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Chapitre 1• Champ cinématographique argentin : re-pères

Introduction

Ce premier chapitre a pour objectif de dresser un état des lieux du cinéma argentin des années 90 et 2000 puisque c’est à cette période que débute le parcours d’Albertina Carri et de Lucía Puenzo. Il se compose de deux parties. La première est consacrée à la mise en perspective du Nouveau Cinéma Argentin (NCA) que j’aborderai comme une marque de fabrique hétéroclite et l’étalon hégémonique de la création cinématographique en Argentine. La deuxième partie examine la place des femmes dans la construction du champ cinématographique national et propose un premier examen de questions rarement posées, faute d’admettre la dimension genrée de celui-ci et de se risquer à l’aborder.

États de l’art

Le Nouveau Cinéma Argentin a plus de vingt ans, ce qui a conduit plusieurs de ses spécialistes à nuancer et affiner leurs premières appréciations. C’est le cas de Gonzalo Aguilar qui établit en 2015 une périodisation en deux temps, la première étape allant de 1997 à 2008 et la suivante entamée depuis et qualifié de « cine anómalo »1 – l’adjectif dérivé du terme anomalie n’existe pas en français (Aguilar, 2006). Je retiendrai les caractéristiques les plus remarquables qu’il mentionne pour définir ce nouveau cinéma :

l’invention de nouveaux modèles de production et de distribution non conventionnels ; l’apparition d’une nouvelle génération de réalisateurs, producteurs et techniciens ; la reconnaissance de l’INCAA (Institut National de la Cinématographie et des Arts Audiovisuels) ; les changements dans la formation artistique et technique ; la politique des acteurs et le choix des personnages ; le retour du réel et l’influence de la télévision dans la représentation du réel ; la rupture avec le cinéma politique des années 60 et le cinéma identitaire des années 80 et enfin la présence des signes du présent. (Aguilar, 2015 : 21. Je traduis.)

L’ambition commune des membres de cette génération relevait donc moins d’une dynamique esthétique ou politique commune que de l’envie d’en découdre avec leur société – du spectacle – en revenant au réel et de transformer la façon de filmer.

Le NCA : une marque de fabrique hétéroclite

La loi du cinéma et la FUC

Malgré les effets paradoxaux de la loi du cinéma adoptée en 1994, pendant la phase d’austérité du ménémisme, favorisant « les conglomérats de médias privés qui avaient émergé suite à la privatisation de la télévision publique » (Andermann, 2015 : 37) et dont Octavio Getino analysa et fustigea les effets pervers du système de subventions (Getino, 2005), le fait est que la production nationale repartit à la hausse, lentement mais sûrement, à partir de 1997. L’impulsion créée par la Loi du cinéma marquée par l’intervention de l’État pour restructurer la production argentine contribuait à « una nueva movida cultural » qui pariait sur le développement et la progressive autonomisation du champ cinématographique au sein du champ culturel. Durant les années qui suivirent et malgré la crise financière de 2001 le secteur de la production cinématographique (dont Directores Argentinos Cinematográficos, Sindicato de la Industria Cinematográfica, Asociación Argentina de Actores) se réorganisa et une articulation plus efficace s’opéra entre producteurs, écoles et critiques. L’application de la Loi se fit sur fond de polémiques et de résistance de la part de l’industrie télévisuelle qui fit pression pour ne pas payer l’impôt initialement prévu pour financer le fonds d’aide au développement du cinéma national. L’arrivée d’entreprises multinationales et le développement de multiplexes qui s’accaparèrent le marché en quelques années, occupant 70 % du circuit – comme presque partout ailleurs avec des productions nord-américaines – et donc de la programmation, ne facilitèrent pas les choses (Peña, 2003).

Ignacio Amatrain parle de changement car cette dynamique a contribué à la constitution d’un microcosme social promouvant un idéal et une pratique dont le modèle fut la Fondation Université du Cinéma (FUC) ouverte en 1991 par Manuel Antín2, cinéaste de la première vague du nouveau cinéma argentin et l’un des promoteurs – avec les députés Fernando Pino Solanas et Irma Roy – de la Loi sur le cinéma de 1994. En accroissant le nombre de places offertes par l’institution d’enseignement public, le CERC, actuel ENERC (Escuela Nacional de Experimentación y Realización Cinematográfica) dépendant de l’INCAA, la FUC répondait à la forte demande d’un nombre croissant d’étudiant·es provenant de la génération considérée comme orpheline, qui avait grandi pendant la dictature et était devenue adulte pendant le ménémisme. L’article 43 de la Ley de cine donnait la possibilité aux écoles de produire et de réaliser ou d’accompagner la réalisation de courts-métrages et ce fut immédiatement fait. En 1995, Historias breves, souvent considéré comme l’acte de naissance du NCA, rassemblait neuf courts-métrages dont deux réalisés par des femmes, Lucrecia Martel et Sandra Gugliotta.

La rénovation qui s’engagea grâce aux possibilités matérielles négociées au sein de l’industrie, dans un contexte de transformation sociale et culturelle, subira toutefois l’impact de la crise monétaire et sociale qui fit exploser la bulle spéculative et l’illusion de la performance argentine dans la mondialisation néolibérale sans toutefois remettre en cause le désir de filmer, avec ou sans subvention.

Faire un film à la fin des années 90 était une aventure « algo que se sale del contexto de la vida », « búsqueda o invención de experiencia » (Aguilar, 2006 : 15) à la fin heureuse pour certain·es qui parvinrent à tourner, présenter leurs films en festivals et les faire voir en salle – la distribution ayant souvent été le cap plus difficile à franchir. Parmi les figures pionnier·ères de ce renouveau figurent Martín Rejtman (Silvia Prieto, 1994-1995), Adrián Caetano et Bruno Stagnaro – dont Pizza, birra faso (1997) fut primé au Festival de Mar de Plata –, puis Caetano en solo (Bolivia, 2000), Pablo Trapero – dont Mundo grúa, présenté à Venise et primé à Rotterdam en 1999 puis au BAFICI, fondé la même année, sortit en salle en 2001 –, Lucrecia Martel (La ciénaga, 2001), Albertina Carri (No quiero volver a casa, 2001). Pourtant, la reconnaissance à l’étranger et celle du Festival International du cinéma Indépendant de Buenos Aires (abrégé en BAFICI) ne s’accompagna pas toujours d’une distribution nationale de qualité. Ainsi, Parapalos, le troisième film d’Ana Poliak, remporta le prix du meilleur film au BAFICI en 2004 mais tarda huit ans avant d’être distribué commercialement en Argentine. Quant à Ana y los otros (2003) de Celina Murga, qui remporta le Prix spécial du jury du BAFICI la même année et fut distribué en France l’année suivante, il ne fut (mal) distribué commercialement en Argentine qu’en 2006. Il s’agit pourtant de deux des rares cinéastes femmes les plus solides en termes de longévité et dont la qualité des œuvres n’a d’égale que l’indifférence dont celles-ci furent trop longtemps entourées.

Quand penser la forme c’est penser la production3

En 2001 l’Argentine connut une crise économique et politique profonde qui affecta non seulement les classes populaires mais aussi les classes moyennes dont les valeurs et certains espoirs s’effondrèrent brutalement et avec eux l’assurance d’un avenir meilleur. Parallèlement, la démocratisation technologique et la révolution numérique rendirent possibles l’expérimentation d’organisation du travail et de schémas impensés jusqu’alors, ou oubliés (l’autogestion et les coopératives en particulier), et qui se matérialisèrent comme une réponse à l’effondrement politique. Le NCA n’y échappa pas qui « en faisant l’expérience de la crise du modèle néolibéral dans la réalité quotidienne de la production, allait devenir un document contemporain, non seulement en tant qu’objet narratif, mais aussi en tant qu’élément à part entière de l’expression cinématographique » (Andermann, 2015 : 36).

Pendant quelques années, des modèles de production alternatifs s’échafaudèrent, comme en témoigne par exemple le premier film d’Ana Katz, l’une des rares femmes à avoir tourné quatre longs-métrages de fiction depuis ses débuts : El juego de las sillas fut d’abord tourné en vidéo puis digitalisé dans une version compatible avec les critères de qualité d’une projection cinématographique sur grand écran (2002).

Parmi les cinéastes qui inventèrent de nouvelles façons de faire du cinéma pour parvenir à partager de nouvelles façons de voir le monde, certain·es empruntèrent la voie de l’INCAA et du cinéma subventionné, d’autres essayèrent de s’intégrer au circuit commercial en pleine recomposition, d’autres développèrent des compétences éloignées de leur formation et ambition cinématographiques initiales pour obtenir des financements des institutions internationales4, et les mêmes, ou d’autres encore, s’investirent dans l’élaboration de circuits alternatifs d’exhibition (en particulier au MALBA, le Musée d’Art latino-américain de Buenos Aires) permettant de faire voir leurs films.

La seconde phase du NCA, si l’on s’en tient au découpage de Gonzalo Aguilar, fut marquée par la radicalisation des méthodes d’une frange de cinéastes revendiquant leur marginalité comme un gage de leur désir d’indépendance réfractaire aux évaluations de l’INCAA et des compromis assurant une production et une diffusion susceptible d’attirer un large public. Ce « cine anómalo » est illustré notamment par le collectif El Pampero Cine, né en 2002, qui réunit Alejo Moguillansky, Laura Citarella, Mariano Llinás et Agustín Mendilaharzu et deviendra une société de production en 2010. Il est important de signaler que les alliances et les modèles sont loin d’être figés et qu’il n’est pas possible de cerner des schémas de production car les cinéastes-producteurs connaissent chacun·e une évolution particulière qui témoigne des stratégies parfois paradoxales et de compromis souvent inévitables avec les systèmes de production et de distribution eux-mêmes réarticulés par la globalisation des marchés du film.

C’est certainement un élément déterminant pour appréhender les choix d’Albertina Carri et Lucía Puenzo qui sont, pour des raisons bien différentes, à la fois proches et détachées du NCA mais dont les lignes de conduite thématique et esthétique sont à mettre en rapport avec la dimension économique et la question de la réception.

Extension du domaine de la critique

La critique spécialisée, proche des actrices et acteurs de ce renouveau artistique souhaité et promptement célébré, fut un des vecteurs de la re(con)naissance (inter)nationale du NCA, comme l’illustre le numéro 40 de la revue El Amante cine de juin 1995 intitulé Lo malo, lo nuevo del cine argentino. Le large écho donné au phénomène NCA dut en effet beaucoup à l’intérêt d’une poignée de personnalités du monde culturel et/ou intellectuel qui assura une relève générationnelle de la critique depuis les revues spécialisées comme El amante cine. Fondée en 1991 par Eduardo Antín, plus connu sous son nom de plume Quintín, rejoint par Flavia de la Fuente et Gustavo Noriega, son influence auprès des spectateur·rices, des cinéastes et de la presse généraliste grandissait au même rythme que les polémiques qu’elle suscitait et qui heurtaient les traditions du champ de la critique. Il y eut aussi Film, dirigée par Martín Peña, Paula Felix-Didier et Sergio Wolf, qui démarra en 1993, Haciendo cineKilometro 111Otro campoLeer cine, repris par un ancien de El amanteLa lectora provisoria, etc. Certaines de ces revues, qui se multiplièrent sur le Net, passèrent du papier au numérique et parfois se passèrent même du support organique. Les liens tissés entre critiques et artistes se matérialisèrent également par la création de nouveaux festivals. Le documentariste Andrés Di Tella (Montoneros, una Historia, 1994, et Prohibido, 1996) fonda ainsi en 1999 avec Esteban Sapir et Eduardo Milewicz le désormais incontournable BAFICI (Festival International du cinéma Indépendant de Buenos Aires), auquel Quintín sera rapidement associé et qui connut un retentissement inédit et prolongé à partir de 2001. Parmi la moisson de films très différents du premier cru du Festival, plusieurs se retrouvèrent au Festival de Mar del Plata, dès 2002 puis entamèrent une tournée mondiale, au gré de leur sélection dans les festivals internationaux, plus ou moins prestigieux et plus ou moins spécialisés (Berlin, Cannes, Locarno, Toulouse, La Havane, Viña del Mar, Venise, etc.) mais qui leur garantirent toujours une visibilité nécessaire pour faire exister leurs films et se faire connaître.

État des lieux bibliographique

Un entre soi célébrant la rupture

La bibliographie en langue espagnole consacrée au « nouveau » Nouveau Cinéma Argentin (NCA5) est vaste si l’on effectue une recherche par article et croissante en termes d’ouvrages collectifs, d’abord publiés sur le territoire national puis de plus en plus nombreux en Europe, en Amérique latine et aux États-Unis. Les publications transnationales sont devenues monnaie courante et la perspective s’élargit à toute l’Amérique latine du fait de renouveau observable dans différents pays ou régions – le cône sud, les pays andins ou l’Amérique centrale (Tal, 2005 ; Russo, 2008 ; Flores, 2013 ; Mestma, 2016). L’un des axes de recherche les plus récents concerne la production cinématographique régionale – la Patagonie, Salta – (Etchenique y Pena, 2003 ; Sáenz, 2004 ; Neifert, 2007 ; Neveleff, 2007 ; Scaglia y Varea, 2008 ; Escobar, 2010 ; Greco, 2012 ; Guiamet, 2012 ; Brunetti, 2016 ; Ignacio Dobree, 2014).

Le corpus des monographies reste assez réduit mais certaines d’entre elles, publiées dès le milieu des années 2000, sont devenues des références. En Argentine, les relations entre cinéastes, universitaires et critiques se traduisirent précocement par une augmentation de la production en phase avec la consolidation des études de cinéma, une tendance à réviser l’histoire du cinéma argentin et à envisager le phénomène du NCA depuis de nouvelles perspectives (Aguilar, 2006, 2015 ; Amado, 2008 ; Prividera, 20146). Les ouvrages collectifs manquent parfois de véritable ligne conductrice mais contiennent des pistes méthodologiques inégalement explorées en raison notamment des limites éditoriales (Bernades, Lerer, Wolf 2002 ; Peña, 2003 ; Andermann, 2015 ; Bernini, 2018). Parmi eux, je relèverai l’ouvrage coordonné par Ignacio Amatrain (20097) dont la perspective sociologique renouvelle l’approche critique sur la génération du NVA, ainsi que le deuxième volume d’un ensemble dirigé par Ana Laura Lusnich et Pedro Piedras (2009, 20118), qui se risquent à une précieuse relecture transversale socio-politique du cinéma argentin depuis 19699.

Pour conclure ce survol panoramique, il faut bien entendu rappeler que le canal principal, depuis le boom numérique qui a débuté au milieu des années 2000, est constitué par les publications virtuelles, blogs, revues, sites. Cette fenêtre ouverte sur le cinéma s’est inventée sur le tard, en dehors ou parallèlement aux politiques éditoriales traditionnelles – presse et édition papier – offrant au lectorat national et international des formats, des perspectives, des tons et des thématiques diverses pour (re)penser l’histoire et l’actualité du septième art et de l’audiovisuel. La liberté et le foisonnement allant de pair avec une certaine précarité des modèles économiques, les formats se stabilisèrent peu à peu. Un nombre plus réduit de revuesspécialisées (Otro campo : estudios de cine, 1999 ; Kilómetro 111, 2001 ; Cuadernos de cine, 2005 ; Imagofagia, 2010 ; Revista de cine, 201410) se consolida, qui enrichit les revues ayant survécu aux bouleversements éditoriaux provoqués par la restructuration de la presse papier due à la conversion au numérique (El amante cine, 1991). Les journalistes et/ou universitaires sont les instigateur·rices et contributeur·rices de ces revues qui renforcèrent autant leur propre légitimité que celles des réalisateur·rices du NCA dont les films les plus emblématiques firent notamment l’objet, à partir de 2007, d’une publication – dans un format proche des livres de la collection 128 : Cinéma, Armand Colin – chez PicNic ediciones, colección NCA. La structure de cette collection associe en effet l’étude critique d’un film par un·e spécialiste chargé·e et un entretien avec le ou la cinéaste – Lucrecia Martel (La ciénaga) et Albertina Carri (Los rubios) sont les deux seules femmes de la liste.

¿ Historias mínimas ?

En examinant la bibliographie consacrée au Nouveau cinéma argentin, j’escomptai en savoir plus sur les femmes cinéastes, assez nombreuses à participer à ce phénomène générationnel… Mais si j’emprunte et détourne le titre du film de Carlos Sorín (2002), c’est pour signaler la discrétion des sources bibliographiques accordant du crédit aux films tournés par des femmes. Je ne cherche pas ici à recenser les ouvrages et publications qui les mentionnent mais plutôt à distinguer les références qui, contrairement à la majorité des sources consultées, prennent en charge la dimension genrée de l’industrie du cinéma pour analyser celle-ci. En effet, à quelques trop rares exceptions (Viviana Rangil, 2005 ; Agustina Pérez Rial, Paulina Bettendorf, 2014) qui affichent leurs perspectives féministes, de genre et/ou queer (Adrián Melo, 2008), on ne trouve pas encore facilement de titres et de contenus qui considèrent le genre comme une catégorie d’analyse pour étudier les formes cinématographiques. Pour ce qui est du NCA, je n’ai trouvé aucun ouvrage qui aborde, par exemple, la représentation de la masculinité et de la féminité, ou qui traite l’œuvre d’un·e des cinéastes dans son intégralité à partir d’un angle intersectionnel. Une seule monographie a été précocement consacrée à Albertina Carri (López Riera, 2009) alors que son œuvre est pourtant, après celle de la pionnière María Luisa Bemberg et avec celle de Lucrecia Martel, la plus abondamment étudiée par la critique et la recherche universitaire internationales. En dehors d’une monographie en langue anglaise consacrée au trio Martel, Carri et Puenzo (Semilovic, 2018), depuis une perspective des affective et gender studies, on note la continuité de l’approche thématique traditionnelle en langue française (Dufays, 2016). Mais on observe également dans Directoras de cine en España y América Latina, Nuevas voces y miradas (201411), qui fait dialoguer les filmographies de María Luisa Bemberg, Anahí Berneri, Icíar Bollaín, Albertina Carri, María Cañas, Isabel Coixet, Hilda Hidalgo, Susana Koska, Claudia Llosa, Lucrecia Martel, María Novaro et Helena Taberna, une ouverture transnationale depuis l’angle de l’histoire. Le nombre croissant de publications et d’ouvrages collectifs dans lesquels on s’intéresse aux réalisatrices argentines et latino-américaines, ainsi qu’à leurs collègues espagnoles, rend aussi compte de contextes, de traditions, de pratiques différentes et d’une ouverture plus ou moins importante à des champs de recherche non hégémoniques mais très féconds qui questionnent les rapports de pouvoir en jeu dans les rapports de savoir intercontinentaux. De ce point de vue, le dynamisme des études de genre en Argentine et dans le reste du continent américain démontre la transformation épistémologique en cours et qui se traduit par des voies alternatives au sein et hors du champ académique.

Irruption du hors-champ : la mirada invisible12

Historiciser, disent-elles

Où sont les femmes (du cinéma argentin) ?

Parmi les ouvrages collectifs consacrés au cinéma fait par des femmes en Argentine, Tránsitos de la memoria. Mujeres que hacen cine (2014) dirigé par Paulina Bettendorff et Agustina Pérez Rial, constitue un état des lieux nécessaire pour historiciser la participation des femmes à l’industrie du cinéma argentin, explorer la généalogie cinématographique argentine « au féminin » et en proposer une réévaluation à l’aune des théories féministes, de genre et culturelles. Les sept essais qui le composent et sont suivis de huit entretiens révèlent des pratiques et des corpus trop souvent invisibles, déconsidérés faute d’avoir été inclus dans une lignée et d’avoir été rattachés à un canon qui leur confèrerait une légitimité symbolique. Le prologue rédigé par la journaliste féministe Moira Soto (1941) dresse un constat sans appel nourri d’une expérience critique de plus de trente ans :

han sido y son contadas las mujeres que escriben crítica de cine en diarios y revistas de cierta circulación. Y menos todavía las críticas que se atreven a asumirse como feministas, a escribir desde su condición y sus intereses de mujer, a señalar el sexismo y la misoginia o a advertir en los films firmados por mujeres hasta dónde es posible discernir miradas, temas, procedimientos que aporten algo nuevo, diferente, al hecho fílmico. (Bettendorff, Pérez Rial, 2014 : 10-11)

Elle pointe un paradoxe essentiel pour comprendre la situation socio-culturelle des femmes artistes et leur marginalisation, prédéterminée par les structures et institutions où elles tentent de s’inscrire. Dans un pays où le nombre de femmes cinéastes ne cesse de s’accroître, les prescriptrices ne courent pas les rues, encore moins les avenues passantes et bien éclairées, et surtout, quand elles font partie des cercles de légitimation, elles n’osent pas assumer une expertise féministe pour aborder la singularité de leurs conditions matérielles et de leurs regards, des thèmes abordés et des procédés utilisés.

La cartographie proposée par Bettendorff et Pérez Rial revient sur cent ans de cinéma fait par des femmes, signalant les oublis et précisant la cause de cette exclusion : la stricte division du travail imposée par les studios, les assignations et les limitations que leur imposait leur genre ou sexe social – le sexe anatomique étant le marqueur des rapports sociaux – (Nicole Claude-Mathieu,1972). De la période du cinéma muet (Mel, 2012)13 jusqu’aux années 60, les noms des réalisatrices, productrices, techniciennes, assistantes à la réalisation, cheffes opératrice, photographes, monteuses, etc., sont encore trop souvent omis de l’histoire du cinéma national. Pourtant, les supports numériques permettent désormais de (re)mettre en circulation des pans entiers de l’histoire du cinéma en exhumant et réévaluant des corpus et des trajectoires oubliées comme celles d’Emilia Salény dans les années 10 et 20, ou de Vlasta Lah dans les années 6014. Ces revalorisations sont le résultat d’initiatives parfois individuelles et souvent associatives et ne présagent pas d’une réintégration dans le canon ou, mieux, d’une reconsidération des traditions qui les ont exclues. En revanche, elles illustrent une reconnaissance à la marge dont on peut trouver des manifestations par exemple dans la constitution des corpus de cours. Les instigatrices de ce mouvement qui sont le plus souvent des universitaires, des artistes et des militantes – parfois elles sont les deux ou les trois à la fois – s’allient pour valoriser et divulguer des œuvres passées ou actuelles et ainsi creuser des brèches dans les murs du ghetto érigé par les tenants d’un canon masculiniste. Si par le passé quelques très rares femmes écrivaines et/ou femmes de cinéastes comme Beatriz Guido, écrivaine, scénariste et collaboratrice attitrée de son époux, le cinéaste Leopoldo Torre Nilsson, obtinrent de leur vivant une reconnaissance en tant que scénaristes, l’auteur du film demeure jusqu’à nos jours LE réalisateur, celui dont le nom figure sur l’affiche « en grand », celui dont la critique parlera dans les différents médias, celui qui sera invité dans les festivals, surtout s’il est accompagné de la star de son film, celui à qui la postérité attribuera la quasi exclusivité de la « paternité » du film – métaphore idéologique qui naturalise la création au masculin15.

75 : année féministe

Rétrospectivement, 1975 apparaît comme une date charnière sur le plan de la réception et de la circulation des idées et des pratiques féministes. On peut citer l’article fondateur de Laura Mulvey « Placer visual y cine narrativo », la sortie du court-métrage pamphlétaire d’Agnès Varda, Réponse de femmes et celle du film de Chantal Akerman, Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles, qualifié par Le Monde de « premier chef-d’œuvre au féminin de l’histoire du cinéma »L’emphase du commentaire masque mal l’ignorance ou le mépris pour la création des femmes dans le monde et tout particulièrement en France. Agnès Varda (1928-2019) comptait en effet à son actif cinq longs-métrages de fiction, des documentaires et des courts. Son très audacieux et radical premier film, La pointe courte, dont elle écrivit le scénario, confiant le montage à l’apprenti cinéaste Alain Resnais, avait reçu le Grand Prix du film d’avant-garde de Paris en 1955. Pourtant, le film, fut jugé trop expérimental et intellectuel par la critique exclusivement masculine de l’époque et les historiens du cinéma16, qui l’oublièrent pendant plus de cinquante ans avant de l’encenser très tardivement (Palme d’Honneur du Festival de Cannes en 2015). Quant à son second film, Cléo de 5 à 7, sorti en 1962, sélectionné par le Festival de Venise et par celui de Cannes en compétition pour la Palme d’Or, il reçut en 1963 le prestigieux prix de la FIPRESCI (la fédération internationale de la presse cinématographique) et le Prix Méliès (devenu prix du meilleur film français du syndicat de la critique de cinéma)… Le cas d’Agnès Varda, aujourd’hui considérée unanimement comme une illustre figure du patrimoine français, est exemplaire de l’exclusion des femmes du champ culturel mais aussi de la résistance par une créativité hors du commun et la persévérance dans la construction de son autonomie, indépendamment du soutien de la critique ou de l’État. Bien avant la publication des premiers textes féministes d’une part, et de la consécration de « la politique des auteurs » d’autre part, dont elle fut également évincée, comme si l’idée qu’une femme soit la pionnière d’une nouvelle vague ou d’un courant soit inenvisageable, Varda portait sur le monde un regard déboussolant. Elle ouvrait des perspectives jusque-là inédites sur le plan formel et narratif mais aussi éthique et politique, faisant preuve, sans jamais s’en targuer, d’un avant-gardisme inconcevable aux yeux de L’ordre du discours (Foucault, 1971) que Michelle Coquillat a explicité dans La poétique du mâle (1982)17.

1975, c’est aussi la sortie du film de Marguerite Duras, India Song qui fut un événement. Une archive télévisuelle de l’INA de cette même année réunissant Akerman, alors âgée de 24 ans dont le film était alors sur le point de sortir, Duras, dont c’était le 6e film, Liliane de Kermadec (décédée en 2020 et oubliée de l’histoire du cinéma) dont le film Aloïse (co-écrit avec André Téchiné, présenté au Festival de Cannes 1975 et qui remporta un succès en salle) et Delphine Seyrig qui avait joué dans les trois films ! Or, j’ai retrouvé dans leurs échanges, datant de 46 ans, plusieurs éléments clés de mon travail qui cherche aussi à comprendre la motivation obstinée de ces femmes à se lancer dans l’univers encore très masculin du cinéma, et à mettre mis en lumière ce qui anime les femmes. La diversité de leurs approches témoigne de l’ampleur des enjeux que recouvre leur quête sur l’identité, sur le langage et sur le discours. De Kermadec disait qu’en tant que femme, il s’agissait pour elle de trouver son identité, qu’en tant que cinéaste, il s’agissait de trouver un langage et qu’en tant que femme cinéaste, il s’agissait de trouver son discours. Selon Duras, pour qui faire du cinéma en tant que femme c’est en soi faire quelque chose de différent, le cinéma différent est politique, ne serait-ce que parce que le financement d’un film réalisé par des femmes (réalisatrices, scénaristes, techniciennes et actrices) est différent, parce qu’il est perçu comme différent et rendu possible ou pas depuis cette différence.

Se poser la question de l’écriture féminine ou d’un cinéma féminin, c’est donc d’abord se poser la question de la possibilité de faire un film. Et si, depuis les années 1970 et le virage féministe, l’accès des femmes aux métiers du cinéma s’est accéléré, notamment en Argentine, au tournant du nouveau millénaire, leurs films restent encore largement difficiles à monter parce qu’ils ne correspondent pas à ce qu’on va voir habituellement au cinéma. Les femmes qui tournent se posent et nous posent la question des rapports de pouvoir et de la reproduction des images et des sons comme véhicules de récit susceptibles de conforter ou de déboussoler l’ordre établi. Autrement dit, la dimension sexuée des procédures de contrôle qui régulent l’accès aux positions d’énonciation légitimes sous-tendront aussi les interrogations que soulèvent la pratique cinématographique d’Albertina Carri et Lucía Puenzo.

Tentatives d’institutionnalisation

La mujer y el cine

En Argentine, la période qui suivit la fin de la dictature fut marquée par la création en 1988 de l’association La Mujer y el Cine (Torres, 2008) par Marta Bianchi (1943) et María Luisa Bemberg (1922-1995), déjà co-fondatrice avec Gabriella Christeller de la Unión Feminista Argentina (UFA)18 en 1970, mais aussi fondatrice et productrice du Teatro Globo. Les figures de Bemberg et Lita Stantic, fondatrices de la société de production GEA Cinematográfica(1980), connurent une médiatisation sans précédent à la suite de l’accueil triomphal réservé au film de la première, Camila (1984). Lucrecia Martel a évoqué les effets positifs du malentendu généré par cette médiatisation : « hizo que nunca me pareciera una actividad que desafiara mi condición de mujer. » (Bettendorf, Pérez Rial, 2014 :195) Selon elle, qui avait quinze ans à la sortie du film, l’omniprésence de Bemberg et Stantic dans les médias pendant plusieurs mois laissa croire à toute une génération qu’il était tout à fait possible pour une femme de réaliser un film, et cette interprétation erronée changea le cours de l’histoire. Cette anecdote est évocatrice de la force d’inspiration que peut avoir une image, aussi illusoire soit-elle : à force de répétition, la réalité « Bemberg et Stantic font du cinéma », pourtant anormale dans le champ cinématographique, cette anomalie donc, s’imposa comme une évidence et non comme une anomalie, dans l’imaginaire de l’adolescente Martel et sans doute dans celui de nombreuses jeunes. Voir et savoir que des femmes sont reconnues publiquement a un impact global et une incidence particulière sur les autres femmes qui peuvent s’identifier et laisser libre cours à leur propre désir d’action. L’effet d’entraînement prend le pas sur les mécanismes d’intimidation cognitive et symbolique.

L’expérience des huit femmes du collectif La Mujer y el Cine, dont la plupart occupaient alors une position privilégiée dans l’espace public et médiatique, illustre en fait une résistance de longue date. Elle se matérialisa par la création d’un espace depuis lequel revendiquer et valoriser une place pour les femmes aspirant à la réalisation et pour lesquelles, trop souvent, le passage par le court-métrage, l’expérience d’assistante à la réalisation ou de cheffe opératrice, avait été un tremplin mais aussi un seuil difficilement franchissable19. Pour rendre possible ce passage à l’acte, il fallut trouver des partenaires institutionnels qui assurent un soutien pérenne à la création de festivals dédiés aux films faits par des femmes et qui offrent une visibilité par le biais d’un festival déjà ancré dans le champ culturel, comme celui de Mar de Plata. Cette négociation n’échappait toutefois pas à une forme de hiérarchie puisqu’il s’agissait d’une section à part et que le prix concédé, s’il s’avérait stratégique sur le plan de la communication internationale et amorçait une (re)connaissance critique incontournable, fut également perçu par certain·es comme stigmatisant. Dans un entretien collectif publié à l’occasion des vingt ans du Festival, Graciela Maglie, scénariste et membre du collectif La Mujer y el cine, raconte :

recuerdo que un ensayista me dijo: « lo que pasa es que las mujeres pueden desarrollar una estética propia ». Yo le respondí que eso era algo que jamás se le hubiera ocurrido pensar respecto de los hombres. Ese sólo comentario ya marca un sesgo. Todo fue motivo de reflexión para nosotras también. Efectivamente, hay una especificidad en el sentido de que las mujeres tenemos una experiencia en esta vida que es la de ser mujeres, y esto marca, no una estética, ni un código narrativo, pero sí focalizaciones, puntos de vista y perspectivas dentro de la inmensa diversidad que se da en el campo de la creación, que está muy definida por lo personal e individual y sobre todo por las diferencias culturales.20

L’idée même d’un festival n’allait donc pas de soi mais la longévité de la section La Mujer y el Cine du Festival International de Cinéma de Mar de Plata, entre 1996 et 2006, eut des effets non négligeables qui témoignent à la fois de la nécessité de se mobiliser et de créer des alliances, encouragées par des personnalités aguerries, pour intégrer les femmes à un univers où elles demeuraient périphériques. Pour Paula Hernández (1969 qui remporta le prix de la première édition « Ópera Prima Mujer » avec Herencia en 2001, puis tourna un court-métrage en 2003, Eva, le bilan reste mitigé car il lui fallut six ans pour que son second long-métrage, Familia Lugones (2007), sorte en salle en Argentine. Elle fait pourtant partie de la poignée de femmes cinéastes ayant réussi à tourner plus de trois longs-métrages de fiction distribués : Lluvia (2008), Malasangre (2010) et Un amor (2011) et Los sonámbulos (2019).

La populaire et infatigable actrice Marta Bianchi (1943), connue au cinéma, au théâtre et à la télévision, et dont le nom est notamment associé à Made in Lanús21, vit sa carrière entravée par son engagement féministe dans La mujer y el cine qu’elle co-fonda et diriga pendant vingt ans et qui est aujourd’hui une ONG.

La salida del Festival de Mar del Plata nos dio la oportunidad de comprobar la dimensión que había tenido ese trabajito de hormiga: recibimos más de 60 adhesiones de todo el mundo. Lo que nunca logramos fue que algún funcionario, y todos nos lo prometieron, nos diera no digo un subsidio ni una oficina: sólo pedimos dos placares para guardar nuestro archivo. Pero nunca lo logramos, y ese archivo se fue perdiendo.22

Dans cet entretien de 2013, elle revint sur les aléas des politiques culturelles qui se traduisirent à l’époque par l’absence de moyens et l’enterrement du projet de constituer une archive. Ces refus et ces obstacles renforçèrent la logique de l’effacement : contraintes par les limites d’un cadre institué, les cinéastes étaient interdites de généalogie même lorsqu’elles acceptaient de respecter les règles d’une réception différenciée.

La révolution numérique des années 2000 a donné lieu à des transformations historiques quant à la production et la diffusion, offrant, parfois, un accès moins limité à des archives retrouvées, récupérées, et enfin ouvertes. La révision de pans entiers de l’histoire des arts depuis des positions épistémologiques plus larges et complexes est en cours, comme en témoigne l’appel à communication du 6e Congrès de l’ASAECA (Asociación Argentina de Estudios sobre Cine y Audiovisual) de 2018, qui invitait, entre autres, à relire soixante ans de culture audiovisuelle depuis des « perspectivas de géneros y sexualidades, geopolíticas, teorías de los afectos y las emociones, nuevas corporalidades »23. Les témoignages des actrices (Bianchi, 2013), des cinéastes (Rangil, 2005) et des productrices – elles ont souvent plusieurs cordes à leur arc24 – présents dans les ouvrages consacrés au cinéma réalisé par des femmes permettent de tracer une histoire où s’archive leur combat pour mobiliser les institutions. Plus récemment, l’exigence d’une politique culturelle en faveur de la sauvegarde et de la valorisation du patrimoine national a été portée par une large majorité de la communauté cinématographique argentine25. En 2016, parmi les quatorze personnalités impliquées dans la réalisation de courts-métrages à partir d’archives de Cine Escuela Argentino, datant de 1948, on comptait six réalisatrices, dont Albertina Carri. Après l’élection de Mauricio Macri, l’annonce de coupes budgétaires décidées par la nouvelle direction de l’INCAA, suscita une large mobilisation : de nombreux membres de la famille du cinéma argentin clamèrent très médiatiquement leur attachement à la défense et à la promotion du cinéma national. Dans la vidéo devenue virale, tout porte à croire que la parité et la continuité intergénérationnelle (de Graciela Borges à Ailín Salas) étaient assurées26.

Le nerf de l’art

Si la grande cause du cinéma et, implicitement, l’idée de culture et d’identité nationales, suscitèrent une adhésion assez large, surtout dans les moments de crise, le bilan dressé par les réalisatrices en 2014 rendit compte de plusieurs contraintes concernant spécifiquement les femmes de « la grande famille » du cinéma argentin. La cinéaste, documentariste et productrice Vanessa Ragone (1967) s’insurgeait ainsi contre la fâcheuse habitude qui consiste à associer au regard féminin des caractéristiques thématiques et stylistiques alors que c’est avant tout la question de la production qui détermine le format et, dans une large part, les ambitions d’un film (Bettendorf et Pérez Ríal, 2014 : 222). L’exemple de Lucrecia Martel, qui obtint le soutien de la société de production El Deseo des frères Almodóvar pour son deuxième film, La niña santa (2004), et dont l’aura international, dès son premier film, La ciénaga (2001), permet souvent de révoquer toute considération quant aux effets de la différenciation sexuelle. Or, il s’agit d’une exception circonstantielle, sa situation ayant d’ailleurs évolué depuis. Les préjugés et les obstacles auxquelles se confrontèrent ses consœurs demeurent : l’employabilité des techniciennes, l’obtention des subventions et le montant des budgets, les plus gros étant encore majoritairement attribués par des hommes à des projets portés par des hommes. À qui serait tenté de considérer l’inégalité comme une caractéristique locale, je rappellerai les propos tenus à l’occasion du Festival de Cannes de 2015 par Agnès Varda, encore elle, qui participa à la conférence Women in motion :

Il y a une chose importante à dire, dont a parlé de façon formidable Frances Mc Dormand hier dans cette même conférence : « We don’t need help, we need money ». Et ça c’est la vérité. Les femmes ont besoin d’argent car elles sont obligées de faire des petits films, novateurs certes mais avec quatre sous. Le vrai problème c’est qu’on n’a pas envie de leur confier un vrai paquet d’argent. Je n’ai pas encore vu ça, j’espère que ça va venir. (Ratane, 201527)

Au-delà des aléas des trajectoires individuelles et du phénomène du « plafond de verre » – les femmes, pourtant de plus en plus nombreuses et de plus en plus qualifiées, ne progressent pas dans leur carrière et restent minoritaires dans les hiérarchies organisationnelles –, c’est bien l’argent l’obstacle majeur qui freine les volontés les plus aguerries.

Dans un entretien daté de 2013, la productrice Lita Stantic mentionnait également la difficulté de faire connaître les productions réalisées, celles-ci étant mal distribuées et mal diffusées. On le sait, l’occupation des salles est un enjeu économique, en Argentine comme partout ailleurs, or, une poignée de grands studios regroupés en un puissant trust, la MPA (Motion Picture Association of America28) accapare les écrans grâce à des budgets de communication qui n’ont rien à voir avec les maigres budgets publicitaires des productions nationales sans stars internationales. Lorsque ces films parviennent à se se frayer un chemin sur les écrans, ils ne restent souvent que quelques jours à l’affiche, ne parvenant que rarement à dépasser les dix mille entrées, et parfois ne dépassant pas les cinq mille entrées. (Bettendorf, Pérez Rial, 2014 : 240)

Pourtant, les initiatives se multiplient, notamment pour montrer des films qui abordent les questions des droits humains depuis une perspective de genre, comme le Festival Mujeres en Foco29, crée en 2009, ou encore qui visibilisent, pour mieux la banaliser, la diversité sexuelle, comme le festival Asterisco30. On peut aussi mentionner le MICA (Red Imberoamericana de Mujeres de Cine y Medios Audiovisuales), un réseau créé à l’initiative de CIMA (Asociación de Mujeres Cineastas y de medios audiovisuales de España) et inauguré au Festival de San Sebastian en 201231, dans une logique d’organisation transmédiatique et transnationale. Son portail – micaenred.com, crée en 201332 – propose des ressources pour développer des réseaux d’informations et de compétences autour de la production et de la diffusion des films réalisés par des femmes. Cette initiative était à déjà l’origine de Ventana Sur, fondée en 2008 et dirigée par Liliana Mazure, présidente de l’Instituto Nacional de Cine y Artes Audiovisuales (INCAA)33.

Au début du mois de juin 2017, la 2e édition de Encuentro de Mujeres Cineastas y de Medios Audiovisuales, impulsée par la cinéaste Julia Zárate, synthétisa en les resigifiant dans le slogan « Si nosotras miramos, el mundo se transforma » des constats maintes fois formulés dans le passé. Réunies à la Faculté des Sciences, les travailleuses de l’industrie audiovisuelle débattirent des problématiques de genre toujours actuelles et proposèrent de constituer le premier réseau fédéral de réalisatrices, techniciennes, créatrices, artistes, étudiantes de cinéma, télévision et autres formats audiovisuels34. L’objectif du réseau est de s’organiser pour améliorer concrètement la situation qui, en dehors des effets d’annonce et des exceptions, reste très inégalitaire pour ce qui est de la représentation des femmes de chaque côté de la caméra. D’après leurs statistiques, moins de 10 % des films argentins les plus vus sont dirigés par des femmes ; il y a un personnage féminin pour 1,7 personnage masculin ; les femmes qui apparaissent dans les films ne sont pas des professionnelles et elles sont hyper sexualisées ; on compte 1 femme cinéaste pour 4,3 hommes. (Ressia, 2017), un constat étayé par le rapport de l’Observatoire Audiovisuel de l’INCAA (OAVA) publié en 201935. Les revendications des travailleuses de l’industrie audiovisuelle explicitent les conditions réelles d’exercice des métiers de cinéma pour les femmes, victimes d’une double peine qui se caractérise à la fois par une discrimination à l’entrée de ces corps de métier et, lorsqu’elles parviennent à en faire partie, par un déni des spécificités subies en tant que femmes et minorités36.

Pour celles qui étaient parvenues à franchir le cap d’une distribution nationale et internationale de plus d’un long-métrage, parmi lesquelles on compte Albertina Carri, Lucrecia Martel, Lucía Puenzo, María Victoria Menis, Laura Citarella, Anahí Berberi, María Flores Álvarez, Karin Idelson, Verónica Chen, Sandra Gugliotta, Lorena Muñoz, Julia Solomonoff, Gabriela Davis, Inès de Oliveira César, Paula Hernández, Ana Poliak, Celina Murga et Natalia Smirnoff, 2017 fut néanmoins une année importante sur le plan de la médiatisation et de la reconnaissance. Si dans les faits, la progression est lente et irrégulière, les alliances locales et les réseaux transnationaux se traduisent par des actions multiformes à différentes échelles et sur différents fronts, comme en témoignent la publication de Mujeres, cámaras, acción. Empoderamiento y feminismo en el cine argentino des journalistes Catalina Dlugi et Rolando Gallego37, ainsi que l’exposition MujerEs Cine de la photographe Valeria Fiorini au siège de la DAC (Directores Argentinos Cinematográficos) de Buenos Aires, au début du mois de mars 2020.

Conclusion provisoire : La fe del volcán38

La recomposition du champ cinématographique argentin autour du NCA – qui ne fut pas sans rappeler, en France, l’âge d’or de la Nouvelle Vague et des Cahiers du cinéma – vit se côtoyer et frayer ensemble critiques, universitaires, technicien·nes et réalisateur·rices. On pourrait l’illustrer avec Sábado, le premier film de Juan Villegas sorti sur les écrans en 2002. Le réalisateur est un ancien étudiant de la FUC où il enseigne, tout en exerçant la critique pour El amante cine. Sa compagne, la cinéaste Celina Murga, a été son assistante à la réalisation et lui-même a été le producteur de son premier long-métrage à elle, Ana y los otros, sorti en 200339. À travers ces alliances se dessinent également les lignes d’un champ de bataille symbolique entre générations – les anciens versus les nouveaux –, entre différents courants idéologiques, différentes pratiques artistiques et différents choix de production, différentes familles d’acteur·rices, etc. Quelle que soit la voie empruntée, les cinéastes manifestent avant tout, dans les premiers temps au moins, leur désir de filmer ici et maintenant ainsi que leur volonté de participer à un renouvellement créatif, avec ou sans le soutien de politiques de subventions favorables à une industrie cinématographique nationale fragile, à la marge ou en intégrant un circuit international.

Le tournant du nouveau millénaire marqua la médiatisation de l’irruption de plusieurs femmes cinéastes40 dont Lucrecia Martel demeure aujourd’hui la tête de file avec « seulement » quatre longs-métrages de fiction en presque vingt ans de carrière (La ciénaga, La niña santa, La mujer sin cabeza, Zama). Au terme de cette mise au point, je partage le constat dressé par Thérèse Courau à propos du champ littéraire argentin41 : poser la question de la place d’Albertina Carri et Lucía Puenzo au sein du champ cinématographique implique d’évoquer un imaginaire genré qui reconduit sa légitimité en déligitimant, en stigmatisant ou en marginalisant les pratiques et les discours des femmes. Je reprends à mon compte sa démonstration de la nécessité d’aborder « la dimension sexuée des procédures de contrôle qui régulent l’accès aux positions d’énonciation légitimes » (Courau, 2019 : 15), une perspective située qui s’avère féconde pour comprendre la trajectoire des cinéastes. Corrélativement, le champ culturel argentin étant historiquement fortement politisé, il convient de prendre en considération les conflits idéologiques qui départagèrent les générations et les membres de celles-ci, et de s’intéresser à la façon dont chacune, Albertina Carri et Lucía Puenzo, se positionne par rapport à son héritage.

Notes

  1. Le premier ouvrage de Gonzalo Aguilar, Otros mundos. Un ensayo sobre el nuevo cine argentino, Santiago Arcos, Argentina, 2006, fut considéré comme un événement. L’essayiste et universitaire publia ensuite Más allá del pueblo, Fondo de Cultura Económica, 2015.
  2. La reconversion de Manuel Antín est liée au gouvernement de Raúl Alfonsín qui leva la censure et lui confia la direction de l’INC (Instituto Naional de Cine). Campero souligne son implication dans la transformation de la structure étatique : « con la gestión de Manuel Antín en el INC, se recuperaron los ingresos propios para el fomento cinematográfico mediante la aplicación de un único impuesto del 10 % sobre el precio de las entradas vendidas. Con este fondo de fomento volvieron a filmar directores que estaban prohibidos y muchos directores debutantes. Se duplicó la cantidad de películas producidas mediante el financiamiento estatal, entre las que predominó el cine de autor. En 1985 se llegó al récord de producción de 52 películas, y durante toda la gestión de Antín, aun con profundas crisis económicas, nunca se hicieron menos de 32 por año. Por otra parte, se le dio un particular impulso a los directores nóveles: anualmente se estrenaban 20 óperas primas. Esto se potenció con la reapertura de escuelas de cine que habían sido clausuradas por la dictadura, y con la promoción del interés por las carreras de cine. Al inicio de la gestión de Manuel Antín, en la Escuela de Cine del INC se habían inscrito menos de cien aspirantes. Seis años después, se inscribieron más de mil. Por otra parte, el instituto contribuyó a crear la carrera de Diseño de Imagen y Sonido en la UBA. Aquí cabría mencionar que después de su gestión frente al INC Manuel Antín creó la Fundación Universidad del Cine (FUC), semillero principal de los jóvenes directores. Por este motivo, entre otras cosas, muchos lo consideran uno de los “padres” del NCA. » (Campero, 2008 : 20).
  3. Alan Pauls, « Pensar la forma es pensar la producción », Rafael Filippelli, David Oubiña, Alan Pauls, « Estética del cine, nuevos realismos, representación (Debate sobre el nuevo cine argentino) », Punto de Vista, 67, 2000, p. 3.
  4. La formation à la gestion culturelle est ainsi devenue un passage obligé. Elle est de plus en plus souvent intégrée aux écoles de cinéma et s’inscrit dans la mouvance des sciences de la communication en pleine croissance depuis l’apogée du numérique.
  5. La première génération du nouveau cinéma argentin, celle de 1956-1966, a été étudiée dans plusieurs ouvrages de référence parmi lesquels ceux de Feldman (1990) et Getino (1991-1998, 2005).
  6. Si l’architecture de l’ouvrage de Nicolas Prividera est bancale, la radicalité d’un point de vue politique assumé et nourri par sa pratique de cinéaste, d’enseignant et de critique en fait un essai volontairement polémique et passionnant. Parmi d’autres références, il convient de mentionner les articles de Emilio Bernini publiés dans les revues Punto de vista puis Kilómetro 111, considérés comme des références dans le champ académique et de la critique, ainsi que l’essai de Ricardo Agustín Campero, Nuevo Cine Argentino : de Rapado a Historias extraordinarias, Los Polvorines, Universidad Nacional del General Sarmiento, Buenos Aires, Biblioteca Nacional, 2008 (publié dans le cadre des célébrations des 25 ans de la démocratie argentine), [en ligne] https://www.educ.ar/recursos/119665/nuevo-cine-argentino-de-rapado-a-historias-extraordinarias [consulté le 24/10/22].
  7. Ignacio Amatrain (coord.), Una década de nuevo cine argentino (1995-2005). Industria, crítica, formación, estéticas, Buenos Aires, CICCUS, 2009.
  8. Ana Laura Lusnich et Pablo Piedras, Una historia del cine político y social en Argentina. Formas, estilos y registros (1896-1969), Buenos Aires, Nueva Librería, 2009, 472 p. Ana Laura Lusnich, Pablo Piedras (coords.), Una historia del cine político y social en Argentina. Formas, estilos y registros (1969-2009), Buenos Aires, Nueva Librería, 2011.
  9. Pour un état de l’art plus complet, voir María Belén Ciancio, « Estudios sobre Cine en Argentina. Consideraciones epistemológicas y metodológicas », Nuevo mundo Mundos nuevos (revue d’histoire et de sciences sociales publiée en quatre langues), 2013, [en ligne] https://doi.org/10.4000/nuevomundo.66138[consulté le 24/10/22] ; Alfredo Dillon, « Panorama de los estudios sobre cine argentino contemporáneo », Cuadernos.info, 43, 2018, p. 121-133, [en ligne] https://dx.doi.org/10.7764/cdi.43.1400 [consulté le 24/10/22] ; Alejandro Kelly Hopfenblatt, « Panorama sobre la situación de los estudios de cine en Argentina a partir del año 2000 », MHCJ, 8, 2017, Artículo n° 1 (93), p. 19-50, [en ligne] mhjournal.org [consulté le 24/10/22].
  10. Revista de cine est une revue-livre annuelle fondée par un collectif de cinéastes, d’artistes et d’intellectuels (Rafael Filippelli, Hernán Hevia, Mariano Llinás, Rodrigo Moreno, David Oubiña, Juan Villegas et Sergio Wolf) publiée par Siglo XXI editores.
  11. Pietsie Feenstra, Esther Gimeno Ugalde et Kathrin Sartingen ont codirigé l’ouvrage chez Peter Lang.
  12. LŒil invisible (La mirada invisible) est un film argentin coproduit avec l’Espagne et la France, réalisé par Diego Lerman et sorti en 2010.
  13. Voir aussi Alejandra Torres (comp.), Narcisa Hirsch. Catálogo, Buenos Aires, Casa del Bicentenario, 2010 ; 20 años de La Mujer y el Cine. Catálogo, Buenos Aires, Malba, 2008 ; Lucio Mafud, La imagen ausente. El cine mudo argentino en publicaciones gráficas. Catálogo. El cine de ficción (1914-1923), Buenos Aires, Colección Investigaciones de la Biblioteca Nacional Teseo, 2016.
  14. Voir la filmographie des films réalisés par des femmes en Argentine entre 1917 et 2013 établie par Bettendorf, Perez Rial, p. 244-252.
  15. J’en veux pour preuve, parmi tant d’autres, La historia oficial réalisé par Luis Puenzo en 1984 et co-écrit avec Aída Bortik, qui collabora également avec Marcelo Piñeyro à l’écriture des scénarios de Tango ferozCaballos salvajes et Cenizas del paraíso, trois des films des années 90 les plus vus (Bettendorff, Pérez Rial, 2014 : 25). Je pense aussi au couple constitué par l’actrice Martina Gusmán et le réalisateur Pablo Trapero, qui fondèrent en 2002 la société de production Matanza Cine. Non seulement Gusmán n’a pu échapper aux compromis qu’exige le star system mais son capital symbolique ne semble pas aussi important, en ce qui concerne son activité de productrice, que celui de son époux et collaborateur.
  16. Il est vrai que Georges Sadoul le considérait comme le premier des films de la Nouvelle Vague, ce qui en faisait un précurseur puisqu’il avait été tourné en 1954 alors que les premiers films de la Nouvelle Vague sortirent eux en 1958.
  17. Elle y interroge la façon dont le pouvoir symbolique est exclusif et la création sexualisée et analyse le système dans lequel les pères créateurs prospèrent. Il est intéressant de noter que Christine Planté publie peu après La petite sœur de Balzac. Essai sur la femme auteur, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2015, 362 p., 1èreéd., 1989, nouvelle édition révisée, préface inédite de Michelle Perrot, postface inédite de l’auteure.
  18. Avec bien d’autres féministes dont l’écrivaine Leonor Calvera, la photographe Alicia D’Amico, la toute jeune sexologue Sarita Torres, Marta Miguelez, l’artiste Gabriela Christeller, Nelly Bugallo et la poétesse activiste Hilda Rais.
  19. « La Asociación La Mujer y el Cine se conformó a partir de una convocatoria a un grupo de mujeres llevada a cabo por Susana López Merino, siguiendo una propuesta de la Cinemateca de Mar de Plata para planificar un festival de cine realizado por mujeres. Se encontraban entre las convocadas Sara Facio, María Luisa Bemberg, Lita Stantic, Gabriela Massuh, Beatriz Villalba Walsk y Marta Bianchi. Esa asociación trabajó no solo para fomentar la difusión del cine hecho por mujeres de todo el mundo, por medio de la organización de festivales y luego de una sección en el Festival de Mar de Plata, sino también para incorporar a nuevas directoras en la cinematografía argentina a partir de concursos de cortometrajes y de la creación del premio Ópera Prima Mujer en el INCAA. » (Bettendorff, Pérez Rial, 2014 : 29).
  20. Laura Rosso, Un tajo en la historia, Página 12 Suppl., Las 12, 2008.
  21. La pièce de théâtre, qui connut une tournée longue et à succès, est une adaptation du roman de Nelly Fernández Tiscornia – dont elle reprend le titre – qui met en scène les retrouvailles familiales après le retour à la démocratie (1986). Le roman fut ensuite adapté au cinéma par Juan José Jusid sous le titre Made in Argentina (1987) avec Marta Bianchi.
  22. « La Mujer y el Cine empezó como una militancia ciudadana de ocho mujeres que estábamos en el top en ese momento. Si nosotras, que teníamos poder, no hacíamos algo por las otras, no se justificaba. Me despertó una pasión tan grande, mi compromiso social, mi compromiso de mujer que también tiene que ver con la profesión. Pero tuvimos muchos altibajos. La única de las fundadoras que quedó fui yo. El apoyo a La Mujer y el Cine es políticamente correcto, pero en la práctica las acciones encuentran resistencia. Sin embargo, nunca dejamos de estar presentes. » Et à propos de l’actualité de 2013 : « Estoy coordinando un programa de Cine y género, que tiene tres patas : una, reinstaurar el premio Opera Prima Mujer. Dos, el concurso nacional de cortos […] la mayoría de las actuales realizadoras pasaron por aquí, y lo que más les sirvió fue que el premio servía para hacer un nuevo corto. Tres, una muestra itinerante para despertar conciencia de género en varones y mujeres, proyectando películas para colaborar en la erradicación de lacras como la violencia, la trata y el tráfico. », María Mansilla, « El cristal de la experiencia », Entrevista a Marta Bianchi sobre Un Mismo Árbol Verde, 2013, [en ligne] http://genocidioyderechoshumanos.blogspot.fr/2013/01/entrevista-marta-bianchi-sobre-un-mismo.html [consulté le 24/10/22].
  23. Sur le site de l’association, la cartographie réalisée en 2017 par Julia Kratje, Agustina Pérez Rial et Cristina Voto témoigne de l’ampleur des études sur le cinéma et l’audiovisuel argentin, [en ligne] http://asaeca.org/comunicados/primera-cartografia-de-instituciones-academicas-de-cine-y-audiovisual-en-argentina [consulté le 24/10/22].
  24. Aux figures intergénérationnelles et exemplaires de María Luisa Bemberg et Lita Stantic, ou, pour d’autres raisons de Vanessa Ragone – surtout connue pour être la productrice de l’un des plus gros succès du cinéma argentin des années 2000, El secreto de sus ojos, qui remporta l’Oscar du Meilleur Film Étranger en 2010 –, il faut ajouter María Inès Roque, Albertina Carri et bien d’autres.
  25. L’initiative Archivos intervenidos : Cine Escuela aboutit à une projection collective dans le cadre du BAFICI de 2016 ainsi présentée : « Continuando la serie iniciada con Sucesos intervenidos (2014), el Museo del Cine de Buenos Aires presenta el segundo largometraje realizado íntegramente con material de sus archivos y por catorce destacados realizadores argentinos. Se trata de nueve números de Cine Escuela Argentino, un proyecto creado en 1948 por la Secretaría de Educación de Argentina durante el primer gobierno de Juan Domingo Perón. Los diversos cortos que componen Archivos intervenidos : Cine Escuela manifiestan formas diversas de aproximarse al cine, distintas poéticas, distintas sensibilidades y distinto sentido del humor. El trabajo está compuesto por cortos de Albertina Carri, Carlos Echeverría, Celina Murga y Juan Villegas, Daniel Rosenfeld, Delfina Castagnino, Enrique Bellande, Hernán Rosselli, José Celestino Campusano, María Alché y Juan Pablo Menchón, Mateo Bendesky, Matías Piñeiro, Nele Wohlatz, Nicolás Prividera, Santiago Loza y Lorena Moriconi », [en ligne] http://www.cineargentino.net/2016/05/albertina-carri-juan-villegas-campusano-y-perrone-en-el-ficic-2016 [consulté le 24/10/22].
  26. Dans la vidéo, un ensemble de cinéastes, actrices et acteurs clament leur soutien au mode de financement de l’INCAA et dénoncent la modification de la Ley de Medios annoncée par le gouvernement Macri suspendant la contribution des entreprises à son fonctionnement. « Por cada espectador que compra una entrada en cualquier lugar del país, el 10% va a un fondo de fomento cinematográfico, pero el mayor aporte viene del canon que las empresas de televisión abierta, cable y radiodifusión pagan por hacer uso de las señales en todo el país. Ese canon es mucho dinero, de ese canon se quieren liberar » (las empresas), [en ligne] http://www.nuestrasvoces.com.ar/el-salon/quien-le-importa-cine-argentino [consulté le 24/10/22].
  27. Entretien de Laetitia Ratane à Agnès Varda, 23 mai 2915, [en ligne] http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18642040.html [consulté le 24/10/22].
  28. Regroupés en un trust crée en 1920 et dont la puissance tient à leur lobbying international, les sept grands studios hollywoodiens structurent le secteur audiovisuel et gouvernent le « cinéma monde ». La MPA « façonne au plan mondial de manière socio-économique et juridico-politique les secteurs et les comportements consommatoires de l’audiovisuel. » Alexandre Bohas, « La MPA ou la diplomatie globale des majors hollywoodiennes », La revue des médias, INA, 2011, [en ligne] https://larevuedesmedias.ina.fr/la-mpa-ou-la-diplomatie-globale-des-majors-hollywoodiennes [consulté le 24/10/22].
  29. Festival internacional por la equidad de género, [en ligne] https://filmmakers.festhome.com/es/festival/mujeres-en-foco-festival-internacional-de-cine-por-la-equidad-de-genero [consulté le 24/10/22].
  30. Le texte de présentation du festival fondé par Diego Trerotola, Fernando Peña et Albertina Carri en 2014 est en soi un manifeste, [en ligne] http://www.jus.gob.ar/media/1227320/asteriscoweb_inglesfinal.pdf [consulté le 24/10/22].
  31. L’association, dirigée par la cinéaste, directrice de théâtre, scénariste et productrice argentino-espagnole Mariel Maciá (Salta, 1980), coordonne des événements, facilite le networking dans les festivals internationaux et produit des statistiques.
  32. « Por un lado, se incluye una base de datos de más de 850 largometrajes realizados por mujeres desde 1917 hasta la actualidad extraídas de una investigación realizada por MICA durante el último año. Además, la base está abierta a nuevos proyectos dirigidos por mujeres que se encuentren en cualquier fase de producción. Por otro lado, el portal ofrece un espacio de networking online que apuesta por la interacción a través de buscadores avanzados, mensajería interna, mapas geográficos y un foro exclusivo para las usuarias registradas donde podrán conectarse para generar nuevos proyectos, relaciones profesionales, empleo, debates, intercambiar información, etc. », [en ligne] https://www.latamcinema.com/ventana-sur-2013-la-red-de-mujeres-iberoamericanas-de-cine-presenta-portal-para-fomentar-el-networking [consulté le 24/10/22].
  33. Pour l’ancienne réalisatrice et productrice de cinéma Liliana Mazure, « Ventana Sur est un nouveau marché cinématographique latino-américain. Son fonctionnement comme ses partenaires internationaux en font un évènement de première importance et sans précédent dans l’industrie du cinéma de cette région du monde. Dès notre première édition, en 2009, nous étions convaincus que l’Amérique latine, avec sa richesse culturelle et la diversité de ses productions cinématographiques, méritait d’accueillir les acheteurs du monde entier sur ses propres terres. L’INCAA a, naturellement, fait appel au Marché du film du Festival de Cannes, le marché cinématographique le plus important du monde pour qu’il se joigne au projet. », [en ligne] https://ventana-sur.com/en [consulté le 24/10/22].
  34. Fernando Ressia, [en ligne] http://www.telam.com.ar/notas/201706/191751-encuentro-mujeres-cineastas-medios-audiovisuales-feminismo.html [consulté le 24/10/22].
  35. Selon le rapport « Égalité de genre dans l’industrie audiovisuelle argentine » établi par l’Observatoire Audiovisuel de l’INCAA (OAVA) publié en 2019, les femmes sont majoritaires dans les formations (55 % des formations publiques de cinéma et audiovisuel) et largement plus diplômées mais nettement moins intégrées au marché du travail. 62 % des longs métrages ont été réalisés par des hommes contre 38 % par des femmes. Concernant les demandes de subventions, en 2017, seulement 27 sur un total de 160 projets déposés pour obtenir des subventions, étaient portés par des femmes, soit 17 %. En 2018, sur 238 longs métrages sortis en salle en Argentine, 19 % avaient été réalisés par des femmes et 81 % par des hommes, soit 46 films contre 129, [en ligne] http://www.incaa.gov.ar/wp-content/uploads/2019/12/oava_9_12_2019.pdf[consulté le 24/10/22].
  36. « Entre las conquistas que busca el colectivo está la paridad de cupo en los consejos directivos de las instituciones relacionadas a la industria de medios audiovisuales. También piden la implementación del cupo laboral trans, el descanso diario por lactancia, salas de cuidado y jardines en los lugares de trabajo y que se regulen los contenidos sexistas en el cine, la televisión y todos los medios audiovisuales. » (Ressia, 2017)
  37. L’ouvrage fut présenté lors de la 5e édition du Festival internacional de cine de las alturas à Jujuy en septembre 2019.
  38. J’emprunte le titre au film d’Ana Poliak (2001).
  39. Lire à ce sujet le commentaire de Agustín Campero « Nuevo cine argentino. De Rapado a Historias extraordinarias », Colección « 25 años, 25 libros », Buenos Aires, Universidad Nacional de General Sarmiento-Biblioteca Nacional, 2009, p. 71-73. (Deux dates sont signalées pour cet ouvrage : 2008 et 2009).
  40. Trois films seulement avant cette date purent être réalisés par des femmes de la génération antérieure : Años rebeldes de Rosalía Polizzi (1996), Río escondido Mercedes García Guevara (1999) et Acrobacias del corazón de Teresa Costantino (2000), passés aux oubliettes de l’histoire du cinéma.
  41. Thérèse Courau, Luisa Valenzuela Négociations féministes en littérature, Mare§Martin, 2019.
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Pessac
Chapitre de livre
EAN html : 9782858926343
ISBN html : 978-2-85892-634-3
ISBN pdf : 978-2-85892-635-0
ISSN : 2741-1818
Posté le 25/11/2022
16 p.
Code CLIL : 3689; 3658
licence CC by SA

Comment citer

Mullaly, Laurence H., “Chapitre 1. Champ cinématographique argentin : re-pères”, in : Mullaly, Laurence H., Esthétique et politique dans le cinéma argentin. Albertina Carri et Lucía Puenzo : des histoires de familles, Pessac, MSHA, collection PrimaLun@ 14, 2022, 33-48, [en ligne] https://una-editions.fr/champ-cinematographique-argentin-re-peres [consulté le 25/11/2022].
10.46608/primaluna14.9782858926343.5
Illustration de couverture • L'ombú, arbre de la pampa (wikipedia ; mise en lumière Stéphanie Vincent)
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