre en bourrelet ou en poulie et les jattes à lèvre triangulaire.

Céramique provenant de la Fosse 757 et des US connexes. © W. Berry.  
 Tabl. V. Céramique provenant de la Fosse 757 et des US connexes.
© W. Berry.

Dans le second groupe de la fosse (US 757), la céramique commune, sans doute en partie résiduelle, rappelle celle trouvée dans le premier ensemble, avec l’addition d’une marmite trépied à pieds cannelés et de grands pots de stockage, le tout en commune sombre. Les céramiques fines incluent de la terra nigra avec un vase à bobine et un calice (Joly & Barral 1992, types 78 et 79) et deux formes ouvertes indéterminées ainsi que deux petits vases en parois fines. Par ailleurs, la présence d’assiettes en sigillée Drag 15/17 suggère une date située au deuxième quart jusque dans la seconde moitié du Ier s., cette dernière étant étayée par la présence dans le même lot d’un fragment de ce qui semble être une amphore Haltern 70.

La fosse (US 757) représente la seule trace d’occupation Gallo-Romaine dans la moitié ouest du cloître en dehors du Mur 2105 situé à l’extrémité occidentale et, en l’absence de structures en dur dans les secteurs fouillés, il semblerait que la zone d’activité domestique présumée, matérialisée par la fosse, se trouvait plus au nord (c’est-à-dire, sous l’emprise de la cathédrale). Étant donné que la fosse est vraisemblablement postérieure au Mur 2105, le dépôt qu’elle contenait offre pour le terrassement du site un terminus ante quem à situer avant le second quart du Ier s. Outre les céramiques énumérées ci-dessus, les individus découverts de façon disparate dans les niveaux du préau confirment l’ancienneté de l’occupation. Ce matériel inclut des exemples en sigillée et en terra nigra des types décrits ci-dessus, avec de plus, toujours en terra nigra, des jattes carénées et des coupelles (Joly & Barral 1992, types 67 et 55, respectivement d’Auguste-Tibère et du milieu du Ier s.). Mais très peu d’autres céramiques fines sont représentées, à l’exception du pied d’un flacon Déch 60 ou 62, glaçuré jaune olive (Genin & Lavendhomme 1997, pl. 34.2, daté de 30-70).

De la fin du Ier s. jusqu’à la seconde moitié du IIe s. (État 2)

Le rapport entre l’occupation du Ier s. située dans la partie occidentale du site et les opérations métallurgiques observées à l’est et au sud (État 2) n’est pas résolu. En premier lieu, on ne sait pas à quel moment les premiers ateliers (apparemment ceux engagés dans le travail du fer) se sont installés ; il est possible qu’ils soient contemporains de l’activité domestique reconnue à l’ouest et que les deux espaces se chevauchaient comme c’était parfois le cas à Autun (Chardron-Picault et al. 2007). Selon le matériel résiduel, il est toutefois avéré que la quantité de céramique a diminué sensiblement à partir de la fin du Ier s., avec une reprise à la hausse seulement vers le troisième ou le quatrième quart du IIe s. Parmi les céramiques fines recueillies au cours de ce supposé hiatus, on peut citer une panse de gobelet à revêtement argileux, probablement de Lezoux, avec un décor moulé à sujet mythologique proche d’un Déch 66 de la collection du Musée Rolin (Pinette 1987, 159, n° 273, début IIe s. ; Symonds 1992, 10-13). On peut également signaler un mortier en pâte beige à bord arrondi et détaché de la panse provenant de l’atelier de Coulanges-Mortillon (Allier). Il porte la marque du potier “RV . . . ”, ressemblant à un exemple complet (“RVBEZ”) trouvé au Lycée militaire à Autun (Pasquet 1996, 106-107). Plus remarquables sont les très nombreux fragments de creusets de cémentation identiques à ceux de la fin du Ier ou début du IIe s. du site de la place Valmy à Lyon-Vaise (Picon et al. 1995). Ils sont de forme ovoïde à lèvre pendante et fond soit arrondi soit plat, avec des panses plutôt épaisses. Utilisés dans la production de laiton, leur coloration caractéristique violette résulte du processus de cémentation (Chardon-Picault et al. 2007, 36-38). Ils sont assez différents des creusets de bronzier produits sur le site du Lycée militaire (Alfonso 1999, 220, fig. 186.1-4), dont un exemplaire non utilisé a été trouvé dans l’US 2092. Le laiton ne semble pas avoir été produit dans la zone fouillée, où l’activité industrielle a concerné le verre et le fer. Mais, étant donné le très grand nombre de fragments trouvés dans la fouille de la cour du Chapitre et leur distribution bien au-delà de la cathédrale Saint-Lazare, située à l’ouest, jusqu’à l’École Bouteiller, 200 m à l’est, cette production à très grande échelle devait avoir lieu non loin.

La fin du IIe et IIIe s. (première partie de l’État 3)

La céramique du dernier siècle du Haut-Empire a été trouvée en place uniquement dans l’extrémité sud de la Galerie Est et quelques mètres plus à l’est, sous le bâtiment est, le long du côté sud du Mur 1466. Dans le premier cas, une surface (US 2025) de l’État 5 semble avoir été établie directement sur l’US 2026 de l’État 2, qui a scellé l’US 2085 et qui à son tour a couvert une fosse (US 2094) remplie par les US 2089 et 2092. Bien que les US 2026 et 2085 aient été perturbées par l’aménagement de la domus ecclesiae et ses modifications ultérieures (États 3-5), le matériel provenant de ces couches et de la Fosse 2094 sont remarquablement homogènes et montrent un très faible taux de résidualité. Cette constatation ainsi que la taille assez importante de l’échantillon (1 743 fragments, 25 560 kg ; tabl. VI), attestant la présence de 148 NMI, fournissent les meilleurs renseignements disponibles sur l’occupation à la suite de la cessation de l’activité métallurgique, à tout le moins dans le voisinage immédiat et avant la mise en place de la domus ecclesiae, même si leur interprétation reste problématique.

Comptage de l’assemblage des US 2026, 2085, 2089 et 2092. © W. Berry.  
 Tabl. VI. Comptage de l’assemblage des US 2026, 2085, 2089 et 2092. © W. Berry.

Les céramiques fines (23 % du NMI) incluent vingt-quatre vaisseaux en sigillée des ateliers de Gaule du Centre. Parmi des fragments identifiables, on note la présence de dix bols Drag 37 des IIe et IIIe s. d’une assiette Drag 18/31, de deux coupes Drag 33 et 35, d’un bol Curle 11 et d’un gobelet Stanfield 1929, 30, probablement du IIe s. La céramique à revêtement argileux est composée des gobelets montrant une grande variété de décors (surface sablée, épingles à cheveux, guillochis, etc.), provenant des ateliers d’Autun, Gueugnon et probablement Domecy-sur-Cure (Creuzenet 1996a ; Simon 2007b), y compris un petit gobelet, possiblement un Déchelette 72, avec des motifs excisés souvent attribués à l’atelier de Jaulges et Villiers-Vineux (Seguier & Morize 1996, 162-163, Forme 7.05) et datable à la première moitié du IIIe s. La céramique commune claire constitue 30 % du NMI. Deux tiers de celle-ci consiste en des cruches de taille moyenne à lèvre “en chapiteau simplifié” équipée d’une seule anse, en pâte orange sans engobe, à l’exception d’un exemple à engobe rouge brun et de trois individus de taille plus grande en pâte beige non-engobée. Parmi d’autres vaisseaux en commune claire, plusieurs engobés de mica doré, correspondent à des pots à lèvre en bourrelet ou en gouttière, mais aussi à des formes ouvertes (peut-être résiduelles), des couvercles et des mortiers en pâte beige rosé à lèvre orangée. La céramique commune sombre (32 %), de couleur variant de gris à gris foncé avec ou sans engobe de mica argenté, est composée pour moitié par des pots de stockage de forme ovoïde à bord en bourrelet ou en gouttière, mais aussi par des cruches, des marmites tripodes à bord mouluré, des jattes à lèvre moulurée rentrant et des couvercles. Dans l’ensemble, la céramique commune trouve des parallèles dans la production de la seconde moitié du IIe s. et le IIIe s. des ateliers fouillés rue des Pierres (Creuzenet 1996b ; Pasquet 1996 ; Simon 2007a) et au Lycée militaire (Alfonso 1999).

Le lot est complété par plusieurs fragments d’amphores indéterminés et surtout par des creusets de cémentation résiduels de l’État 2. Ces derniers sont représentés par un minimum de dix-neuf vaisseaux identifiés (13 %) pour trois cent quatre-vingts tessons, représentant 22 % du total découvert et, à cause de leur épaisseur, 62 % en poids (15 955 kg). La grande quantité de creusets et leur répartition dans des contextes contenant en majorité des céramiques domestiques suggèrent que les US 2026 et 2085, et probablement le remplissage de la Fosse 2094, appartiennent une seule opération de nivellement.

Plus à l’est, sous le bâtiment est, des niveaux semblables ont été partiellement préservés le long du côté sud du Mur 1466 (principalement les US 1634, 1654 et 1684 sur la Surface 1689/1690). Ces niveaux ont fourni un échantillon très proche de celui trouvé dans la galerie est. Ils sont composés de 48 NMI pour 679 tessons de céramique et 5 NMI pour 187 fragments de creusets, qui représentent encore 22 % du total des fragments recueillis. Pour cette raison, la plupart des couches trouvées au sud du Mur 1466 semblent appartenir au même nivellement que dans la galerie est. Cependant, ce remplissage se situe au-dessus de la Surface 1689/1690, qui est postérieure aux sols de travail métallurgique et contemporain de l’état initial du Mur 1446. Si la motivation de l’opération de nivellement reste incertaine, elle semble avoir eu lieu vers le milieu ou durant le cours de la seconde moitié du IIIe s. à l’époque où au moins la partie inférieure du mur 1466 était toujours en élévation. Toutefois on ne sait pas si le nivellement a eu lieu avant ou après l’incendie qui a touché la structure voisine. De plus, à cause des perturbations postérieures, on ne connaît par la relation exacte entre ces couches et l’installation du premier état de la domus ecclesiae.

Il est intéressant de noter la présence dans ces deux secteurs de céramique estampée du IIIe s. issue de l’atelier de la rue des Pierres (Creuzenet 1996, 27-31). Un total de trente-six exemplaires a été récupéré sur le site, la plupart dans les “terres noires” situées au centre du futur préau, y compris huit nouveaux décors absents de la typologie existante. Cinq d’entre eux correspondent à des variations sur le motif commun en forme de “gaufre”, mais trois concernent une croix et quatre points (dont un de l’US 2089), le plus original étant bordé sur les quatre côtés par une rangée de quadrilles (fig. 167.1-3).

L’Antiquité tardive (seconde partie de l’État 3)

À Autun, les céramiques tardo-antiques et leurs contextes sont notoirement difficiles à interpréter (Kasprzyk & Mouton-Venault 2011, 84-87), et la cour du Chapitre n’offre pas d’exception à la règle. Avant la construction du cloître, les couches de cette période ont été amplement perturbées par les modifications successives apportées à la domus ecclesiae. En conséquence de quoi, les niveaux d’occupation cohérents ont été perdus en grande partie et les deux principales sources de mobilier pour les États 3 et 4 sont les couches du préau ainsi que les “terres noires” de la zone centrale, chacune ayant ses propres problèmes d’interprétation. La céramique recueillie ne fournit sans doute qu’une image assez partielle de l’assemblage originel, et bien que plus d’une centaine de NMI ont été identifiés, ils ont peu de valeur statistique. Malgré ces restrictions, en se fondant sur une analyse typologique et en établissant des comparaisons avec la céramique d’autres sites contemporains, il est possible de brosser à grands traits l’importante période de transition qui a eu lieu au cours des IVe et Ve s.

Le IVe s.

L’échantillon de céramique fine du IVe s. repérée dans la cour du Chapitre est très modeste. De cette date (ou peut-être aussi du Ve s.) on observe tout d’abord les fragments de deux jattes Chenet 323 en sigillée d’Argonne décorées de simples guillochis, auxquelles peuvent être ajoutés deux autres bols semblables, mais très abimés et de source indéterminée, ainsi que deux fragments en sigillée luisante des bols Pernon 37 de l’atelier de Portu en Savoie (fig. 159.1-3). En ce qui concerne la céramique à revêtement argileux, on note la présence de fragments d’une jatte à pâte blanche proche d’un Chenet 323 et d’un mortier dérivé d’un Drag 45 qui peut appartenir à cette période (comparables aux formes 5.03 et 5.04 à Jaulges-Villiers-Vineux ; Séguier & Morize 1996). C’est peut-être aussi au IVe s. qu’appartient une jatte à collier ressemblant à une Raimbault V et portant un décor peint en brun tacheté sur fond jaune dans la technique “à l’éponge” (Raimbault 1973 ; Joly 1996, 15-18). Enfin, il existe deux grands plats en vernis rouge pompéien ressemblant à une variété produite à Autun jusqu’au début du IVe s. (Kasprzyk & Mouton-Venault 2011, 71).

En dehors d’une prédilection pour les formes ouvertes, tels les mortiers, toujours à lèvre double arrondie, on remarque quelques nouvelles tendances dans la céramique à cuisson oxydante. Premièrement, parmi la céramique produite localement, on note l’apparition des pots en pâte claire à lèvres rectangulaires en section et légèrement inclinés vers l’intérieur, forme qui se rencontre aussi en céramique sombre avec des parallèles datés vers le milieu du siècle (Kasprzyk & Mouton-Venault 2011, 84-85).

Sinon, la commune est dominée par la céramique sombre, le plus souvent à pâte gris clair. On trouve des pots à lèvre évasée, carrée ou en poulie, et des cruches à lèvre en bourrelet. Mais les éléments les plus répandus sont des pots ovoïdes à fond plat avec plusieurs variantes de larges lèvres arrondies à gorge interne. Cette forme devient courante à partir de la seconde moitié du IIe s., par exemple parmi les vases à lèvre en gouttière fabriqués en céramique claire et sombre au Lycée militaire d’Autun. À Saint-Nazaire, il est possible de suivre l’évolution de cette forme à travers le IVe s. Un point de départ est fourni par un pot de grande taille en pâte semi-grossière avec surfaces grises tachées de brun, au profil particulier, provenant d’une fosse (US 2092 ; fig. 157.4), décrite ci-dessus, qui trouve un proche parallèle dans la production de l’atelier de l’Ilot C du site du Lycée militaire (Alfonso 1999, fig. 194.5) ainsi que dans la commune sombre contemporaine découverte à Gueugnon (Joly 1996, fig. 15.10). D’autres exemples comparables, provenant pour la plupart des “terres noires” ou de la partie orientale du site, sembleraient postérieurs à la présumée cessation de production au Lycée militaire dans la première partie du IIIe s. Un premier groupe inclut les lèvres semblables à celles de la Fosse 2092, mais simplifiées et plus rugueuses. Un second groupe consiste en des vaisseaux en pâte gris très clair aux surfaces de couleur gris bleuâtre foncé sans engobe. Le plus frappant est un pot à lèvre bien arrondie et à gorge interne (fig. 157.5), peut-être le développement des pots à lèvre en bourrelet “aux surfaces internes obliques” de l’atelier de l’Ilot C du Lycée militaire (Alfonso 1999, 224, fig. 194.1-4). La poursuite de l’évolution de ces deux formes semble chevaucher la seconde moitié du IIIe et la première partie du IVe s., avec l’apparition de plusieurs types distincts en couleur et pâte, mais clairement apparentés (fig. 157.6-11). Il est intéressant de noter que d’après leur pâte, une partie de cette céramique à Saint-Nazaire semble provenir du Val de Saône, où l’on trouve les parallèles les plus proches, pour exemple, par le matériel du IIIe s. à La Bussière (Mancey, Saône-et-Loire ; Vaussanvin 1980, 41, 50, pl. 10.71-77) et de la première moitié du IVe s. signalé récemment près de Chalon-sur-Saône (Venault et al. 2011, 187-191).

Céramique commune grise ; développement des pots à lèvre à gorge interne, milieu du IIe-début du IVe siècle. © W. Berry.
Fig. 157. Céramique commune grise ; développement des pots à lèvre à gorge interne, milieu du IIe-début du IVe siècle. © W. Berry.

Le Ve s. (État 4)

Si une nette continuité avec le passé est toujours maintenue au IVe s., une permutation majeure se produira au cours du siècle suivant. On ne peut pas établir avec précision la date de ce changement, qui est marquée par l’apparition de nouveaux types techniques et le fait que la céramique à cuisson oxydante devient largement majoritaire, inversant complètement la tendance existante. L’aspect morphologique est également évident dans les prémices de la fin de la diversité si caractéristique de la céramique du Haut-Empire, remplacé par une gamme plus restreinte qui deviendra courante durant la première partie du Haut Moyen Âge. Il est exagéré de parler pour cela de “ruptures”, car l’héritage de l’Antiquité peut se faire sentir, en particulier dans les formes ouvertes, mais aussi dans le nouveau type de pot faisant son apparition à cette époque, la olla (Faure-Boucharlat 2001a, 72 ; Delor-Ahü et al. 2006, 276). Étant donné qu’il semble y avoir eu beaucoup de chevauchements dans les céramiques de Saint-Nazaire entre la seconde moitié du Ve s. et le VIe s., les vaisseaux manifestement du Haut Moyen Âge seront examinés ci-dessous.

Quant à la céramique fine attribuable au Ve s., la situation est ambigüe : les sigillées luisantes et d’Argonne décrites ci-dessus pourraient appartenir également à la première partie du Ve s., tout comme les rares exemples de céramiques fines grises qui peuvent dater de la seconde moitié du Ve s., mais pourraient aussi remonter au VIe s. Ces dernières comprennent un petit nombre de fragments à pâte claire fine avec des surfaces gris foncé lissées, bien représenté à Saint-Lazare, dont seules deux formes peuvent être établies : un gobelet à lèvre pliée avec décor estampé et un bol ou gobelet à lèvre évasée (fig. 160.1-2).

Concernant la céramique commune, la production à cuisson réductrice courante au IVe s. semble en grande partie arriver à son terme, tandis que les différents types techniques communs aux siècles suivants commencent à émerger. En parallèle, les formes connues auparavant subissent également des changements importants. L’apparition de formes de vaisseau si typique du Haut Moyen Âge comme l’olla est datée du début du Ve s. à Lyon et en Rhône-Alpes (Horry 2000, 19). Bien qu’on en n’ait pas la preuve pour le moment, il n’existe aucune raison de croire qu’Autun ait été en retard. On peut seulement supposer que ce double processus, technique et formel, a eu lieu progressivement, mais pendant un laps de temps difficile à évaluer.

Dans ce contexte, il est intéressant de signaler deux cas qui, si leur datation est juste, sembleraient symptomatiques du caractère de transition en cours. Le premier concerne un petit groupe de sept individus – tous issus des “terres noires”, sauf un – en pâte semi-grossière rouge brique vif à surfaces rugueuses (cf. tabl. VII, Type C), à surface extérieure presque toujours fortement enfumée. Apparemment fabriqué en dehors de l’Autunois, ce lot de céramiques comprend : un pot à lèvre en bandeau carré avec une gorge interne et à fond plat (fig. 158.1) ; une cruche à lèvre simple à légère gorge interne (fig. 158.2) ; un pot à rebord convergent (fig. 158.3) ; un bol (caréné ?) à lèvre arrondie (fig. 158.4) ; la panse d’un vase caréné ; une marmite à collier (fig. 158.5) ; et un couvercle (fig. 158.6). Certains de ces éléments trouvent un écho dans les céramiques du niveau “A45” du Pavillon Saint-Louis à Autun, mais d’autres ont de proches parallèles dans la céramique du Ve s. de divers sites, par exemple celles des fouilles de la rue Tramassac à Lyon (Arlaud et al. 1994, 86-88), dans la céramique à pâte rouge signalée à Vénissieux, au sud de Lyon (Silvino et al. 2011, 160-161), et à Porcin et Château-Gaillard dans l’Ain (Ayala 2001, 151-155 ; Vicherd et al., 189-194). Il existe également des pots en pâte beige à gris-brun, à dégraissant semi-grossier portant un engobe brun-orange, des lèvres en bandeau bien en relief à face légèrement concave, avec ou sans gorge interne (fig. 159.4-5). Ces éléments rappellent eux-aussi des exemples de la fin du IVe s. provenant du remplissage “A 45” du Pavillon Saint-Louis, considérés comme de possibles influences de la moyenne vallée de la Loire (Kasprzyk & Mouton-Venault 2011, 87).

Types techniques dans la céramique commune des Ve/VIe-VIIe/VIIIe siècles. © W. Berry.  
 Tabl. VII. Types techniques dans la céramique commune des Ve/VIe-VIIe/VIIIe siècles. © W. Berry.

Céramique en pâte rouge brique (type C, Tabl. VII) du Ve siècle. © W. Berry.
Fig. 158. Céramique en pâte rouge brique (type C, Tabl. VII) du Ve siècle. © W. Berry.

N° 1 & 3, place du Terreau (sauf 4, Saint-Nazaire). Céramique du Ve siècle : 1-3. Sigillée luisante ; 4-5. Pâte beige à gris-brun ; 6-7. Pâte claire engobée rouge brunâtre ; 8-10. Pâte beige engobée jaune. © W. Berry.
Fig. 159. N° 1 & 3, place du Terreau (sauf 4, Saint-Nazaire). Céramique du Ve siècle :
1-3. Sigillée luisante ; 4-5. Pâte beige à gris-brun ; 6-7. Pâte claire engobée rouge brunâtre ;
8-10. Pâte beige engobée jaune. © W. Berry.

Les IVe et Ve s. dans les caves des n° 1-3, place du Terreau (États 3-4)

Quelques indications importantes ont été fournies par les interventions de 1997 dans les caves des n° 1 et n° 3 place du Terreau, situées quelques mètres au nord-ouest de l’emprise présumée de la cathédrale primitive. La fouille réalisée dans la cave du n° 3 (Venault et al. 1997) a mis en évidence le creusement d’une fosse faisant suite à un important arasement du terrain jusqu’à l’argile naturelle, mené vraisemblablement dans le courant du IVe s. Un terminus post quem pour le comblement de la fosse et la dépose d’un épais remplissage de débris de démolition est apporté par les monnaies de Gratien (375-383) et Arcadius (395-408). Le niveau de remblai a été recouvert d’une accumulation de terre très organique scellée par l’aménagement d’une zone de circulation en usage aux VIe et VIIe s. (Venault et al., 15-16). Ces unités contiennent dans leur ensemble 217 tessons, dont 41 NMI peuvent être identifiés. Bien que constituées en grande partie de mobilier résiduel du IIIe s. ou avant, on retrouve comme au Pavillon Saint-Louis l’association de sigillée d’Argonne (fragmentaires) et luisante (un bol Pernon 32/34 et trois bols Pernon 37 ; fig. 159.2-3), ainsi que deux larges bols carénés en pâte claire engobée brun rougeâtre apparemment de manufacture locale (fig. 159.6-7 ; Kasprzyk & Mouton-Venault 2011, fig. 18.10).

Dans la cave voisine du n° 1 place du Terreau, le contexte le plus ancien conservé mis au jour est analogue à la zone de circulation du n° 3 datant du VIe s. (Saint-Jean Vitus & Gerbet 1997). Toutefois, les céramiques résiduelles comprennent des bols en sigillée luisante Pernon 37 (fig. 159.1), un plat en vernis rouge pompéien vraisemblablement tardif, aussi que des exemples de pots à lèvre rectangulaire du IVe s. en pâte “blanche” avec les surfaces gris foncé. On note également dans ces caves la présence de céramiques communes claires à engobe jaunâtre, incluant une large jatte carénée (fig. 159.8), un pot à lèvre rectangulaire (fig. 159.4) et un large bol hémisphérique (fig. 159.9), les deux dernières présentant des traces d’enfumage sur l’extérieur des bords. À cet égard, il est intéressant de signaler aussi un pot à lèvre en bandeau en pâte beige trouvé au n° 3 qui semblerait porter un engobe semblable (fig. 159.10), ce qui renforce la possibilité que cette production probablement locale pourrait bien se poursuivre au moins jusqu’à la fin du Ve s.

La céramique médiévale du VIe au XIe s.

Les États 5-10, du début du Haut Moyen Âge jusqu’à la première partie du Moyen Âge central, sont représentés par un échantillon qui peut sembler relativement modeste (moins de 200 NMI). Cependant, cela est non seulement suffisant pour confirmer une continuité dans l’occupation du site, mais aussi pour offrir dans sa diversité une image fiable des développements à travers ces six siècles. L’assemblage semble pareillement satisfaisant pour tenter d’élucider le caractère de la production locale distincte de celle du Val de Saône au cours des périodes merovingienne et carolingienne.

Du Haut Moyen Âge jusqu’au VIIIe s. (États 5 et 6)

Au cours des quatre décennies qui ont suivi la publication de la première étude globale sur la céramique de Sevrey (Renimel 1974), la compréhension de l’importance de la production potière dans le sud-ouest du Châlonnais à l’ère Merovingienne s’est considérablement accrue grâce aux interventions complémentaires à Sevrey même (Mani 2005, 192-196 ; Delor-Ahü et al. 2006, 250 ; Bonnamour et al. 2006), mais aussi par la découverte d’autres sites de fabrication à proximité (Poil 1998 ; Poil 2005) conduisant à la reconnaissance de l’existence d’un groupe d’ateliers actifs dans le secteur de la Forêt de la Ferté (Petident 1996 ; Petident & Poil 1998 ; Mani 2002 ; Maerten 2011, 177-182). Les fouilles des sites de consommation situés en Côte-d’Or, par exemple à Genlis (Catteddu et al. 1992) et au “Clos-de-Pouilly” à Dijon (Poil 2000), à Mâcon en Saône-et-Loire, (Kasprzyk & Mouton-Venault 2011, 91-98), dans la Bresse et plus au sud dans le Val de Saône (Faure-Boucharlat2001a), ainsi qu’à Lyon (Ayala 1994 ; Horry 2000) fournissent des données complémentaires provenant de contextes stratifiés. Cette accumulation de renseignements récents ainsi que les datations au 14C pour la production de Sevrey, procurent une base pour l’utilisation d’une approche comparative pour la céramique du premier Haut Moyen Âge trouvée à Saint-Nazaire, qui, on le présume, était associée au fonctionnement de la domus ecclesiae.

Le caractère de l’assemblage

Comme pour l’Antiquité tardive, les céramiques du début du Haut Moyen Âge proviennent rarement des niveaux d’occupation, mais soit – pour la plupart – de la zone des “terres noires”, soit en dépôt secondaire dans les couches plus récentes du préau. De plus, étant donné que les niveaux associés aux États 5 et 6 étaient fortement touchés par la construction du cloître, l’assemblage est sans doute assez minoré quantitativement par apport à ce qui a véritablement existé. Toutefois, quelque soixante-dix individus ont pu être identifiés, parmi lesquels on compte des exemplaires de toutes les formes habituelles pour cette période, auxquels peuvent être ajoutés aussi une trentaine d’éléments de décor affichant douze motifs distincts.

La céramique fine “mérovingienne”

La quantité de céramiques fines est très circonscrite. Un gobelet bi- ou tripartite bas du type dit “Burgonde” en pâte fine grise à surface extérieure gris foncé lustrée est représenté par des fragments de panse (fig. 160.3-4). La carène située entre le col et la partie haute de la panse est marquée par un bourrelet mouluré et trois rangs simples de rectangles étroits réalisés à la molette sont conservés (0,5 x 4 mm). Sont aussi présentes une lèvre verticale d’un deuxième gobelet orné de bandes de petits carrés et triangles (1,5 mm) réalisées à la molette et une panse d’un troisième vaisseau de forme fermée de fabrication plus sommaire, décorée de doubles rangs de carrées (2 mm, fig. 160.5-6). Tous les trois semblent appartenir au VIe ou au VIIe s. (Mathiaut-Legros 2006, 199-200). À ces éléments peut être ajouté un exemple isolé d’un récipient verseur en pâte orange semi-fine à lèvre en bourrelet équipé d’un bec tubulaire tréflé appuyé contre la lèvre (fig. 164.2). Cette forme est connue dans l’est de la France et en Suisse depuis les Ve/VIe s. (Urlacher et al. 2006, 212), et de rares exemples sont signalés à Sevrey en céramique claire datant de la seconde moitié du VIe s. ou de la première moitié du VIIe s. (Delor-Ahü et al. 2006, fig. 17.6). L’exemple de Saint-Nazaire se différencie par ses surfaces orange vif ornées à la molette d’un double rang de petits carrés et par des traits lisses droits et gondolés appliqués avec un instrument d’une largeur de 2 mm. Même si le décor lissé est connu dans la région à cette époque (Poil 2005, 1, 51-53), le traitement spécifique pourrait suggérer une date plus récente, peut-être parallèle à l’apparition de la céramique “peinte et polie” dans l’Île-de-France et le nord de la Bourgogne à partir du VIIIe s. (Lefèvre 2006). À cet égard, il est intéressant de noter aussi la présence d’une large base annulaire, encore unique sur le site, appartenant probablement à une lampe en pâte orange et entièrement brunie avec le même type d’instrument (fig. 164.3). Malgré leurs caractères exceptionnels, dans ces cas, la présence d’amples paillettes de mica doré et argenté indique une possible origine locale.

Céramique fine et pierre ollaire, fin Ve-VIIe siècles : 1-6. Pâte grise, surfaces lustrées ; 7. Pierre ollaire. © W. Berry.
Fig. 160. Céramique fine et pierre ollaire, fin Ve-VIIe siècles : 1-6. Pâte grise, surfaces lustrées ; 7. Pierre ollaire. © W. Berry.

La céramique commune du début du Haut Moyen Âge

La céramique commune de la période mérovingienne montre une diversité qui témoigne de l’approvisionnement par au moins une dizaine d’ateliers qui semblent avoir été en activité pour des durées assez limitées. Dans la région de la Forêt de la Ferté, par exemple, on estime l’exploitation des sites de Givry et de La Charmée à une période comprise entre une et deux ou trois générations (Poil 2005, 1, 86), tandis qu’à Sevrey, la période correspondante est datée par 14C entre environ 530 et 650, ou au maximum 695 (Delor-Ahü et al. 2006, 286, notes 44 et 45). La question de la chronologie des sites de production Autunois reste pour le moment ouverte. Cependant, étant donné qu’il est vraisemblable que la moitié des NMI de cette période trouvés à Saint-Nazaire proviennent d’ateliers de potiers du Val de Saône – et également parce que ce phénomène semble assez répandu dans la ville – des données plus précises concernant le groupe de Sevrey, combinées à une analyse physico-chimique, pourraient éventuellement mener à une datation plus précise de la céramique en usage dans l’Autunois entre l’Antiquité tardive et le IXe s.

Les aspects techniques des différents types sont résumés dans le tableau VII7. Les variétés en pâte orange, de types A, B et D, représentant 40 % du NMI (tabl. VIII) ; les types B et D montrent des affinités avec le type C de l’Antiquité tardive décrit ci-dessus. Les variantes de types E et F représentent chacun 28 % du NMI. Le premier inclut des exemples de céramique “bistre” proprement dite (Mani 2005 ; Raynaud & Boucharlat 2007). Une telle désignation n’est toutefois pas sans une certaine ambigüité, car si elle est appliquée habituellement aux produits du Val de Saône, une partie des individus de type bistre trouvés à Saint-Nazaire semblent en fait de manufacture locale. Également ambigüe est la relation avec la céramique de type F, de cuisson réductrice, mais partageant certaines caractéristiques proches de la céramique bistre (en particulier F1). Dans cette classe, les types F2 et F3 se distinguent, car ils apparaissent comme les prédécesseurs du type F5, qui est manifestement plus récent. Très minoritaire, le type G (4 %) est associé à une variété particulière de décor (type 12) observé généralement sur les cruches.

Répartition des formes en céramique commune par type technique (type C non inclus). © W. Berry.  
 Tabl. VIII. Répartition des formes en céramique commune par type technique (type C non inclus). © W. Berry.

Concernant les aspects morphologiques, ceux-ci peuvent être réduits à six formes générales : les pots à tout faire (ollae), les gobelets, les cruches à bec pincé, les jattes et les bols, souvent carénés, et les mortiers à collier. Constituant un peu plus de la moitié du NMI, l’olla est la forme dominante. Les ollae sont de forme globuleuse ou piriforme, de taille moyenne, à fond plat souvent décollé à la ficelle (fig. 161.1). Leurs lèvres en bandeau, d’un diamètre compris entre 12 et 14 cm en moyenne, se divisent en deux modèles (suivant les critères de Horry 2000). Le premier est simplement évasé, triangulaire et de profil pointu sans, ou occasionnellement avec, gorge interne (fig. 161.2-5), correspondant au type dit de “première génération” et associé aux 10 % des individus. Le reste appartient, malgré une certaine diversité, au type de la “deuxième génération”, présentant une forme triangulaire ou orthogonale à gorge interne creusée pour recevoir un couvercle (fig. 161.6-18). Le premier existe en pâtes A, E1, E2 et F1, bien que la seconde variété traverse tous les types techniques, mais avec une nette concentration (51 %) dans les pâtes sobres du groupe F. Les fragments de cruches ont été identifiés grâce à la conservation du départ des becs pincés ; leurs lèvres arrondies sont légèrement évasées (fig. 161.19-20), sauf celle en pâte E2 qui est triangulaire à gorge interne (fig. 161.21), ressemblant à une olla de deuxième génération (Horry 2000, 19 ; Delor-Ahü et al. 2006, 267-271, fig. 17.1, type “CRUC 1”). Ces vaisseaux sont plus petits que les ollae ; ceux du type F sont particulièrement fins. Il y a deux variétés de gobelet en type E1, provenant vraisemblablement du Val de Saône. L’un d’eux (fig. 161.24), à lèvre évasée et haut de col strié (décor 11, ci-dessous), trouve un parallèle dans les exemples tulipiformes de Sevrey (Delor-Ahü et al. 2006, 271-272, fig. 16.9) ; l’autre (fig. 161.25), à lèvre verticale et droite décorée à la molette (type 2), se retrouve, par exemple, à Givry (Poil 2005, 2, fig. 26.881). Un individu à bord triangulaire et col strié (fig. 161.23), également en pâte E1, peut être aussi un gobelet. Un vaisseau à large lèvre en bandeau et col droit en pâte E4 (fig. 161.22) est assimilé à une bouteille (Delor-Ahü et al. 2006, fig. 16-17).

Céramique commune, formes fermées, fin Ve-première partie VIIIe siècle : 1. Fond en pâte D (Tabl. VII) décollé à la ficelle ; 2-5. Ollae à lèvre en bandeaux de la “première génération” (pâtes A, B, D, E2) ; 6-18. Ollae de la “deuxième génération” (E1, F1-4) ; 19-21. Cruches (B, E2) ; 22. “Bouteille” (E4) ; 23. Gobelet ? (E1) ; 24-25. Gobelets (E1). © W. Berry.
Fig. 161. Céramique commune, formes fermées, fin Ve-première partie VIIIe siècle : 1. Fond en pâte D (Tabl. VII) décollé à la ficelle ; 2-5. Ollae à lèvre en bandeaux de la “première génération” (pâtes A, B, D, E2) ; 6-18. Ollae de la “deuxième génération” (E1, F1-4) ; 19-21. Cruches (B, E2) ;
22. “Bouteille” (E4) ; 23. Gobelet ? (E1) ; 24-25. Gobelets (E1). © W. Berry.

Une coïncidence apparaît aussi parmi les formes ouvertes qui incluent des jattes carénées (fig. 162.1-2) ou à collerette (fig. 162.6-8) ; des bols carénés ou non (fig. 162.3-5) ; un récipient à panier (fig. 162.7) ; divers mortiers (fig. 162.9-11) ; et un exemple de couvercle à emboîtement (fig. 162.12). Tous sont comparables aux exemples produits à Sevrey ou dans des ateliers affiliés, mais certains ont été fabriqués dans l’Autunois (fig. 162.1.2.5.11).

Céramique commune, formes ouvertes et couvercle, fin Ve-première partie VIIIe siècle : 1-2. Jattes carénées (pâtes A, D) ; 3-4. Bols carénés (E1, F1) ; 5. Bol (B) ; 6 et 8. Jattes à collerette (E1, E4) ; 7. Vaisseau à anse en panier (E1) ; 9. Mortier ? (E5) ; 10-11. Mortiers (pâte grossière rose, D) ; 12. Couvercle à emboîtement (F1). © W. Berry.
Fig. 162. Céramique commune, formes ouvertes et couvercle, fin Ve-première partie VIIIe siècle : 1-2. Jattes carénées (pâtes A, D) ; 3-4. Bols carénés (E1, F1) ; 5. Bol (B) ; 6 et 8. Jattes à collerette (E1, E4) ; 7. Vaisseau à anse en panier (E1) ; 9. Mortier ? (E5) ; 10-11. Mortiers (pâte grossière rose, D) ; 12. Couvercle à emboîtement (F1). © W. Berry.

Douze variétés de décors faits à la molette ou incisés ont été répertoriés (tabl. IX). Ils comprennent : décor 1) une double rangée de petits carrés (fig. 163.1-4) ; 2) une bande des petits rectangles horizontaux (fig. 161.23) ; 3) de multiples bandes simples constituées de carrés (fig. 163.5) ; 4) deux rangées de carrés interrompus par une croix faite de six triangles (fig. 163.6) ; 5) des bandes de rectangles disposés en diagonale (fig. 163.7-8) ; 6) une bande de losanges en forme de treillis (fig. 163.9) ; 7) des triangles alternant en sens (fig. 163.10) ; 8) des triangles répétés dans la même direction (fig. 163.11) ; 9) des groupes de traits diagonaux en alternance (fig. 161.2) ; 10) une bande de carrés remplis d’un motif complexe (fig. 162.6, 163.12) ; 11) des bandes de rainures horizontales (fig. 161.23-24) ; 12) des ondées incisées (fig. 163.13-14). Comme souvent, ce sont les décors les plus simples – les carrés ou rectangles de types 1-5 – qui sont majoritaires (59 %), les autres variétés étant assez marginales. Un fait est intéressant à noter : même avec le type G compris, 82 % de la décoration est associée aux céramiques claires (A, B et D 58 %, E 24 %).

Typologie des décors au regard des types techniques de céramique commune. © W. Berry.  
 Tabl. IX. Typologie des décors au regard des types techniques de céramique commune. © W. Berry.

Malgré leur caractère fragmentaire, on peut constater que la plupart des tessons décorés proviennent de formes fermées, en majorité probablement les ollae, et se trouvent sur la partie supérieure du pot. On trouve dans un cas une bande de carrés doubles (décor 1) appliquée sur l’extérieur de la lèvre d’une olla en pâte E2 (fig. 163.4). Comme on peut le remarquer, deux gobelets en pâte de type E1 sont ornés d’une triple rainure (décor 11) située sous la lèvre (fig. 161.23-24), ce qui est souvent le cas, apparemment, en imitation des vaisseaux en pierre ollaire (Horry 2000, 21) ; plus exceptionnel, l’autre gobelet porte un décor à la molette (décor 5) juste sous le bord (fig. 161.25). Le décor 9 trouve un parallèle au Clos-de-Pouilly à Dijon (Poil 2005, 2, fig. 92-93). Le motif complexe du décor 10 se trouve sur la partie haute d’un bol caréné en pâte de type A (fig. 163.12) et sur une jatte en pâte E4, où il suit l’intérieur de la lèvre et le pourtour de la collerette (fig. 162.6).

Céramique commune, décors fin Ve-première partie VIIIe siècle. (Tabl. IX) : 1-4. Décor 1 (A, B, E, F4) ; 5. Décor 3 (E) ; 6. Décor 4 (E) ; 7-8. Décor 5 (A, D) ; 9. Décor 6 (A) ; 10. Décor 7 (D) ; 11. Décor 8 (D) ; 12. Décor 10 (A) ; 13-14. Décor 12 (G). © W. Berry.
Fig. 163. Céramique commune, décors fin Ve-première partie VIIIe siècle. (Tabl. IX) : 1-4. Décor 1 (A, B, E, F4) ; 5. Décor 3 (E) ;
6. Décor 4 (E) ; 7-8. Décor 5 (A, D) ; 9. Décor 6 (A) ; 10. Décor 7 (D) ; 11. Décor 8 (D) ; 12. Décor 10 (A) ; 13-14. Décor 12 (G).
© W. Berry.

Datation et interprétation

Malgré l’affluence de nouvelles données relatives aux faciès régionaux issues de récentes recherches, des rapprochements précis seront toujours risqués pour la céramique de la période mérovingienne provenant de la cour du Chapitre. Cela est dû en partie à l’insuffisance d’informations stratigraphiques. Une certaine prudence est aussi de mise en raison du manque d’évolution linéaire parmi les types techniques (Faure-Boucharlat 2001a, 65-67, 75) ainsi que la longévité des diverses formes de vaisseaux et des types de lèvres (Raynaud & Boucharlat 2007, 109). Il est donc préférable de rester circonspect et de tenter un phasage très général fondé sur de larges tendances bien établies. Pour les exemples en pâtes A, B et D, on peut s’attendre à ce que les quelques ollae appartiennent à la période couvrant les Ve-VIe s. tandis que les formes ouvertes, tels que les mortiers, peuvent perdurer jusqu’au VIIe s. Les différents vaisseaux de type E peuvent appartenir à la seconde moitié du Ve s. jusqu’au VIIe s. Parallèlement, les ollae de type F en bandeaux de la deuxième génération semblent apparaître dans la seconde moitié du VIe s. (Faure-Boucharlat 2001a, 70), devenant au fil du temps la forme dominante jusqu’au VIIIe s., date à laquelle la céramique claire est supposée avoir disparu. Ces tendances s’accordent bien aux conclusions préliminaires établies pour la céramique contemporaine provenant des fouilles du chœur de Saint-Lazare (Berry 1992). Un seul vaisseau en pierre ollaire de cette période a été identifié, qui, d’après sa taille (Ø 14 cm), a probablement servi de préparation des aliments (fig. 160.7).

Le caractère global de l’assemblage est symptomatique des changements qui ont eu lieu progressivement au cours de la dernière partie de l’Antiquité tardive, comme en témoigne le mobilier de la rue Dinet à Mâcon (Kasprzyk & Mouton-Venault 2011, 91-98). Tandis que les vaisseaux en pâtes A, B et D ont côtoyé la céramique luisante et la céramique grise lisse, ces dernières disparaissant à la fin du VIe s., ce qui coïncide avec la disparition des formes basses que sont les assiettes et les plats du service de table. On constate qu’à Saint-Nazaire la grande majorité de la céramique correspond à de la vaisselle de cuisine, avec seulement quelques vaisseaux peut-être de service de qualité modeste, sauf en ce qui concerne les fragments de trois gobelets plus fins. Sur cette base, on peut supposer que des vaisseaux en métal ont été aussi largement présents dans les cuisines de la domus ecclesiae, tandis qu’à table le bois avait remplacé les assiettes et les bols en céramique du répertoire Antique. À cet égard, on doit rappeler que c’est à l’époque des grands évêques, tels Syagrius et Léger, que l’on peut supposer la présence d’un service en argent à la table épiscopale lors de certaines occasions.

Le VIIIe s. (début de l’État 7)

Sur le site étudié, le VIIIe s. est le moins bien représenté. Cela peut s’expliquer d’une part par la perturbation – dérasement, destruction – des niveaux d’occupation les plus récents au moment de la création du cloître au milieu du IXe s. ; d’autre part, on ne peut totalement exclure une importante diminution des activités sur le site, voire un changement de fonction dès la fin du VIIe s., comme en témoignent “l’abandon” supposé de la partie la plus occidentale de la domus ecclesiae et l’apparition de sépultures. L’autre hypothèse consisterait en une concomitance des deux suppositions avec une baisse d’activité associée à une perte importante des données. Dans ces circonstances, la réponse aux questions particulières relatives à la céramique du VIIIe s. est bien délicate.

Normalement, cette période correspond au début d’une importante transition à la fois technique et formelle qui marque la fin de l’héritage Antique, alors que l’olla de la “deuxième génération” cède la place à un pot à tout faire essentiellement médiéval qui deviendra l’“oule” commune entre le Xe et le XIIIe s. (Horry 2000, 19-20). À Saint-Nazaire, le début de ce processus pourrait coïncider a priori avec l’apparition du type technique F5, de toute évidence lié aux ollae de la “deuxième génération” en pâte F3 et F4, avec lesquelles il pourrait y avoir des chevauchements temporels. Parmi les fragments de type F5, seuls deux NMI ont été identifiés ; l’un retrouvé dans les débris de démolition utilisés pour un nivellement faisant suite à la récupération des Murs 840 et 848 lors de l’installation du cloître au milieu du IXe s. Il s’agit soit d’un pot à cuire soit d’une cruche à bec pincé ; l’élément le mieux conservé est d’aspect piriforme, sans doute à fond plat, avec une lèvre quadrangulaire sans gorge interne (fig. 164.1). De pâte semi-grossière gris à brun rougeâtre, il présente la particularité d’avoir une surface intérieure brun rougeâtre riche en paillettes de mica doré, tandis que l’extérieur gris foncé affiche une très fine couverture en mica argenté rappelant certaines productions locales en céramique sombre du Haut-Empire. Les parallèles sont peu nombreux. En ce qui concerne le bord, il existe à Sevrey des cas isolés de pots à lèvre carrée (forme P5, Delor-Ahü et al. 2006, fig. 15.19) et à Givry au VIIe s. (Poil 2005, 2, fig. 30, sans n°), mais un exemple plus proche signalé à La Charmée est daté un siècle plus tard (Poil 2005, 2, fig. 57.32). Cela semble soutenir la thèse selon laquelle le type F5 se développe à partir de F3 et F4, et qu’il constitue un intermédiaire dans la transition vers la céramique sombre très micacée de fabrication locale qui apparaîtrait à l’époque carolingienne (en particulier pâte “H”, tabl. X).

Types techniques principaux de céramique commune grise locale du IXe siècle au Bas Moyen Âge. © W. Berry.  
 Tabl. X. Types techniques principaux de céramique commune grise locale du IXe siècle au Bas Moyen Âge. © W. Berry.

Céramique attribuée au VIIIe ou début du IXe siècle : 1. Olla en pâte F5 ; 2. Cruche à bec tubulaire tréflé en pâte orange avec surfaces brunies ; 3. Pied de lampe en pâte orange avec surfaces brunies ; 4. Cruche ou pot de stockage en pâte sombre micacée à lèvre rentrante avec large collerette. © W. Berry.
Fig. 164. Céramique attribuée au VIIIe ou début du IXe siècle : 1. Olla en pâte F5 ; 2. Cruche à bec tubulaire tréflé en pâte orange avec surfaces brunies ; 3. Pied de lampe en pâte orange avec surfaces brunies ; 4. Cruche ou pot de stockage en pâte sombre micacée à lèvre rentrante avec large collerette. © W. Berry.

C’est aussi probablement à cette période qu’on peut situer un vaisseau singulier à lèvre rentrante (fig. 164.4)8. Peut-être d’origine locale (?), la pâte est plutôt grossière aux micas dorés et argentés, rappelant celles du type F5, sauf que les surfaces ne sont que peu micacées et que l’extérieur est enfumé. De proportions assez solides, avec une lèvre simple infléchie légèrement éversée et équipée d’une large collerette, il est susceptible d’avoir été une cruche ou un pot de stockage. Sa forme diffère des cruches à lèvre rentrante et bec tubulaire produites à La Charmé à cette période (Poil 2005, 1, 46-47 ; Poil 2005, 2, fig. 58, 23, 57) et rappelle en particulier un type signalé à Torcy-le-Petit et à Verrières dans l’Aube (Georges-Leroy & Lenoble 1993, 256, fig. VI.4 ; Poil 1998 ; Poil 2005, 2, fig. 72), avec des parallèles extrarégionaux datés entre la seconde moitié du VIIe s. et le début du IXe s.9.

Deuxième moitié du Haut Moyen Âge jusqu’aux XIe/XIIe s. (États 7-10)

S’il est possible d’établir une typo-chronologie provisoire pour la première moitié du Haut Moyen Âge, la détermination de la datation des céramiques à Saint-Nazaire pour la période située entre environ le milieu du IXe s. et le début du XIIe s. ne peut être qu’esquissée de façon encore plus approximative. Bien que tempéré par les récentes avancées de recherche, le “fossé” relatif à la connaissance de la céramique entre la fin de l’époque mérovingienne et “la pleine époque féodale” du XIe s., déploré par Bruna Maccari-Poisson il y a trente ans (Maccari-Poisson 1985, 32), perdure toujours dans le sud-ouest de la Bourgogne, où des questions importantes n’ont pas été résolues jusqu’à présent (Maerten 1990 ; Maerten 2011, 341-347). Dans la présente synthèse, l’accent est mis sur l’évolution de la céramique en pâte sombre qui a dominé la scène. L’analyse est fondée sur un échantillon de 369 NMI recueillis dans les niveaux les mieux conservés autour et à l’est du puits (US 702). Le développement de la céramique claire, principalement la flamulée en pâte beige qui apparaît au cours du XIe s. et de la glaçurée en pâte rouge apparaissant un siècle après, seront traitées dans le cadre d’une publication ultérieure axée sur le mobilier du Bas Moyen Âge et de l’époque Moderne découvert sur le site de Saint-Nazaire.

Caractère de l’assemblage et éléments de datation

La mise en place du cloître n’a pas été suivie d’une augmentation marquée de la quantité de céramique dans l’aire du préau. En fait, le nombre de NMI dépasse à peine une centaine d’exemples avant le XIIe s. Un certain nombre d’individus des IXe et Xe s. provenant des niveaux supérieurs perturbés des “terres noires” pourraient appartenir à l’occupation initiale du cloître. Cependant, la plupart les vaisseaux du IXe au XIe s. qui ont été trouvés en position résiduelle dans les couches du préau des États 10 et 11 doivent sans doute appartenir à l’imposante quantité de céramique apportée aux XIIe et XIIIe s. et distribuée dans la zone cernant le puits (US 702). Ainsi, la majeure partie de l’assemblage reflète probablement des activités liées aux cuisines censées avoir existé immédiatement à l’ouest du bâtiment sud. Au vu des circonstances particulières de la déposition de ce matériel, on ne peut aborder la question de l’évolution des différentes productions que dans une mesure très limitée sur le plan archéologique. Il a été nécessaire de s’appuyer sur une approche comparative rendue toutefois assez problématique en raison de l’homogénéité globale de la céramique de cette époque ainsi que du rythme lent de son développement (Faure-Boucharlat 2001a, 73 ; Horry et al. 2014, 96-100) à l’exception de l’existence de trois indicateurs chronologiques qui facilitent considérablement l’interprétation de l’assemblage.

Un premier point de départ est fourni par la présence d’importations en provenance de l’atelier de Sevrey où de récentes datations par radiocarbone combinées à une sériation de la céramique issue du Secteur II du site “Les Tupiniers” ont révélé deux productions se chevauchant : l’une, montrant toujours une certaine variété formelle (lot “A”), avec, en ce qui concerne la datation, un pic de probabilité entre le dernier tiers du VIIIe s. et le début du Xe ; l’autre, montrant moins de diversité (lot “B”), est daté entre le milieu du IXe s. et le début du XIe (Delor-Ahü et al. 2006, 289-290). Ces éléments sont essentiels pour la datation des États 8 et 9 à Saint-Nazaire, renforcée par la récente publication des données provenant des niveaux d’occupation à l’abbaye de Saint-Philibert et autres sites à Tournus (Mouton 2006 ; Horry et al. 2014), à laquelle peuvent être ajoutées des informations relatives à divers sites du Val de Saône et du Lyonnais entre le IXe et le XIIe s. (Faure-Boucharlat 1996 ; Faure-Boucharlat 2001a).

Un deuxième indicateur important est procuré par les céramiques de la première partie de cette période issues des fouilles à la cathédrale Saint-Lazare d’Autun (Berry 1992) pour lesquelles les nouveaux résultats du site “Les Tupiniers” à Sevrey ont confirmé la datation relative des productions locales du IXe au XIe s., fournissant de la sorte d’intéressants parallèles pour Saint-Nazaire. Important également est le terminus ante quem de 1100/1110 fourni par le commencement de la construction du chœur de Saint-Lazare situé 50 m à l’ouest du cloître. Enfin, un dernier élément de datation essentiel provient des données numismatiques qui concernent des contextes associés au puits (US 702). Ces données permettent d’affermir la datation des changements affectant la céramique grise au XIIe s., mais aussi la datation de l’apparition des céramiques flamulées et glaçurées.

Les importations de Sevrey et d’ailleurs

Vingt-sept individus produits à Sevrey ont été identifiés (7 % du NMI dans l’assemblage étudié ; 40 % des importations). Bien qu’appartenant à un seul groupe technique, ils peuvent néanmoins être subdivisés en trois variétés. La première (S1), correspondant au type “standard” pour Sevrey au Xe s., au sens large, est facilement reconnaissable en raison de la teinte gris bleuté de sa pâte et de ses surfaces. La pâte est sableuse, grise, avec des grains de quartz, des inclusions blanches et noires, et des nodules ferreux ; les surfaces sont souvent granuleuses, avec de très rares paillettes de mica argenté. Une deuxième série de vaisseaux (S2) comprend une pâte contenant les mêmes inclusions, mais de couleur gris brunâtre, plus tendre et quelque peu crayeuse au touché, avec des surfaces grises très sombres, parfois presque noires ainsi que d’éparses petites paillettes de mica argenté10. La pâte du troisième type (S3) est gris clair, avec toujours les mêmes inclusions, mais mieux triées, et des surfaces grises à gris foncé, avec présence occasionnelle de mica.

Des dix-huit individus des variétés S1 et S2, onze affectent la forme classique d’une oule à lèvre en bandeau haute à poulie, panse globulaire cannelée dans sa partie supérieure, fond bombé et sans élément de préhension (fig. 165.1) qui correspond au type “POT1” dans la typologie établie sur le site “Les Tupiniers” (Delor-Ahü et al. 2006, 278-283). Mais, comme l’a montré Serge Renimel (Renimel 1974, fig. 21), il existe des variations considérables dans la forme des bords à l’intérieur de cette production (fig. 165.2-8.10-11). Deux exemples d’oules à lèvre en bourrelet et gorge interne du type “POT2”, sans cannelures, mais avec une bande surélevée à la liaison col/panse (fig. 165.9) ont été trouvés. Ce groupe est complété par les fragments d’une cruche à lèvre évasée et bec ponté du type “C2” (fig. 165.15) et cinq lèvres évasées avec ou sans gorge interne qui peuvent appartenir aux cruches de même type (par exemple, fig. 165.16-18), la panse de l’une d’elles étant décorée de sinusoïdes gravées (fig. 165.19). En se fondant sur la comparaison avec la production du site “Les Tupiniers” de Sevrey et des éléments trouvés en contextes stratifiés à Tournus, les individus en pâtes S1 et S2 peuvent être datés avec quelques réserves entre la seconde moitié du IXe s. et le début du XIe s. En s’appuyant sur la présence dans les niveaux supérieurs des “terres noires” d’une oule de type POT2 (dans le lot A du site “Les Tupinières”, mais pas dans le lot B) en compagnie de plusieurs exemples du type POT1, tous en pâte S1, on peut avancer l’hypothèse selon laquelle l’arrivée des céramiques affectant des affinités avec le lot A défini aux “Tupiniers” peut avoir été contemporaine de la mise en place du cloître au milieu du IXe s. Les huit autres vaisseaux appartenant à la variété S3, comprennent trois oules à lèvre en bandeau à poulie atténuée (fig. 165.12-14) et cinq cruches à lèvre évasée à gorge interne du type B2 du classement de Serge Renimel (Renimel 1974, fig. 21), sans doute à bec ponté (fig. 165.20-24). Pour ces derniers, les parallèles établis avec Tournus penchent plus vers les XIe et XIIe s.

Céramique grise provenant de l’atelier de Sevrey, deuxième moitié du IXe siècle au XIe siècle : 1-8, 10-11. Variations des formes de lèvres en bandeau des oules du type POT 1 aux “Tupiniers” (pâtes S1 et 2) ; 9. Oule type POT 2 (pâte S1) ; 12-14. Oules à bandeau atténué (pate S3) ; 15-18. Cruches à bec ponté du type C2 (pâtes S1 et 2) et 19. Décor gravé ; 20-24. Cruches du type C2 (pâte S3) ; 25-29. Exemples de fonds bombés (pâte S1). © W. Berry.
Fig. 165. Céramique grise provenant de l’atelier de Sevrey, deuxième moitié du IXe siècle au XIe siècle : 1-8, 10-11. Variations des formes de lèvres en bandeau des oules du type POT 1 aux “Tupiniers” (pâtes S1 et 2) ; 9. Oule type POT 2 (pâte S1) ; 12-14. Oules à bandeau atténué (pate S3) ; 15-18. Cruches à bec ponté du type C2 (pâtes S1 et 2) et 19. Décor gravé ; 20-24. Cruches du type C2 (pâte S3) ; 25-29. Exemples de fonds bombés (pâte S1). © W. Berry.

Quarante-trois autres individus ressemblant plus ou moins à la céramique issue de Sevrey, semblent provenir d’autres ateliers situés sans doute en dehors de l’Autunois et d’après leurs pâtes vraisemblablement dans le Chalonnais. Ils peuvent être séparés en plusieurs groupes. Les plus nombreux consistent en seize cruches en pâte semi-grossière grise, avec occasionnellement de larges grains de quartz opaque et de petites inclusions blanches et sombres. Les surfaces sont grises à gris foncé, légèrement savonneuses et recouvertes de petites paillettes dispersées de mica argenté. Les lèvres (Ø 12 à 15 cm) sont pour la plupart évasées à gorge interne (fig. 166.1-5), l’une d’elles a conservé le départ d’un bec ponté, mais on note aussi des bords sans gorge (fig. 166.6). Découverte également à Saint-Lazare, cette variété semble faire son apparition à Autun avant la fin du XIe s.

Céramique grise et claire provenant vraisemblablement d’autres ateliers que Sevrey, deuxième moitié du IXe siècle au XIIe siècle : 1-6. Cruches à bec ponté du premier group et 7. Décor gravé ; 8-10. Cruches à bec ponté du deuxième group ; 11-23. Oule et cruches des groupes trois à cinq ; 24-26. Cruches en pâte claire. © W. Berry.
Fig. 166. Céramique grise et claire provenant vraisemblablement d’autres ateliers que Sevrey, deuxième moitié du IXe siècle au XIIe siècle : 1-6. Cruches à bec ponté du premier groupe et 7. Décor gravé ; 8-10. Cruches à bec ponté du deuxième groupe ;
11-23. Oule et cruches des groupes trois à cinq ; 24-26. Cruches en pâte claire. © W. Berry.

Un deuxième ensemble est formé par quatre larges cruches à bec ponté similaires (Ø 15-16 cm). Leur pâte grise est dénuée des nombreux grains de quartz et nodules ferreux de Sevrey, mais inclut de nombreuses paillettes de mica argenté ; les surfaces montrent une finition sommaire. Les lèvres sont horizontales avec une légère gorge centrale ou bien sont en bourrelet à gorge interne ; les becs sont serrés à l’emplacement du joint avec la lèvre et les exterminées de ces éléments sont aplaties pour former un disque recourbé de 4 à 5 cm de large (fig. 166.8-10). Distinctes de la cruche C2 du lot B du site “Les Tupiniers” datant du Xe s., ces deux variétés montrent des parallèles avec des pots datés du XIIe s. à Tournus (Mouton 2006, 128 ; Horry et al. 2014, fig. 77.2).

Les vingt-trois autres individus prouvent être divisés en cinq variétés distinctes. Neuf ressemblent au premier groupe décrit ci-dessus mais diffèrent par leurs surfaces mattes. Avec l’exception d’une oule à lèvre en bandeau (fig. 166.11), tous correspondent à des variétés de cruches, parmi quelles on note un exemple à lèvre évasée, arrondie à l’extérieur (fig. 166.12), une autre à gorge interne à lèvre en marli à bec ponté de taille réduite (fig. 166.13), et une troisième de grande taille (Ø 18 cm) à lèvre sans gorge (fig. 166.14) possède une large anse plate (larg. 6 cm). Les fonds associés sont toujours bombés. Présentant diverses nuances de pâte et de traitement de surface, les quatorze vaisseaux restants, tous des cruches de formes variées, peuvent être attribués à au moins cinq autres ateliers. Tous contiennent des quantités variables de mica argenté, ceux-ci s’étendent d’un type gris-clair à surfaces lisses (fig. 166.15-16) à des variétés plus grossières et granuleuses (fig. 166.17-18) ou d’une une tonalité gris bleuâtre semblable de Sevrey (fig. 166.19-23). Absentes avant 1100 à Saint-Lazare, ces céramiques trouvent des parallèles du Moyen Âge central à Tournus et sur d’autres sites, comme “Le Bourg” à Reyrieux (dans l’Ain, au nord de Lyon ; Faure-Boucharlat 2001b, 247-248). En résumé, si globalement plus d’un tiers des importations en pâte grise de cette période sont attribuables à Sevrey, la part de marché de ces ateliers, totalement dominante avant le XIe s., tombe par la suite à 15 %, alors que dans le même temps, les autres importations de céramiques grises ont augmenté de façon considérable.

Un phénomène particulièrement marqué à Saint-Nazaire à la fin de cette période (début de l’État 11) est l’apparition d’un nombre croissant de céramiques fines, en pâte beige ou rouge, peinte ou glaçurée, qui sont en grande partie importées. Bien que ce matériel ne soit pas traité dans ce rapport, il est intéressant de noter la présence de quatre larges cruches à bec ponté (Ø jusqu’à 19 cm) réalisées en cuisson oxydante. De pâte beige grossière aux surfaces gris beige et à texture sableuse avec de petites paillettes de mica argenté apparentes, leurs bords sont évasés et épais (1 cm) avec une gorge interne plus ou moins prononcée (fig. 166.24-26). L’une de ces cruches est équipée d’une anse plate à rainure centrale naissant sous le bord. Comme d’autres cruches présentées ci-dessus, de type similaire en pâte grise, elles trouvent des parallèles au XIIe s. à Tournus (Mouton 2006, 128 ; Horry et al. 2014, fig. 77.2), attestant de la sorte le retour des vaisseaux en pâte claire, également dans le répertoire de la céramique commune, même en quantité très faible (Vicard 1996, 280 ; Horry 2013, 167).

La production locale

Dans l’ensemble, la céramique produite localement représente 82 % de l’assemblage entre les IXe et XIIe s. Comme pour les périodes précédentes, cette poterie se distingue surtout par l’utilisation d’argiles siliceuses non-calcaire et l’emploi de dégraissants granitiques contenant des quantités variables de mica argenté et/ou doré. La fabrication est souvent sommaire, mais l’on rencontre également quelques exemples de qualité plus fine. Les potiers semblent avoir su profiter des propriétés du mica en donnant à leurs pots un aspect souvent bien distinct, comme ceux produits aux IIe et IIIe s. par l’atelier de la rue des Pierres. Les caractéristiques de la demi-douzaine de types techniques principaux identifiés à Saint-Nazaire entre l’époque carolingienne et début du Bas Moyen Âge sont résumées dans le tableau X11.

La plus grande partie de l’assemblage consiste en des vaisseaux en pâtes K à N (86 % ; 259 NMI). Ces quatre types sont absents des céramiques de Saint-Lazare et sont donc susceptibles d’être postérieurs à 1100. En fait, il existe des arguments pour établir leur apparition dans le préau seulement au cours du XIIe s. En revanche, d’après les données issues des fouilles de Saint-Lazare, on peut démontrer que les céramiques en pâtes H, I et J trouvées à Saint-Nazaire sont plus ou moins contemporaines des importations de Sevrey datant de la seconde moitié du IXe s. jusqu’au XIe s. Les pots réalisés dans ces trois types de pâte sont limités à 42 NMI, soit 38 % du total des individus identifiés pour cette période, importations comprises.

Peu d’exemples en pâte H (11 NMI) incluent deux récipients assimilés à des cruches à large anse plate (dont six ont été identifiées), mais le type de bec reste inconnu : un de taille moyenne est à lèvre arrondie à gorge interne (Ø 17 cm), l’autre plus grand (Ø 20 cm) à lèvre épaisse infléchie et éversée, (fig. 167.3-4). Un troisième individu, plus petit et densément couvert de mica doré, est une cruche à lèvre simplement arrondie et à bec verseur pincé (fig. 167.2). Le bord en bandeau rudimentaire d’un autre vaisseau peut appartenir à un pot globulaire (fig. 167.1). On remarque par ailleurs, de façon intéressante, que les fragments de fonds épais en pâte H sont bombés mais les fonds minces sont plats, car ils correspondent peut-être respectivement à des cruches et des pots à cuire. Le décor inclut des barres estampées de cinq carrées placées horizontalement ou diagonalement (fig. 167.5-6), ou bien des arêtes de poisson faites à la molette (fig. 167.7)12. Compte tenu des particularités de l’ensemble, il semble que l’échantillon soit assez incomplet. Le fait que la plupart de ces fragments ont été trouvés dans les couches supérieures des “terres noires” perturbées par la création du préau laisse entendre qu’ils pourraient dater des environs du milieu du IXe s. Ils pourraient même être antérieurs aux premiers exemples de la seconde production de Sevrey trouvés dans les mêmes niveaux. En fait, ils constituent peut-être le chaînon faisant la liaison avec la pâte micacée F5 décrite plus haut, datée provisoirement du VIIIe s. Ainsi, bien qu’on ne puisse le prouver, il est plausible que cette céramique appartienne à la phase initiale de l’installation du chapitre dans le groupe épiscopal.

Céramique de production locale (Tabl. X), IXe au XIe siècle : 1-4. Vaisseaux en pâte H ; 5-7. Exemples de décor ; 8-15. Cruches à bec pincé en pâte I ; 16-22. Oules à lèvre en bandeau en pâte J ; 23-24. Exemples de panses côtelée ; 25-30. Cruches en pâte J, et 31. Exemple de décor de losanges réalisé à la molette ; 32. Décor d’un pot en pâte I à rangées de larges rectangles faits à la molette. © W. Berry.
Fig. 167. Céramique de production locale (Tabl. X), IXe au XIe siècle : 1-4. Vaisseaux en pâte H ; 5-7. Exemples de décor ; 8-15. Cruches à bec pincé en pâte I ; 16-22. Oules à lèvre en bandeau en pâte J ; 23-24. Exemples de panses côtelée ; 25-30. Cruches en pâte J, et 31. Exemple de décor de losanges réalisé à la molette ; 32. Décor d’un pot en pâte I à rangées de larges rectangles faits à la molette. © W. Berry.

Les dix-huit pots en pâte I comprennent quatre variétés de cruches qui montrent un possible progrès en qualité mais aussi en forme entre le IXe et le XIe s. Sept – dont deux conservent leur bec pincé – à lèvre infléchie et éversée sont proches des vaisseaux en pâte H, mais sont plus petits (Ø 13-16 cm) avec des surfaces noires lustrées (fig. 167.8-10). Un huitième de bonne facture à bord roulé et large bec pincé (Ø 15 cm) présente des surfaces gris foncé saupoudrées de mica argenté et doré (fig. 167.15). Trois autres (fig. 167.11-12), dont deux également à bec pincé, se distinguent par la présence de lèvres à légère gorge interne (Ø 15-16 cm). Quatre individus (fig. 167.13-14) sont semblables, mais à lèvre éversée et gorge interne plus développée ressemblant au type A2 de S. Renimel à Sevrey (Renimel 1974, fig. 21) ; ils étaient probablement équipés de becs pontés. L’ensemble est complété par trois oules – dont une en bandeau à poulie – à panses épaisses côtelées ainsi qu’un fragment de décor de deux rangs de rectangles faits à la molette (fig. 167.32 ; Horry et al. 2014, fig. 74.14). Tous les fonds qui peuvent être associés sont bombés.

La pâte J (14 NMI en total) concerne tout d’abord des pots globulaires à panses côtelées et à lèvres en bandeau à poulie assez variés en profil (Ø 12 cm en moyenne ; fig. 167.17-24). Il y a aussi trois cruches à lèvre éversée et gorge interne (Ø 15 et 16 cm ; fig. 167.25-27), peut-être à bec ponté et à anses plates ; une à lèvre triangulaire et petit bec pincé (fig. 167.29) ; et une cinquième de forme singulière (fig. 167.30). Ces éléments présentent dans leur majorité des parallèles à Tournus entre la deuxième moitié du IXe et le XIe s. Pourtant plusieurs exemples (fig. 167.16.28) comportent des bords rappelant ceux des ollae de la période précédente (Horry 2000, fig. 4.21-22, fig. 7.14). Il peut s’agir simplement d’archaïsmes, mais la possibilité qu’ils soient plus anciens ne peut être exclue. Quant au décor, un seul fragment de panse porte un registre de losanges fait à la molette (fig. 167.31).

Interprétation

Limitées à un total de 113 NMI, les données quantitatives pour la période comprise entre le IXe et le XIe s. doivent être traitées avec circonspection. Néanmoins, il semble possible d’en tirer plusieurs points intéressants. On constate avant tout la place significative occupée dans l’échantillon global par les céramiques importées (62 %). Cela informe de façon particulièrement intéressante sur les orientations commerciales à l’époque. Tandis que la production de Sevrey semble sans rivale aux IXe et Xe s., des céramiques issues d’ateliers non identifiés, mais probablement aussi situés dans le Val de Saône, s’imposent par la suite. Le développement des céramiques produites localement à la même période peut être singularisé, mais avec plus de réserve. Notre connaissance des vaisseaux en pâte H est certainement très lacunaire, mais les relations avec la pâte F5 suggère une continuité avec la fin de la période mérovingienne. De même, la lourdeur de ses formes (cruches à épaisses lèvres éversées, larges anses plates, fonds à la fois plat ou bombé, le seul bec connu pincé) évoque une possible position transitoire entre les VIIIe et Xe s. (Faure-Boucharlat 2001a, 72). Les pots en pâtes I et J, bien apparentés, ressemblent plus étroitement au répertoire suprarégional et semblent appartenir aux Xe et XIe s., bien que plusieurs des formes plus “archaïques” en pâte J pourraient indiquer un début de développement bien ancré dans le passé, comme pour la pâte H.

En termes de fonction, on constate la prédominance des vases à verser (globalement 73 %), avec semble-t-il dans un premier temps des becs pincés, puis, peut-être à partir du Xe s. des becs exclusivement pontés ou à peu près. Malgré la taille restreinte de l’échantillon, il est intéressant de noter que parmi les importations en provenance de Sevrey, les oules représentent 65 % des exemples en pâtes S1 et S2, et (plus tard ?) 38 % en type S3, tandis que pour les autres importations, 92 % sont des cruches. La production locale en pâtes H et I était consacrée aux cruches (la majorité apparemment à bec pincé) alors que la pâte J concerne deux fois plus des pots à cuire que des cruches. La grande proportion de oules au début de la période est attestée aussi sur d’autres sites, par exemple dans l’assemblage de l’Horizon III (de la fin du VIIIe au Xe s.) à Lyon-Presqu’île, où les pots globulaires atteignent 70,7 % de l’ensemble, tandis que les cruches, tous types confondus, atteignent seulement 13,8 % du total (Horry 2000, tabl. 11). À Tournus il n’a pas été possible d’obtenir des pourcentages exacts, mais les cruches semblent devenir majoritaires à partir du XIe s. (Horry et al. 2014, 97-99). Ces changements statistiques peuvent refléter des modifications dans la préparation des aliments, avec par exemple, la baisse significative du nombre d’oules dans l’échantillon au moment même où les vaisselles destinées au stockage ou au service de liquides augmentent de façon marquée. On peut aussi se demander si les cruches importées n’étaient pas destinées à la table tandis que les céramiques locales, de moindre qualité, étaient reléguées aux cuisines, comme ce sera clairement le cas à Saint-Nazaire au Bas Moyen Âge.

Conclusion

Synthèse pour les États 1-10

En résumé, malgré des pertes et des lacunes dues aux modifications répétées du site du cloître jusqu’au XVIe s., il est possible de déterminer une chronologie générale et de définir les caractéristiques principales de la céramique associée à chaque phase d’occupation entre le Ire et le XIIe s. (État 1 jusqu’au début de l’État 11). Les deux lots gallo-romains les plus conséquents fournissent des données importantes vers le début et à la fin du Haut-Empire. La première situe la première occupation du site dès la période Tibère-Claude, peu après l’aménagement d’une terrasse à l’ouest, et se poursuit jusqu’à la fin du Ier s. (État 1). Le second lot établit la datation de la reprise d’une occupation domestique et la construction d’une demeure dans la zone orientale du site dans les premiers deux tiers du IIIe s. offrant ainsi un terminus post quem pour la réhabilitation de ce bâtiment coïncidant avec la création supposée de la domus ecclesiae au IVe s. (État 3). Ces deux assemblages encadrent l’activité artisanale de l’État 2, pour laquelle les trouvailles de céramiques sont très faibles à l’exception des nombreux creusets de cémentation qui semblent dater de la fin du Ier s. ou de la première partie du IIe s. Le rapport entre les ateliers situés sur et autour du site et l’occupation du Ier s. reste incertaine, mais la position stratigraphique de la céramique de l’État 3 montre que la production métallurgique avait pris fin avant la fin du IIe s.

Les contextes de l’Antiquité tardive, très perturbés par les constructions et remaniements postérieurs, ont fourni un échantillon beaucoup moins abondant, mais toutefois suffisant pour confirmer une occupation continue parallèle à la mise en place de la domus ecclesiae. Plus instructives sont les céramiques de la période mérovingienne qui montrent les changements intervenus depuis la seconde moitié du Ve s. Provenant vraisemblablement des États 5 et 6 de la résidence épiscopale, cette vaisselle de cuisine incluant les ollae en céramique orange ou “bistre” et par la suite en cuisson réductrice, apparaissent aux côtés d’une intéressante série de vaisseaux de forme ouverte en pâte orange toujours clairement d’inspiration Antique. Bien que fondé sur un échantillon nettement moins étoffé, on perçoit tout de même une étape majeure dans l’évolution vers une céramique proprement médiévale qui semble avoir lieu au cours des VIIe et VIIIe s., alors que la céramique à pâte claire et les formes ouvertes tendent à disparaitre du répertoire. Il en résulte que dès le IXe s. (État 8) les formes courantes à Saint-Nazaire se limitent aux oules et cruches. Cette situation va perdurer à travers une bonne partie du Moyen Âge central (États 9-10), montrant les modifications progressives qui vont s’amorcer au cours du XIIe s. et qui seront plus marquées aux siècles suivants (États 11 et 12).

Un aspect important de la céramique étudiée est la place prise par la vaisselle importée, principalement, mais pas seulement, la céramique fine dans l’Antiquité, la plus commune par la suite, les importations devenant majoritaires durant la période mérovingienne et plus encore dans la seconde moitié du IXe s. jusqu’au XIIe s. La source principale de cette production est le Val de Saône et surtout le Chalonnais, selon un modèle commercial fondé sur l’étroite relation établie de longue date entre les villes antiques d’Autun et de Chalon (Kasprzyk 2005 ; Kasprzyk & Nouvel 2010 ; Joly & Mouton-Venault 2012) qui a été maintenue tout au long du Haut Moyen Âge (Berry 1987).

Il est par ailleurs intéressant de noter en parallèle la continuité dans la production de poteries de l’Autunois au cours de la première partie de la période médiévale. Jusqu’à présent, ces céramiques n’ont jamais fait l’objet d’une étude approfondie. De proportion faible à l’époque mérovingienne, elles ont augmenté de façon plus significative à partir du Xe s. Partagée également entre oules et cruches concurrençant la céramique importée depuis le Xe s., cette production locale deviendra majoritaire aux XIIe et XIIIe s. À partir de cette époque, l’industrie potière locale, avec des ateliers situés dans la ville mais aussi dans la campagne environnante, rivalisera avec les importations avec plus ou moins de succès jusqu’au milieu du XIXe s.

Postscript : le Bas Moyen Âge et après (États 11-19)

Aux XIIe et XIIIe s. (États 11 et 12), on note une augmentation importante dans le NMI pour l’assemblage étudié qui provient de la zone cernant le puits (US 702). Probablement en grande partie redéposé volontairement, cet ensemble dépasse la centaine de vaisseaux des trois siècles précédents puisqu’on en compte plus de quatre cents. Une partie d’entre eux sont des importations provenant vraisemblablement d’ateliers autres que Sevrey et comportent aussi un peu de la dernière production locale en pâte I. Cependant, la grande majorité appartient à la croissance exponentielle des vaisseaux de fabrication locale dans des pâtes assez micacées K-N (tabl. X). En se fondant sur les informations recueillies à Saint-Lazare, l’apparition de ces pâtes peut être placée après 1100, tandis que les données numismatiques provenant des niveaux situés autour du puits (US 702) montrent avec une certaine assurance que leur production a commencé à être significative à partir de la seconde moitié du XIIe s. Les oules à lèvre en bandeau sont rares (presque exclusivement en pâte N), avec des modifications notables se résumant à la tendance, pour les bords en bandeau, à devenir plus étroits et plus fléchis. Il semble qu’elles aient été remplacées graduellement par des marmites à lèvre évasée avec ou sans gorge interne et à fond bombé, comme il en existe à Lyon au cours de la première moitié du XIIIe s. (Horry 2013, 161 et 164). Par ailleurs, les cruches à bec ponté et fond bombé ressemblent à celles réalisées un siècle ou deux auparavant et continuent d’occuper la première place dans le répertoire des formes.

Comme on l’a constaté précédemment, c’est aussi la période au cours de laquelle la vaisselle en pâte claire réapparait. Le plus marquant est l’apparition de vaisseaux destinés au service de liquides (surtout les pichets) en pâte rouge au début, plus tard aussi en pâte beige, partiellement recouverts d’une glaçure plombifère. Comme à Tournus, ces éléments semblent apparaître à partir de la seconde moitié du XIIe s. (Horry et al. 2014, 101). À noter toutefois que plusieurs fragments en pâte grise couverts d’une épaisse glaçure vert olive peuvent être plus précoces. Le répertoire de la céramique glaçurée se diversifie au cours du XIIIe s., allant des formes simples non décorées à l’utilisation limitée de bandes de barbotine au style dit “très décoré”, avant de céder la place au XIVe s. à des formes plus sobres. Également en céramique claire, on trouve une belle série des pichets et cruches à bec tubulaire ornés de peinture rouge présentant une grande variété de motifs géométriques et flamulés. Bien que quelques fragments de panses peintes soient présents dans des contextes plus anciens, l’apparition de ce groupe, probablement originaire du Val de Loire, semble coïncider plus ou moins avec celui de la céramique glaçurée vers la fin du XIIe et au XIIIe s. Ces dernières sont elles aussi des importations, en partie peut-être de l’atelier de “Tigny” à Chaudenay (près de Chagny, Saône-et-Loire. ; Maerten 2011, 190-193). Cependant, les potiers locaux semblent bientôt commencer à produire une vaisselle glaçurée en pâte orange semi-fine à mica argenté13.

À partir du XIVe s., le répertoire des céramiques trouvées à Saint-Nazaire sera étroitement parallèle à celui des régions voisines situées le long de la Saône et de la Loire (Faure-Boucharlat 1996 ; Horry 2013 ; Husi 2003). Les importations perdureront et constitueront toujours une part importante des assemblages avant et après la suppression du cloître, comme on le voit dans le cas de la faïence. Toutefois, on remarque la spécificité selon laquelle les céramiques produites dans l’Autunois posséderont souvent, outre des pâtes distinctives, des idiosyncrasies qui démentent leur origine et suggèrent l’existence de ce qui peut être considéré comme une véritable tradition locale. L’imposante quantité et la diversité du mobilier céramique de Saint-Nazaire combinées aux données fournies par de récentes fouilles d’ateliers (Maerten 1994 ; Venault 1998) et leur identification dans la ville et dans la campagne environnante (Maerten 1998 ; Maerten 2011 ; Nouvel 2011) offrent l’opportunité d’étudier l’évolution de cette tradition jusqu’au XIXe s.

Les monnaies

Par Marc Bompaire

Trois cent vingt objets inventoriés dont un certain nombre d’objets indéterminés ou non monétaires (un bouton, trois médailles religieuses, deux plombs de commerce et deux autres plombs, une douzaine de méreaux – de plomb également – une quinzaine de jetons), autant d’objets qui peuvent fournir des éléments à la chronologie et à l’interprétation des contextes archéologiques, même si leur usage et leur mode (et durée) de circulation se distinguent de ceux des monnaies (tabl. XI). Parmi celles-ci on peut hésiter à ranger cinq “rondelles” ou “cuivres”, selon les termes où s’est arrêtée la description, une vingtaine de pièces “illisibles” totalement indéterminées, qui se distinguent de pièces similaires qui ont paru (témérairement peut-être) attribuables à une période plus ou moins large : antiques, médiévales, “XIIe-XIVe s.”, “XIVe-XVIe s.” … Il reste 260 objets étudiables.

Étude des monnaies par siècle, US et Phases. © M. Bompaire.  
 Tabl. XI. Étude des monnaies par siècle, US et Phases. © M. Bompaire.

Il en résulte l’impression d’un ensemble abondant, de trouvailles monétaires assez denses sur une fouille de 1 000 m2 (où les tamisages ont été de règle), reflétant la continuité d’activité sur un site constamment occupé et régulièrement remanié, mais reflétant également les variations dans la disponibilité (quantités émises) et l’usage des monnaies au cours des siècles, selon qu’il s’agit de monnaies de bronze antiques et de cuivre modernes et contemporaines ou des monnaies d’or puis d’argent des temps mérovingiens, carolingiens et postérieurs jusqu’à la multiplication des frappes de deniers altérés à partir de la fin du XIIe s. et c’est à cette période que se situe le seul exemplaire des rares deniers d’Autun recueilli sur le site. De ce fait, la contribution des jalons numismatiques à la chronologie des structures correspondant à ces hautes périodes est d’autant plus limitée qu’elle se fonde sur des effectifs très faibles alors même que la géométrie des pièces dans leur matérialité les rend particulièrement sujettes et sensibles à des phénomènes d’intrusion, de redéposition, de résidualité (remblais rapportés…) qui rendent particulièrement complexe et délicate leur interprétation.

Méthode et précautions d’interprétation

Pour les monnaies dont l’identification a pu être déterminée avec davantage de finesse, il convient de rappeler que les périodes d’émission de certains types ont pu s’étendre sur des durées couvrant plusieurs décennies, voire plus d’un siècle, et d’autre part que la période de circulation normale et la période de prolongation possible à la circulation de chaque type de monnaie laissent place à une certaine latitude d’appréciation à la proposition de datation. Celle-ci est établie à partir du terminus post quem donné par la date d’émission de la pièce ou par la date minimale d’enfouissement (DME) établie en y ajoutant la durée de circulation minimale estimée en fonction de l’état d’usure de la pièce, une variable pour laquelle de bonnes grilles d’estimation ont été établies dans le cas des bronzes romains du Haut-Empire qui ne peuvent être transposées sans risques à d’autres types de monnayages. La durée de circulation est ainsi plutôt estimée à partir des données fournies par l’examen des textes et des trésors monétaires, mais ceux-ci concernent plus souvent les monnaies de métal précieux sur lesquelles se fonde le système monétaire que les petites monnaies divisionnaires, monnaies noires ou de cuivre sur lesquelles seule la compilation de données archéologiques région par région pourra fournir à terme les référentiels les plus précis. La valeur attachée à l’objet monétaire (et déjà même à l’objet métallique) favorise leur récupération et parfois même leur remise en usage, ce qui vaut à la fois pour les pièces comportant une masse significative de métal précieux mais aussi, à l’autre bout de la gamme des valeurs pour les monnaies à fonction fiduciaire, dans la mesure où tout ce qui peut venir pallier le manque récurrent de monnaie divisionnaire d’usage courant est bienvenu, même si ce n’est souvent que dans un réseau aux horizons limités du fait de la difficile (re)convertibilité de ces piécettes en espèces de cours largement reconnu et de métal précieux.

Ce rappel paraissait nécessaire pour la bonne utilisation des données numismatiques comme appuis à l’établissement des chronologies.

Monnaies contemporaines

Les meilleurs tests peuvent être fournis par les niveaux les plus récents, pour lesquels les effectifs des monnaies retrouvées sont assez importants pour soutenir l’analyse.

Si on prend pour exemple le bâtiment oriental, 12 pièces des XIXe s. (3) et XXe s. (9) (US 1206, 1216, 1329, 1338, 1340) auxquelles s’ajoutent dans un petit espace fermé (US 1221, 1239) 5 exemplaires (3 du XIXe s. et 2 du XXe s.) succèdent à 6 pièces du XVIIe s. qui pouvaient circuler lors de la transformation en cave aux XVIIe-XVIIIe s. (US 1336-1337). La création de cette cave a été marquée par un décaissement drastique qui n’a laissé subsister pour toute la période antérieure qu’une pièce, probablement datable du XIIe-XIIIe s., à l’extrême nord de la zone dans les contextes du chantier d’extension de Saint-Nazaire au XIIIe s. ainsi qu’une monnaie romaine (sous US 1255) pour laquelle, en l’absence d’autre mobilier (céramique) contemporain, on ne peut déterminer qu’elle est en position primaire.

Monnaies antiques

En effet, alors que sur l’ensemble du site les monnaies contemporaines (XIXe et XXe s.) figurent toutes dans les couches superficielles, la position des monnaies antiques est bien plus délicate à interpréter sur un site qui a connu autant de remaniements (synthétisés dans les 19 états analysés plus haut).

Une seule pièce du IVe s. (Théodosien, fin IVe s.) trouvée au fond d’une tranchée de récupération (US 1419) du Mur 1466 à l’époque mérovingienne peut être en position primaire et la même hypothèse peut être avancée pour la pièce trouvée dans le bâtiment occidental au moment de sa construction au XIe s. (US 1212A), mais avec les mêmes réserves que pour celle qui a été trouvée dans le bâtiment oriental ou pour celles qui sont liées au contexte de construction de la banquette de la galerie orientale au XIIe s. (US 2033, 2041, 2290). La présence d’une monnaie romaine dans les “terres noires” du Haut Moyen Âge (US 710) serait plus concluante si ces terres ne contenaient aussi deux pièces plus récentes en raison probablement de perturbations à l’époque de la création du préau du cloître (milieu IXe s.) et lors des grands travaux de construction du XIIIe s. L’exemple le plus remarquable est fourni par la zone, à l’ouest, où affleurait presque la terrasse antique qui avait structuré l’espace. Lorsque cette zone fut reprise au XVIe s. avec la construction d’un nouveau mur de soutènement, les couches qui semblent avoir été retournées comportaient un nombre significatif de monnaies et de mobilier antiques résiduels (US 105 : 4 exemplaires sur 6) associés à quelques pièces du XIVe s. seules présentes dans le niveau suivant (US 161).

On comprend que lors des nivellements qui ont marqué l’époque moderne, facilités par la destruction du préau puis des galeries sud et ouest au XVIe s., ce qui donnait à cet espace l’allure d’une vaste aire ouverte, des monnaies d’époques diverses déplacées à l’occasion de divers travaux et chantiers (tranchées de récupération de murs…) aient pu se trouver déposées sur le site, monnaies antiques y compris, dans des couches réunissant un matériel assez hétérogène. Il y a ainsi une monnaie antique dans des couches de nivellement (US 111, 161) datables stratigraphiquement du XVIe s. ou dans celles du XVIIIe s. (US 225, 97) mais aussi dans les US 261, 461, 485, 551 ou 935 associant monnaies antiques et plus récentes. Une monnaie romaine affleurait encore dans le nettoyage d’une berme !

Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible d’aller beaucoup plus loin dans l’interprétation fine de la résidualité ou de l’utilisation au Haut Moyen Âge de ces monnaies antiques qui représentent tout de même 28 exemplaires soit près de 10 % des monnaies recueillies et marquent la forte empreinte romaine dans le sol d’Autun.

Hétérogénéité et représentativité

Les monnaies recueillies dans l’US 97 illustrent bien les limites de l’approche chronologique par la numismatique puisque figurent à la fois une monnaie antique, une monnaie et un jeton du XVe s. et une monnaie du XVIIe s. qui n’ont certainement jamais pu circuler ensemble (sauf les deux pièces du XVe s.), un groupement pour lequel aucune fourchette chronologique ne peut être proposée par la numismatique. D’autres exemples similaires apparaissent dans le tableau (tabl. XI) où est présenté, dans l’ordre des états reconnus dans le Chapitre 2, ci-dessus, le profil chronologique des monnaies recueillies dans chacun des contextes qui y sont présentés comme les plus significatifs. Les pièces contemporaines et attendues comme datantes pour l’état considéré sont mises en évidence graphiquement.

Représentativité

On peut observer des cas de bonne conformité en particulier aux XIIe-XIVe s. (États 11 à 13) qu’il s’agisse de monnaies du XIIe s. trouvées dans la galerie est (US 1938, 1950 où on attendrait toutefois aussi des pièces du XIe s. comme il y a une pièce de monnaie du XIe s. (méreau avec croix au centre, de type Chalon, Henri Ier) trouvée dans un niveau (US 7453) creusé par la tranchée de construction de la banquette (US 777), où sont attestées par ailleurs les premières céramiques glaçurées orange. Un retournement et une “mise en culture” ont perturbé la stratigraphie pour les couches romanes du préau (US 575, sauf autour et à l’ouest du puits US 703), mais cet ensemble relativement homogène associe 2 pièces de l’extrême fin du XIe s. à 3 pièces et 2 méreaux des XIIe-XIIIe s. Notons au passage que de telles associations viennent également confirmer la datation des méreaux de plomb (placés arbitrairement XIIIe s. dans le tableau) qui figurent dans des groupes bornés par le XIIe et les XIVe-XVe s., au moment où apparaissent des jetons.

On peut encore évoquer les monnaies des XIIe-XIIIe s. trouvées dans la galerie nord (US 736), dans la galerie ouest (US 557 : un méreau), moins sûrement dans la galerie sud (US 365 : la pièce est illisible), mais aussi dans le passage (US 736) et le bâtiment est (US 1366) pour des travaux du XIIIe-XIVe s., mais la concordance devient moins nette pour le XVe s. (État 14) où un méreau (US 1910) et un plomb (US 916) ne constituent pas des terminus très précis et pour le XVIe s. où une couche de destruction (US 151) contenant deux monnaies de Henri IV est scellée (US 159) par deux monnaies, du XVIIIe s. pour l’une, mais du XVe s. pour l’autre !

Horizons de circulation monétaire

Les monnaies en circulation à l’époque de fonctionnement de tel ou tel contexte archéologique ne sont pas toujours datantes de façon aussi précise que la monnaie de 1923 figurant dans les nivellements qui ont suivi les travaux et les fouilles de 1919 (US 35) où elle est d’ailleurs associée à une pièce du XIXe s. de Napoléon III. C’est l’occasion de rappeler que les pièces de cuivre émises en grandes masses par Napoléon III continuèrent d’assurer la base de l’alimentation de la circulation monétaire en pièces divisionnaires jusqu’à la guerre de 1914 au moins et que même à cette période, et plus encore dans la première moitié du XIXe s., des sols de cuivre usés de Louis XVI (cf. US 63) ou d’époque révolutionnaire circulaient très largement et parfois même dans une certaine mesure les liards et les doubles tournois de cuivre du XVIIe s. La présence d’un double tournois dans le comblement d’une fosse septique au début du XXe s. (US 1043) constitue un cas limite, mais son association avec de la vaisselle du XVIIIe s. peut dispenser de recourir à une interprétation en termes de résidualité et de secondarité pour cette pièce. Il n’y a donc pas à s’étonner que les monnaies des couches les plus superficielles contiennent des pièces remontant à la seconde moitié du XIXe s. (US 1 et 3) à côté d’une monnaie de 1950 (US 5) et c’est l’occasion de souligner la marge de précision d’un terminus offert par la numismatique.

On aurait en effet plus de difficulté à justifier par l’état de la circulation monétaire la trouvaille d’une monnaie du XVe s. (US 125) dans une couche de nivellement du XXe s. ou de deux monnaies du XIIe-XIIIe s. (dont l’une est associée à un bouton bien plus récent) dans des couches du XVIIIe s. (US 37, 57 et 59) et ce sont les perturbations intervenues sur un site aussi intensément et longuement occupé qu’il convient d’invoquer dans ce cas.

Discordances

Des discordances plus sensibles méritent d’être signalées dans la mesure où elles concernent des effectifs plus significatifs tant en termes de contextes concernés que de monnaies retrouvées. Les importants remaniements intervenus au XVIe s. en particulier sont difficilement perceptibles à l’examen des données numismatiques, puisque seuls deux contextes (US 151 et 175) présentent un terminus du XVIe s. mais dans ce dernier cas il s’agit d’une seule pièce associée à une pièce du XIIe s. : un mur de soutènement est construit au XVIe s. sur le comblement de la tranchée de récupération de la maçonnerie du IXe s. du mur nord de la galerie sud (US 169B, 175 et 345). Dans le bâtiment nord, ce sont de même 3 pièces du XIIe s. qui apparaissent seules dans les niveaux liés aux travaux des XVIe et XVIIe s. (US 926, 931 et 981 près de 937). Cela pourrait s’expliquer dans la mesure où ces travaux comportèrent également le décaissement sur plus d’un mètre dans le bâtiment de la “Chambre des comptes” des remblais opérés au XVe s. qui n’ont de ce fait laissé qu’une faible empreinte numismatique (un plomb médiéval US 916 ?). À l’inverse c’est le XIIe s. aussi qui est représenté dans les “terres noires” du Haut Moyen Âge (US 710 : une monnaie et un méreau pour une pièce antique) en raison probablement, là encore, des travaux liés à la reconstruction de Saint-Nazaire au XIIIe s. en particulier la mise en place d’une plateforme en pierre (US 731) ayant entamé les “terres noires” au nord.

Lors des travaux sur le mur de la galerie sud il faut noter que l’autre monnaie associée à la pièce datant du XVIe s. avait été frappée au milieu du XIVe s. (US 169), un terminus qui apparaît “numismatiquement” clair pour d’autres contextes liés aux travaux du XVIe s. Il en va ainsi pour les monnaies provenant de l’US 111 surmontant les derniers niveaux d’occupation du cloître qu’elle vient sceller avant les travaux du XVIe s. et c’est le même terminus qui correspond par exemple à l’épandage dans la cour des niveaux destruction (US 105D et 161), avec le probable apport de remblais extérieurs, alors même que ceux-ci sont bien datés du XVIe s. par la céramique.

Ce décalage entre la date d’émission des monnaies et la datation des contextes ne s’explique aucunement par une rareté des émissions monétaires dans la période qui va du milieu du XIVe s. au XVIe s., de façon générale, même si on est dans une période de “famine monétaire” selon les historiens de la monnaie, ni même par une situation locale qui les aurait exclues de la circulation monétaire, car on a trouvé à Autun-même, à Saint-Pierre-l’Estrier, aussi bien des pièces de Namur de la seconde moitié du XIVe s. que des doubles tournois de Charles VII à François Ier, alors que ceux-ci sont totalement absents à Saint-Nazaire.

On pourrait de même relever l’absence des pièces des IXe et XIe s. (avant les dernières années du siècle) qui correspondent aux grandes phases de travaux mis en évidence par l’étude archéologique. Cette rareté était attendue pour les pièces du IXe s. mais elle fait davantage question pour les pièces de l’an mil et du XIe s. dont la circulation apparaît significative par exemple sur des sites castraux comme Charavines, Andone (Dhénin 2009) qui ont certes été abandonnés ensuite mais aussi comme Boves (Bompaire 2012) où l’occupation a été continue.

Cela va aussi quelque peu à l’encontre de l’hypothèse proposée par Jens Christian Moesgaard (Moesgaard & Wasylyszyn 1995) d’une surreprésentation des monnaies circulant à l’époque des grandes phases de travaux dans les trouvailles en contexte primaire mais aussi hors contexte. En l’occurrence le recours à l’ensemble des pièces trouvées à Autun ne modifie pas beaucoup le profil chronologique présenté ci-dessus. La prédominance des mêmes terminus XIIe-XIIIe-XIVe s. peut par exemple être observée pour autres groupes de monnaies trouvées dans un même contexte (cf. seconde partie du tableau XI) ou pour des groupes d’US ne contenant qu’une pièce.

La complexité de l’histoire du site et l’ampleur des opérations de décaissement, fossoyage ou nivellement aux diverses époques viennent assurément altérer une lecture “normale” du matériel numismatique. Peut-être aussi cette lecture peut-elle conduire à réévaluer l’ampleur des chantiers engagés à l’époque gothique, dont l’emprise sur le cloître ne fut pas négligeable, même s’il n’en reste plus guère de témoins monumentaux.

Les céramiques modernes du cloître de Saint-Nazaire d’Autun

Par Jean Rosen

Cette étude des céramiques provenant de la fouille du cloître de Saint-Nazaire à Autun a porté sur quatre cent quatre-vingt-huit tessons. Vingt-trois d’entre eux recollent avec d’autres fragments, ce qui fait un nombre maximum d’individus évalué à quatre cents soixante-cinq. Ne sont concernés ici que six types céramiques de l’époque moderne, à l’exclusion des céramiques communes glaçurées (dites “terres vernissées”) ou non, des grès et de la porcelaine dite “à pâte tendre”. Il s’agit de faïence stannifère à décor de “grand feu”14 (78 %) et à décor “de réverbère”15 (1 %) ; de “terre à feu”/faïence brune (11 %)16 ; de “terre de pipe”17 (3 %) ; de terres blanches glaçurées18 (4 %) et de porcelaine dure19 (3 %).

Les tessons ont été divisés en trois ensembles distincts selon leur datation. Le premier concerne la fin du XVIe et le XVIIe s. ; le deuxième le XVIIIe s. et le dernier le XIXe s.

Pourcentage des types de céramiques. © J. Rosen.  
 Tabl. XII. Pourcentage des types de céramiques. © J. Rosen.

Ensemble I (fin XVIe et XVIIe s. ; 52 tessons)

Seuls deux tessons peuvent être datés du XVIe s. : un vase à décor de motifs stylisés en camaïeu bleu sous une pellicule vitrifiée supplémentaire dite coperta, caractéristique des productions italiennes du milieu du siècle, et un vase de pharmacie à décor polychrome de filets originaire de Lyon et datable du dernier tiers du même siècle. La présence de ces deux types est tout à fait représentative de la distribution et de la consommation très restreinte de la faïence en France à cette époque précoce.

Au XVIIe s., on remarque la présence particulièrement significative de la faïence de Nevers, qui représente la quasi-totalité des tessons, à l’exception d’un plat à aile décoré de motifs stylisés en camaïeu bleu probablement originaire d’Espagne. Le premier tiers du siècle n’est pas représenté, ce qui est normal quand on sait que la production neversoise, qui a débuté en 1585, n’a véritablement commencé à se développer qu’après les années 1640 (Rosen 2009). Mais les chiffres de 14 % pour le deuxième tiers et de 85 % pour les trente dernières années reflètent parfaitement la dimension véritablement économique prise par les manufactures de Nevers au cours de ce siècle. La proximité relative d’Autun n’explique pas tout, car ces faïenciers entretiennent un commerce actif avec Nantes, Paris et Rouen, surtout après l’ouverture du canal de Briare en 1642, et la barrière physique, économique et culturelle du Morvan constituerait plutôt alors un handicap.

Les formes les plus représentées, par ordre décroissant, sont des plats à aile large ou à godrons, des coupes, des vases, des pichets, des tastevins portant des prénoms, des bénitiers, des pots à plantes, des vases de pharmacie, des écuelles, des gobelets, des bouteilles. Moins fréquemment, on trouve un vase d’autel, une salière, une cuvette et un pot à conserve.

Parmi les décors neversois du XVIIe s. consommés à Autun (tabl. XIII), la faïence blanche, qui est alors un produit de luxe, représente 46 %, ce qui correspond bien à la part prépondérante qu’elle prend déjà à ces époques, comme l’ont révélé les fouilles des tessonnières de Nevers (Rosen 1990a ; Rosen 2009). Celle qui est décorée dans le style italien dit a compendiario, c’est-à-dire avec des motifs simplifiés peints en bleu et jaune représente 20 %, là encore un chiffre confirmé par les fouilles. Les décors qui utilisent le bleu de cobalt constituent 32 %, qu’ils soient peints en camaïeu simple (4 %), accompagnés de violet-brun de manganèse (15 %), ou posés sur un fond d’émail bleuté (13 %), comme le sont en général les motifs “chinois” très prisés après les années 1660. Enfin, les décors au vert de cuivre, plus rares, ne concernent que très peu de pièces (2 %), parmi lesquelles un exceptionnel plat à godrons à “fond turquoise”, dont on ne connaît que quelques exemplaires dans les collections publiques.

Décors de Nevers (XVIIe siècle). © J. Rosen.  
 Tabl. XIII. Décors de Nevers (XVIIe siècle). © J. Rosen.

Ensemble II (XVIIIe s. ; 255 tessons)

La quantité considérable de tessons, cinq fois supérieure à celle de l’ensemble I, montre bien l’importance croissante prise par la faïence pendant ce siècle. Sa répartition par tranches chronologiques – 18 % pour le premier tiers du XVIIIe s., 21 % pour le deuxième et 61 % pour le troisième – correspond en outre parfaitement au développement spectaculaire des manufactures françaises au cours de cette période.

Les types céramiques se répartissent comme suit (tabl. XIV) : pour la faïence de grand feu, qui assure une très large domination, 85 % ; la “terre à feu”, céramique culinaire qui apparaît couramment vers le milieu du siècle sur les tables françaises, 8,6 % ; la porcelaine dure, d’origine extrême-orientale et surtout chinoise – sa recette ne sera répandue en France qu’après 1770 –, qui constitue une céramique de luxe, 3,5 % ; la faïence à décor de réverbère, dont la consommation reste encore très modeste, 1,2 %, et la terre de pipe, que l’on commence seulement à produire couramment à Paris et en Lorraine, 1,2 %. Là encore, rien d’extraordinaire dans ces chiffres, qui reflètent bien la consommation classique au XVIIIe s.

Types des céramiques du XVIIIe siècle. © J. Rosen.  
 Tabl. XIV. Types des céramiques du XVIIIe siècle. © J. Rosen.

En ce qui concerne les provenances de ces céramiques (tabl. XV), on retrouve la part extraordinaire prise par la faïence de Nevers (près de 70 %), dont chacune des douze manufactures qui fournissent tout le pays occupe de cinquante à cent cinquante ouvriers vers 1760-1780 (Rosen 2009a ; Rosen 2011). Elles possèdent un réseau de distribution de plus en plus étendu grâce aux marchands régionaux qu’elles approvisionnent régulièrement et à bon marché. Le centre de Rouen, qui constitue d’habitude dans le panorama national un concurrent sérieux, n’est guère représenté (2 %), sans doute en raison de l’éloignement et des difficultés de communication, mais on trouve cependant de la porcelaine de Chine à décor en camaïeu bleu, importée en masse par la Compagnie des Indes, qui connaît ici comme ailleurs un certain succès (4 %), et de la faïence hollandaise de Delft (2 %), en général très bien distribuée. De faïence des grands centres comme Moustiers, Marseille ou Strasbourg, point. S’il s’agit là de constatations sans surprise, le fait le plus remarquable est l’apparition des productions de manufactures régionales proches qui commencent peu à peu à s’immiscer dans ce marché encore largement dominé par Nevers, signe d’un mouvement qui ne s’affirmera vraiment qu’au siècle suivant. C’est ainsi que Dijon, qui totalise cinq manufactures au XVIIIe s. (Blondel & Rosen 1987 ; Rosen 1989 ; Rosen 1990c), fait une apparition remarquée, avec 13 %. Il en est de même pour la Franche-Comté, qui possède une belle densité de fabriques (2 %), Meillonnas et Mâcon, dont les produits sont proches (2 %), Aprey (1 %), voire même la Bourgogne auxerroise, fort peu représentée il est vrai. Les puissantes manufactures de la Lorraine et de l’est, dont l’importance va croissant, font également une percée notable (2 %).

Provenance des céramiques du XVIIIe siècle. © J. Rosen.  
 Tabl. XV. Provenance des céramiques du XVIIIe siècle. © J. Rosen.

Parmi les fonctions attestées par les nombreuses formes du XVIIIe s. retrouvées à Autun, le service de la table occupe une part importante : l’assiette circulaire domine largement, de même que les plats, de plus en plus creux, signes du changement dans les habitudes alimentaires. On trouve des légumiers, écuelles, coupes, boîtes à épice, faisselle. Les formes contournées apparaissent là comme ailleurs vers le milieu du siècle, sur les assiettes comme sur les saladiers dont le revers forme des godrons obliques. Quant au service des boissons, le tastevin concerne davantage le premier tiers du siècle, alors que les pichets et autres rafraîchissoirs à bouteilles sont surtout présents dans la deuxième moitié. Le service des “boissons exotiques” – thé, chocolat, café – est attesté après 1720 par des verseuses tripodes en terre à feu, des tasses et des soucoupes ; pour l’hygiène et la toilette, des cuvettes et leurs pots à eau, des plats à barbe, et des pots de chambre, surtout après 1750. Vases, caisses à fleurs et pots à plantes, à toutes les époques, assurent le décor et l’agrément. Les autres fonctions sont également représentées par quelques fragments d’encriers, deux carreaux de pavement et un bougeoir.

Les décors des faïences reflètent l’évolution des styles, repris de manière quasi identique par toutes les fabriques. Pour Nevers, le premier tiers du XVIIIe s. se caractérise par les derniers décors a compendiario et chinois à la mode au siècle précédent, puis par les lambrequins à l’imitation de Rouen et la multiplication de décors stylisés, peints à l’aide du camaïeu bleu qui règne en maître à l’époque (Rosen 2011). Les bordures de type rouennais avec des motifs alternés en réserve ou des croisillons apparaissent alors et se multiplieront jusqu’à la fin du siècle, ainsi que les “décors sommaires” dont le célèbre “cordon bleu”, omniprésent dans le pays, les oves et filets et la “course de plumets d’acanthe”, également très utilisée. Après le milieu du siècle apparaissent les décors polychromes de style rocaille encore trop souvent dits “de la Rochelle (Rosen 2007 ; Rosen 2011). Au cours du dernier tiers du siècle, les inscriptions tracées d’une main malhabile en bleu ou en manganèse sont souvent le seul décor de pièces bon marché, et les décors floraux polychromes souvent traités rapidement et de manière stylisée. Un bateau et un oiseau constituent un décor plus élaboré.

Ensemble III (XIXe s. ; 158 tessons)

Au cours du XIXe s., alors que la consommation de céramique se répand dans toutes les couches de la société, la place respective occupée par les différents types céramiques illustre à la fois les changements sociologiques et l’évolution des modes de vie. Si la faïence de grand feu décroît sensiblement, elle n’en reste pas moins prépondérante (61,5 % ; tabl. XVI), même si l’on voit que la faïence culinaire à revers manganèse progresse de manière spectaculaire (18,3 %), reflet de son utilisation accrue et de son succès auprès des classes populaires. La nouveauté et le prix modique de la terre de pipe (7,3 %), puis des terres blanches glaçurées (10,4 %) – très bien distribuées après 1860 grâce au chemin de fer –, expliquent le succès grandissant de ces nouveaux types. La porcelaine dure commune, dont la production s’accroît considérablement à cette époque, reste encore un produit urbain : elle n’est encore que peu consommée ici (1,9 %). Enfin, les faïences de réverbère, essentiellement produites dans l’est de la France, ne semblent pas au goût de la clientèle locale (0,6 %).

Types de céramiques du XIXe siècle. © J. Rosen.  
 Tabl. XVI. Types de céramiques du XIXe siècle. © J. Rosen.

Si l’on étudie les provenances de ces céramiques, on constate une diminution surprenante de la place de Nevers, qui tombe à 3,2 %, et une progression non moins spectaculaire de celle de Dijon, dont la manufacture de la rue de Montmuzard représente à elle seule 62 % de la consommation de faïence de grand feu, explicable par sa proximité avec Autun et le succès de ses productions bon marché à décor sommaire. On est en outre frappé par la diversité des autres provenances, qui dénote une multiplication de l’offre, et le succès des fabriques régionales de taille modeste à cette époque. Le phénomène est compréhensible en ce qui concerne la Bourgogne auxerroise (2 %) ou Charolles (2 %), mais d’autres régions plus éloignées, particulièrement dynamiques, rencontrent également ici un certain succès, comme la Lorraine (5,7 %) l’Île-de-France (2,5 %) ou le Nord (2,5 %). Par ailleurs et paradoxalement, les chiffres confirment aussi le succès grandissant des grandes usines nationales industrialisées productrices de terres blanches glaçurées, comme Sarreguemines, Digoin, Creil ou Gien.

Les formes du XIXe s. dénotent une évolution comparable : fonctionnalité et simplicité sont la règle, signes d’une démocratisation certaine : l’assiette circulaire règne en maître, qu’elle soit creuse et dite “calotte” ou plus rarement à bord cranté ; les plats de service sont également creux et simplement circulaires, tout comme les saladiers ; le bol remplace de plus en plus l’écuelle, et la soupière couverte ornée de prises latérales diverses, qu’elle soit plus grande et collective ou plus petite et individuelle, devient un élément incontournable de la table, de même que les pichets, les cruches et les pots à moutarde. Cuvettes, pots à lait, tasses et tisanières, encriers, bénitiers et pots à onguent complètent la liste des ustensiles dont les logements qui entourent le cloître, tout comme chaque foyer de la ville et des environs, semblent dès lors régulièrement pourvus.

Dans le domaine des décors, la simplicité est également de mise, car la modicité des prix ne permet guère les excès. La faïence de grand feu est très souvent blanche. Quand elle est décorée, elle ne porte en général que de petits motifs sommaires, fleurettes accompagnées de filets et de motifs simples souvent en camaïeu bleu, mais également en vert, manganèse, jaune, voire rouge, et parfois un mouchetis brun-violet de manganèse. Pour le quotidien, on utilise de la faïence culinaire blanche à revers brun. Les terres blanches glaçurées portent des décors imprimés généralement en noir, mais certaines productions plus technologiques peuvent être plus colorées, comme la terre “carmélite” brun-rouge de Sarreguemines.

Conclusion

En guise de consolation, après l’occasion manquée du site du Bastion de Guise à Dijon20 les fouilles du cloître Saint-Nazaire d’Autun nous offrent la possibilité rarement exploitée d’étudier la consommation de céramique moderne dans une ville moyenne du Grand Est bourguignon, du début du XVIIe jusqu’à la fin du XIXe s. Elles mettent en évidence la situation particulièrement intéressante d’une agglomération périphérique dont la consommation de céramique, plutôt tournée vers l’ouest jusqu’au milieu du XVIIIe s., semble suivre un schéma plus globalement observé dans le reste de la France. Progressivement, on observe une régionalisation qui culmine vers le milieu du XIXe s., époque à laquelle Autun semble se tourner plus résolument vers l’est, puis adopter avec un certain retard les modes qui se répandent dans le reste du pays.

Le verre creux

Par Ghislaine Merlevède-Hémon

L’étude du matériel verre présentée ici concerne le verre creux, dit vaisselle de table, recueilli sur le site de Saint-Nazaire entre 1996 et 2001. Il synthétise les données issues d’un travail universitaire (Merlevède 2001-2002) tout en prolongeant une analyse du verre creux réalisée en 1989 par Véronique Renard (Renard 1989).

Méthodologie

La fouille de Saint-Nazaire d’Autun a révélé un grand nombre de fragments de verre. Leur étude s’appuie sur les données de fouille contenues dans les rapports et sur des comparaisons avec des verreries trouvées sur d’autres sites. Par cette approche croisée, l’objectif était d’essayer de reconstituer leurs formes initiales des vaisseaux, de dater les fragments de verre et de comprendre leurs usages.

Après un inventaire et la réalisation de fiches assorties d’un dessin, il a été possible de dresser un catalogue qui concerne 117 objets. Chacune de ces fiches reprend l’identité du fragment étudié, avec un descriptif détaillé de ses caractéristiques physiques et techniques, suivi d’une analyse comparative du fragment au regard d’éléments analogues trouvés sur d’autres sites archéologiques.

La quantité impressionnante de fragments de verre creux – 3 780 fragments inventoriés de 1996 à 2000, alors que le site avait précédemment déjà fourni du matériel verre – nécessitait une méthode de classement très rigoureuse. Une base de données a ainsi été mise en place à partir de critères très sélectifs pour associer formes et profils des objets recueillis. Le classement s’est fait en tenant compte tout d’abord de l’épaisseur des parois des fragments de verre, indicateur important pour identifier la catégorie de l’objet (flacon, bouteille, gobelet, coupelle), des motifs rapportés sur les panses, amorçant l’étude sur les techniques employées, des couleurs de la matière vitreuse, des différents types d’altérations du verre, des différences de transparences d’un fragment de verre à un autre. Cette base de données n’a cessé d’être alimentée tout au long de l’étude.

La conception de tableaux montrant les types en présence (panses, bords de panses, fonds de gobelets, socles, pieds ou jambes…), les quantités de fragments et les datations a ainsi pu être réalisée progressivement. La datation des fragments par comparaisons et le lien avec les contextes stratigraphiques a également été menée systématiquement. Enfin une synthèse de l’éventail des profils a donné lieu à la conception de planches typo-chronologiques générales (fig. 168-170).

Typologie du verre creux. © G. Merlevède.
Fig. 168. Typologie du verre creux. © G. Merlevède.

Typologie du verre creux. © G. Merlevède.
Fig. 169. Typologie du verre creux. © G. Merlevède.

Typologie du verre creux. © G. Merlevède.
Fig. 170. Typologie du verre creux. © G. Merlevède.

Données stratigraphiques

Le cloître étant un lieu de vie commune, incluant des espaces de vie propres au culte, à la vie collective (réfectoire) et à la vie domestique (cuisines, granges, cellier), il est logique de trouver de la verrerie dite utilitaire telle que des verres à boire et des bouteilles dans ce type d’environnement. Toutefois, dans sa grande majorité, le verre provient de couches de remblais, abritant du matériel hétérogène, de diverses provenances. Il s’agit donc majoritairement de matériel résiduel. Cependant, dans le cas de remplissages de fosses, les remblais ont pu être datés conjointement à l’environnement et à l’activité des hommes vivant sur le site à un moment donné.

Certains fragments proviennent parfois de niveaux d’occupation relativement peu épais, car piétinés régulièrement, avec aussi des niveaux de recharge. Ces couches d’occupation sont les témoins des diverses activités ayant eu lieu dans le cloître.

Le verre résiduel provient essentiellement de sondages réalisés dans la Chambre des comptes (Bâtiment 3) ainsi que de la fouille entreprise à l’ouest du bâtiment ouest, dans la galerie occidentale. Quelques fragments de verre proviennent de sondages entrepris à la fin de juillet 2000, dans le bâtiment oriental.

État du matériel

Le verre examiné présentait des stades d’altération plus ou moins avancés, cette dégradation étant due essentiellement à la composition de la matière vitreuse. Les études scientifiques ont démontré que le verre de composition potassique est plus sensible à un environnement humide que celui de composition sodique. Ceci étant dû d’une part aux forces de liaison du potassium plus faibles que celles du sodium dans le réseau siliceux et, d’autre part, de la proportion de la silice dans le verre à fondant sodique qui est supérieure à celle présente dans le verre à fondant potassique.

Le matériel recueilli sur le site de Saint-Nazaire répond à de nombreux critères d’altération : reflets irisés, dévitrification, altérations lamellaires, opacifications, altérations ponctuelles et micro-fissurées.

Provenances des matériaux et étude technique

L’hypothèse émise d’une provenance locale des matériaux nécessaires à la fabrication du verre (bois, fougères pour la fabrication de la potasse, sables, galets de quartz et de silex) découle d’un constat visuel et analytique de l’environnement géologique et géographique de la région autunoise. Toutefois, l’apport de matériaux extérieurs à la région semble évident si nous tenons compte de la diversification des couleurs observées sur les fragments de verre.

Si la teinte verte est une des caractéristiques des verres à dominante potassique en France continentale jusqu’au début du XVe s., dans le cas de la verrerie du site de Saint-Nazaire on a néanmoins constaté une variété de teintes encore après le XVe s. Cette teinte verte perdurera aux XVIe s. et XVIIe s. Cela pourrait indiquer que l’on a eu recours à l’importation de soudes d’origines méditerranéennes pour la fabrication de verre de couleur claire, ou que l’on a eu accès à des objets de verre de provenances diverses, ou encore que l’on a eu recours à l’importation de produits manufacturés, ces options pouvant être concomitantes.

L’étude technique a porté essentiellement sur les techniques de façonnage, de décoration, et sur la gamme des couleurs des fragments de verre. L’identification de ces techniques a permis de travailler sur une classification très poussée du matériel. Elle s’est concrétisée par la typo-chronologie déjà évoquée (fig. 168-170).

Critères de classement du matériel

Le matériel examiné se composait d’un assortiment de fragments de récipients. Nous avons remarqué non seulement la diversité des dimensions, mais également des formes après reconstitution des objets. La différence de dimensions et formes n’étant pas sans rapport avec leurs utilisations (Sauzay 1869, 38 ; Barrelet 1953, 50).

Les fragments d’objets étaient liés à la production des verres creux appelés encore “menus verres” à distinguer du verre plat ou vitrail employé pour la fermeture des fenêtres des bâtiments (Chambon 1955, 63 ; Barrelet 1953, 47).

Lors de la procédure de classement des fragments regroupant les mêmes caractéristiques, deux groupes distincts se sont détachés :

  • Le groupe des formes fermées, à savoir les verres à contenir et verser (Foy & Sennequier 1989, 258) : les fioles, flacons, bouteilles, pots, lampes.
  • Le groupe des formes ouvertes : les verres à boire (à pied, à tiges ou apodes), les coupes, les coupelles.

Comme à Tours (Motteau 1981, 85), nous avons alors constaté que les parties les plus épaisses (bords, bases de verre, goulots, fonds de bouteilles) étaient les mieux conservées.

Les formes fermées

Nous avons relevé trois critères distincts à partir d’éléments dominants dans la famille des formes fermées : les goulots tubulaires, lesfonds de flacons, les fragments de bas de panses.

  • Les goulots tubulaires ouverts et légèrement coniques dans leurs parties inférieures : la partie supérieure du goulot pouvant se décliner en un bord droit et arrondi surmonté d’un anneau à peine renflé ; en un bord évasé et épais, renflé à l’ouverture ; en un bord taillé en biais ; en un bord replié avec une finition assez médiocre. Certains bords de goulots tranchés nets proviendraient de fioles à panses comprimées, aplaties sur un des côtés ou sur les deux, la finition étant assez grossière voire inexistante.
  • Les fonds de flacons refoulés à sommets coniques très ombiliqués (Barrelet 1959, 220), ou à sommets coniques arrondis. Ces fonds s’appuyant en majorité sur des bases plus ou moins circulaires ou légèrement elliptiques proviendraient de flacons de formes globulaires.
  • Les fragments de bas de panses relativement plates : c’est à partir de l’observation de ces types de fragments (assez gros, à la surface plane à peine bombée) que nous avons extrait des données récurrentes à savoir, l’ébauche du départ de la pliure des bas de panses refoulées par le verrier pour former la culasse de la fiole. Ces fioles mesurant environ vingt à vingt-trois centimètres de hauteur.

De façon générale, on constate que les diamètres des fonds de flacons (socles) avoisinent les 90 à 100 mm par rapport à ces socles. On peut supposer que les flacons pouvaient atteindre 20 à 25 cm de hauteur.

Les formes ouvertes

Les tessons de formes ouvertes se définissaient par :

  • des bords droits prolongeant la paroi de la coupe (contenant) avec un léger épaississement vers le haut de la lèvre, elle-même circoncise par un fin renflement ou par des bords droits formés par une sorte de bandeau lisse agrémentant la finition du haut de la coupe décorée d’un motif à côtes verticales ou de motifs variés ;
  • des fonds refoulés coniques de verres apodes ;
  • des sommets de fonds de verre à pied tronconique et bitronconique ;
  • des tiges pleines ou creuses (pour les verres des XIVe et XVe s.) ;
  • des jambes creuses (pour les verres à jambes post-médiévaux).

Ces fragments s’inséraient dans quatre groupes définis en tant que verres apodes(appelés aussi gobelets), verre à tige, verres à pied, et verres à jambe21.

Ces verres pouvaient comporter une seule pièce ou deux pièces (coupe et pied) ou encore trois pièces, c’est-à-dire deux parties formées par un support (base), plus une jambe surmontée par la coupe ou le contenant.

Le recours à l’iconographie

Nous avons tenté de restituer virtuellement des objets à partir de fragments. Les sources iconographiques attestent en effet l’existence de certaines formes que nous avons restituées.

Dans le cadre de cette synthèse, citons deux exemples iconographiques :

  • Le “Crieur de verres”, estampe colorée du XVIe s., conservée à la bibliothèque de l’Arsenal (Barrelet 1953, pl. 32) sur laquelle on peut voir les formes cylindriques ou piriformes des flacons du XVIe s.
  • “L’homme à la bouteille”, motif d’encoignure de l’escalier de l’hôtel Lallemant à Bourges (Barrelet 1953, pl. 35) évoquant un homme tenant une bouteille à col cylindrique et panse globulaire arrondie.

L’étude comparative menée entre le matériel d’Autun et celui provenant de divers sites archéologiques a montré d’une part que le verre d’Autun était très dégradé et fragmenté et que les flacons à profils piriformes de très petites et moyennes tailles n’étaient pas propres au site d’Autun.

Il en est de même en ce qui concerne les formes ouvertes dont les formes et les techniques de fabrications sont semblables.

Mentionnons les deux pages du Catalogue Colinet réalisé entre 1550 et 1555 où l’on peut voir des croquis de verres dit “façon de Venise”. Ce sont des verres à jambe à boule creuse, à bouton rond ou aplati, le pied et la coupe dressés sur un socle en forme de disque.

Exploitation des résultats

Une étude détaillée des critères morphologiques des fragments a permis de réaliser une première classification du verre par type, quantité, couleur et période, le tout ayant été exploité sous forme de tableaux réalisés sous logiciel Excel. Graphiques, statistiques, croisements de données ont été extraits à partir de ce premier tableau (Merlevède 2001-2002).

Conclusion

Les quelques études sur le verre archéologique menées en France (est, nord et Midi Méditerranéen) ont aidé à l’identification du verre d’Autun.

Les résultats de notre étude sont multiples. Tout d’abord, une grande partie du matériel semble s’inscrire dans la mouvance des techniques de l’époque et des tendances de la mode véhiculées aux XVe et XVIe s. par les Maîtres verriers italiens. Les œuvres iconographiques des XIVe s., XVe s. et XVIe s. à partir desquelles nous avons ajusté nos réflexions, ont conforté la datation des fragments. L’altération et la couleur des fragments de verre ont orienté la réflexion sur la provenance des matières premières employées pour la fabrication du verre. Les résultats de cette recherche ont démontré qu’une partie du matériel était de composition potassique pour le verre des XIIe-XIVe s. voire du début XVe s., propre à la tradition de la verrerie continentale, que l’autre partie du matériel étant probablement de composition calco-potassique pour les verres des XVe-XVIIe s. D’après nos recherches, ce type de fabrication est à rattacher à la tradition verrière des productions de l’est de la France.

En revanche, les quelques tessons datés du IIIe-IVe s. découverts lors de la fouille du site seraient de composition sodique. Ils sont décorés de filets de verre blancs et rouges évoquant certains gobelets de verre du Moyen-Orient.

Malgré l’extrême fragmentation du verre traité, il a été possible de montrer l’existence d’une large gamme de récipients utilisés en partie pour la communauté des chanoines d’Autun. Mais ces objets ne se distinguent pas de ceux employés en France aux périodes analysées. On doit ainsi souligner qu’au même titre que la céramique, le verre archéologique peut être utilisé en tant que marqueur chronologique.

Il serait donc souhaitable, comme le montre l’étude menée sur le site de Saint-Nazaire d’Autun, de développer ce type de recherche sur du verre, certes, souvent très fragmentaire, mais riche d’informations en ce qui concerne des aspects sociaux-économiques.

Les vitraux trouvés en fouille

Par Sylvie Balcon-Berry

Entre 1983 et 2003, les fouilles du cloître et d’une partie de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire ont livré plus de 350 fragments de vitraux compris entre le Haut Moyen Âge et le XVIe s., sans compter les éléments de vitrerie des XVIIIe-XIXe s. Dans le cadre de cette publication, seuls sont présentés les vestiges les plus intéressants pour la connaissance du site et de son évolution. Une étude plus exhaustive, dans l’esprit de celle menée par exemple à York (Graves 2000), assortie d’un catalogue, sera publiée ultérieurement.

Stratigraphie et distribution des fragments de vitraux

Comme c’est souvent le cas, les vestiges de vitraux proviennent en grande partie de niveaux de destruction et de remblais bien postérieurs à l’époque de leur création. Parmi les nombreuses US qui, dans la cour du Chapitre, contenaient des fragments de verre plat, deux doivent être mentionnées en particulier. Il s’agit tout d’abord du premier niveau de l’US 111 qui correspond à un remblai marquant la fin de l’occupation du cloître, au XVIe s. Ce niveau concentré le long du flanc sud du chœur de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte, c’est-à-dire au nord du préau du cloître, comportait de nombreux fragments de verre plat du XIIIe s., voire pour certains, peu avant. L’US 225D qui correspond à un remblai du préau du cloître, cette fois des XVIIe-XVIIIe s., abritait également de nombreux vestiges de vitraux s’échelonnant de la fin du XIIe s. ou le début du XIIIe s. jusqu’au XVe s. Parmi ces éléments, on doit mentionner des fragments bleus du XIIIe s. qui ont été découpés pour s’adapter à un remplage flamboyant (fig. 171.1-2). Le verre plat issu de ces couches provient vraisemblablement des élévations de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte.

Plusieurs éléments associés, également de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte ont d’autre part été découverts en 1987 lors de la fouille de l’abside nord de ces édifices. Là, les fragments sont très homogènes et correspondent généralement à des verrières en grisailles (fig. 173).

Dans la galerie sud du cloître, une couche comportait en particulier de nombreux débris de vitraux en surface (US 398). Il s’agit vraisemblablement d’un niveau de destruction comportant des vestiges de verrières qui ornaient le bâtiment sud. Cette destruction serait intervenue au XVIe s. selon le mobilier associé.

L’US 1353 doit aussi être signalée, car elle comportait de nombreux fragments de verre plat. Située au nord du bâtiment oriental, elle faisait partie de niveaux de construction du chœur gothique de Saint-Nazaire. Malheureusement, ces vestiges très altérés sont difficilement datables.

Dans les remblais de remplissage de la tranchée de récupération du mur bahut occidental de la galerie orientale, des fragments de vitraux très intéressants ont été observés. Leurs surfaces sont corrodées en raison d’un contact prolongé avec de la chaux de mortier provenant du démantèlement du mur, mais ces éléments semblent montrer que le mur occidental de la galerie abritait des baies vitrées que l’on peut dater, selon des critères stylistiques du verre étudié, du XIIe s., voire peu avant (fig. 172.10).

En dernier lieu, mentionnons les fragments de verre plat extrêmement bien conservés qui proviennent en grande partie du remplissage des silos du Haut Moyen Âge découverts au sud-est du site, dans la future galerie méridionale. Ces éléments qui ont été publiés par ailleurs (Balcon-Berry 2009b), attestent du décor vitré des édifices qui composaient le site à cette époque, en particulier la domus ecclesiae de l’époque mérovingienne présentée plus haut.

Étude des fragments de vitraux

Les fragments antérieurs au IXe s. (Balcon-Berry 2009b), issus en grande partie du remplissage des silos du Haut Moyen Âge, sont extrêmement bien conservés en raison de la forte présence de soude dans leur composition. Ils sont ainsi totalement translucides et leurs surfaces ne sont pas altérées. Par ailleurs, ils se caractérisent par une épaisseur de 1 à 2 mm, bien inférieure à celle des verres postérieurs au IXe s. qui varient de 3 à 5 mm.

Ces fragments du Haut Moyen Âge ne présentent ni peinture à la grisaille en surface, ni même des traces de préparation destinées à guider le peintre. Bien que souvent fragmentaires, on peut déduire de leur étude qu’ils composaient des verrières géométriques aux couleurs limitées au bleu, au vert clair, à l’ocre et au pourpre clair. Un fragment est marbré de rouge dans la masse en raison de la présence de cuivre, lui donnant un aspect veiné comparable à des verres plats datés des VIIIe-IXe s trouvés par exemple à La Cadière d’Azur dans le Var (Foy 2005, 62) ou à Saint-Denis (Meyer Rodrigues 2005). Pour les éléments d’Autun antérieurs au IXe s., les côtés conservés sont soit grugés, ce qui pourrait impliquer leur insertion dans un réseau de plomb, soit ourlés. Dans ce dernier cas, il s’agirait de bords de plaques de verre réalisées en manchon, mais pour un fragment au moins, on peut se poser la question de la fabrication en cives, car un de ses bords est bien curviligne. Dans les divers cas évoqués, des bulles dues au soufflage sont clairement visibles dans la matière vitreuse.

Ces caractères techniques et esthétiques sont conformes à ceux des vitraux du Haut Moyen Âge découverts sur d’autres sites français et européens depuis plus de vingt ans, objets de récentes publications (Balcon-Berry et al. 2009). Parmi ces parallèles, on peut citer les vitraux découverts sur le site de l’église funéraire de Bondeville par Jean-Yves Langlois (Langlois 2009), datés du VIIe s., et ceux des VIIe-VIIIe s. mis au jour par François Gentili sur le site de Serris, en contexte d’habitat carolingien (Gentili 2009). De très intéressants vestiges de verrières géométriques, mais aussi probablement figurées, ont été récemment découverts à Baume-les-Messieurs, dans un contexte archéologique antérieur au VIIIe s. (Bully et al. 2016 ; Van Wersch 2013).

À l’exception notable du verre bleu ainsi que de quelques éléments de couleur pourpre très clair (fig. 171-173), telle une main, les vitraux postérieurs au IXe s. (fig. 172.4), découverts sur le site de Saint-Nazaire, ont perdu leur translucidité et sont extrêmement fragiles. Les conditions de leur enfouissement ainsi que leur composition à forte teneur en potasse expliquent ces altérations. Certains fragments présentent également des altérations de surface dues au contact avec de la chaux, comme on l’a dit plus haut à propos des morceaux du XIIe s. trouvés dans les remblais de récupération au XVIe s. du mur occidental de la galerie est.

Fragments de bordures de vitraux. © S. Balcon-Berry.
Fig. 171. Fragments de bordures de vitraux.
© S. Balcon-Berry.

Fragments de vitraux légendaires. © S. Balcon-Berry.
Fig. 172. Fragments de vitraux légendaires.
© S. Balcon-Berry.

Fragments de grisailles. © S. Balcon-Berry.
Fig. 173. Fragments de grisailles.
© S. Balcon-Berry.

L’étude des épaisseurs et surtout des motifs peints généralement en face interne a permis de dater ces fragments qui sont compris entre le XIIe s. et le XVe s. Les motifs permettent également de montrer l’existence de plusieurs types de décors qui correspondent à quatre catégories que nous avons établies : en premier lieu les éléments appartenant à des personnages faisant partie de scènes narratives, puis les motifs de bordures et les fonds décoratifs et en dernier lieu les fragments provenant de verrières en grisailles.

Quelques éléments attestent en premier lieu la présence de verrières narratives. Parmi les éléments les mieux conservés et les plus caractéristiques, on doit mentionner une petite main de teinte pourpre clair, dans un parfait état de conservation (fig. 172.4). Le motif est traité avec finesse, maîtrise et précision. Les ongles sont représentés et sont même soulignés d’un trait de grisaille incurvé. En raison de son traitement et ses dimensions, cette main pourrait appartenir à la fin du XIIe s. ou au début du XIIIe s. Un visage de cette période a d’autre part été découvert (fig. 172.1-2). La précision et la fermeté de l’exécution incitent à proposer cette datation. Des comparaisons avec des panneaux troyens de la fin du XIIe s. peuvent notamment être avancées, bien que l’exécution diffère quelque peu (Balcon-Berry 2012). Un autre visage d’exécution différente, car plus schématique (fig. 172.3), se rapproche d’œuvres du milieu du XIIIe s., notamment des vitraux de la Sainte-Chapelle de Paris (Perrot 1991).

Des fragments pouvant figurer des plis de vêtements souples, caractéristique de la fin du XIIe s. et du début du XIIIe s., appartiennent également à des verrières narratives (fig. 172.7-8) de même qu’une toiture de tour pyramidale (fig. 172.9) et un élément qui pourrait correspondre à un arbre (fig. 172.10). Outre les cas mentionnés, il faut évoquer la découverte d’un “E” d’une inscription ainsi que des fragments de bordures végétales (fig. 171.1-4).

Associés à des vestiges de fonds décoratifs à motifs variés (résilles, chevrons, etc. ; fig. 172.5-6.13), ces éléments témoignent de campagnes de vitrerie des édifices du groupe épiscopal et cathédral à la fin du XIIe s. ou au XIIIe s. Si le visage réalisé sommairement, que l’on peut dater du milieu ou de la seconde moitié du XIIIe s. pourrait s’accorder avec la grande phase de reconstruction de Saint-Nazaire et du bâtiment sud, il est plus difficile de préciser le lieu de provenance des éléments de la fin du XIIe s. ou du début du XIIIe s., à moins qu’ils n’aient décoré les ouvertures des galeries du cloître. Dans les remblais comblant la récupération du mur ouest de la galerie orientale au XVIe s., ont d’ailleurs été découverts quelques fragments de vitraux très altérés, déjà mentionnés, datés du XIIe s., qui tendent à renforcer l’hypothèse de baies vitrées au moins pour cette galerie.

Parallèlement aux verrières narratives, ont été découverts de nombreux vestiges de grisailles composées de motifs géométriques ou végétaux (fig. 173). De tels panneaux incolores pouvaient être associés à des panneaux colorés montrant des personnages pour former des baies mixtes ou en litres comme c’est le cas, par exemple, à Saint-Urbain de Troyes dans les années 1270-1280, ou bien constituer des baies incolores, comme dans les chapelles du déambulatoire de la cathédrale de Troyes, entre 1200 et 1220. L’emploi de telles verrières permettait d’apporter un éclairage plus important dans les édifices.

À Autun, deux types de grisailles ont pu être identifiés. Le premier comprend des motifs végétaux stylisés se détachant sur un fond quadrillé qualifié de “cages à mouches” (fig. 173.1-7). Ces éléments relèvent de la première moitié du XIIIe s. L’autre ensemble qui provient essentiellement du sondage réalisé en 1987 à l’emplacement de l’abside nord de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte, comprend des végétaux dessinés avec plus de naturalisme, dépourvus de “cages à mouches” (fig. 173.8-10). Ces éléments s’apparentent à des verrières de la seconde moitié du XIIIe s. ou du début du XIVe s. Ces vestiges plus naturalistes proviennent clairement de l’abside fouillée. S’il est en revanche plus difficile d’assigner un lieu de provenance précis au premier ensemble vraisemblablement quelque peu antérieur, leur appartenance au niveau de Saint-Jean-de-la-Grotte ou au bâtiment sud, tous deux aménagés ou refaits au milieu du XIIIe s. est envisageable.

Quelques débris de verrières de la fin du Moyen Âge ont également été retrouvés. Parmi eux, il faut surtout mentionner le remploi de morceaux des XIIe-XIIIe s. découpés pour s’adapter à un remplage flamboyant (fig. 171.1-2.8-10). Avec d’autres fragments, on serait en présence de témoignages de l’aménagement de nouvelles baies aux XVe-XVIe s. Or, un texte du XVe s. mentionne la réfection dans le chœur de Saint-Nazaire, de la chapelle Saint-Léger sous le cardinal Rolin et la présence d’un peintre-verrier (Fontenay 1879, 377).

Conclusion

Les très nombreux vestiges de verres plats découverts lors des fouilles du groupe épiscopal et canonial d’Autun renseignent de façon tout à fait exceptionnelle sur la variété des décors employés pour vitrer les édifices qui le composaient à différentes périodes. Le recours à de telles parois vitrées et colorées dès le Haut Moyen Âge est bien attesté. Leur association à la domus ecclesiae primitive dont une partie se déployait dans la future zone orientale du cloître canonial est proposée. Des décors vitrés des XIIe, XIIIe et XVe/XVIe s. ont par ailleurs clairement été mis en évidence. Leur mise en relation avec les galeries du cloître – au moins la galerie orientale –, les différentes parties de Saint-Nazaire, mais aussi le bâtiment sud, probable réfectoire, achève de donner une image vivante des phases architecturales du site.

Analyses physico-chimiques des vitraux : les verres sodiques

Par Bruce Velde

Traditionnellement, on considère que pour la période comprise entre les Ve-Xe s., la fabrication du verre sodique se faisait selon deux méthodes liées à une certaine proximité des rives méditerranéennes. La transition entre la méthode antique qui avait recours au natron de Wadi Natron, au sud d’Alexandrie, pour la source de la soude, et la méthode utilisant les cendres des plantes halophiles, le kali, aurait été effectuée initialement aux Ve-VIIe s. au Proche-Orient par un mélange de verre antique avec des quantités de verre kali, de type islamique (Dussart & Velde 1990). Le verre kali, qui a succédé au verre romain à base de natron, a constitué la norme pour les régions du Moyen Orient au cours de la période qui nous concerne. L’origine des deux types de verre est décelable à travers les différences de composition chimiques des verres. Les compositions romaines ont un très faible taux d’impuretés de potasse et de magnésie, moins que 1,5 % par poids des oxydes. Les verres de type kali comportent entre 2 et 4 % de ces oxydes.

Analyse du verre de Qal’at Sem’an. © O. Dussart, B. Velde.
 
 Tabl. XVII. Analyse du verre de Qal’at Sem’an. © O. Dussart, B. Velde.

Les Ve-Xe s. en Europe

Entre les Ve-Xe s., il a fallu trouver une autre source de composants pour la fabrication du verre étant donné que les voies de communications commerciales avec la Méditerranée étaient fortement réduites et l’approvisionnement en verre brut, typique du système romain, était devenu très difficile. Pendant plusieurs siècles, les besoins de productions des objets en verre ont été comblés par la récupération de verre antique ou Islamique (type kali) et par leur re-façonnage. Au cours des Ve-Xe s. dans le nord de l’Italie, on voit que les verres creux, mais aussi les verres plats de composition antique de type natron, ont graduellement évolué en faveur des compositions de type kali, toujours sodique, mais comprenant des cendres des plantes halophiles du Moyen Orient (Uboldi & Verita 2003). Avec la raréfaction progressive de ce matériau, il fut nécessaire d’avoir recours à une autre ressource. En France, on rencontre ainsi des compositions de verre à vitre ayant une forte présence de potasse et de chaux due à l’emploi de cendres de bois dans leur confection (Balcon-Berry & Velde 2016). On constate d’une part une augmentation de la chaux et de la potasse dans les compositions chimiques des verres, mais aussi une augmentation du phosphore.

La transition entre verre sodique et verre calco-potassique est devenue inévitable. Au tout début de ce processus, on rencontre encore des mélanges avec prédominance du verre sodique, soit par récupération des objets antiques ou en raison de sa production à partir des matériaux bruts islamiques. Dans le tableau XVIII sont montrés des exemples de verre creux provenant des fouilles de Tours (échantillons fournis par James Motteau et publiés par Motteau 1990) (tabl. XVIII) comprenant de telles compositions pour des verres de formes soufflées tenant compte des valeurs de la potasse, mais aussi du phosphore. Il est avéré que les cendres de bois contiennent plus de phosphore que les plantes halophiles et le natron qui n’en comprennent que des valeurs très faibles (Raedt et al. 2000), moins de 0,5 % P2O5. Ainsi, les compositions intermédiaires entre les faibles valeurs en phosphore et celles à plus de 2 % résultent de la combinaison de verres sodiques avec ceux confectionnés avec des cendres de bois. Mais encore, les cendres de bois contiennent plus de potassium que de magnésium, au contraire des plantes halophiles. Il est donc possible à travers leurs compositions chimiques de tracer les ressources utilisées pour la production du verre sodique et les verres de mélange avec des verres produits à partir cendres de bois.

Analyse de verre plat trouvé à Tours. © J. Motteau, B. Velde.  
 Tabl. XVIII. Analyse de verre plat trouvé à Tours.
© J. Motteau, B. Velde.

Les vitres et vitraux de cette période de transition (Ve-Xe s.), attestent des diverses expérimentations menées par les verriers pour obtenir des verres de qualité, c’est-à-dire transparents ou translucides dans les cas des verres colorés. Le manque de maîtrise des techniques de purification des ressources les a amenés à mélanger du verre de qualité, sodique, avec ceux qui étaient moins appropriés. En général, les cendres de bois ont plus de potasse que de magnésie et les cendres des plantes halophiles plus de magnésie que de potasse, toutes deux en quantité supérieure à 2 %.

Autun : verre plat antérieur au IXe s.

Nous pouvons illustrer ces généralités avec quelques cas spécifiques. Des analyses des vitres archéologiques du site de Saint-Nazaire d’Autun datées avant le IXe s. attestent les mélanges entre des verres de composition sodique et de composition potassique ou à base de cendres de bois (tabl. XIX). Dans ce cas, la valeur de la potasse est à plus de 2 %, le taux de la magnésie est faible, de même pour quatre échantillons ayant une composition comparable à du verre romain. Les valeurs à fort taux de potasse, dues à l’emploi de cendres de bois, comprennent également un plus fort taux de phosphore (plus de 0,5 %), plus que les plantes halophiles (kali). Il semble donc que certaines de ces vitres qui ornaient vraisemblablement la zone occidentale de la résidence épiscopale primitive (Balcon-Berry 2009b), résultent de mélanges qui indiquent la récupération de vitres plus anciennes ou de verres sodiques d’une production originaire du Moyen-Orient.

Autun, analyse du verre plat antérieur au IXe siècle. © B. Velde.  
 Tabl. XIX. Autun, analyse du verre plat antérieur au IXe siècle. © B. Velde.

Vitraux bleus du XIIe s.

Un autre cas de compositions complexe, un peu plus tardif, est celui des vitraux bleus, de type dit “bleu de Chartres”. En plusieurs endroits, que ce soit en France ou en Angleterre, on voit des vitraux de grande qualité (surtout en ce qui concerne leur résistance à l’altération) de couleur bleue assez claire. L’analyse chimique de certains éléments montre des caractéristiques spécifiques, notamment un fort taux de soude. Des vestiges archéologiques du site d’Autun montrent ces particularités. À Autun nous avons à la fois des vitraux bleus sodiques et des vitraux bleus potassiques de type cendre de bois. Dans le tableau XX sont présentées des analyses en fonction des valeurs de la potasse et de la magnésie (tabl. XX). Deux échantillons de type cendre de bois sont apparents. Certains échantillons sont de type romain (à base de natron) et d’autres sont de composition intermédiaire, entre ces deux pôles. Nous pouvons comparer ces résultats avec les compositions de vitraux bleus du XIIe s. de York (Cox et al. 1979), Saint Denis (analyses de Bruce Velde de la collection du Musée du Moyen Âge et des thermes de Paris), Notre-Dame-en-Vaux de Châlons-en-Champagne (Marne), Rouen (Brill 1999) et Chartres (Sterpnich & Libourel 1997). Les échantillons de York (Angleterre) sont comparables aux vitraux d’Autun dans la mesure où ils sont le résultat d’un mélange de verre antique et de verre à base de cendres de bois, mais il y a aussi des verres de composition à base de natron, de type antique. Ces analyses montrent la complexité des compositions pour un même type de produit réalisé au Moyen Âge, semblant attester des réticences envers la conversion au verre sodique à base de cendres de bois, potassique et calcique. Il est possible que ces éléments soient des témoignages d’un manque de maîtrise des couleurs bleues qu’on peut uniquement réaliser dans du verre sodique.

Autun, analyse du verre plat bleu. © B. Velde.  
 Tabl. XX. Autun, analyse du verre plat bleu. © B. Velde.

Il est par ailleurs intéressant de noter que parmi les verres bleus sodiques de compositions proches de celles des verres antiques, il existe deux séries (tabl. XXI). La première, légèrement plus potassique, comprend des éléments peints à la grisaille (fig.174), tandis que les vestiges appartenant à la seconde série sont moins riches en potasse et ne sont pas peints. Il semble donc que ces deux types de verres bleus avaient des usages bien spécifiques dans la verrière et/ou bien qu’ils ne proviennent pas des mêmes ateliers de maîtres verriers.

Autun, analyses du verre plat sodique. © B. Velde.  
 Tabl. XXI. Autun, analyses du verre plat sodique. © B. Velde.

 Fragments de vitraux bleus. © B. Velde.
Fig. 174. Fragments de vitraux bleus. © B. Velde.

Les carreaux de pavement

Par Amanda Brown et Sylvie Balcon-Berry

La présente recherche a pour objet d’étude les carreaux de pavement mis au jour de 1996 à 1998 dans le bâtiment nord (dit Chambre des Comptes) et ceux découverts en 2000 dans une fosse (US 1289) située à l’angle sud-ouest du cloître formé par le cellier actuel et l’édifice du XVe s. qualifié de prison (Brown 2000-2002).

Les principaux objectifs étaient l’identification du processus de fabrication des carreaux et leur datation. Cependant, l’étude devait permettre également de proposer quelques hypothèses en ce qui concerne la composition des pavements et leur provenance au sein du groupe épiscopal et canonial.

Typologie et analyse technique

Une typologie fondée sur l’étude de la pâte des carreaux a été établie. Les trois groupes typologiques ainsi déterminés – A, B et C – ont fait l’objet d’une analyse technique prenant appui sur une base de données contenant les mesures des fragments (dimensions, épaisseurs), les angles de dépouilles, le type de pâte et l’analyse des faces inférieures, révélatrices des techniques employées (tabl. XXII, fig. 175).

Typologie des carreaux de pavement trouvés sur le site de Saint-Nazaire. © A. Brown.  
 Tabl. XXII. Typologie des carreaux de pavement trouvés sur le site de Saint-Nazaire. © A. Brown.

Typologie des carreaux de pavements découverts sur le site de Saint-Nazaire. © A. Brown.
Fig. 175. Typologie des carreaux de pavements découverts sur le site de Saint-Nazaire.
© A. Brown.

Dans cette typologie, plusieurs types de décors ont été observés. Ainsi, le groupe A se divise en deux :

Le groupe A1 correspond à des carreaux monochromes à glaçure jaune, brune et verte.

Le groupe A2 comprend des carreaux monochromes, mais également des carreaux estampés à décors bicolores réalisés à l’argile blanche ainsi que des carreaux percés. Les motifs sont des fleurs de lys, des chevrons et, pour les carreaux percés, des rosettes.

Le groupe B présente plus de diversités au niveau des décors, avec toujours des carreaux estampés et percés, mais aussi des carreaux incisés. On retrouve des fleurs de lys, des losanges, des rosettes et des palmettes pour les carreaux estampés et toujours des rosettes pour les carreaux percés.

Le groupe C se caractérise par la présence de 6 couleurs pour les carreaux monochromes ; jaune, vert clair, vert, brun, vert foncé et noir-orangé. Les carreaux estampés comportent des motifs géométriques, en particulier des cercles s’entrecroisant et des motifs héraldiques avec toujours des fleurs de lys. On note aussi l’apparition de carreaux comprenant de motifs végétaux plus complexes, avec notamment l’emploi de pampres.

Données stratigraphiques

Un des objectifs de ce travail était de tenter de dater les fragments étudiés à travers notamment les données stratigraphiques. Ainsi, les carreaux découverts dans une fosse (US 1289), constituant le groupe C, ont été datés stratigraphiquement du XVe s. Cependant le recours à la stratigraphique n’était pas concluant pour les deux groupes de carreaux mis au jour dans le bâtiment nord, puisque la majorité des US concernées correspondent à des remblais constitués de terres apportées. En effet, dans cet espace, 74 % des couches prises en compte sont des remplissages ou des nivellements constitués de terres apportées (US 878, 902, 931, 975, 976, 904, 905, 933, 935, 940, 915, 946, 948, 950, 930, 897, 910, 916, 917, 980, 981, 983, 991, 994, 952, 1001). Le mobilier contenu dans ces terres est donc hétérogène. Toutefois, la datation des carreaux s’inscrit dans la fourchette chronologique établie grâce à la céramique. Par ailleurs, les rares carreaux mis au jour dans des couches d’occupation (US 953 et 1020) et de construction (US 937 et 1030) sont résiduels. Enfin, les carreaux rencontrés dans les couches de démolition (US 1006, 1023, 1021) ont fourni un terminus post quem pour fixer la date de destruction de l’ancienne nef de la cathédrale de Saint-Nazaire. Leur datation correspond à celle des fragments de vitraux et de céramiques.

Pour étayer la datation, nous avons eu recours à une chronologie relative des groupes typologiques et à une étude comparative, tant du point de vue iconographique que stylistique. La chronologie relative a désigné le groupe C comme le plus récent. Celui-ci étant daté stratigraphiquement du XVe s., il a servi de terminus ante quem pour les deux groupes du bâtiment nord. Ainsi, la confrontation de ces trois sources d’indices chronologiques a permis d’aboutir à des fourchettes de datation pour chacun des deux groupes du bâtiment nord et les deux sous-groupes A1 et A2 du groupe A ont été datés respectivement du XIIe s.-1ère moitié du XIIIe s. et de la 2e moitié du XIIIe s. Quant au groupe B, il remonterait à la 1ère moitié du XIVe s.

Restitutions hypothétiques des dispositions initiales

Peu de pavements médiévaux ont été mis au jour en place (Carrière-Desbois et al. 2009 ; Brut & Prié 2009). La restitution des pavages reste donc encore un point à éclaircir. Pour ce faire, certains chercheurs se sont intéressés à la représentation de ces derniers dans les peintures et les enluminures du XIVe et du XVe s. Cependant, les peintures fournissent, semble-t-il, des représentations qui ne correspondent pas toujours à la réalité historique. Les manuscrits, quant à eux, présentent beaucoup de pavements, mais de composition souvent simple avec uniquement des carreaux monochromes (Pinette 1981, 9).

Il peut sembler conjectural de tenter de restituer le ou les pavements d’Autun. Toutefois certains grands principes d’agencement sont connus grâce à l’étude des rares pavements trouvés in situ et des relevés de pavements mis au jour en place lors d’opérations archéologiques, mais aujourd’hui détruits. Les carreaux d’Autun semblent répondre à certaines exigences de ces principes.

Deux principaux types d’organisation ont été identifiés pour la composition. Soit les carreaux sont ordonnés en panneaux, soit ils sont agencés en bandes parallèles et damiers. Les panneaux peuvent être divisés en compartiments, ou non. Ils sont constitués de bandes plus ou moins larges de carreaux bicolores et monochromes de différentes tailles.

Les bandes parallèles sont constituées de carreaux carrés ou rectangulaires. Entre celles-ci se trouve un damier de carreaux posés parallèlement aux bandes ou posés sur la pointe. Les carreaux posés sur la pointe forment alors des bandes à 45 ° qui sont raccordées aux bandes parallèles par des carreaux triangulaires. Lorsque les bandes parallèles sont formées de carreaux carrés et le damier de bandes à 45 °, il existe une relation mathématique entre les dimensions des carreaux qui permet d’ajuster les deux types de bandes. Pour ce faire, il faut que la diagonale des petits carreaux posés sur pointe corresponde au côté des grands carreaux. C’est ce que montre le tableau suivant :

Essai de restitution des dispositions des carreaux de pavement à Saint-Nazaire. © A. Brown.  
 Tabl. XXIII. Essai de restitution des dispositions des carreaux de pavement à Saint-Nazaire. © A. Brown.

La diagonale des petits carreaux est égale à a x √2, A = a x √2 soit a x 1,414. Ce rapport peut être élevé au carré ou au cube, ce qui donne : A = a x (1,414)2 et A = a x (1,414)3. D’après Boucard (Boucard 1977, 30) dans un pavement à bandes parallèles et à 45 °, il existera toujours deux types de dimensions présentant ce rapport. Nous avons alors tenté de vérifier si cette relation existait entre certaines dimensions des carreaux des groupes A2, B et C. Le groupe A possède des dimensions de fabrication de 110 mm, 90 mm et 65 mm. Il s’avère que la dimension 90 mm correspond à 65 mm x 1,414. Dans le groupe B, nous trouvons des carreaux de 130 mm de côté, peut-être de 90 mm, de 46 mm, de 74 mm et enfin de 65 mm. La dimension 130 mm est égale à 90 mm x 1,414. La dimension 90 mm correspond à 65 x 1,414. La dimension 65 mm, quant à elle, est obtenue par la multiplication de 46 mm par 1,414. On peut alors résumer les correspondances entre les dimensions de cette manière : tous les carreaux du groupe C ont été fabriqués à partir de carreaux de 165-170 mm de côté. Ce rapport se retrouve alors dans les dimensions de pose. Ainsi la dimension 165-170 mm est égale à 80-85 mm x (1,414)2. De plus, on obtient 80-85 mm en multipliant 55-60 mm par 1,414 et 55-60 mm en multipliant 40-45 mm par 1,414. Par conséquent, 80-85 mm égale aussi 40-45 x (1,414)2. Chacun des groupes contient donc au moins deux types de dimensions présentant ce rapport mathématique. Cette observation laisse supposer que les carreaux de chaque groupe étaient destinés à former un pavement constitué de bandes parallèles et de bandes à 45 ° (tabl. XXIII).

Correspondance entre les dimensions des carreaux de pavement. © A. Brown.  
 Tabl. XXIV. Correspondance entre les dimensions des carreaux de pavement. © A. Brown.

La présence dans ces derniers de motifs estampés en diagonale sur les carreaux et la quantité relativement importante de triangles obtenus par l’incision de carreaux carrés en deux renforcent cette hypothèse.

Hypothèse de localisation initiale

Dans les complexes épiscopaux, les pavements peuvent se rencontrer dans n’importe quel bâtiment. En effet, des exemples de pavage ont été observés à la fois dans des églises (Bernard 2009), des allées de cloître, comme à l’abbaye de Ré (Boucard 1977, 110) et à l’abbaye Sainte-Geneviève (Norton 1992, 114), des salles capitulaires, telle celle de Saint-Germain-des-Prés à Paris (Norton 1992, 85 ; Brut & Prié 2009), celle de l’abbaye de Fontenay (Norton 1981 ; Orgeur 2004) ou encore celle de Saint-Denis (Meyer Rodrigues & Wyss 2009), des celliers ou bien encore des réfectoires, notamment celui de Saint-Germain-des-Prés à Paris (Norton 1992, 85 ; Brut & Prié 2009).

D’après l’étude stratigraphique du bâtiment nord, certains carreaux proviennent d’unités stratigraphiques de destruction de l’ancienne nef de la cathédrale Saint-Nazaire. Il s’agit des US 1006, 1023 et 1021. Ces couches contiennent des carreaux appartenant aux groupes A2 et B. On peut donc penser que ces derniers faisaient partie du pavement de l’ancienne nef de la cathédrale, d’autant plus que l’on sait, grâce aux fouilles que cette dernière a été conservée jusqu’au XVe s. Ces derniers étant datés pour le groupe A2 de la 2e moitié du XIIIe s. et pour le groupe B de la 1ère moitié du XIVe s. correspondent à deux séquences différentes du pavement. Les carreaux du groupe A1 datés du XIIe s.-1ère moitié du XIIIe s. sont mélangés aux carreaux des deux autres groupes dans bon nombre d’unités stratigraphiques. Cependant, comme ils n’apparaissent pas dans les contextes de destruction, il est impossible de dire avec certitude s’ils appartiennent eux aussi au pavement de la nef. La datation du pavement primitif reste donc incertaine. Le seul indice que nous ayons est qu’il existait déjà dans la 2e moitié du XIIIe s. et qu’il a probablement subi des réfections dans la 1ère moitié du XIVe s.

Les données historiques confortent ces hypothèses puisque les chanoines reçoivent une bulle d’indulgence du pape Alexandre IV en 1256. Les travaux de reconstruction du chœur et de la nef de Saint-Nazaire sont entrepris après cette date. La proposition selon laquelle les carreaux du groupe A2 et B datés respectivement de la 2e moitié du XIIIe et de la 1 ère moitié du XIVe s., proviendraient de la nef carolingienne de Saint-Nazaire, restaurée à l’époque gothique, est donc compatible avec les données historiques.

Les carreaux du groupe C, quant à eux, n’étaient pas posés, car comme nous avons tenté de le démontrer, il s’agit de rebuts. Toutefois, ils montrent qu’au XVe s. il y eut une production de carreaux et donc qu’un pavement a dû être posé à cette occasion dans un des bâtiments du cloître, peut-être le bâtiment ouest, amplement remanié à cette époque.

Les centres de production

Il est souvent très difficile de relier les carreaux trouvés sur un site archéologique à un centre de production. Toutefois certaines études ont montré que la diffusion des produits se faisait dans un rayon de 50 km au maximum autour de l’atelier (Norton 1982 ; Berthier & Flouzat 2009). La tuilerie la mieux connue près d’Autun ayant fabriqué avec certitude des carreaux glaçurés et décorés est l’atelier de Montcenis situé à peu près à 25 km d’Autun (Maerten 2011, 235-239). Nous savons que ce dernier a fourni des carreaux au château de Montcenis et Autun se trouve aussi dans son possible rayon de distribution. Cependant, aucun parallèle n’a pu être établi entre les carreaux de Montcenis et ceux d’Autun.

En revanche, nul doute que les carreaux d’Autun s’inscrivent dans une tradition régionale. En effet deux sites situés en côte d’Or, à Saint-Romain (Chapelot 1987, 228-230) et au Château de Rouvres-en-Plaines (Pinette 1981, 36 ; Bergeret 1900, 44, n° 125-127), présentent des carreaux assez semblables à ceux d’Autun. Le premier est situé à environ 40 km d’Autun et le deuxième à environ 100 km d’Autun. Un seul atelier ayant fabriqué de manière certaine des carreaux glaçurés et décorés aurait pu distribuer ses produits aux trois sites à la fois, si l’on accepte cette hypothèse. Il s’agit de la tuilerie de la Busssière-sur-Ouche.

Il faut également noter l’existence attestée de plusieurs tuileries à Autun aux XIVe-XVe s. (Chapelot 1988, 229 ; Maerten 2011, 224-225) et l’on sait que la production perdure jusqu’aux XVIIIe et XIXe s. (Dorigny 1988, 260). Cela n’a rien d’étonnant, car la situation topographique d’Autun est propice à l’implantation de tuileries qui exigent la proximité d’argile, des réserves de combustibles (du bois) et une source d’eau. Autun se situe dans l’Autunois disposant ainsi du combustible grâce aux forêts des Battées et de la Planoise où dominent les hêtres. En outre, un affluent de la Loire, l’Arroux, passe dans la ville et de l’argile ainsi que des sables feldspathiques, peut-être équivalents aux sables du Bourbonnais, se trouvent aux alentours de celle-ci. Cependant, rien ne nous permet dans l’état actuel de nos connaissances de relier la tuilerie d’Autun mentionnée aux carreaux des XIVe-XVe s., voire même ceux du XIIIe s., découverts sur le site de Saint-Nazaire.

Toutefois, on peut noter que les carreaux du bâtiment nord relèvent d’une production locale. En effet, ils sont pour la plupart d’une qualité moyenne. Très peu de carreaux décorés, seulement 13 % du total des fragments, ont été mis au jour. Par ailleurs, les motifs sont communs et ne présentent pas d’originalité du point de vue iconographique, si ce n’est dans leur style toujours très simple et sobre. Leurs contours sont souvent irréguliers et certains présentent des lacunes au niveau de leur engobe. On peut remarquer également que les carreaux sont souvent épais. Pour le groupe A2 et le groupe B, la moyenne est supérieure à 25 mm, ce qui ne correspond pas à ce que l’on observe de manière générale, puisque l’épaisseur moyenne est de 20 mm (Barbier et al. 1999, 24).

Les fragments mis au jour en 2000 dans la fosse 1289 posent un autre problème. L’absence de parallèles convaincants entre ces fragments et ceux d’autres sites bourguignons et le style des motifs toujours d’une grande simplicité ne correspondant pas à ce qui se fait au XVe s. conduisent à envisager une production locale. Identifiés comme des rebuts, ils laissent supposer l’existence d’un atelier sur place ou à proximité du site.

Conclusion

Ainsi, par certains aspects, les carreaux de pavement d’Autun sont communs, voire ordinaires. De même, l’iconographie des carreaux bicolores ne présente aucune originalité. Des parallèles ont pu être établis principalement avec l’Île-de-France (Meyer Rodigues & Wyss 2009 ; Norton 1992) et la Bourgogne (Pinette 1981 ; Norton 1982). Trois autres critères inscrivent les carreaux d’Autun dans une tradition régionale. Il s’agit des carreaux miniatures et de ceux imitant la mosaïque, que l’on retrouve à Saint-Romain et au château de Rouvres-en-Plaines, ainsi que la pâte. En effet, la pâte micacée des trois groupes typologiques correspond au type de pâte des régions de l’est de la France. De plus elle contient un dégraissant siliceux comme c’est souvent le cas en Bourgogne.

Toutefois, quelques particularités des carreaux de Saint-Nazaire semblent indiquer leur appartenance à une production locale, peut-être de la tuilerie attestée aux XIVe-XVe s. à Autun, avec toutefois la question des rebuts au sein du cloître qui conduit à envisager la possibilité de la présence d’un four in situ. Il faut notamment relever le style des motifs simple et épuré et l’épaisseur toujours relativement importante des carreaux. On remarque également des petites originalités comme le carreau à décor légèrement incisé daté du XVe s., le carreau bicolore à glaçure verte lui aussi du XVe s. et enfin le carreau daté du XIIe s.-2e moitié du XIIIe s. offrant un graffiti (96-T19).

Les carreaux découverts en 2001 dans le bâtiment oriental, dans une fosse, non inclus dans l’étude initiale, appartiennent au groupe C présenté ci-dessus, avec toutefois l’apparition de deux nouveaux motifs. Ils relèvent donc du XVe s.

Analyses polliniques sur le site de Saint-Nazaire d’Autun

Par Hervé Richard

Les échantillons présentés ici ont été prélevés en 1989 et analysés en 1990 (tabl. XXV). Ils ont été préparés par une méthode physico-chimique faisant appel à une liqueur lourde : la solution de Thoulet. Malgré les performances de cette méthode, les échantillons sont dans l’ensemble pauvres en matériel sporo-pollinique. De plus, il a été presque impossible à l’époque d’éliminer une grande partie des micro-charbons de bois présents dans les sédiments, ceux-ci se retrouvant alors sous le microscope et rendant la lecture des lames extrêmement difficile.

Analyses des pollens du site de Saint-Nazaire. © H. Richard, UMR 6249-CNRS/UFC , Août 1989.
Les résultats sont exprimés en nombres de grains de pollen et de spores.  
 Tabl. XXV. Analyses des pollens du site de Saint-Nazaire. © H. Richard, UMR 6249-CNRS/UFC, Août 1989.
Les résultats sont exprimés en nombres de grains de pollen et de spores.

Les échantillons provenant du secteur “nord du préau” sont très pauvres en grains de pollen (maximum 57 dans l’échantillon 760 ; 2) et très chargés en micro-charbons de bois. Il est impossible de suivre une évolution de la végétation dans ces prélèvements (par exemple dans les séries 111 ou 575) et de la comparer par exemple avec les travaux récents effectués sur le Morvan proche (Jouffroy-Bapicot 2010 ; Jouffroy-Bapicot et al. 2013). On doit se contenter d’une image globale du couvert végétal où dominent les herbacées et surtout les poacées. À noter la présence de grains de pollen de céréales et de fabacées de type Pisum/Lens dans lequel se retrouvent des plantes cultivées comme le petit-pois, la lentille et la fève. Les arbres et arbustes sont plus rares et dominés par le noisetier, le chêne, le frêne et le pin.

L’échantillon 755 qui provient du “silo” est un peu plus riche, deux types de pollen d’arbres dominent : l’aulne et le noisetier. Ce qui caractérise surtout cet échantillon, c’est la présence importante de fabacées de type Pisum/Lens (46 pollens/130) qui indique la culture ou/et le stockage de ce type de plantes sur place.

Les échantillons de la “galerie ouest, caniveau” sont dans l’ensemble eux aussi un peu plus riches (158 grains pour l’éch. 560). Les résultats sont assez différents entre ces échantillons : 560 est marqué par le pin, les poacées, les chénopodiacées et les céréales ; 625 par le pin, 2 grains de pollen de vigne et 22 grains de fabacées de type Pisum/Lens et les céréales ; 665 par le tilleul (46 grains/118) et le noisetier ; dans 680, plus pauvre, se retrouve le pin et les fabacées de type Pisum/Lens.

Les échantillons provenant de la “galerie ouest, fossé est” sont très pauvres et doivent être considérés comme ceux du “nord du préau”.

Ces échantillons sont donc dans l’ensemble difficiles à interpréter par les seules analyses polliniques. Une analyse des macro-restes végétaux dans les mêmes secteurs (surtout silo et galerie ouest caniveau) est indispensable pour saisir plus justement le couvert végétal proche et l’utilisation de plantes sur le site. Il paraît en effet évident que le contenu pollinique de ces sédiments est influencé d’abord par une conservation plus ou moins bonne des grains de pollen et, d’autre part, par la production pollinique de plantes entretenues, cultivées ou stockés sur les sites de prélèvement ou à proximité immédiate.

La sculpture du début du XIe s.

Par Christian Sapin

Un atelier de sculpteurs ayant travaillé à Saint-Pierre-l’Estrier (fig. 178), voire même à Saint-Andoche (fig. 179) a peut-être réalisé le décor du cloître des chanoines de la cathédrale Saint-Nazaire de la première moitié du XIe s. On retrouve certaines similitudes, mais dans une expression plastique différente, dans le chapiteau découvert lors de la fouille du puits du cloître (fig. 176). Ici, les caudicoles et les volutes sont séparées de la couronne végétale, le bouton central à sept pétales, proche de ceux de Saint-Pierre-l’Estrier, est imposant en proportions. Un seul rang de feuilles forme la base de la corbeille sans astragale. Les folioles extérieures très creusées de chaque feuille se rejoignent et forment autour de la corbeille un rang continu de palmettes. La découverte en fouille de fragments de chapiteaux de même facture (fig. 177) nous assure que cette œuvre n’était pas isolée, mais appartenait à un ensemble correspondant au décor du cloître, contemporain des modifications de son couvrement.

Ces éléments formant une partie du groupe des chapiteaux de Saint-Pierre l’Estrier, Saint-Nazaire, Saint-Andoche, ont été exécutés dans la première moitié du XIe s. et l’on peut rappeler le contexte de leur création. Pour l’ensemble provenant de Saint-Pierre-l’Estrier, qui est le groupe le plus identifiable et le plus affirmé (fig. 178), on peut mettre en rapport leur exécution et leur mise en œuvre avec les moyens accordés par le roi Robert le Pieux pour le monastère et la tombe de l’évêque Cassien (connue comme étant à proximité de Saint-Pierre) entre 1020 et 1030. Ce renouveau dont on trouve des échos dans la construction et le décor du cloître des chanoines de Saint-Nazaire n’est pas sans rapport avec la fin de l’épiscopat de l’évêque Walterius ou Gauthier (entre 975 et mai 1024). On lui doit, entre autres, la constitution de livres liturgiques, la bibliothèque de la cathédrale d’Autun étant elle-même alors très fournie et pouvant se présenter comme un haut lieu de culture religieuse (Balcon et al. 2003).

Cet élan identifiable à Autun dans les années 1020-1030, appartient à un mouvement plus général en Bourgogne où les monastères se réforment et se reconstruisent depuis les dernières années du Xe s. Dans plusieurs de ces cas, cela correspond à l’apparition d’un renouveau de la sculpture avec des ateliers de plus en plus structurés et productifs. C’est déjà le cas avec les œuvres de Saint-Bénigne de Dijon (vers 1010-1018), où se mêlent à la fois des traditions mérovingiennes et des influences italiennes, mais également de Saint-Philibert de Tournus (vers 1009-1020 pour la partie basse du chœur), ou de Saint-Pierre de Flavigny (vers 1010-1020 ; Sapin 1987-1989).

La sculpture d’Autun se distingue de ces ateliers par un goût plus prononcé pour les effets de symétrie, les volutes formées par les extrémités des feuilles d’angle et la feuille lisse en opposition avec un décor floral plus en relief, sans qu’il soit exclu qu’un décor peint, comme à Saint-Aignan d’Orléans ou à Saint-Martin d’Angers, modifie la perception. Cette maîtrise de la plastique dès la première moitié du XIe s. servira probablement de modèle aux ateliers qui à la fin de ce siècle et au début du XIIe s. tenteront, en particulier dans le décor de l’ancienne abbaye Saint-Jean-le-Grand, ou dans le premier atelier du chœur de Saint-Lazare vers 1120 (avant l’arrivée de Gislebertus) d’inventer un nouvel art du chapiteau avant d’être dépassé par les influences des ateliers clunisiens (Sapin 2003b).

Étude des mortiers

Par Stéphane Büttner

L’étude des liants de maçonnerie a été entreprise sur plusieurs échantillons prélevés dans les vestiges anciens du cloître, du bâtiment oriental et dans les murs du bâtiment nord (Chambre des comptes). L’objectif de ces analyses était d’envisager de potentiels rapprochements chronologiques sur la base d’associations typologiques.

Selon un protocole aujourd’hui bien défini (Coutelas et al. 2009), une première reconnaissance macroscopique a été engagée. Dans un second temps, des lames minces ont été réalisées afin de confirmer les distinctions ou rapprochements entre échantillons sur la base d’observations complémentaires réalisées au microscope photonique polarisant. Il s’agit alors de considérer, pour chaque échantillon, sa couleur de base, sa résistance apparente et sa texture, sa porosité, la nature minéralogique du liant, la nature et la dimension des composants du granulat, voire des inclusions associées. C’est en réalité l’ensemble de ces caractéristiques, envisagées en combinaisons qui ont pu effectivement permettre de proposer une typologie (cf. annexe ci-dessous) et donc de probables rapprochements chronologiques entre des maçonneries qui ne possédaient pas forcément de lien stratigraphique évident. Une douzaine de types différents de mortier ont ainsi été reconnus et ont permis d’alimenter la réflexion sur l’évolution progressive du complexe architectural étudié.

Outre ces aspects chronologiques, c’est aussi un moyen d’envisager l’approvisionnement en matériaux des chantiers successifs (chaux et sables) et de replacer ainsi leur fonctionnement dans les contextes géographiques et géologiques locaux. À l’exception d’un liant de maçonnerie composé d’arène granitique, tous les échantillons étudiés sont des mortiers de chaux, associant donc un liant carbonaté et un granulat (sable).

Bien que l’analyse pétrographique ne permette pas de déterminer précisément la nature de la pierre à chaux, il apparaît tout de même que celle-ci devait être relativement pure en carbonate de calcium étant donné le caractère “aérien” de la chaux systématiquement utilisée ici. Outre les affleurements de roches plutoniques (granites), les terrains sédimentaires locaux, d’âges permiens ou triasiques, sont en grande majorité d’origine détritique (grès, arkoses, schistes). Seuls quelques rares affleurements calcaires du Lias (Hettangien/Sinémurien) peuvent avoir été sollicités pour la fabrication de la chaux. On évoquera alors une “lentille” de calcaire, à proximité du hameau de Corcelles sur la commune de Brion (à environ 5 km au sud-ouest d’Autun), qui, selon la littérature géologique, a fait effectivement l’objet d’une intense extraction pour la fabrication de la chaux (Delfour et al. 1991). Le sable associé est, quant à lui, systématiquement constitué d’éléments siliceux (fragments de roche granitique, quartzite, quartz, voire feldspaths). Au nord de la ville, sise sur les niveaux de l’Autunien, s’étend un complexe alluvial qui est tapissé de dépôts possédant des caractéristiques tout à fait compatibles. C’est sans doute dans ces alluvions qu’il faut situer les extractions de sable. Finalement, tous les matériaux nécessaires à la fabrication des mortiers de chaux sont d’origine locale bien que le contexte géologique n’apparaisse pas tout à fait favorable.

Enfin, quelques caractéristiques particulières de certains mortiers permettent de réfléchir au processus même de fabrication. C’est tout particulièrement le cas des fragments de tuileau que l’on y retrouve parfois et qui sont généralement ajoutés pour conférer au produit fini des propriétés hydrauliques (Coutelas et al. 2004). En l’occurrence, ces ajouts de fragments de terre cuite architecturale apparaissent de grande dimension (centimétriques) et en nombre insuffisant pour générer de telles propriétés ; il s’agit sans doute davantage d’une pollution, accidentelle ou volontaire, illustrant le contexte du chantier de construction.

Annexe. Typologie pétrographique de mortiers

Type 1

  • Description succincte : mortier de couleur blanc jaunâtre à sable de nature granitique (nombreux éléments de roche).
  • Échantillons concernés : galerie est, zone nord (Pr. B), US 1499 (bâtiment oriental), US 1504 (bâtiment oriental), US 2007infA (galerie est, zone nord), US 2013 (galerie est, zone nord), US 2057 (galerie est, zone nord), US 1579 (escalier, bâtiment oriental), US 2007sup (galerie est-zone nord), US 1913Bsup (galerie est-zone sud), US 1264 (galerie ouest), prél. C (galerie est-zone nord).

Type 2

  • Description succincte : mortier très compact de couleur grise, à sable granitique et quelques fragments de TCA.
  • Échantillons concernés : US 1500 (bâtiment oriental).

Type 3

  • Description succincte : mortier d’aspect terreux à sable fin (quartz) et quelques éléments de roche granitique centimétriques.
  • Échantillons concernés : US 1744 (mur sud cath. XVe s.), US 212C (galerie sud), US 1727 (bâtiment oriental), US 1495 (bâtiment oriental), US 1962 (galerie est-zone sud), US 1290supB (escalier-galerie ouest), US 212B (galerie est), Pr.4 (Chambre des comptes, mur est), Pr. 5 (Chambre des comptes, mur est).

Type 4

  • Description succincte : mortier de couleur grisâtre à éléments granitiques.
  • Échantillons concernés : US 1422 (bâtiment oriental).

Type 5

  • Description succincte : mortier blanc compact, riche en chaux, à nodules de chaux, à sable granitique.
  • Échantillons concernés : US 1402 (bâtiment oriental), US 1580 (bâtiment oriental), US 1420 (bâtiment oriental), US 1433 (bâtiment oriental), US207 (galerie ouest), Pr.A (galerie est-zone nord), Pr. Cave chapelle des Bonnes Œuvres (mur est angle nord-est).

Type 6

  • Description succincte : mortier gris, à sable granitique fin, contenant quelques fragments de TCA.
  • Échantillons concernés : US 212A (galerie sud), US 2013 blanc (galerie est-zone nord), US 1493 (bâtiment oriental), US 1738 (mur sud cathédrale).

Type 7

  • Description succincte : mortier jaunâtre, à sable granitique fin.
  • Échantillons concernés : US 1908nord (galerie est-zone sud), US 1503-1 (bâtiment oriental), US 1503-2 (bâtiment oriental).

Type 8

  • Description succincte : mortier blanc à sable granitique.
  • Échantillons concernés : sur US 1264 (galerie ouest), sous socle US 1067A (galerie sud), sous socle US 1071A (galerie sud), US 211 (galerie sud-ouest porte), Pr.2 (Chambre des Comptes, mur est), Pr. 3 (Chambre des Comptes, mur est).

Type 9

  • Description succincte : mortier de couleur ocre jaune, à chaux recouvrant les grains de sable granitique centimétriques.
  • Échantillons concernés : ouverture ouest dans US 211 (galerie sud), US 1735 (bâtiment oriental), US 1497 (bâtiment oriental), US 1908sud (galerie est-zone sud), US 2913infA (galerie est-zone sud), US 1290inf (galerie ouest-escalier).

Type 10

  • Description succincte : mortier de couleur jaune gris a sable fin d’origine granitique.
  • Échantillons concernés : US 1718 (bâtiment oriental), US 1505 (bâtiment oriental).

Type 11

  • Description succincte : mortier jaune à sable granitique et calcaire (éléments calcaires centimétriques sous forme d’esquilles).
  • Échantillons concernés : sur ID 1725.

Type 12

Description succincte : liant de maçonnerie = arène granitique jaune à éléments granitiques centimétriques en voie d’arénisation (granite altéré).

Échantillons concernés : US 1466 (bâtiment oriental).

Non caractérisable : Pr. 1 (Chambre des comptes, mur est).

Étude des fragments d’enduits peints découverts en fouille

Par Emmanuelle Boissard

De 1983 à 2004, les fouilles du site de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire d’Autun ont permis la découverte de nombreux fragments d’enduits peints, principalement dans l’absidiole nord de l’église pour l’année 1987, puis à l’emplacement du préau dans les années 1990 et plus précisément de la galerie est et du secteur sud de la galerie ouest du cloître en 2003 (tabl. XXVI). Peu d’enduits ont été conservés in situ, et la différence de conservation entre ces vestiges et les fragments n’a pas permis les comparaisons.

Description des enduits. © E. Boissard.  
 Tabl. XXVI. Description des enduits. © E. Boissard.

Étude des fragments

Le mobilier recueilli consiste en de nombreux lots plus ou moins altérés, majoritairement hétérogènes, et souvent restreints à un petit nombre de fragments par unité stratigraphique. Tous les fragments ne portent pas de couche picturale, certains ne conservent qu’un simple badigeon blanc. Une certaine quantité de fragments de mortier sans surface a également été mélangée aux enduits.

Les contraintes de l’étude nous ont amenée à faire le choix d’un inventaire exhaustif du matériel, plus ou moins détaillé et descriptif selon l’homogénéité des lots, la permanence de certains types d’enduits, et la présence et le type de décor. La surface correspondant à chacun des types d’enduit défini a été approximativement mesurée, ainsi que celle des lots indéfinis les plus conséquents.

La surface totale d’enduits quantifiée est supérieure à 5 030 cm², dont pour les ensembles les plus remarquables :

Les types A et B correspondent à des fragments découverts majoritairement dans l’US 1944, située dans la galerie est du cloître, dans une séquence stratigraphique comprise entre l’installation du dallage du XIe s. et sa reprise au XIIe s. D’un point de vue technique, ces enduits ne comprennent qu’une seule couche de mortier dont la surface soigneusement lissée reçoit directement la couche picturale, sans badigeon intermédiaire.

Le type A porte un décor à la palette colorée très limitée : gris à noir, blanc, jaune, rouge à orange. Un motif caractéristique de bande bicolore, jaune et rouge-orangé pastillée de blanc, peut être identifié (fig. 180).

Le décor des fragments du type B se compose de plusieurs nuances de gris et noir, blanc, jaune, rouge, orange mais également vert. Un tracé préparatoire rouge, peint directement sur le mortier, apparaît ponctuellement sous la couche picturale. Ce tracé a servi à construire un motif géométrique complexe, où dégradés et filets colorés aboutissent à un effet de relief ; probablement un motif de ruban plissé ou de grecque, dont le ruban est gris et gris clair sur une face, et jaune et rouge sur l’autre (fig. 180).

Fragments d’enduits peints à pastilles et ornés de grecques. © E. Boissard.
Fig. 180. Fragments d’enduits peints à pastilles et ornés de grecques. © E. Boissard.

Principalement issus de la même unité stratigraphique, les deux types A et B diffèrent et ne peuvent donc pas être associés avec certitude à un seul état. Les motifs qu’ils portent appartiennent cependant au même répertoire ornemental roman, en accord avec la datation archéologique et la mise en œuvre de l’enduit et du décor. Si le motif de bandeau bicolore structure la peinture murale tout au long du Moyen Âge, il s’agrémente plus souvent de pastilles à l’époque romane, comme dans les exemples proches de Saint-Nizier de Burnand ou de l’église de l’Assomption de la Vierge de Gourdon. Le décor de Burnand montre également un motif de ruban plissé en dégradé et filets, déclinés dans les mêmes tons que ceux du type B de Saint-Nazaire d’Autun. Les exemples de grecques de Saint-Philibert de Tournus et de la chapelle des Moines de Berzé-la-Ville n’utilisent pas exactement le même procédé pictural pour suggérer le relief. Géographiquement plus lointains mais contemporains (datation archéologique entre 1076 et 1230), les fragments découverts en fouille sur le site de l’abbaye Saint-Jean-des-Vignes (02) offrent un modèle comparable tant dans la mise en œuvre de l’enduit que dans le modelé des reliefs. Ils proviennent également des niveaux de remblaiements des galeries du cloître (une partie des fragments provient également de la salle capitulaire et de la sacristie ; Boissard 2002), et peuvent, comme à Autun, être associés à ces espaces ainsi qu’au réfectoire.

Le type D compte la plus grande surface conservée de fragments, issus principalement du secteur sud de la galerie ouest, et auquel peuvent être associés les types E et F. Il se caractérise par une surface ponctuée de trous de bûchage, sans cependant avoir reçu un enduit postérieur mais un simple badigeon blanc, qui présente donc un aspect très accidenté. Aucune trace d’un premier décor n’a pu être observée, et le peu de soin accordé à la réfection suggère une localisation dans un espace secondaire.

Les fragments du type G proviennent majoritairement de l’US 1394, dans le secteur sud de la galerie ouest. Comme les types A et B, ils ne se composent que d’une seule couche de mortier, dont la surface lissée reçoit directement la couche picturale. Leur état de conservation varie beaucoup, et de nombreux fragments portent un badigeon blanc postérieur, mince témoin d’un second état de décor.

La palette colorée s’enrichit de nombreuses nuances : gris à noir, blanc, crème, jaune, rouge bordeaux clair, rouge, rose, vert, gris-bleu, bleu. Les motifs ainsi composés, s’ils sont peu lisibles, présentent une complexité qui peut indiquer la présence d’un décor figuré, avec l’utilisation de dégradés colorés et la présence de drapés. La mise en œuvre de l’enduit et la technique picturale ne contredisent pas une attribution à l’époque romane.

Le type K est représenté par une surface importante de fragments, principalement issus des remblais modernes de l’absidiole nord de l’église Saint-Nazaire ou localisés contre le bâtiment ouest. Il se compose d’une seule couche de mortier brun rosé réalisée en plusieurs passes, jusqu’à une épaisseur maximale conservée de plus de 5 cm. La couleur et la solidité de ce mortier suggèrent l’adjonction de tuileau à la charge, sans qu’elle ne soit cependant vérifiée. Un épais badigeon de chaux blanc très soigneusement lissé constitue la surface de l’enduit, d’une évidente qualité technique et d’un aspect s’apparentant au stuc (fig. 181). L’ensemble ne correspond pas à un badigeon de propreté, mais témoigne probablement de la “mise en blanc” d’une élévation, d’une réalisation très soignée. Le contexte chronologique reste imprécis et, si les enduits blancs du chœur de l’église de Salmaise (21) (Didier 1991) remontent au milieu du XIe s., de semblables mises en œuvre apparaissent couramment entre les XVe et XVIIe s., datation en correspondance avec les données archéologiques.

Vue en coupe, sous la binoculaire (grossissement x 7) de l’enduit de type K (Inv. 87.3.E 161). © E. Boissard.
Fig. 181. Vue en coupe, sous la binoculaire (grossissement x 7) de l’enduit de type K
(Inv. 87.3.E 161). © E. Boissard.

Les fragments d’enduits peints inventoriés proviennent de l’ensemble du site de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire, et reflètent donc une grande diversité spatiale et temporelle. Si l’hétérogénéité du matériel ne permet pas d’approfondir les questions de chronologie et d’iconographie, elle témoigne cependant de la pérennité du décor peint à toute époque et sur l’ensemble des élévations du site.

Lexique complémentaire à l’étude et à l’inventaire des enduits

Dans cette étude, nous utiliserons les définitions suivantes pour le vocabulaire désignant un revêtement mural :

  • Enduit : revêtement composé d’une ou plusieurs couches d’un matériau plastique, destiné à protéger la structure qu’il recouvre et/ou à lui donner un décor.
  • Mortier : mélange d’une charge (granulat et inclusions), d’un liant (chaux, gypse, argile, ciment…) et d’eau.
  • Badigeon : préparation mince à base d’un liant (chaux, gypse, argile…) et d’eau, pouvant être coloré par l’adjonction de pigments.
  • Couche picturale : couche de surface et de décor composée d’une ou plusieurs application(s) d’un matériau colorant (pigment, laque ou colorant) mêlé à un liant (eau, lait de chaux, colle…).

Par ailleurs, dans le cadre d’une étude macroscopique, l’identification des composants reste limitée et l’appréciation de la texture et de la teneur subjective. Elle entraîne l’utilisation d’un choix restreint de qualificatifs utilisés dans un contexte d’analyse relative : texture dure, souple, friable ; teneur ponctuelle, faible, modérée, forte.

Surface totale mesurée par type d’enduit. © E. Boissard.  
 Tabl. XXVII. Surface totale mesurée par type d’enduit. © E. Boissard.

Mortier

Texture : dure, souple, friable, de la plus résistante à l’ongle à la plus pulvérulente. La pertinence de cette appréciation doit tenir compte de l’état de conservation, variable d’un fragment à l’autre.

Granulat : appartient à la charge mêlée au liant. Granulométrie22 : sable de 0,08 mm à 4,5 mm [sable fin ≤ 1 mm, moyen 1,5 à 2,5 mm, gros de 3 à 4,5 mm] ; gravier de 5 mm à 25 mm [petit 5 à 10 mm, moyen 11 à 19 mm, gros de 20 à 25 mm] ; caillou au-dessus de 25 mm. La granulométrie peut montrer un éventuel tamisage. Teneur : rapport liant/granulat dans le mélange.

Décor

Code des couleurs, adapté de la nomenclature établie par le CEPMR de Soissons (Bulletin de Liaison du CEPMR n°7, Paris, 1984, 51) :

  • bc, blanc ; N, noir ; n, gris noir ; Gs, gris ; gs, gris clair ; R, rouge ; r, rose ; J, jaune ; j, jaune pâle ; or, orange, ro, rose-orangé ; b, bleu ; V, vert ; Vk, vert kaki ; cr, crème ; RBx, rouge bordeaux ; rbx, rouge bordeaux clair.
  • N/R indique la superposition des deux couleurs. (R) indique une couleur sous-jacente.

Attention, la dénomination d’une couleur ne correspond qu’à son état de conservation actuel : il ne s’agit pas a priori d’un critère de distinction ou de rapprochement entre deux décors.

Dimensions maximales : elles donnent les dimensions maximales en millimètre des éléments du décor tels qu’ils ont été décrits.

Étude dendrochronologique du secteur “Saint-Nazaire” à Autun

Par Georges Lambert

Les études dendrochronologiques conduites à Autun sur le secteur de fouilles du quartier de Saint-Nazaire, dirigées par Christian Sapin, datent des années 1986-1996. Une partie a été résumée à l’occasion d’une exposition au Musée d’Autun (Maurice & Lambert 1992). L’étude complémentaire de sites répartis dans et autour de la ville dans un rayon de 100 km environ a permis de construire une chronologie cohérente de plus de 1 000 ans (1027 AD-1991 AD). Cette chronologie étendue est appelée “Ref-aroundAutun-20141126”. Elle participe à un jeu de références – un référentiel, une base de données dendrochronologiques – qui permet de dater d’autres bâtiments anciens de la région. À Autun même, autour du noyau formé par le quartier Saint-Nazaire, 105 échantillons de chêne ont donné quatre sous-chronologies disjointes, dénommées par les dates du cerne le plus ancien et du plus récent de chacune : 1) Autun-BM-manuscrits-GL08 715-1020, 2) Autun Groupe 1027-1184, 3) Autun Groupe 1266-1561, 4) chronologie Autun Groupe 1580-1847. La chronologie du groupe 1027-1184 rassemble uniquement les bois prélevés dans une maison située à l’extrême sud-est du bloc archéologique Saint-Nazaire, Place Sainte-Barbe (fig. 182).

Plan d’échantillonnage dendrochronologique à Autun (cathédrale au centre).© G.-N. Lambert.
Le plan de l’échantillonnage dendrochronologique a été établi à Autun pour expliquer le bois archéologique trouvé dans le quartier Saint-Nazaire. Les haches symbolisent le moment de la date d’abattage des arbres utilisés dans chaque site : les flèches à droite signifient “à partir de” et les flèches contraires enclavant deux dates signifient “dans la période”.
Fig. 182. Plan d’échantillonnage dendrochronologique à Autun (cathédrale au centre).© G.-N. Lambert.
Le plan de l’échantillonnage dendrochronologique a été établi à Autun pour expliquer le bois archéologique trouvé dans le quartier Saint-Nazaire. Les haches symbolisent le moment de la date d’abattage des arbres utilisés dans chaque site : les flèches à droite signifient “à partir de” et les flèches contraires enclavant deux dates signifient “dans la période”.

L’objectif des études de l’époque, qui s’attaquaient alors à un désert dendrochronologique, fut de construire un référentiel initial pour dater les bois archéologiques trouvés entre Saône et Loire. Cette priorité s’est imposée au détriment d’analyses fines, possibles maintenant grâce à l’expérience acquise et un fonds de référence bien constitué. Du fait de l’important risque d’erreur inhérent au point de départ zéro, les résultats des années 1980-90 ont été soumis à vérification. Ils ont été intégralement recalculés deux fois ; d’abord entre 2002 et 2006 (Lambert 2006), puis renforcés par des méthodes de calcul adaptées aux périodes ou régions pour lesquelles la masse de référence est restée insuffisante (Lambert et al. 2010 ; Lambert 2011). Pour Autun, la situation chronologique est maintenant stabilisée et les modifications apportées aux études anciennes sont mineures. Mais la référence “Bourgogne 29” publiée dans les Veines du Temps (Maurice & Lambert 1992) est obsolète. Il en va de même des dates initiales proposées pour les manuscrits de la bibliothèque Municipale qui ont été changées. Ces contrôles ont conduit à “Ref-aroundAutun-20141126”, référence fiable, qui évidemment ne demande qu’à être améliorée. La figure 185 donne une image synthétique du contexte technique de la datation.

Malgré les limites annoncées, outre la datation, nous sommes en état de dessiner quelques pistes pour l’approche de la météorologie locale des XIVe et XVe s. (dendro-météorologie) et la perception de l’approvisionnement en bois (dendro-provenance).

Méthode et techniques appliquées dans cette contribution

La dendrochronologie date le bois, mais la dendrochronologie ouvre aussi des perspectives dans le domaine du climat et du commerce du bois.

Datation : écrêtage et lissage

La datation utilise des largeurs de cernes “corrigées” ou “calibrées”. Il est important de débarrasser le signal original d’affects qui troublent sa lecture : effet de la senescence qui atténue rapidement la croissance du chêne après ses 20-30 premières années, accidents du signal qui relèvent de l’histologie locale du bois, contraintes écologiques propres à certains sites et affects causés par l’activité de l’homme dans le voisinage des arbres sont les principaux facteurs du “bruit” à éliminer. Enfin, plus rares dans nos régions, il y a les impacts dus à la foudre, au feu et au vent, qui doivent aussi être identifiés et éliminés si nécessaire. Dans cet objectif, un calcul de normalisation effectue un lissage de la série “naturelle” préalablement débarrassée de ses cernes les plus larges (écrêtage de 3 à 5 % des plus grandes valeurs) par un polynôme, généralement du troisième degré, qui force, par un effet de morphing, l’inscription du graphique de la croissance naturelle de chaque individu dans un long rectangle régulier, un “couloir” rectangulaire ou “corridor” (Shiyatov et al. 1989 ; Lambert 2006 ; Lambert et al. 2010 ; Lambert 2011 ; fig. 183.a-d, 184). Cette correction permet une validation solide des calculs et une succession d’autres transformations utilisées en paléoclimatologie, plus précisément ici en dendro-météorologie.

Méthode et techniques de la dendrochronologie.
Diverses techniques dendrochronologiques ont été utilisées pour tirer diverses interprétations du “signal” dendrochronologique d’Autun. On appelle “signal” dendrochronologique le graphique obtenu en traçant une ligne brisée (normalement) continue qui passe d’une largeur de cerne à la suivante. Le signal brut, fortement marqué à la fois par la dynamique de l’arbre (qui est un être vivant – avant d’être abattu !) et par ses conditions stationnelles (environnementales) est limité dans ses aptitudes à la datation et impropre pour établir des comparaisons à large échelle géographique. Aussi, il est nécessaire de “corriger” ou de “calibrer” ce signal selon l’objectif visé. Chaque objectif implique un certain type de correction et en exclut d’autres. Les corrections ou schématisations peuvent même être appliquées en cascade comme c’est le cas ici. Un signal corrigé est un “indice de croissance”. Un indice d’indice reste un “indice”. © G.-N. Lambert.*
Fig. 183. Méthode et techniques de la dendrochronologie.
Diverses techniques dendrochronologiques ont été utilisées pour tirer diverses interprétations du “signal” dendrochronologique d’Autun. On appelle “signal” dendrochronologique le graphique obtenu en traçant une ligne brisée (normalement) continue qui passe d’une largeur de cerne à la suivante. Le signal brut, fortement marqué à la fois par la dynamique de l’arbre (qui est un être vivant – avant d’être abattu !) et par ses conditions stationnelles (environnementales) est limité dans ses aptitudes à la datation et impropre pour établir des comparaisons à large échelle géographique. Aussi, il est nécessaire de “corriger” ou de “calibrer” ce signal selon l’objectif visé. Chaque objectif implique un certain type de correction et en exclut d’autres. Les corrections ou schématisations peuvent même être appliquées en cascade comme c’est le cas ici. Un signal corrigé est un “indice de croissance”. Un indice d’indice reste un “indice”. © G.-N. Lambert.

Exemple de la “bibliothèque” du quartier Saint-Nazaire.
Largeurs de cernes et indices de croissance de deux échantillons (corrélés) de chêne prélevés dans le plafond d’une pièce dite “bibliothèque” du quartier Saint-Nazaire. Les graphiques a) et b) sont utilisés dans la datation. Le graphique c) qui ne retient plus que la trame du temps et les cernes exceptionnellement étroits (stress de l’arbre) ou larges (bien-être de l’arbre) est utilisé à deux fins : 1) mettre en valeur les terminus qui détaillent le positionnement de l’écorce et de l’aubier ; l’écorce (ou, plus précisément, le cambium) fixe la date d’abattage au cerne qui la précède (le dernier de la série ; l’écorce n’est pas un cerne) et l’aubier, en l’absence d’écorce, détermine la période probable à laquelle l’arbre a été abattu (probabilité : 95 %). 2) deuxième objectif du graphique c) : faire apparaître des moments forts de la vie de l’arbre, stress ou expansion inhabituelle, dans l’idée de corréler ces moments à des événements particuliers, en général climatiques – nous préférerons le terme de météorologiques –, mais aussi parfois aléatoires (le vent, la foudre) ou anthropiques : intervention violente de l’homme sur l’arbre sans tuer cet arbre ou intervention dans son environnement (défrichage suppression des arbres concurrents). © G.-N. Lambert.
Fig. 184. Exemple de la “bibliothèque” du quartier Saint-Nazaire.
Largeurs de cernes et indices de croissance de deux échantillons (corrélés) de chêne prélevés dans le plafond d’une pièce dite “bibliothèque” du quartier Saint-Nazaire. Les graphiques a) et b) sont utilisés dans la datation. Le graphique c) qui ne retient plus que la trame du temps et les cernes exceptionnellement étroits (stress de l’arbre) ou larges (bien-être de l’arbre) est utilisé à deux fins : 1) Mettre en valeur les terminus qui détaillent le positionnement de l’écorce et de l’aubier ; l’écorce (ou, plus précisément, le cambium) fixe la date d’abattage au cerne qui la précède (le dernier de la série ; l’écorce n’est pas un cerne) et l’aubier, en l’absence d’écorce, détermine la période probable à laquelle l’arbre a été abattu (probabilité : 95 %).
2) Deuxième objectif du graphique c) : faire apparaître des moments forts de la vie de l’arbre, stress ou expansion inhabituelle, dans l’idée de corréler ces moments à des événements particuliers, en général climatiques – nous préférerons le terme de météorologiques –, mais aussi parfois aléatoires (le vent, la foudre) ou anthropiques : intervention violente de l’homme sur l’arbre sans tuer cet arbre ou intervention dans son environnement (défrichage suppression des arbres concurrents). © G.-N. Lambert.

Chronologie globale d’Autun.
Schéma de la chronologie globale d’Autun qui commence en 695 CE/AD (CE = Common Era = AD = Anno Domini, laïcité internationale oblige !) et se termine en 1857 comparé au schéma d’une chronologie plus étendue qui concerne une zone d’environ 30 000 km2  dont Autun occupe la partie occidentale. Les éléments de cette chronologie étendue servent pour dater d’autres sites et tenter d’identifier les bois susceptibles de venir de la zone en question : basse Franche-Comté, vallée moyenne de la Saône, Bourgogne méridionale (dont Autun), Bourbonnais et Charolais. Les bois d’Autun participent à cette chronologie étendue, en particulier quatre manuscrits de la bibliothèque municipale en fixe le démarrage en 695 CE/AD. La masse des bois étudiés conditionne la performance du référentiel. Noter que des progrès sont nécessaires pour les temps antérieurs à 1200 CE/AD, moment à partir duquel, malgré des fléchissements visibles de la quantité d’information, la datation est assurée avec une grande sécurité. Les bois issus du bâti ne documentent que la période 1266-1713. On espère étoffer cette partie. © G.-N. Lambert.
Fig. 185. Chronologie globale d’Autun.
Schéma de la chronologie globale d’Autun qui commence en 695 CE/AD (CE = Common Era = AD = Anno Domini, laïcité internationale oblige !) et se termine en 1857 comparé au schéma d’une chronologie plus étendue qui concerne une zone d’environ 30 000 km2 dont Autun occupe la partie occidentale. Les éléments de cette chronologie étendue servent pour dater d’autres sites et tenter d’identifier les bois susceptibles de venir de la zone en question : basse Franche-Comté, vallée moyenne de la Saône, Bourgogne méridionale (dont Autun), Bourbonnais et Charolais. Les bois d’Autun participent à cette chronologie étendue, en particulier quatre manuscrits de la bibliothèque municipale en fixe le démarrage en 695 CE/AD. La masse des bois étudiés conditionne la performance du référentiel. Noter que des progrès sont nécessaires pour les temps antérieurs à 1200 CE/AD, moment à partir duquel, malgré des fléchissements visibles de la quantité d’information, la datation est assurée avec une grande sécurité. Les bois issus du bâti ne documentent que la période 1266-1713. On espère étoffer cette partie. © G.-N. Lambert.

Maison du no 3 Place Sainte-Barbe.
Diagramme simplifié des échantillons de la maison du no 3 Place Sainte Barbe et chronologie de synthèse. Les bois d’assez petite taille n’ont pas livré d’aubier. Leur abattage est postérieur à la date du dernier cerne de la chronologie (1184). Il n’y a pas de méthode dendrochronologique pour être plus précis : le lecteur, l’archéologue du bâti ou l’historien disposent d’une certaine liberté pour apprécier la partie manquante du bois. L’hypothèse donnée dans le texte n’est qu’un guide de réflexion. © G.-N. Lambert.
Fig. 186. Maison du n° 3 Place Sainte-Barbe.
Diagramme simplifié des échantillons de la maison du no 3 Place Sainte Barbe et chronologie de synthèse. Les bois d’assez petite taille n’ont pas livré d’aubier. Leur abattage est postérieur à la date du dernier cerne de la chronologie (1184). Il n’y a pas de méthode dendrochronologique pour être plus précis : le lecteur, l’archéologue du bâti ou l’historien disposent d’une certaine liberté pour apprécier la partie manquante du bois. L’hypothèse donnée dans le texte n’est qu’un guide de réflexion. © G.-N. Lambert.

Dendro-météorologie : méthode des extrêmes

Nous tenterons aussi de tirer du matériau bois d’Autun des hypothèses paléo-climatologiques (dendroclimatologie), plus précisément des hypothèses météorologiques, car nous nous attacherons surtout à des phénomènes de brève durée, de type accident météorologique, susceptibles de contraindre ou de perturber la vie des Autunois à l’époque médiévale. Imaginer une relation entre une météo (annuelle) exceptionnelle et des largeurs de cernes exceptionnelles est naturel. Nous allons donc opérer dans cette direction en utilisant des graphiques de croissance simplifiés qui sélectionnent les années où la croissance du chêne a été exceptionnellement forte ou faible (fig. 183.e) : les années extrêmes. La sélection des années extrêmes se fait au moyen d’un filtre qui élimine les valeurs avoisinant la moyenne de chaque arbre (chaque série) ou chaque chronologie (synthèse de plusieurs arbres). Ici, les valeurs situées entre la moyenne – 1.282 écart-type et la moyenne + 1.282 écart-type ont été écartées. Ce qui, globalement, a éliminé 80 % des valeurs, pour ne réserver à la dendro-météorologie que les 20 % extrêmes restant : soit les cernes les plus étroits jusqu’à concurrence de 10 % et les cernes les plus larges dans la même proportion (10 %). On ne retiendra de ces nouvelles séries “à trous” que l’information “très grand” ou “très petit”, soit, une sorte de signal binaire intermittent (fig. 183.e, 184.c). Comparés à un étalonnage établi de la même façon sur des séries issues d’arbres du XXe s. et corrélées aux aléas d’une météorologie connue, ces diagrammes permettent d’avancer quelques hypothèses – dont quelques-unes fortes – sur la nature de certains passages météorologiques à Autun au Moyen Âge.

Dendro-provenance

En dernière partie, nous montrerons qu’il est possible aussi de distinguer dans le signal dendro, des approvisionnements en bois différents, qu’ils soient contemporains ou non. Cette approche tente d’identifier – en termes de types – les lieux de coupes des arbres. Ce point est abordable, par un paradoxe, grâce au “bruit” local du signal dendro, bruit qui gêne plus ou moins la datation. Ce “bruit” se manifeste par des anomalies ou particularités visibles dans le développement des séries : des motifs, sortes de signatures qui se distinguent d’une croissance monotone. Dendro-archéologues et dendro-écologistes sont particulièrement attentifs à travailler le potentiel de ce signal (Bernard 1998 ; Girardclos 1999). Nous nous limiterons ici à la discussion de certains aspects de la moyenne fréquence du signal. La moyenne fréquence est tracée par une méthode itérative apparentée aux réseaux de neurones – passage itératif sous une tangente hyperbolique – et met en évidence des mouvements parfois remarquables et locaux, ou motifs de croissance (fig. 183.f). Le motif de croissance local est l’inverse, le contraire ou l’opposé (au choix) du signal géo-climatique qui permet de dater. Donc, en dendrochronologie rien n’est perdu, les miettes sont aussi utilisées.

Datation

Passons en revue les trois groupes chronologiques indépendants acquis à Autun en commençant par le plus ancien.

Groupe 1027-1184, maison, Place Sainte-Barbe

En appui de la thèse d’Amélie Béguin (Béguin 2009), un petit groupe de 7 bois de la maison du 3, Place Sainte-Barbe a
donné une chronologie longue de 158 ans. Les dates trouvées sont les plus anciennes trouvées dans une charpente à Autun. La chronologie de synthèse ou moyenne couvre la période 1027-1184 (fig. 186). Les bois, tous de petite section n’ont pas livré d’aubier au carottage, ce qui compromet une appréciation correcte de la date d’abattage des arbres. Néanmoins, les terminus peu dispersés autour de la date 1184 permettent de supposer un abattage au début du XIIIe s., sans plus de précision. Cette chronologie, bien que peu “épaisse” (peu d’échantillons) est saine et la datation fiable.

Groupe 1266-1561, groupe principal du secteur Saint-Nazaire

Composé de 78 bois provenant de divers secteurs, ce groupe constitue un noyau dendrochronologique fort. Il est composé de 6 ensembles : 1) sous-groupe de bois de la chapelle Saint-Aubin (fin : 1480, une réparation après 1519), 2) sous-groupe du bâtiment ouest (fin : 1470), 3) sous-groupe des maisons 1 et 7 (XVIe s.) toujours dans le bloc Saint-Nazaire, auxquels s’ajoutent : 4) le sous-groupe de la maison Saint-Christophe (sud-ouest de la cathédrale), 5) des bois de la charpente de la cathédrale Saint-Lazare et 6) des bois divers mesurés au Musée Rolin. On ne traitera pas du détail des ensembles 4) à 6) qui sont hors sujet mais leur apport sera pris en compte dans les chronologies globales discutées à la fin.

Les bois de la charpente de la chapelle Saint-Aubin

Deux phases ont été identifiées dans la chapelle Saint-Aubin. La phase la plus ancienne comprend six bois qui donnent une chronologie longue de 109 ans (1273-1381, fig. 187.a). Le bois le plus récent de ce groupe comporte de l’aubier et permet de fixer l’abattage des arbres autour de 1500, voire à peine avant. Le groupe est sain et la chronologie saine. Huit bois de la seconde phase, dont un seul avec aubier, ont donné une chronologie longue de 171 ans (1349-1519, fig. 187.b). Le groupe est sain, la chronologie résultante est saine. Toutes les séries, à l’exception d’une seule, se terminent dans la période 1453-1480. Le seul bois avec aubier donne une série en partie contemporaine des autres, mais avec un terminus nettement plus récent : 1519 sur aubier. Il s’ensuit que cet ensemble a probablement été mis en place avant 1500 et qu’une réparation a été faite entre 1520 et 1550.

Église Saint-Aubin.
Dendrochronologie de la charpente de l’église Saint-Aubin. Les bois ont révélé deux phases de mise en place probablement massive et une réparation. En haut (a), la première phase – la plus ancienne – qui permet de proposer, en s’appuyant sur le seul aubier identifié et l’hypothèse minimale que tous les arbres ont été abattus (plus ou moins) dans la même année pour le chantier – la période d’abattage entre 1381 + 1 = 1382 (au moins un cerne manquant) et 1406 (technique dendrochronologique d’appréciation de l’aubier manquant), au risque d’erreur près de 5 % (sécurité de l’hypothèse : 95 %). La deuxième phase (b) est une reprise importante de la charpente du bâtiment, environ 80 ans plus tard, après 1480. Absence de cambium (écorce) et d’aubier. On ne peut être plus précis. Cependant un élément isolé, apparemment de réparation a donné quelques cernes d’aubier. Sa mise en place a suivi un abattage qu’on peut placer entre 1519 + 1 = 1520 et 1550. Réparation ou seul représentant effectif du terminus des autres (soupçonnables d’avoir été fortement équarris). La réponse n’est pas dans la dendrochronologie mais l’interdisciplinarité. © G.-N. Lambert.
Fig. 187. Église Saint-Aubin.
Dendrochronologie de la charpente de l’église Saint-Aubin. Les bois ont révélé deux phases de mise en place probablement massive et une réparation. En haut (a), la première phase – la plus ancienne – qui permet de proposer, en s’appuyant sur le seul aubier identifié et l’hypothèse minimale que tous les arbres ont été abattus (plus ou moins) dans la même année pour le chantier – la période d’abattage entre 1381 + 1 = 1382 (au moins un cerne manquant) et 1406 (technique dendrochronologique d’appréciation de l’aubier manquant), au risque d’erreur près de 5 % (sécurité de l’hypothèse : 95 %). La deuxième phase (b) est une reprise importante de la charpente du bâtiment, environ 80 ans plus tard, après 1480. Absence de cambium (écorce) et d’aubier. On ne peut être plus précis. Cependant un élément isolé, apparemment de réparation a donné quelques cernes d’aubier. Sa mise en place a suivi un abattage qu’on peut placer entre 1519 + 1 = 1520 et 1550. Réparation ou seul représentant effectif du terminus des autres (soupçonnables d’avoir été fortement équarris). La réponse n’est pas dans la dendrochronologie mais l’interdisciplinarité. © G.-N. Lambert.

Le cellier du chapitre (bâtiment ouest)

Douze bois prélevés dans la charpente qui couvre le cellier ont donné une chronologie de 205 ans (1266-1470, fig. 188). Quatre d’entre eux ont livré de l’aubier. Le groupe est sain et la chronologie résultante est saine et représentative après 1350.Malgré les terminus qui s’étalent entre 1423 et 1470, à l’exception d’un exemplaire qui se termine en 1384, on imagine assez facilement, en tenant compte de la durée maximale hypothétique des aubiers (21±15 ans, 95 % ; Lambert 2006) un abattage groupé pour construire ce bâtiment entre 1450 et 1470. La pièce se terminant en 1384 pouvant être soit une récupération, soit un indice de début de chantier (vers 1420 ou un peu après).

Cellier du chapitre (Bâtiment ouest).
Dendrochronologie et datation des bois du cellier du chapitre. Le diagramme des 12 bois analysés et de leur synthèse (ou moyenne) schématise une chronologie de 205 ans (1266-1470 CE/AD). Le jeu du calcul de l’abattage probable (95 %) de chacun de ces quatre bois débouche sur une hypothèse forte pour l’année d’abattage de ces bois (on applique toujours l’hypothèse minimale de l’abattage groupé des arbres) : 1470-71. Précision qu’il convient d’apprécier à l’aune de ce que les autres disciplines peuvent savoir de cette question. Par ailleurs, la croissance des arbres de ce lot, non montrée sur cette figure (voir fig. 195) est assez diversifiée pour soupçonner une provenance hétérogène des arbres qui auraient pu être choisis en divers lieux. Voir plus loin. © G.-N. Lambert.
Fig. 188. Cellier du chapitre (Bâtiment ouest).
Dendrochronologie et datation des bois du cellier du chapitre. Le diagramme des 12 bois analysés et de leur synthèse (ou moyenne) schématise une chronologie de 205 ans (1266-1470 CE/AD). Le jeu du calcul de l’abattage probable (95 %) de chacun de ces quatre bois débouche sur une hypothèse forte pour l’année d’abattage de ces bois (on applique toujours l’hypothèse minimale de l’abattage groupé des arbres) : 1470-71. Précision qu’il convient d’apprécier à l’aune de ce que les autres disciplines peuvent savoir de cette question. Par ailleurs, la croissance des arbres de ce lot, non montrée sur cette figure (voir fig. 195) est assez diversifiée pour soupçonner une provenance hétérogène des arbres qui auraient pu être choisis en divers lieux. Voir plus loin. © G.-N. Lambert.

Les maisons de la partie ouest du bloc Saint-Nazaire

Les maisons de la partie ouest qui longent la Place du Terreau ont livré respectivement 28 bois de la fin du XVe/début XVIe s. pour la maison 1 et des bois XVIe et XVIIIe s. pour la maison 7. Les 28 bois du premier lot – maison 1 – donnent une chronologie longue de 129 ans (1358-1486, fig. 189). Le groupe est sain et la chronologie est représentative sur quasiment toute sa longueur. Les terminus sont groupés vers la fin, juste en arrière de deux aubiers identifiés. On peut présumer un abattage groupé autour de 1500, voire quelques années avant cette date. Les douze bois du deuxième lot, dit de la maison 7, ont donné une chronologie longue de 132 ans (1382-1513, fig. 190.a). Il n’y a pas d’aubier identifié et les terminus sont dispersés. Ces bois viennent renforcer la chronologie générale, mais on ne peut pas discuter des années d’abattage si ce n’est une vague probabilité pour la charnière des XVe-XVIe s. comme pour le lot précédent, avec au moins une reprise après 1515. Deux bois de cette maison 7 ne synchronisent pas avec leurs voisins et se placent à la charnière des XVIIe-XVIIIe s. : chronologie longue de 122 ans (1581-1701). Ils sont placés dans le segment 1580-1847 qui est abordé plus loin.

Maison “1” du quartier Saint-Nazaire.
Diagramme de la maison “1” du quartier Saint-Nazaire. Charpente et pan de bois intérieur (séparation entre deux maisons) ont permis un échantillonnage plus consistant que dans les autres parties de la zone étudiée. Deux échantillons à aubier, toujours sous l’hypothèse minimale de l’abattage des bois en peu de temps, permettent de placer cet abattage dans la période 1486 + 1 =1487 et 1513 (jeu du calcul des deux aubiers, le plus “ancien” l’emporte) au risque d’erreur de 5 % (sécurité 95 %). Les années extrêmes à fort stress (cernes étroits) donnent sur le graphique une marque quasi continue de haut en bas pour les années 1394-1398. On soupçonne une forte sécheresse dans ce créneau chronologique (voir plus loin). Mais aussi, on note un arbre qui semble avoir échappé à cette signature, le no 15 (= J103), pourtant sa datation ne pose aucun doute. Ne viendrait-il pas d’un lieu différent des autres ? © G.-N. Lambert.
Fig. 189. Maison “1” du quartier Saint-Nazaire.
Diagramme de la maison “1” du quartier Saint-Nazaire. Charpente et pan de bois intérieur (séparation entre deux maisons) ont permis un échantillonnage plus consistant que dans les autres parties de la zone étudiée. Deux échantillons à aubier, toujours sous l’hypothèse minimale de l’abattage des bois en peu de temps, permettent de placer cet abattage dans la période 1486 + 1 = 1487 et 1513 (jeu du calcul des deux aubiers, le plus “ancien” l’emporte) au risque d’erreur de 5 % (sécurité 95 %). Les années extrêmes à fort stress (cernes étroits) donnent sur le graphique une marque quasi continue de haut en bas pour les années 1394-1398. On soupçonne une forte sécheresse dans ce créneau chronologique (voir plus loin). Mais aussi, on note un arbre qui semble avoir échappé à cette signature, le n° 15 (= J103), pourtant sa datation ne pose aucun doute. Ne viendrait-il pas d’un lieu différent des autres ? © G.-N. Lambert.

Maison “7” du quartier Saint-Nazaire. Diagramme dendrochronologique de la maison “7”.
Deux chronologies bien datées séparables en deux périodes : XVIe et XVIIIe siècles. Les séries de la période du XVIe siècle sont assez dispersées dans le temps et donnent un graphique développé en diagonale (a). Pas d’écorce (pas de cambium) et pas d’aubier. Cet ensemble renforce la chronologie globale mais n’ouvre pas sur des informations très précises quant à la date de construction de cette partie : après 1513, autour de 1520 ? La deuxième période, signalée par deux bois terminant – les deux – en 1701, signale une reprise au début du XVIIIe siècle. Pas de cambium ni d’aubier signalé. © G.-N. Lambert.
Fig. 190. Maison “7” du quartier Saint-Nazaire.
Diagramme dendrochronologique de la maison “7”. Deux chronologies bien datées séparables en deux périodes : XVIe et XVIIIe siècles. Les séries de la période du XVIe siècle sont assez dispersées dans le temps et donnent un graphique développé en diagonale (a). Pas d’écorce (pas de cambium) et pas d’aubier. Cet ensemble renforce la chronologie globale mais n’ouvre pas sur des informations très précises quant à la date de construction de cette partie : après 1513, autour de 1520 ? La deuxième période, signalée par deux bois terminant – les deux – en 1701, signale une reprise au début du XVIIIe siècle. Pas de cambium ni d’aubier signalé. © G.-N. Lambert.

La chronologie de synthèse 1266-1561

Comme on l’a dit plus haut, la chronologie de synthèse 1256-1561, longue de 296 ans, intègre d’autres bois d’Autun, notamment de la maison à pans de bois Saint-Christophe, située au nord du groupe cathédral, et de la cathédrale Saint-Lazare. Pour dater d’autres sites, il faudra préférer la synthèse à ses composantes. La synthèse, forte de ses 78 bois, est solide et suffisamment diversifiée dans ses parties pour représenter un bon signal “dateur”. D’autres propriétés de cette chronologie seront discutées plus bas dans la partie hypothèses.

Groupe 1580-1847, extension de la chronologie

Deux bois du bloc Saint-Nazaire initialisent ce troisième groupe qui est constitué pour l’essentiel de bois venant d’autres sites d’Autun : 5 bois récupérés sur un chantier dit du “Passage Couvert” et 8 séries de bois prélevés dans la charpente de l’Évêché actuel. La chronologie est longue de 268 ans (1580-1847). Comme il a été dit plus haut, un deuxième lot de bois de la maison 7 couvre la période 1581-1701 (fig. 190.b). Elles corrèlent avec le groupe de bois prélevés à l’Évêché, bâtiment D (chronologie de 123 ans : 1591-1713, fig. 191). Ces arbres ont été abattus entre 1614 et 1626. La fin de ce groupe se connecte sur celui dit du “Passage Couvert” qui a donné une chronologie longue de 135 ans : 1713-1847. Ce groupe, constitué des séries chronologiques de 3 sites différents, étend l’échelle chronologique jusqu’au milieu du XIXe s. L’idée étant de constituer un référentiel indépendant pour l’Autunois et les régions périphériques, Morvan oriental inclus.

Charpente de l’Évêché.
Diagramme des prélèvements complémentaires extraits d’une charpente à chevrons porteurs de l’évêché actuel (charpente traditionnelle). Chronologie très cohérente qui se termine en 1713. Quatre bois à aubier permettent de situer la date d’abattage entre 1713 + 1 =1714 et 1726 par le jeu des aubiers max dont on retient le plus “ancien” sous l’hypothèse de l’abattage des arbres dans un laps de temps très court (une année ou deux). © G.-N. Lambert.
Fig. 191. Charpente de l’Évêché.
Diagramme des prélèvements complémentaires extraits d’une charpente à chevrons porteurs de l’évêché actuel (charpente traditionnelle). Chronologie très cohérente qui se termine en 1713. Quatre bois à aubier permettent de situer la date d’abattage entre 1713 + 1 = 1714 et 1726 par le jeu des aubiers max dont on retient le plus “ancien” sous l’hypothèse de l’abattage des arbres dans un laps de temps très court (une année ou deux). © G.-N. Lambert.

Propriétés climatologiques du signal dendrochronologique

Objectif climatologique : présupposés

La datation étant acquise, l’observation plus avancée des graphiques synchronisés permet de faire des hypothèses d’ordre météo-climatique, environnemental ou anthropologique. Deux postulats fondent le raisonnement dendro-météorologique qui va suivre. Premièrement, le lieu de découverte archéologique des bois est utilisé comme une approximation (un proxy) du lieu d’abattage des arbres. Approximation qui ne devrait pas dépasser les 20 km. Deuxièmement, les cernes d’arbres provenant de lieux connus, prélevés sur pied dans une forêt dont on connaît la météo, serviront de fil conducteur. La seule largeur des cernes ne permet pas de reconstruire avec précision le climat de la région autunoise à la fin du Moyen Âge, mais il est possible, par la méthode des extrêmes d’y repérer quelques phénomènes intéressants : dans une certaine mesure, les cernes anormalement étroits ou larges sont des indices d’événements météorologiques particuliers : sécheresses estivales ou pluviométries catastrophiques. Certaines sécheresses estivales de grande ampleur (touchant des centaines de kilomètres) et de longue durée (plusieurs semaines) font chuter la croissance des arbres en même temps sur un vaste territoire. Dans le même ordre d’idée, mais par un effet inverse sur le signal dendrochronologique, les passages pluvieux estivaux ou pré-estivaux, longs, intenses et souvent désastreux pour les récoltes, activent la croissance des arbres et donnent des cernes plutôt larges.

Étalonnage des extrêmes

Pour l’analyse des cernes “extrêmes” d’Autun, l’étalonnage est composé de cinq forêts de Bourgogne et Franche-Comté peu éloignées. Soit environ 300 chênes dont on connaît la croissance sur tout le XXe s. Autun est situé à la limite ouest de la zone. Plus particulièrement, la Forêt de Chaux, à l’est de la ville de Dole (Jura) ainsi que celle de Cîteaux/Saint-Nicolas-lès-Cîteaux (Côte-d’Or) nous serviront de fil directeur car, pour chacune, nous avons pu à la fois établir les séries dendrochronologiques suffisantes et obtenir les séries climatiques correspondantes (Dole pour la Forêt de Chaux, Dijon pour la forêt de Cîteaux). La figure 192 résume des observations faites sur le cours du XXe s. élargi : période 1880-2010. Les sécheresses de 1905, 1919-1920, 1941, 1976 sont signalées par des cernes exceptionnellement minces, la canicule de 2003 a eu des conséquences en… 2004. Plus généralement on peut montrer qu’environ 70 % des cernes exceptionnellement minces indiquent soit une sécheresse estivale de l’année (50 %), soit une sécheresse de même type de l’année précédente (+20 %). Ce cas se produit quand la pluviométrie de l’année qui suit la sécheresse n’est pas suffisante pour compenser l’épuisement de la réserve de l’année précédente. Les cernes exceptionnellement larges se corrèlent inversement à une pluviométrie abondante. La figure 192 montre trois plages de croissance “normale” occasionnellement accélérée sur l’ensemble de la zone observée. La météorologie montre que ces plages “sans histoire”, voire “bénéfiques” incluent au moins un passage pluvieux estival ou pré-estival à tendance catastrophique du point de vue agraire. Ce type de dérèglement météorologique est qualifié à plusieurs reprises de printemps ou d’été “pourri” par l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie (Le Roy Ladurie 1976 ; Le Roy Ladurie et al. 2011). Cependant le marquage dendro-météorologique par les cernes larges est moins net que celui obtenu par les cernes étroits bien corrélés aux sécheresses chaudes (voire caniculaires). Pour être complets, avant de transposer ces observations aux XIVe et XVe s., signalons que des considérations pertinentes sur les grands froids d’hiver sont plus difficiles à tirer du signal dendrochronologique du chêne, nous n’en parlerons donc pas.

Étalonnage climatologique avec des arbres vivants.
Diagramme dendrochronologique des arbres de cinq forêts carottés sur pied. La date de prélèvement est donc parfaitement acquise, le lieu de provenance parfaitement défini et les conditions climatiques peuvent être déduites de stations météorologiques proches. L’espace concerné touche trois départements : le Jura (Forêt de Chaux, Oussières, Petite Montagne), la Côte d’Or (Cîteaux) et la Saône-et-Loire (Mont Beuvray). Le marquage des extrêmes de croissance (cernes exceptionnellement étroits ou exceptionnellement larges) montre clairement des impacts qui, certaines années, touchent l’ensemble de la région. La relation entre ces extrêmes de croissance et les conditions climatiques connues vont servir de pilote pour interpréter en termes de météorologie les mêmes stigmates identifiés sur les chronologies anciennes. © G.-N. Lambert.
Fig. 192. Étalonnage climatologique avec des arbres vivants.
Diagramme dendrochronologique des arbres de cinq forêts carottés sur pied. La date de prélèvement est donc parfaitement acquise, le lieu de provenance parfaitement défini et les conditions climatiques peuvent être déduites de stations météorologiques proches. L’espace concerné touche trois départements : le Jura (Forêt de Chaux, Oussières, Petite Montagne), la Côte d’Or (Cîteaux) et la Saône-et-Loire (Mont Beuvray). Le marquage des extrêmes de croissance (cernes exceptionnellement étroits ou exceptionnellement larges) montre clairement des impacts qui, certaines années, touchent l’ensemble de la région. La relation entre ces extrêmes de croissance et les conditions climatiques connues vont servir de pilote pour interpréter en termes de météorologie les mêmes stigmates identifiés sur les chronologies anciennes. © G.-N. Lambert.

Hypothèses concernant la météorologie du XVe s. autour d’Autun

Des 105 échantillons étudiés sur Autun, soixante-huit viennent du quartier Saint-Nazaire et couvrent la période 1350-1490. Cette période est la mieux représentée dans l’échantillonnage, avec au moins dix cernes (dix arbres) mesurés chaque année. Les 68 séries ont permis de cumuler au maximum les mesures de 65 cernes (65 arbres) dans une même année. La quantité d’information est suffisante pour tenter une interprétation météorologique de la région proche d’Autun qui a livré les arbres aux constructeurs. Le signal moyen des 68 séries a été calculé puis traité comme il a été expliqué plus haut. Le schéma résultant (fig. 193) montre d’une part des moments sur lesquels la méthode des extrêmes ne peut pas se prononcer et d’autre part quelques passages analogues aux types identifiés sur le modèle des forêts du XXe s. Il en ressort la probabilité de quatre sécheresses dont deux fortement probables et de cinq passages anormalement pluvieux dont deux très probables. Listons-les :

Sécheresses, au moins une année dans les périodes suivantes :

  • 1393-1397 signalée par une très forte chute de croissance bien visible sur le graphique de l’indice de croissance. On peut supposer au moins une année très sèche, probablement 1393 ou même 1392 par un possible phénomène d’antériorité du même type que l’année 2003 vu plus haut ;
  • 1409-1411, de même nature ;
  • 1422-1423, épisode également marqué par une forte chute de croissance et, dans une moindre mesure 1452-1453 qui est à conforter. Pluies abondantes probablement accompagnées d’un rafraîchissement :
  • 1351-1354, beau moment de productivité des arbres, probablement dans un climat très, très arrosé.
  • De même que l’épisode 1402-1405.
  • 1367-368, 1386-1388 devraient pouvoir se classer dans la même catégorie et, enfin, une période morose en bout de graphique, 1480-1491 qu’il serait intéressant de mieux définir.

La météo de la période 1350-1430 est agitée avec des contrastes assez forts entre les années tandis que la seconde moitié du XVe s. semble plus égale, peut-être à cause d’une vague de froid qui a affecté cette période qui entre dans le minimum de Spörer (Usoskin 2008).

Extrêmes de croissance 1351-1491 CE/AD.
Interprétation des extrêmes de croissance (cernes exceptionnellement étroits ou exceptionnellement larges) du segment de la chronologie d’Autun le mieux documenté par transposition des relations faites entre cernes extrêmes et météorologie du printemps et de l’été (figure précédente). La dendrochronologie permet de soupçonner au moins 4 sécheresses (fin du printemps-été), sources probables de problèmes d’approvisionnement agricole, dans la période 1351-1491 CE/AD (cernes extrêmes étroits). Dans la même période, les cernes extrêmes larges permettent, quant à eux, de soupçonner quatre ou cinq moments de pluviométrie surabondantes ou années “pourries” (fin du printemps-été), notamment dans les années 1351-1354 et 1402-1405. La qualité du modèle, qui doit être amélioré, est meilleure pour estimer les phases sécheresse-chaleur (ou canicule) que pour les phases pluie-été frais. © G.-N. Lambert.
Fig. 193. Extrêmes de croissance 1351-1491 CE/AD.
Interprétation des extrêmes de croissance (cernes exceptionnellement étroits ou exceptionnellement larges) du segment de la chronologie d’Autun le mieux documenté par transposition des relations faites entre cernes extrêmes et météorologie du printemps et de l’été (figure précédente). La dendrochronologie permet de soupçonner au moins 4 sécheresses (fin du printemps-été), sources probables de problèmes d’approvisionnement agricole, dans la période 1351-1491 CE/AD (cernes extrêmes étroits). Dans la même période, les cernes extrêmes larges permettent, quant à eux, de soupçonner quatre ou cinq moments de pluviométrie surabondantes ou années “pourries” (fin du printemps-été), notamment dans les années 1351-1354 et 1402-1405. La qualité du modèle, qui doit être amélioré, est meilleure pour estimer les phases sécheresse-chaleur (ou canicule) que pour les phases pluie-été frais. © G.-N. Lambert.

Dendro-provenance : approche élémentaire sur la période 1350-1500

Les 68 bois des XIVe et XVe s. d’Autun sont fortement inter-corrélés. La matrice d’intercorrélation qui chiffre la qualité de la relation de chaque bois à tous les autres illustre la grande homogénéité de la croissance globale (fig. 194). Nous sommes donc en droit de supposer une prédation des arbres dans un espace globalement homogène autour d’Autun. Ce qui, par ailleurs, relève du bon sens, le chapitre, en particulier, ayant suffisamment de ressources en bois dans la proche région. Cependant, l’observation attentive des séries montre des différences ponctuelles, notamment dans les mouvements de moyenne fréquence, les motifs (patterns) de ces mouvements n’étant pas toujours synchrones : dans un même édifice, comme le cellier par exemple. On y note au moins trois types de croissances différentes (fig. 195). Le groupe central est nettement marqué par un motif en cuvette que les deux autres groupes ne présentent pas. Les séries du centre de la figure signalent un groupe d’arbres probablement très proches les uns des autres. La nature étant ce qu’elle est, on ne peut cependant pas tirer de conclusions décisives sur un si petit nombre d’éléments. Il faut travailler plus en masse pour espérer réduire le risque d’erreur d’interprétation. Un calcul de corrélation a été conduit sur les 61 bois abattus au XVe s, tous bâtiments confondus. On a ciblé le signal de la période 1400-1450. Puis, une classification automatique a redistribué les bois en forçant le trait sur la succession des motifs de moyenne fréquence. Le paquet se diversifie en plusieurs groupes qui s’échelonnent le long de la diagonale (fig. 196).

Matrice d’inter-corrélation 1300-1500 CE/AD.
Matrice d’inter-corrélation des bois d’Autun de la période 1300-1500. Lignes et colonnes représentent la même suite d’échantillons rangés de la même façon par affinités mathématiques. Chaque ligne indique le degré de parenté (mathématique) d’un bois avec tous les autres et chaque colonne représente la parenté d’un bois avec tous les autres : la matrice est symétrique et livre la même information quand on la lit de gauche à droite ou de haut en bas. Chaque point, à l’exception de la diagonale, donne le degré de ressemblance entre deux séries. Exemple : la ligne 7 représente les affinités de la série 7 avec les 67 autres séries de la chronologie ; la colonne 7 représente exactement la même chose. Plus le point est noir, plus la ressemblance entre deux séries est grande. Plus le point est clair, moins cette ressemblance existe. Le fort taux de “noir” de la matrice montre qu’il y a une très forte ressemblance entre la grande majorité des pièces : la chronologie est cohérente. Par contre, vers le bas et à droite, des éléments aux réactions plus “claires” signalent leur relative autonomie. La cohérence garantit la qualité de la datation, la “relative” indépendance autorise à aborder la diversité des approvisionnements. © G.-N. Lambert.
Fig. 194. Matrice d’inter-corrélation 1300-1500 CE/AD.
Matrice d’inter-corrélation des bois d’Autun de la période 1300-1500. Lignes et colonnes représentent la même suite d’échantillons rangés de la même façon par affinités mathématiques. Chaque ligne indique le degré de parenté (mathématique) d’un bois avec tous les autres et chaque colonne représente la parenté d’un bois avec tous les autres : la matrice est symétrique et livre la même information quand on la lit de gauche à droite ou de haut en bas. Chaque point, à l’exception de la diagonale, donne le degré de ressemblance entre deux séries. Exemple : la ligne 7 représente les affinités de la série 7 avec les 67 autres séries de la chronologie ; la colonne 7 représente exactement la même chose. Plus le point est noir, plus la ressemblance entre deux séries est grande. Plus le point est clair, moins cette ressemblance existe. Le fort taux de “noir” de la matrice montre qu’il y a une très forte ressemblance entre la grande majorité des pièces : la chronologie est cohérente. Par contre, vers le bas et à droite, des éléments aux réactions plus “claires” signalent leur relative autonomie. La cohérence garantit la qualité de la datation, la “relative” indépendance autorise à aborder la diversité des approvisionnements. © G.-N. Lambert.

Tendance et motifs de croissance (patterns) de moyenne fréquence.
 Méthode pour tenter de distinguer les lieux d’approvisionnement par la simplification du mouvement de la croissance des individus : dessin de la “moyenne fréquence”. Certains d’entre eux révèlent des impacts que d’autres n’ont pas connus. La répétition du même impact à la même époque sur des dizaines d’individus, mais pas sur tous (prise de point-de-vue contraire de ce qui a été dit plus haut, à propos du climat), conduit à l’idée d’un marquage local dans lequel telle ou telle marque ou motif (un “motif” touche plusieurs années consécutives) pourrait être la propriété d’un lieu, d’un espace donné. A contrario, des motifs différents dans la même époque pourraient indiquer des lieux de provenance différents. La figure montre trois réactions différentes des bois du cellier dans la période 1385-1400. Peut-on en inférer que les arbres viennent de trois lieux différents ? Seule, la moyenne fréquence du groupe central (comme présentée en figure 183.f) a été représentée, la tendance des deux autres groupes étant facile à imaginer. © G.-N. Lambert.
Fig. 195. Tendance et motifs de croissance (patterns) de moyenne fréquence.
Méthode pour tenter de distinguer les lieux d’approvisionnement par la simplification du mouvement de la croissance des individus : dessin de la “moyenne fréquence”. Certains d’entre eux révèlent des impacts que d’autres n’ont pas connus. La répétition du même impact à la même époque sur des dizaines d’individus, mais pas sur tous (prise de point-de-vue contraire de ce qui a été dit plus haut, à propos du climat), conduit à l’idée d’un marquage local dans lequel telle ou telle marque ou motif (un “motif” touche plusieurs années consécutives) pourrait être la propriété d’un lieu, d’un espace donné. A contrario, des motifs différents dans la même époque pourraient indiquer des lieux de provenance différents. La figure montre trois réactions différentes des bois du cellier dans la période 1385-1400. Peut-on en inférer que les arbres viennent de trois lieux différents ? Seule, la moyenne fréquence du groupe central (comme présentée en figure 183.f) a été représentée, la tendance des deux autres groupes étant facile à imaginer. © G.-N. Lambert.

Matrice carrée des motifs de croissance.
Matrice carrée construite à propos des mêmes bois utilisés dans la figure 194, mais en se limitant à la période 1400-1450. Cette matrice a une allure très différente de la précédente : le calcul a été appliqué à la “moyenne fréquence” du signal (comme présenté en figure 183.f) et non pas à sa haute fréquence (signal annuel). Cette matrice a rangé les bois et propose assez clairement, même si les frontières sont un peu floues, de distribuer les bois par affinités dans 5 groupes distincts. Aux limites de la matrice, les groupes “zéros” rassemblent des individus hétéroclites. Les trois autres groupes sont d’importance inégale, le groupe 2 est le plus important. La vitesse de croissance de chaque groupe est schématisée par le “fil” de ses motifs dessiné à droite, près du numéro. Les différences sont nettes (et pourtant la “haute fréquence” corrèle très fortement). Chaque groupe caractérise donc un environnement assez précis, un type de station, un type de terrain qui a modelé à sa façon la réponse des arbres au climat. Donc, il y a eu au moins trois sources d’approvisionnement différentes. © G.-N. Lambert.
Fig. 196. Matrice carrée des motifs de croissance.
Matrice carrée construite à propos des mêmes bois utilisés dans la figure 194, mais en se limitant à la période 1400-1450. Cette matrice a une allure très différente de la précédente : le calcul a été appliqué à la “moyenne fréquence” du signal (comme présenté en figure 183.f) et non pas à sa haute fréquence (signal annuel). Cette matrice a rangé les bois et propose assez clairement, même si les frontières sont un peu floues, de distribuer les bois par affinités dans 5 groupes distincts. Aux limites de la matrice, les groupes “zéros” rassemblent des individus hétéroclites. Les trois autres groupes sont d’importance inégale, le groupe 2 est le plus important. La vitesse de croissance de chaque groupe est schématisée par le “fil” de ses motifs dessiné à droite, près du numéro. Les différences sont nettes (et pourtant la “haute fréquence” corrèle très fortement). Chaque groupe caractérise donc un environnement assez précis, un type de station, un type de terrain qui a modelé à sa façon la réponse des arbres au climat. Donc, il y a eu au moins trois sources d’approvisionnement différentes. © G.-N. Lambert.

Souvenons-nous que ces éléments sont tous très bien corrélés et constituent une chronologie cohérente, du point de vue de leur signal de haute fréquence, calculé précédemment pour les dater. L’affinité de haute fréquence n’est donc pas contradictoire avec une certaine diversité dans la moyenne fréquence, succession des “motifs” de croissance. Traitons des trois groupes centraux et laissons de côté les séries rejetées en bordure de matrice car elles sont hétéroclites et ne peuvent être expliquées simplement. Ces éléments étant mis de côté, il reste donc trois groupes assez bien séparés, celui du milieu (groupe 2) étant le plus important. L’observation de détail des séries montre qu’il est assez facile de se faire une idée des mouvements, du jeu de motifs, qui les distinguent. Ces mouvements ont été représentés à droite de la figure. La datation n’étant pas à remettre en cause, on doit considérer que ces arbres ont été soumis aux mêmes aléas météorologiques, au détail près. Il ne reste donc guère qu’une seule explication pour ces différences qui marquent la moyenne fréquence : l’infléchissement de la réponse au climat par les paramètres du milieu, de l’endroit, du lieu. Donc, nous passerons de l’observation de trois groupes à la notion de trois lieux ou plutôt à l’idée de trois types de lieux, ce qui implique qu’au moins trois lieux différents ont été exploités pour fournir les arbres aux bâtisseurs du XVe s.

On imagine aisément qu’un commanditaire comme le chapitre de la cathédrale d’Autun, au XVe s., utilise les ressources en arbres de ses propriétés – du moins, tant qu’il y pousse encore des arbres. On perçoit par les calculs que, bien que la propriété dût s’étendre sur des terrains assez diversifiés (3 milieux distincts au moins), un secteur a été exploité en préférence pour donner le groupe 2. Cette préférence est valable aussi pour une reprise de la charpente de la cathédrale. A contrario, les bois de la maison Saint-Christophe qui ne fait pas partie des bâtiments de l’Évêché, semblent avoir été pris ici et là, mais surtout pas là où ont été coupés les arbres du groupe 2, car aucune série de la maison Saint-Christophe ne s’est rangée dans ce groupe 2.

Évidemment, il ne s’agit pas ici d’affirmer péremptoirement des vérités. Il n’y a pas assez de matière pour se permettre d’être catégorique. Nous essayons simplement de construire rationnellement des hypothèses, l’arbre étant un témoin polyvalent.

Conclusion

La dendrochronologie des bois du bloc Saint-Nazaire d’Autun a été le départ d’un travail qui s’est poursuivi dans et autour de la ville. Une chronologie potentielle de plus de 1 000 ans est en base de données. Il n’y a pas assez de bois pour aborder les aspects économiques de la construction à Autun. Le bâti est en effet ingrat, car fréquemment remanié, le matériau intéressant – surtout le plus ancien – disparaissant progressivement au fil du temps. Et ce qui reste, privé de l’avantage que procure toujours la masse de matière, perd souvent une grande partie de son intérêt potentiel. Mais à Autun, il y a tout de même eu assez de prélèvements pour constituer une solide référence de datation du chêne qui fonctionne bien au-delà de l’Autunois et de la Bourgogne moyenne (fig. 197). Des études en cours au château de Chissey-en-Morvan (71) sont venues et vont encore compléter cet ensemble dendrochronologique qui se renforcera au cours du temps. Les approches complémentaires de la datation, de la dendroclimatologie, de la dendro-météorologie et de la dendro-provenance doivent être nécessairement confrontées à la pluridisciplinarité pour aboutir à des conclusions historiquement bien assises. L’exercice ici est surtout destiné à donner une idée du potentiel de la dendrochronologie, trop souvent considérée comme une discipline de spécialistes qui datent quelques morceaux de bois en vase clos. En fait, l’arbre est un témoin de l’histoire et il peut être bavard si on sait l’interroger, ce qui relève effectivement d’un métier à part entière. Mais la confrontation du discours de l’arbre – certes très codé – aux archives écrites et aux archives du sol, comme il a été fait sur le site de Charavines par exemple (Colardelle & Verdel 1993), peut éclairer de façon inattendue des questions que se posent les uns et les autres.

Corrélation de la chronologie générale d’Autun.
Corrélations de la chronologie d’Autun 1266-1561 CE/AD avec les chronologies des sites contemporains d’un sous-ensemble de la référence du chêne Hist_20141207 comprenant 173 chronologies des Nord et Centre de la France couvrant les XIIe-XVIe siècles. 61 éléments de ce (sous-) référentiel dispersées entre l’ouest et l’est de la France ont donné une réponse positive pour la période 1266-1561, soit 35 % des sites contemporains. La figure présente une sélection des liens déduits du calcul. La circulation météorologique dominante des vents du sud-ouest sur l’ensemble de la France non méditerranéenne explique la logique du processus qui fait que les arbres – ici les chênes de basse altitude – retournent un signal cohérent sur des centaines de kilomètres. L’effet de relief entre 60 m (Beauvais par ex.) et 600 m environ (Ornans par ex.) n’est pas suffisant pour occulter de façon significative l’impact climato-météorologique qui façonne le cerne sans relâche, année après année dans l’espace géographique de la France non méditerranéenne. La marge d’erreur de la datation est globalement zéro. © G.-N. Lambert.
Fig. 197. Corrélation de la chronologie générale d’Autun.
Corrélations de la chronologie d’Autun 1266-1561 CE/AD avec les chronologies des sites contemporains d’un sous-ensemble de la référence du chêne Hist_20141207 comprenant 173 chronologies des Nord et Centre de la France couvrant les XIIe-XVIe siècles. 61 éléments de ce (sous-) référentiel dispersées entre l’ouest et l’est de la France ont donné une réponse positive pour la période 1266-1561, soit 35 % des sites contemporains. La figure présente une sélection des liens déduits du calcul. La circulation météorologique dominante des vents du sud-ouest sur l’ensemble de la France non méditerranéenne explique la logique du processus qui fait que les arbres – ici les chênes de basse altitude – retournent un signal cohérent sur des centaines de kilomètres. L’effet de relief entre 60 m (Beauvais par ex.) et 600 m environ (Ornans par ex.) n’est pas suffisant pour occulter de façon significative l’impact climato-météorologique qui façonne le cerne sans relâche, année après année dans l’espace géographique de la France non méditerranéenne. La marge d’erreur de la datation est globalement zéro. © G.-N. Lambert.

Étude de l’habitat urbain : l’exemple du n° 3 place Sainte-Barbe

Par Amélie Béguin

Au cœur de la ville haute d’Autun, la maison située place Sainte-Barbe présente une position stratégique, intimement liée à l’évolution du groupe épiscopal. D’une part, elle jouxte la porte de l’enceinte canoniale mentionnée dans une charte de 1178 (Charmasse 1865, I-II, 22.110) dont il subsiste un piédroit (fig. 198-199, 201, 203), d’autre part elle est mitoyenne du bâtiment ouest du cloître. Les travaux successifs de réhabilitation et de restauration menés récemment sur cet édifice furent autant d’occasions de mieux saisir son évolution et de retrouver des vestiges relatifs à son évolution, illustrant à bien des égards une des spécificités de l’habitat autunois (Béguin 2009)23.

Maison place Sainte-Barbe. Plan de localisation. © A. Béguin.
Fig. 198. Maison place Sainte-Barbe. Plan de localisation. © A. Béguin.

Maison place Sainte-Barbe. Plan au niveau du comble. © A. Béguin.
Fig. 199. Maison place Sainte-Barbe. Plan au niveau du comble. © A. Béguin.

Cette maison est actuellement composée de trois niveaux sous comble et se présente en deux parties distinctes (fig. 199.A.B) séparées par un mur de forte épaisseur orienté nord-sud lisible sur toute la hauteur de l’édifice. Or, de nombreux vestiges situés au niveau du comble témoignent de la liaison entre cette maison et la porte canoniale (fig. 199). À la jonction entre les parties A et B et dont l’accès actuel est préservé, subsiste ainsi une porte à linteau droit en bois supporté par deux coussinets présentant un simple chevron dont la modénature et les traces layées évoquent le XIIe s. (fig. 200.1). Un peu plus au sud, une ancienne ouverture aujourd’hui obturée a été mise au jour : le piédroit et quelques claveaux d’une arcade en plein cintre sont encore visibles. Dans la partie B, la porte dont l’accès est préservé, comprend un décor peint dont la restitution laisse supposer un faux appareil polychrome (fig. 200.2) avec fleurs rouges à cinq lobes aux angles des parements24. Ce type de motif est par ailleurs conservé sur les claveaux des baies inférieures du mur sud du bâtiment sud du cloître. Cette comparaison permet de dater ce décor peint du milieu ou de la seconde moitié du XIIIe s. Des traces d’un autre décor peint très altéré sont préservées sur le même mur nord de la partie B. Il est composé d’un badigeon blanc, d’un fond jaune et de liserés rouges bordés de noir. Ce décor plus simple, probablement antérieur au décor peint évoqué précédemment est datable du XIIe s.

L’emplacement de cette porte, ainsi que son décor, laisse envisager qu’elle ouvrait initialement sur une salle haute surmontant la porte canoniale (fig. 200.3), hypothèse étayée par la présence d’un parement en moyen appareil préservé ponctuellement sur le mur nord de la partie B, c’est-à-dire au niveau de l’étage restitué de la salle, et à l’instar de celui encore visible sur le piédroit conservé de la porte canoniale. L’étage de la porte devait comporter au moins une ouverture comme le suggèrent un piédroit biseauté et le départ de son appui. Le ressaut bien marqué situé juste en dessous correspondait peut-être à un coussiège. Les corbeaux visibles sur le mur pignon ouest de la partie A étaient quant à eux, au vu de leur position, destinés à soutenir le plafond de la salle haute (fig. 200.3). Du côté sud de la partie B, la présence au 1er étage de deux corbeaux en quart-de-rond encadrant l’amorce d’un petit arc semble indiquer la limite de l’emprise de la porte de ce côté (fig. 200.4).

Relevés des vestiges de la porte canoniale et essai de restitution. © A. Béguin.
Fig. 200. Relevés des vestiges de la porte canoniale et essai de restitution.
© A. Béguin.

La visite de l’édifice mitoyen situé un peu plus au nord (n° 1 place Sainte-Barbe), dont la façade est en retrait, permet de compléter la restitution de la façade de la porte canoniale : un parement à nouveau en moyen appareil se dresse dans le prolongement de celui visible à l’extérieur et une ouverture (fig. 201). La face interne des claveaux, également préservée, est biseautée. Elle est datable du XVe s. d’après sa facture.

Relevé de la paroi nord de la porte canoniale et essai de restitution. © A. Béguin, C. Stewart.
Fig. 201. Relevé de la paroi nord de la porte canoniale et essai de restitution. © A. Béguin, C. Stewart.

La mention de la porte canoniale dans la charte de 1178 (Charmasse 1865, I-II, 22.110), le type de maçonnerie observé ainsi que le décor confortent pour la première phase, une datation de la fin du XIIe s. Cette maison était intimement liée à la porte canoniale, correspondant probablement une double porte charretière et piétonnière en plein cintre surmontée d’une salle à laquelle on accédait par le ou les ouvertures visibles dans le comble. Cette porte était destinée à délimiter le quartier placé sous la juridiction des chanoines. Ses dispositions et notamment la présence d’une salle à l’étage, ne sont pas sans rappeler celles de la porte des Bancs, qui marquait l’entrée principale du Château – la ville haute – au XIIe s. En ce qui concerne la porte canoniale, il est possible de proposer l’hypothèse selon laquelle l’ouverture située au sud menait à un couloir traversant de part en part l’étage de la porte, situé à l’arrière de la salle.

En outre, la maison étudiée présente plusieurs phases de construction clairement visibles dans la partie A. Les prélèvements dendrochronologiques réalisés au niveau du comble sur les entraits et sur les deux pannes sablières disposées sur la tête du mur gouttereau (fig. 199) indiquent une datation du début du XIIIe s. en l’absence d’aubier25. En revanche, le mur nord de la partie A, mitoyen du bâtiment ouest du cloître, présente un parement caractérisé par un petit appareil irrégulier aux blocs grossièrement équarris, avec corbeaux en quart de rond soutenant la panne faîtière. Or, les solins de l’ancienne toiture visibles sur les murs pignons laissent suggérer qu’avant le XVe s., l’édifice était moins haut avec un toit à double versant.

Sur la façade méridionale (fig. 202, 204), la porte actuelle située au centre du rez-de-chaussée masque partiellement une ouverture comportant une arrière-voussure en arc segmentaire datable du XIIIe s. À l’ouest de l’entrée actuelle (à l’intérieur), le piédroit en moyen appareil d’une ouverture a été mis au jour. À l’étage, une baie géminée est composée d’un linteau évidé d’arcs en plein cintre supportés par une colonnette centrale. Celle-ci est surmontée d’un chapiteau en calcaire gris clair dont le décor est caractérisé par un bouton central et des feuilles qui se terminent en boules. Il n’est pas assuré que cette baie romane soit en place, mais elle pourrait coïncider avec la période d’édification de la porte. Mitoyenne de cette baie, une fenêtre avec un linteau à double accolade a été percée plus tardivement, probablement à la fin du Moyen Âge.

Au regard des différents vestiges, la fondation de cet édifice remonte vraisemblablement à la fin du XIIe s., à l’instar de l’édification de la porte. Sa position privilégiée et la présence de nombreux placards muraux témoignent de sa vocation purement résidentielle et de son appartenance à un haut dignitaire. Cette maison aurait été remaniée au XIIIe s. tant au niveau de la façade et du comble, qu’au niveau de la porte canoniale qui reçoit à l’étage un nouveau décor. Des modifications assez importantes sont ensuite intervenues au XVe s. notamment avec une reprise en sous-œuvre de la cave, d’une partie de la façade et du comble. Les transformations du XVIIIe s., quant à elles, entraînent surtout des modifications de la partie B, dans la zone jouxtant la porte canoniale en partie détruite à cette période26.

Une telle séquence de constructions et modifications concerne également le bâtiment ouest qui jouxte cette maison au nord. La relation entre cette dernière et le bâtiment ouest est posée. À l’ouest, le mur orienté nord-sud (fig. 198) est commun. Il constituait primitivement le prolongement du bâtiment ouest. Des arguments archéologiques montrent qu’au milieu du XIe s. le bâtiment ouest se prolongeait au sud d’une ou deux travées supplémentaires. Au rez-de-chaussée de la maison étudiée, a été notée la présence de blocs en moyen appareil correspondant vraisemblablement à des vestiges de pilastres observés également sur le mur ouest du bâtiment ouest. De semblables éléments sont par ailleurs encore visibles partiellement dans les caves de l’édifice mitoyen (n° 5 place Sainte-Barbe), situé du côté oriental (fig. 80, US 2210).

Cette étude illustre ainsi un véritable changement d’affectation d’un édifice dont la vocation première, celle de bâtiment communautaire pour les chanoines, peut être dissociée de sa vocation seconde, celle de résidence liée à la porte canoniale. Ce changement d’affectation est visiblement effectif à la fin du XIIe s. ou au début du XIIIe s. comme le laissent penser les informations archéologiques présentées ci-dessus ainsi que des sources écrites puisque la maison dite “de la porte” est connue au XIIIe s. (Madignier 2011, 266). Cela témoigne d’une adaptation du bâti existant face aux nouveaux besoins des chanoines dès lors qu’ils n’étaient plus astreints à une vie en communauté.

Résultats de la prospection géophysique

Par Christian Camerlynck

Afin de vérifier la présence de vestiges archéologiques, une prospection géophysique a été menée les 23 et 24 mai 2003 par les géophysiciens de l’UMR 7619 rattachée à l’Université Pierre et Marie Curie-Paris 6 sous la conduite de Christian Camerlynck27. Deux zones d’études ont été investiguées : la place Saint-Louis qui abrite les vestiges de l’ancienne église Notre-Dame et la cour de la Maîtrise, emplacement de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire. La rue séparant ces deux espaces situés en parallèle, a également été sondée. Deux méthodes ont été employées : 1) la prospection électrostatique qui mesure la résistivité du sol en utilisant 2 pôles d’injection de courant et 2 pôles mesurant la différence de potentiel induite par cette injection, la taille du quadrilatère formé par ces 4 pôles contrôlant la profondeur d’investigation ; 2) la prospection radar qui utilise la propagation d’une onde électromagnétique dans le sous-sol et l’enregistrement des échos successifs générés par les différentes structures et discontinuités présentes. Après traitement, ces deux méthodes donnent lieu à deux types de cartes et permettent de croiser les données.

Place Saint-Louis

Sur la place Saint-Louis (fig. 206), les deux types de prospection ont été entrepris avec des sondages entre 0,50 m et 2 m. Hormis les espaces occupés par les platanes, il a été possible d’investiguer la totalité de la place ainsi que ses abords immédiats, à savoir les voies au nord et au sud, ainsi que la zone de stationnement à l’ouest. Là, les dispositions générales de l’édifice étaient connues grâce à un plan du XVIIIe s. antérieur à la destruction, et désignant de façon précise les espaces. Les objectifs de la prospection étaient de voir si les éléments n’avaient pas été trop épierrés et de caler les vestiges sur le cadastre actuel.

Les cartes radar et de résistivité ont permis de déceler la présence de nombreuses structures. Dans la partie centrale, une concentration de maçonneries s’observe au sud, et quelque peu au nord, avec entre ces espaces des vides (en bleu sur la carte de résistivité). Il doit s’agir des fondations des bas-côtés de l’église Notre-Dame avec au centre les espaces réservés aux inhumations, tel le caveau de la famille Rolin. Plus à l’ouest, se décèle la présence d’amples substructions, avec une forte concentration au sud, ce qui pourrait correspondre au massif de façade associé à une tour du XVe s., au sud. À l’emplacement de la zone de stationnement occidentale, dans l’alignement de la rue des bancs, une fondation orientée nord-sud bien visible correspond soit au mur pignon de l’église, soit à un muret limitant à l’ouest, et au Moyen Âge, l’aire d’influence de la collégiale Notre-Dame.

Si les résultats sont toujours à prendre avec beaucoup de précautions et se sauraient en aucun cas se substituer à une investigation archéologique du substrat, il n’en demeure pas moins qu’une bonne conservation des maçonneries, mais aussi des sépultures, est à envisager. Une fouille de l’espace pourrait compléter, dans une phase ultime, l’étude du groupe épiscopal car, comme on l’a déjà dit, Notre-Dame devait probablement faire partie dès l’origine du complexe religieux.

Cour de la Maîtrise

En raison de l’existence d’une couverture de remblais a priori imposante, seule une prospection électrostatique avec des écartements de 1 m et 2 m a été mise en œuvre dans la cour de la Maîtrise (fig. 205), où devraient être conservés les vestiges de Saint-Nazaire. Le but était de repérer à quel niveau apparaissent les maçonneries. Toutefois, en raison de la présence de cette grande plateforme constituée d’un remblai de nature inconnue (les documents d’archives étant parfois contradictoires), et ce vraisemblablement sur près de 7 m, il n’était pas envisagé d’obtenir des résultats d’une grande précision.

Les cartes de résistivité montrent la présence de concentrations de maçonneries, et ce juste sous la surface actuelle. Leurs formes se précisent au fur et à mesure que l’on sonde plus profondément le sol. Certaines concentrations, au centre, et souvent alignées, pourraient s’apparenter à des piles de Saint-Jean-de-la-Grotte qui, on le sait, reprenaient le parti architectural oriental de Saint-Nazaire située immédiatement au-dessus. De plus, en périphérie des maçonneries semblent également apparaître. S’il est difficile de les interpréter en raison de la présence immédiate des murs de soutènement de la terrasse qui perturbent la lecture géophysique, leur assimilation aux parois des édifices de culte n’est pas totalement à exclure.

On le voit, l’interprétation de la carte de résistivité de la cour de la Maîtrise bien qu’encourageante, pose tout de même des problèmes. Aussi serait-il nécessaire de procéder à des carottages pour vérifier la nature des remblais, leur profondeur, ainsi que la présence des structures archéologiques.

Cour de la Maîtrise. Prospection électrostatique. © C. Camerlynck.
Fig. 205. Cour de la Maîtrise. Prospection électrostatique. © C. Camerlynck.

Place Saint-Louis, cartes de résistivité, prospection radar. © C. Camerlynck.
Fig. 206. Place Saint-Louis, cartes de résistivité, prospection radar. © C. Camerlynck.

Notes

  1. En effet, au cours de l’étude et du reconditionnement du mobilier en 2004/2005, on a à nouveau constaté qu’il était irréalisable de traiter la masse de matériaux non-diagnostiques issus des saisons de 1986 à 1992, sauf pour des contextes sélectionnés.
  2. Réalisé en 1992 comme partie du programme d’étude du PCR “Céramiques médiévales en Bourgogne”, dirigé par P. Beck, SRA Dijon, 1991-1995.
  3. L’aménagement d’une aire de circulation associée au puits (US 702) est daté dans la seconde moitié du XIIe s. (État 11) grâce à des données numismatiques. De façon assez exceptionnelle dans l’histoire du préau, ces niveaux et les couches d’occupation qui se sont accumulées autour et à l’est du puits jusqu’au XIVe s. ont été conservés. En 1987 et 1988, la fouille fine de ces niveaux et, entre 1989 et 1992, celle des “terres noires” situées en-dessous, a conduit à la récupération, à partir de dépôts stratifiés, de l’échantillon de céramique commune grise, mais aussi d’un important ensemble fermement datable entre le XIIe le XIVe s., y compris les céramiques flamulées et glaçurées, ainsi que la commune sombre locale en pâtes de types K à N.
  4. Il semble possible que ce matériel soit lié aux allées aménagées à travers le préau du cloître et se croisant autour du puits.
  5. Contemporaine des données rencontrées dans la zone des n° 1 et 3 place du Terreau.
  6. Les mêmes processus ont été rencontrés en 1997 lors de la fouille de niveaux de “terres noires” comparables mais conservés de façon intacte dans le quartier de Marchaux à Autun (Chardron-Picault & Berry 1997 ; Becu-Aïssou 2000).
  7. Les lettres sont utilisées pour différencier les types techniques dans les tableaux VII et X pour plus de commodité dans la description sans l’intention de constituer une typologie formelle.
  8. Un deuxième pot à lèvre rentrante est représenté par un bord fragmentaire et très usé en pâte grise typique des ateliers du Val du Saône de la période carolingienne ressemble plus aux formes connues à Lyon ; Horry 2000, 20-21.
  9. À ceci peut être ajoutée une unique panse en pâte rouge brun et grise au cœur, avec des surfaces grises montrant des traces de lissage. Deux ressauts sont conservés rappelant ceux sur une des cruches à lèvre rentrante trouvée à Torcy-le-Petit (Georges-Leroy & Lenoble 1993, fig. VI.1.2.4), sauf qu’ici le vaisseau est décoré de bandes de carrés faits à la molette.
  10. Une pâte similaire se retrouve aussi parmi les céramiques de Sevrey à Cluny (étude en cours par l’auteur). L’examen des fragments d’un ramassage terrestre mené à Sevrey par l’équipe de Saint-Nazaire en 1985 démontre également la présence de cette variété parmi les ratés de four. Pour une description minéralogique complète, voir Mani 2004, 201-203.
  11. Il peut exister un écart considérable au sein d’un type et des croisements avec d’autres types, donc les différenciations peuvent parfois être subjectives voire un peu arbitraires ; par exemple, les types I et J, clairement étroitement liés, sont individualisés par des nuances dans le traitement de surface, tout comme les variétés C, D et E qui sont distinguées en raison de leurs teintes particulières et non en raison d’un autre critère.
  12. Le même motif est trouvé sur une cruche à bec ponté en pâte H découverte à Saint-Lazare.
  13. La connaissance de la céramique du Bas Moyen Âge a été renforcée par deux études de la glaçurée, tout d’abord celle menée par Marjorie Berbuto (Berbuto 1991), puis celle d’Emmanuelle Galibert (Galibert 2003), tandis que la commune grise tardive a fait l’objet de l’analyse d’Amélie Béguin (Béguin 2002). Ces deux dernières études sont fondées sur les données bien stratifiées provenant des interventions menées dans la Chambre des Comptes en 1996-1998 et dans le Bâtiment est en 2000-2001.
  14. C’est-à-dire de terre cuite une première fois vers 800 °C, puis revêtue d’un émail opaque à base d’oxyde d’étain et décorée “à cru”, cuite une deuxième fois à 950-1 000 °C.
  15. La faïence “de réverbère” est décorée sur l’émail déjà cuit, et cuite une troisième fois à moindre température (c. 750 °C), d’où le nom erroné de “petit feu” qu’on lui donne dans le commerce d’antiquités (Rosen 1995).
  16. La “terre à feu” est une faïence culinaire à pâte non calcaire destinée à résister aux chocs thermiques. Après le milieu du XVIIIe s., le revers des pièces est revêtu d’une vitrification à l’oxyde de manganèse, d’où les noms de “faïence brune” ou de “cul noir” donnés à cette céramique.
  17. La terre de pipe est une céramique à pâte blanche le plus souvent calcarifère, revêtue d’une glaçure transparente au plomb.
  18. Les terres blanches glaçurées, dites à tort “faïences fines” dans le commerce des antiquités, sont caractéristiques de la deuxième moitié du XIXe s. Leur pâte est faite d’un mélange d’argiles kaolinitiques, siliceuses et aluminiques cuisant blanc, revêtu d’une glaçure transparente plombifère ou boracique, et parfois décorée à l’aide d’impressions.
  19. La porcelaine dure est une céramique à base de kaolin cuite à très haute température (plus de 1 300 °C), dont le corps est vitrifié et translucide.
  20. Opération de fouilles médiévales du bastion de Guise, à Dijon, terminée en novembre 1996, qui n’a malheureusement pas permis d’étudier correctement un important mobilier céramique d’époque moderne déposé dans l’ancien lit du Suzon.
  21. Le verre apode est un verre de type gobelet sans pied. Le verre à tige est très élancé, la partie reliant le corps du verre au socle appelée tige est très longue et mince, parfois agrémentée d’un fin décor ; on peut actuellement se référer aux verres à boire le vin du Rhin. Le verre à pied est un verre composé d’une coupe souvent tronconique assise sur un socle large en forme de disque aplani, ce verre est assez trapu. Le verre à jambe a comme son nom l’indique une jambe mais celle-ci est agrémentée d’une ou plusieurs boules lisses ou nervurées.
  22. Adapté de la NORME XP-P 18-540, norme AFNOR régissant les définitions, les conformités et les spécifications des granulats.
  23. Cet édifice est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques par arrêté du 18 août 2003. Je tiens à remercier les différents propriétaires de cette maison qui m’ont permis de suivre les travaux et de réaliser des relevés : M. Gras, Mme Lumley, Olivier Renouard-Juiliard et Nathalie Etchepare.
  24. Toute ma gratitude va à Emmanuelle Boissard pour ses conseils avisés.
  25. Prélèvements effectués en mai 2006 par G. Lambert et S. Durost, Laboratoire de Chrono-Écologie, CNRS, Université de Franche-Comté, Besançon, que je remercie. Les échantillons sont tous intercorrélés pour donner une moyenne dendrochronologique unique de 158 ans appelée Autun-SteBarbe-GL08 (Début : 1027, Fin : 1184).
  26. D’après une reconnaissance de rente de 1760 à propos d’une maison située près de ce portail, nous apprenons que “l’arcade a été démolie depuis peu” (ADSL, 5G88, p. 13).
  27. Sébastien Gondet qui a participé à l’opération dans le cadre d’un stage du DESS “Méthodes scientifiques et techniques en archéologie” de l’Université de Dijon, a rédigé un rapport dont une copie a été déposée au Centre Municipal d’Archéologie d’Autun, de même que Thomas Debuc-Decurey, étudiant en troisième année d’ingénieur. Ce rapport provisoire précisément fait état des méthodes employées et donne un aperçu des premiers résultats. S. Gondet et T. Debuc-Decurey, “Ancien groupe épiscopal d’Autun. Contribution des investigations géophysiques aux recherches archéologiques. Rapport concernant les prospections géophysiques effectuées les 23 et 24 mai 2003 place Saint-Louis et place de la Maîtrise”, UMR 7619, Sisyphe, Université Pierre-et-Marie Curie.
ISBN html : 978-2-35613-383-0
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Chapitre de livre
Posté le 12/12/2021
EAN html : 9782356133830
ISBN html : 978-2-35613-383-0
ISBN livre papier : 978-2-35613-368-7
ISBN pdf : 978-2-35613-369-4
ISSN : 2741-1508
92 p.
Code CLIL : 4117
licence CC by SA

Comment citer

Balcon-Berry, Sylvie, Berry, Walter, Sapin, Christian, avec la collab. de Picon, Maurice, Chardron-Picault, Pascale, Serneels, Vincent, Bompaire, Marc, Rosen, Jean, Merlevède-Hémon, Ghislaine, Velde, Bruce, Brown, Amanda, Richard, Hervé, Büttner, Stéphane, Boissard, Emmanuelle, Lambert, Georges, Béguin, Amélie et Camerlynck, Christian, “Analyses et études du mobilier archéologique”, in : Balcon-Berry, Sylvie, Berry, Walter, Sapin, Christian, dir., Le groupe épiscopal et canonial d’Autun. 20 ans de recherches archéologiques, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 6, 2021, 207-298 [en ligne] https://una-editions.fr/analyses-et-etudes-du-mobilier-archeologique/ [consulté le 12 décembre 2021]
doi.org/10.46608/dana6.9782356133830.8
Illustration de couverture • Première : montage à partir du nuage de points de la cathédrale Saint-Lazare d'Autun (© Camilla Cannoni, Plémo 3D, UMR 8150 Centre André Chastel-Sorbonne Université) et d'une vue générale de la fouille du préau (© W. Berry). Quatrième : Chapiteau du XIe siècle découvert dans le puits du cloître (© C. Castillo).
Publié le 12/12/2021
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