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Chapitre 2.
Historique des recherches

par

Les mines avant l’archéologie minière

Plusieurs inventaires des richesses minéralogiques des Pyrénées réalisés aux XVIIe et XVIIIe siècles nous sont parvenus et donnent quelques indications sur les mines en activité ou abandonnées à ces époques. Les descriptions des travaux et les indications de localisation sont assez imprécises, mais cela permet tout de même d’avoir une première idée des sites exploités à ces périodes. L’attribution des vieux travaux d’envergure aux Romains est une interprétation fréquente à ces époques, tout comme une tendance à s’enthousiasmer des richesses disponibles. Jean de Malus, qui a visité et inventorié les mines des Pyrénées en l’an 1600, à la demande d’Henri IV, considère par exemple que les mines d’Aulus sont “au moins aussi riches que le Potosi” et que ce secteur peut être considéré comme les “Indes Françaises”, après avoir été celles des Romains (Malus 1601, 78-80). Les mines du district de l’Arize ne sont cependant pas très bien connues si l’on s’en tient à ces documents (fig. 45).

Fig. 45. Les mines de cuivre du district de l’Arize répertoriées à la fin du XVIIIe siècle. E. Meunier 2018

Les premières mentions correspondent à une mine de cuivre récemment1 découverte à Méras, sur la commune actuelle de Nescus (Hellot 1764, 42). Une vingtaine d’années plus tard, ce sont deux autres mines qui sont citées par le baron de Dietrich : la première près du hameau des Atiels et la seconde près de la métairie de Sourre. Concernant celle des Atiels2, il s’agit, selon l’auteur, de travaux abandonnés depuis au moins vingt ans qui auraient été menés, d’après les habitants du village, par des étrangers. Les dires des riverains attribuent ces travaux, “immenses et dont on ne voit pas la fin”, aux Romains, qui en tiraient de l’or. Dietrich met en doute cette version. Ces travaux sont majoritairement comblés lors de sa visite, mais un passage étroit lui permet d’en visiter un secteur, “assez vaste”, dont il trouve tout de même la fin. La morphologie du réseau visité correspondrait à l’exploitation d’amas. Le chantier se prolongerait suivant un filon à l’extrémité du secteur accessible, mais l’espace ainsi laissé vide, “assez profond”, n’a pas été visité. Des traces de bleu et de vert indiquent la présence de cuivre (de Dietrich 1786, 213-214). Pour le site de Sourre3, il indique l’existence d’un filon affleurant non exploité, “dirigé sur cinq heures quatre huitièmes”, et plusieurs chantiers abandonnés sur d’autres veines “les uns dirigés sur une heure, les autres sur douze heures, inclinés au couchant” (de Dietrich 1786, 212). On apprend aussi que les travaux de Méras cités par Hellot sont désormais abandonnés et noyés (de Dietrich 1786, 213).

Il faut attendre les travaux des premiers géologues au XIXe siècle pour avoir des informations un peu plus nombreuses sur les mines de ce secteur (fig. 46). L’ingénieur des mines Mussy, dans son texte explicatif de la carte géologique de l’Ariège, passe en revue les gisements connus et les exploitations, actives ou abandonnées, qui s’y trouvent (Mussy 1870). Ses informations sont reprises par A. Daubrée dans ses publications concernant les mines métalliques de la Gaule (Daubrée 1868 ; Daubrée 1881). Un autre ingénieur des mines, M. Mettrier, a publié une description des gîtes minéraux du haut bassin de la Garonne, qui comprend les gîtes ariégeois (Mettrier 1893). L’attribution des anciens travaux aux Romains est une constante et les descriptions des travaux ne sont pas plus précises.

Fig. 46. Les mines de cuivre du district de l’Arize répertoriées à la fin du XIXe siècle. E. Meunier 2018

Le secteur oriental du district est cité pour ses travaux importants sur les sites de Gayet, Moutou, le Coffre et Matet (communes de Cadarcet et St-Martin-de-Caralp actuelles). Les haldes* (“des vieux tas de déblais”) sont nombreuses et des “débris de poteries” sont signalés (Mussy 1870, 86-87). Mettrier rapporte des tentatives de reprises en 1873 dans ce secteur, qui n’ont eu que peu d’ampleur (Mettrier 1893, 317). En dehors de ce secteur, on connaît la mine de Lagarde (La-Bastide-de-Sérou), dans laquelle des reprises récentes sont signalées, en plus des ouvrages anciens (Mussy 1870, 256). Ces travaux de la fin du XIXe siècle ont permis de connaître la teneur en métaux précieux de ce gisement, qui aurait atteint pour l’argent 120 g/t et pour l’or 760 g/t (Mettrier 1893, 317). Le doute est permis quant à ces valeurs, Mettrier se prémunissant d’un “paraît-il” à leur sujet. Cet auteur est également le seul à évoquer les travaux d’Hautech et ceux de Martinat-Dessus (limite entre Larbont et La-Bastide-de-Sérou), percés entre 1872 et 1877 (Mettrier 1893, 317). La pauvreté des gisements est à l’origine de l’arrêt rapide des travaux. La mine des Atiels est la seule qui est considérée comme ayant été “vraiment riche”, mais elle est déjà complètement vidée à cette époque (Mussy 1870, 87 et 256 ; Mettrier 1893, 317). L’amplitude des travaux est reconnue par ces deux ingénieurs, Mettrier précisant qu’ils atteignent 200 m de hauteur, plusieurs kilomètres de longueur, et que les galeries et dépilages sont étroits. Seules les galeries du haut de la mine sont encore accessibles à cette période. L’ampleur des travaux indiquée ici redonne un peu de crédit à l’opinion des habitants du hameau de la fin du XVIIIe siècle, rejetée par de Dietrich. Il n’est, en revanche, plus fait mention des travaux menés sur ce site au cours du XVIIIe siècle. Enfin, des recherches, menées elles aussi entre 1872 et 1877 sur la mine de La Coustalade (Castelnau-Durban) ont recoupé les anciens travaux, caractérisés par une largeur de 0,5 à 0,8 m. Si un filon croiseur de plomb argentifère a été rencontré en dépassant les travaux anciens, le cuivre argentifère était bien la substance exploitée par le petit chantier recoupé. Les analyses réalisées à l’époque donnent des teneurs moyennes de 12 % de cuivre et 4,8 kg d’argent à la tonne (Mettrier 1893, 318). Un compte-rendu de visite daté de 1890 consulté aux archives du BRGM signale cependant que les analyses ont été réalisées sur des morceaux choisis et ne donnent pas une image fidèle de l’ensemble du gisement (Anonyme 1873 ; Anonyme 1890).

Tous ces éléments sont loin de permettre une caractérisation des chantiers indiqués. Les données concernant les reprises ou nouvelles exploitations de ces périodes sont toutefois intéressantes. Les sites de Martinat-Dessus et Méras apparaissent ainsi comme des travaux postérieurs au XVIIIe siècle. Ceux des Atiels, de la Coustalade et de Lagarde ont connu des reprises de faible ampleur au XVIIIe ou XIXe siècle. Pour les mines à l’est du secteur, des reprises très ponctuelles ont eu lieu au XIXe siècle. La barytine, qui constitue souvent la gangue* des minéralisations, a également fait l’objet d’extractions en carrière à la fin du XIXe siècle, à Moutou, aux Atiels et à Lagarde (Mussy 1870, 265).

Les recherches minières menées durant les toutes dernières années du XIXe siècle se poursuivent et s’étendent au début du XXe siècle. Cette activité, souvent de courte durée, conduit à recouper les anciens travaux et en condamne certains, à côté d’ouvertures nouvelles (fig. 47). Les notices des cartes géologiques au 50 000e éditées par le BRGM pour cette zone font état rapidement de quelques-uns de ces travaux récents (Barrouquère et al. 1976, 32-33 ; Bilotte et al. 1988, 68). Les archives géologiques et minières permettent de compléter ces données (Anonyme 1903 ; Anonyme 1907a ; Ulrich 1908 ; Bertraneu 1958 ; Clouet 1964 ; Robert 1982). De nombreux travaux récents se sont limités à des recherches car les gisements, discontinus et de faible ampleur, ne répondaient que difficilement aux critères de rentabilité des entrepreneurs d’alors (Bertraneu 1958, 6).

Fig. 47. Les mines de cuivre du district de l’Arize répertoriées à la fin du XXe siècle. E. Meunier 2018

Des recherches très ponctuelles sont signalées sur les vieux travaux de Rougé dans les premières années du XXe siècle, en parallèle avec les travaux menés au Fagnou où zinc, plomb et cuivre sont associés (BRGM 1963 ; BRGM 1977). Les travaux anciens de Rougé, toujours attribués aux Romains, sont reconnus sur leurs 40 m de développement vertical, mais ne conservent pas suffisamment de minerai pour mériter une reprise. La concession de Montcoustand, qui regroupe les travaux de la commune de Cadarcet, a exploité une minéralisation dominée par le plomb (avec argent, cuivre et fer) au sud des vieux travaux de Moutou. Les vieux travaux qui ont exploité du cuivre sont signalés, mais n’ont fait l’objet que de recherches ponctuelles, sur les mines du Coffre et de Matet (Clouet 1964, 3, 10 et 21).

Une mine connue depuis le milieu du XIXe siècle a donné lieu à ce qui est référencé comme la seule véritable exploitation récente, qui dura de 1898 à 1905 : celle de Lina, sur la commune d’Alzen (Bilotte et al. 1988, 68 ; Gol 2016, 6-12). La production s’est élevée à 420 t de cuivre et 23 t d’argent, pour 35 000 t de tout-venant. Les minéralisations cuprifères n’affleuraient pas sur ce site et n’ont donc pas été repérées par les Anciens. Elles donnent une idée du potentiel des gisements exploités dans les autres mines, où les travaux anciens n’ont laissé que très peu de minerai en place pour identifier les substances disponibles et leur teneur. Les deux notices des cartes géologiques au 1/50 000 de la zone signalent la relative pauvreté de l’ensemble des gisements selon les critères modernes et le caractère discontinu de la minéralisation, compensé par la présence d’argent, qui a motivé les reprises d’exploitation ou les ouvertures de nouvelles mines (Barrouquère et al. 1976, 33 ; Bilotte et al. 1988, 68).

Les premières caractérisations
archéologiques de l’exploitation

Les premières recherches archéologiques dans ce district ont eu lieu au tout début des années 1980, avec les travaux de Jean-Emmanuel Guilbaut et Claude Dubois. Les premiers résultats font l’objet d’un article de synthèse présentant les sites anciens identifiés (Dubois & Guilbaut 1982) ainsi que de deux publications spécifiques sur les sites du Goutil (Guilbaut 1981) et de Rougé (Dubois & Guilbaut 1989). C. Dubois reprend ensuite les recherches avec un premier projet triennal conduit entre 1988 et 1990, qui associe archéologie et anthracologie et intègre d’autres secteurs miniers anciens de l’Ariège (Dubois 1990). Ce projet trouve une suite dans le PCR intitulé “Mines, métallurgie et forêt dans les Pyrénées ariégeoises de l’Antiquité au Moyen Âge”, en codirection avec Jean-Paul Métailié (Dubois & Métailié 1991 ; Dubois & Métailié 1992). L’anthracologie y est de nouveau associée à l’archéologie, ainsi que des recherches sur l’histoire des forêts. La zone d’étude inclut, avec différents métaux concernés, les secteurs du Séronais (cuivre argentifère), d’Aulus-les-Bains (plomb argentifère), de Lercoul (fer), de Rivèrenert (fer et plomb argentifère) et d’Aston (fer). Ensuite, une dernière opération correspond à une mission d’inventaire des sites miniers et métallurgiques de la région Midi-Pyrénées, confiée à Philippe Abraham, qui a traité les sites ariégeois en 2005 et 2006. Ce retour sur le terrain plus de dix ans après les dernières opérations a permis de mettre à jour les données concernant l’état des sites et leurs accès, photographies à l’appui. Les archives disponibles, souvent issues du BRGM, ont également été rassemblées. Toutefois, la documentation concernant les mines anciennes du massif de l’Arize est assez restreinte dans cet ensemble qui inclut les nombreuses concessions minières récentes (Abraham 2006 ; Abraham 2009).

En parallèle avec un travail de dépouillement systématique des archives, les opérations menées sur le terrain entre la fin des années 1970 et les années 1990 ont consisté principalement en des prospections thématiques, qui ont permis la localisation des mines et leur exploration quand les travaux étaient accessibles. Ces explorations ont été accompagnées de relevés en plan, plus rarement en section, et de descriptions du contexte géologique. Des sondages ont également été réalisés en surface à proximité des travaux de Gayet, Rougé, Hautech, Le Goutil et les Atiels, ainsi que sur deux ateliers métallurgiques (Sourre et Les Atiels) et un site d’habitat (Nescus)4. Il n’y a pas eu de fouille dans les réseaux miniers. Plusieurs prélèvements de charbons pour les études anthracologiques ont toutefois été réalisés dans les mines du Goutil et d’Hautech, dans des niveaux résiduels de l’abattage au feu et dans des fosses dépotoirs identifiées lors des sondages en surface au Goutil et à Nescus (Dubois 1996, 39-41). Un des charbons provenant du Goutil a été daté (Dubois 1996, 39), révélant une phase d’abattage au feu médiévale (XIVe ou première moitié du XVe siècle). Enfin, une expérimentation d’ouverture au feu sur filon stérile affleurant a été conduite au Goutil (Dubois 1996, 42-44). À la suite de ces opérations, treize mines, deux ateliers et deux habitats antiques sont recensés, ainsi qu’un atelier non daté (fig. 48). La mine du Goutil est la seule à révéler une reprise médiévale avant les travaux signalés dans le secteur au XVIIIe siècle. Cette mine a également été classée aux Monuments Historiques en 1982.

Fig. 48. Bilan des connaissances sur le district à cuivre argentifère de l’Arize en 2006. E. Meunier 2018

La chronologie antique de ces sites a été établie en fonction du mobilier, recueilli majoritairement en prospection et dans les quelques sondages réalisés en surface (tabl. 4). Sur l’ensemble du district, cette phase d’activité est comprise entre la fin du IIe s. av. n. è. pour les éléments les plus anciens et la période augustéenne d’après le mobilier le plus récent. Le faible nombre de fouilles, et donc d’éléments de datation associés à une stratigraphie, représente le principal problème vis-à-vis de ces résultats. Pour les mines, l’absence de sondage dans les travaux constitue un biais méthodologique qui, s’il était habituel au moment de ces recherches, conduit aujourd’hui nécessairement à s’interroger sur la validité des chronologies de l’exploitation. Les prélèvements anthracologiques, s’ils ont bien été réalisés dans des niveaux résiduels d’abattage au feu, facilement reconnaissables, n’avaient pas pour objectif la datation des travaux. Le seul charbon qui a donné lieu à une analyse 14C, sur la mine du Goutil, provient d’une galerie située au fond du réseau, dont le profil différait du reste des travaux. Cette particularité pouvait faire penser à une phase de reprise d’exploitation, corroborée par la datation médiévale, bien éloignée des amphores italiques.

Type de siteNomCritères de datationBibliographie
MineLa CalotteMobilier recueilli en prospectionDubois & Métailié 1991 ,66
DouachMobilier recueilli en prospectionDubois & Guilbaut 1982, 114
La CoustaladeMobilier recueilli en prospectionDubois & Métailié 1991, 65
RougéMobilier mis au jour en sondage en surfaceDubois & Guilbaut 1989, 365
Les AtielsMobilier recueilli en prospectionDubois & Métailié 1991, 46-48
Le GoutilMobilier issu de sondages en surface et datation 14C de débris d’abattage au feu de l’intérieur du réseauDubois & Métailié 1992, 35 ; Dubois et al. 1997, 205
HautechMobilier issu de sondages en surfaceDubois & Métailié 1991, 39-44 ; Dubois et al. 1997, 206
La TuilerieMobilier recueilli en prospectionDubois & Guilbaut 1982, 111
LagardeMobilier recueilli en prospectionDubois & Guilbaut 1982, 104
Le CoffreMobilier recueilli en prospectionDubois & Guilbaut 1982, 105-106
MoutouMobilier recueilli en prospectionDubois et al. 1997, 206
GayetMobilier issu de sondages en surfaceDubois & Métailié 1991, 59-62
MatetMobilier recueilli en prospectionDubois & Guilbaut 1982, 112
AtelierLes AtielsMobilier issu de sondagesGuilbaut 1981, 180 ; Dubois et al. 1997, 208
SourreMobilier issu d’un sondageDubois et al. 1997, 207
MoutouAbsence de mobilier en prospection, non datéDubois et al. 1997, 209
HabitatBugnasMobilier recueilli en prospectionDubois et al. 1997, 209
NescusMobilier issu de sondagesDubois & Métailié 1992, 72-76
Tabl. 4. Critères de datation des sites anciens inventoriés avant les années 2000.

Il faut toutefois rester conscient des difficultés du terrain. Parmi les mines antiques identifiées, six d’entre elles (La Calotte, Douach, Le Coffre, Moutou, Gayet et Matet) ne présentaient plus d’accès possible aux travaux anciens (fig. 49). Sur ces sites, des tranchées ou fosses comblées et souvent recouvertes de végétation témoignent d’une activité qui pourrait être antérieure au XVIIe siècle, période de l’introduction de la poudre pour l’abattage minier, mais ces vestiges ne peuvent pas être datés par eux-mêmes. Le fait de ne pas pouvoir observer les parements des travaux empêche également toute caractérisation technique de ces derniers. Les galeries alors visitables sur les sites de Douach et Le Coffre, peu étendues, ne permettent d’observer que les traces de l’activité moderne (Dubois & Guilbaut 1982, 105 et 114). Parmi les travaux accessibles, il faut aussi signaler que ceux de Lagarde, peu étendus, ne conservent que des lambeaux de parois présentant des traces d’outil (Dubois & Guilbaut 1982, 104). Un sondage dans cet environnement n’aurait laissé que peu de possibilités de retrouver des niveaux d’exploitation anciens. À La Tuilerie, la fraction ancienne se limite à une coupole d’ouverture au feu au niveau de l’entrée de travaux immédiatement comblés de blocs stériles (Dubois & Guilbaut 1982, 111). Le travail de déblaiement aurait été là aussi particulièrement fastidieux avant d’atteindre des soles* anciennes.

Fig. 49. Possibilités d’accès aux vieux travaux du district de l’Arize avant les années 2000. E. Meunier 2018

En ce qui concerne les deux ateliers sondés, ils se trouvaient à l’emplacement des hameaux actuels de Sourre et des Atiels : seules les parcelles des jardins ont donc pu conserver une partie des vestiges (Dubois et al. 1997, 207-208). D’autre part, le recouvrement sédimentaire était dans les deux cas assez faible et les niveaux archéologiques, conservés contre le rocher, étaient arasés. Enfin, leur position sur des replats naturels près de ruptures de pente limitait de fait l’extension des sites. Les possibilités d’étendre les recherches pour localiser les fours ou foyers ayant servi aux opérations métallurgiques, non localisés dans les sondages effectués, sont au final très limitées. Quant à l’atelier non daté de Moutou, l’opposition du propriétaire du terrain de l’époque à toute intervention n’a pas permis de dépasser le stade du ramassage de scories, en prospection discrète et rapide (Dubois et al. 1997, 210). En termes de chronologie, aussi bien l’atelier des Atiels que celui de Sourre correspondent à la période augustéenne (amphores Pascual 1 et Dressel 20). Il s’agit des éléments parmi les plus tardifs reconnus sur le district pour la période antique. L’atelier des Atiels est un site de réduction du fer (Guilbaut 1981, 179-180 ; Dubois et al. 1997, 208-209), alors que ceux de Sourre et de Moutou ont traité des minerais sulfurés non-ferreux. La production de cuivre peut être confirmée à Sourre (Dubois et al. 1997, 208). Pour les scories de Moutou, l’association de cuivre et de plomb dans le seul échantillon analysé ne permet que de signaler une métallurgie complexe des non-ferreux (Dubois et al. 1997, 210). La question du traitement de l’argent est soulevée par les auteurs sans être résolue par ces analyses. Nous y reviendrons au chapitre 7 dans cette partie.

L’état de conservation semble meilleur sur les sites d’habitats. Celui de Nescus a été localisé par une concentration de tessons d’amphores qui couvre près d’un hectare et demi dans des parcelles labourées. Sur les six sondages réalisés, pour une surface cumulée de 25 m2, deux sont restés stériles. Trois autres ont livré du mobilier hors stratigraphie et un seul a conduit à mettre au jour des structures fossoyées, sans niveau de sol associé (Dubois & Métailié 1992, 72-75). Des niveaux mieux structurés sont probablement préservés à proximité. Le mobilier identifié (voir dans cette partie, chapitre 8, p. 224) conduit à dater une phase d’occupation de ce site de la première moitié du Ier siècle av. n. è., mais sa nature n’est pas bien définie : le type d’habitat et son extension ne sont pas connus, sa durée d’occupation ou sa relation avec les mines contemporaines demeurent imprécises. Une nécropole à incinération a été signalée au XIXe siècle sur la même commune de Nescus (Dubois & Métailié 1992, 71). Les recherches récentes n’ont pas permis de confirmer sa présence ni d’obtenir de nouveaux éléments concernant ce type de vestiges.

Le site de Bugnas est lui aussi très mal connu. Le mobilier identifié dans les labours au sommet de la colline et signalé par les propriétaires dans quelques jardins correspond au Ier siècle av. n. è. Le mobilier hors contexte (amphores Dr 1, Dr 2-4 et Pascual 1) recueilli au niveau de l’emplacement de l’un des poteaux électriques sur le versant sud de la colline permet uniquement de supposer une prolongation de l’occupation au début du Ier siècle de n. è. (Dubois et al. 1997, 209). Au XIIe siècle, une église dépendant de l’abbaye du Mas-d’Azil y est connue par les sources. Une tour partiellement ruinée doit correspondre au château qui existait aux XVIIe et XVIIIe siècles sur ce site (Vidal 1997, 12).

Enfin, en ce qui concerne les sondages effectués autour des mines, l’objectif était alors de repérer d’éventuelles structures annexes, comme peuvent l’être des ateliers de traitement minéralurgiques ou métallurgiques, ou encore des habitats des mineurs. Ces recherches n’ont pas donné les résultats escomptés, mais du mobilier a cependant été identifié dans des niveaux de haldes*, que l’on peut donc associer à une phase de fonctionnement des mines à Hautech, Gayet et Le Goutil (Dubois & Métailié 1991, 39-44, 49 et 58-62 ; Dubois & Métailié 1992, 35-39). Quelques scories isolées ont également été recueillies au pied de la mine du Goutil, sans qu’un atelier puisse être localisé précisément. Les différentes scories se rapportent à des activités de forge, de réduction de fer et de traitement d’un minerai cuivreux (Dubois et al. 1997, 205). Enfin, une fosse dépotoir contenant du mobilier domestique identifiée sous un niveau de haldes* au Goutil témoigne de l’implantation sur place d’un habitat, sans qu’il puisse être localisé précisément.

En termes de techniques minières, il ressort de ces premières recherches que les travaux anciens sont principalement ouverts au feu, mais des traces de coups de pointerolles sont également visibles, soit ponctuellement en complément de l’abattage au feu, soit de façon exclusive dans d’autres secteurs. La partie ancienne de la mine des Atiels est la seule à ne montrer que des traces d’outils. La relation étroite entre morphologie des minéralisations et morphologie des travaux a été illustrée dans un article (Dubois & Guilbaut 1988, 83-91). Cependant, les relevés fournis montrent les espaces souterrains sans décomposer les différents volumes qui le constituent. Les plans reprennent les codes des relevés destinés à favoriser la progression spéléologique : ils permettent de visualiser l’extension du réseau souterrain et l’itinéraire pour le parcourir, mais pas d’interpréter la façon dont l’espace minier a été creusé (Guilbaut 1981, fig. 6 ; Dubois & Guilbaut 1989, fig. 4 ; Dubois 1996, fig. 2). Les volumes semblent uniformes et on ne peut pas restituer les dynamiques d’exploitation. Les descriptions font cependant état d’agrandissement des chantiers, notamment dans les réseaux du Goutil. Les auteurs signalent l’existence d’étages d’exploitation superposés, avec percement des soles* anciennes, ainsi que des ouvertures au travers des cloisons de roche stérile (Guilbaut 1981, 173 ; Dubois & Métailié 1992, 34 ; Dubois 1996, photo 2). Ces indices d’un phasage plus complexe des travaux attirent de nouveau l’attention sur la nécessité de revoir la chronologie des exploitations.

La période allant de la fin du IIe siècle av. n. è. au début du Ier siècle de n. è. est présentée par C. Dubois et J.-E. Guilbaut comme la phase majeure de mise en valeur des ressources minières de ce district (Dubois & Guilbaut 1982, 116 ; Dubois 1993, 37 ; Dubois et al. 1997, 294). Cette activité, qualifiée d’intensive, est reliée au contexte de la prise de pouvoir progressive de Rome sur le sud de la Gaule (Guilbaut 1981, 179). Les auteurs n’excluent pas un démarrage de l’exploitation antérieur à cette période, mais l’absence de mobilier plus ancien que les amphores gréco-italiques et Dr 1 les conduit à minimiser cette phase d’exploitation “préromaine” (Dubois & Guilbaut 1982, 115). La datation médiévale obtenue au Goutil lors de la dernière campagne de terrain, en 1992, indique au moment de l’arrêt des recherches que des reprises ont eu lieu avant le XVIIIe siècle.

De nombreuses questions restent encore en suspens après ces premières investigations, comme l’indiquent eux-mêmes les auteurs. La chronologie du démarrage des exploitations en fait partie, même s’ils sont assez pessimistes sur les possibilités de la déterminer (Dubois & Guilbaut 1982, 115). Le projet de 1991-1992 souligne cependant la nécessité de mieux dater les travaux (Dubois & Métailié 1991, 162). La métallurgie pratiquée par les Anciens sur ces minerais argentifères reste méconnue. Ont-ils pu tirer parti de l’argent contenu dans les cuivres gris ou se sont-ils limités à en extraire le cuivre ? Les données trop ponctuelles ne permettent pas de trancher (Dubois et al. 1997, 212). L’identité des mineurs et de ceux qui contrôlent les mines reste une inconnue. Dans le rôle des commanditaires, le choix serait à faire entre les Tectosages d’une part et Rome de l’autre, par l’intermédiaire des nombreux Italiens arrivés en Transalpine dans la seconde moitié du IIe siècle av. n. è. (Dubois 1993, 46-47). La nécessité d’étudier les habitats, qui seraient plus à même de livrer des données sur l’identité des mineurs, est ainsi soulignée dans les derniers projets et rapports de recherche (Dubois & Métailié 1992, 102).

Les campagnes 2014-2017

Les nouvelles données présentées ici sont issues des quatre campagnes de prospections et sondages réalisées entre 2014 et 2017. Les objectifs de ces opérations de terrain étaient, par une nouvelle approche de l’étude des mines, de répondre aux questions soulevées lors des premières phases de recherche, ou du moins d’apporter des éléments au débat. La chronologie du démarrage de l’exploitation s’est avérée un aspect central de l’étude, ainsi que la différentiation des phases d’activité par des relevés topographiques détaillés.

La carte générale du district à l’issue de ces nouvelles opérations (fig. 50) varie peu par rapport à celle qui a pu être présentée précédemment. En effet, les sites miniers, au centre de la recherche, étaient déjà référencés depuis les travaux de C. Dubois et J.-E. Guilbaut. Deux nouveaux ateliers de métallurgie primaire ont toutefois été mis au jour (Les Atiels et Berni, points 6 et 15 de la fig. 50). Ils ont fait l’objet de sondages ponctuels. Les habitats n’ont pas été traités au-delà du stade de la prospection, mais des propositions peuvent être faites à propos de nouveaux sites, qu’il faudra évaluer à l’avenir. Nous joignons également à la réflexion le site du château de St-Barthélémy (Durban-sur-Arize). En effet, si l’occupation médiévale constitue le cœur du site tel qu’on le voit aujourd’hui, une occupation tardo-républicaine délimitée par une enceinte encore visible y a été identifiée par du mobilier, notamment amphorique (Abila 1994 ; Abila 1995 ; Mirouse 2009). Sa proximité avec les mines ainsi que la similarité du mobilier associé justifient à nos yeux ce rapprochement. Les mines sont présentées individuellement aux points suivants en fonction de l’état de préservation des travaux anciens. Les ateliers feront l’objet d’une synthèse thématique faisant le point sur les données disponibles et les éléments de réponse concernant les procédés métallurgiques mis en œuvre. Les éléments concernant les habitats seront rappelés à la fin de la partie.

Fig. 50. Carte des sites archéologiques du district de l’Arize abordés entre 2014 et 2017. E. Meunier 2018

Notes

  1. Les adjectifs anciens et récents se rapportent, dans cette section, à la période de rédaction des documents cités.
  2. Ce hameau de la commune de La-Bastide-de-Sérou existe toujours et deux mines sont situées à proximité : celle du Goutil et celle des Atiels. On peut trancher sans hésiter pour celle des Atiels par la mention du ruisseau Pésegues, correspondant au Pézègues actuel.
  3. Ce site correspond à ceux de La Tuilerie et Hautech, à proximité du hameau actuel de Sourre.
  4. Le détail de ces opérations est donné lors de la présentation individuelle des différents sites dans la suite du texte.
ISBN html : 978-2-35613-497-4
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EAN html : 9782356134974
ISBN html : 978-2-35613-497-4
ISBN pdf : 978-2-35613-499-8
ISSN : 2741-1508
9 p.
Code CLIL : 4117
licence CC by SA

Comment citer

Meunier, Emmanuelle, “Historique des recherches”, in : Meunier, Emmanuelle, L’exploitation minière dans le sud-ouest de la Gaule entre le second âge du Fer et la période romaine. Le district à cuivre argentifère de l’Arize dans son contexte régional, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 10, 2023, 87-95 [en ligne] https://una-editions.fr/historique-des-recherches [consulté le 03/11/2023]
doi.org/10.46608/DANA10.9782356134974.13
Illustration de couverture • Première  : Dans les calcaires du massif de l’Arize, les mines de cuivre argentifère.
Quatrième : Filonet de cuivre gris curé à l’outil dans la mine du Goutil Est (photo : E Meunier).
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