UN@ est une plateforme d'édition de livres numériques pour les presses universitaires de Nouvelle-Aquitaine

Introduction : une archéologue sans frontières ?

par

Si l’on se fie à ScanR (fig. 1), Nathalie Buchez traite dans ces travaux de Naqada, d’âge du Bronze, d’incinération, de nécropole, de Picardie ou encore de Prédynastique. Un bien curieux assemblage de mots-clés alors que l’on ne s’attend pas à entendre parler de prédynastique picard ou d’âge du Bronze naqadien… Ce n’est évidemment pas le cas ! Un pied en France et l’autre en Égypte, Nathalie navigue de longue date entre ici et ailleurs, du Nord au Sud, mais toujours sans boussole !

Fig. 1. Mots-clés en lien avec l’auteur Nathalie Buchez, site ScanR consulté le 15 avril 2025 [https://scanr.enseignementsup-recherche.gouv.fr/authors/idref066514290].
Fig. 1. Mots-clés en lien avec l’auteur Nathalie Buchez, site ScanR consulté le 15 avril 2025 [https://scanr.enseignementsup-recherche.gouv.fr/authors/idref066514290].

Comme le rappellent ses collègues et amis, en témoigne également la bibliographie rassemblée ici, Nathalie débute très tôt ce travail pluri-territorial, multiculturel et diachronique. Sa passion pour l’histoire et l’archéologie remonte à sa première année de collège grâce à un professeur d’histoire qui lui fit aimer la matière enseignée. Elle développa son goût pour les antiquités. Puis explorant sa Bourgogne natale, elle fouilla au Mont Beuvray dans le Morvan, ainsi que dans l’agglomération gallo-romaine d’Autun aux côtés de son amie Pascale. Elle commença réellement sa carrière d’archéologue en France au sein de l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), en fouillant d’abord de grands sites médiévaux en Île-de-France (“la Conciergerie” à Paris notamment) et en Picardie (“la ZAC Cathédrale” à Amiens), puis au Soudan avec une équipe polonaise sur le site néolithique de Kadero. C’est finalement une équipe allemande qui lui fera découvrir l’Égypte et notamment le Delta du Nil au IVe mill. a.C. (site de Minshat Abou Omar). Petit à petit, sa carrière s’orienta vers l’étude de la Protohistoire ancienne dans le quart nord-est de la France, tout en développant un attrait de plus en plus prononcé pour l’étude de la céramique de l’âge du Bronze et du premier âge du Fer. Elle fondera ainsi sa carrière scientifique autour de ces deux dernières sphères géographiques et chronologiques, appliquant en territoire égyptien les méthodes scientifiques acquises en France.

L’AFAN devenant l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en 2002, Nathalie participe alors à de grands projets d’aménagement du territoire comme ceux de Marne-la-Vallée, le tracé de l’autoroute A29 ou encore le Canal Seine-Nord Europe, des grands chantiers au cours desquels elle s’est distinguée par sa grande capacité de travail en tant que coordinatrice d’opérations archéologiques mais aussi céramologue, ce dont témoignent ici ses collègues et responsables hiérarchiques P. Depaepe et R. Rougier dans leur préface respective.

Parallèlement, en Égypte, elle participe à des projets d’envergures avec la fouille et l’étude des céramiques des sites d’Adaïma de 1989 à 2005 (fig. 2), puis de Kom el-Khigan de 2001 à 2006 (fig. 3). Enfin, en tant que co-responsable puis responsable de mission, elle gère le site de Tell el-Iswid depuis 2006 (fig. 4). Rappelons ici qu’en 2008, Nathalie soutient une thèse de doctorat intitulée : “Chronologie et transformations structurelles de l’habitat au cours du prédynastique : apports des mobiliers céramiques funéraires et domestiques du site d’Adaïma (Haute-Égypte)”, c’est au début de ce processus qu’elle intègre l’équipe du Centre d’Anthopologie qui deviendra L’UMR 5608 TRACES. Aussi, comme nous le rappelle son amie Béatrix Midant-Reynes dans sa préface, ses travaux font référence dans la petite communauté internationale travaillant sur les origines de l’Égypte. Selon la philosophie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) qui l’a en partie formée, l’archéologie faisant ici partie intégrante des sciences humaines et sociales et des sciences anthropologiques, Nathalie produit des réflexions sur l’acculturation, le développement de l’État, ou encore sur la signification des dépôts funéraires.

Fig. 2. Adaïma : en 2002, sous la tente réfectoire, Nathalie Buchez (au centre) avec Christine Hochstrasser-Petit (à gauche) et Yann Tristant (à droite) ; en 2004, vue de la tente de travail avec les collections céramiques en cours d’étude (photos : B. Midant-Reynes).
Fig. 2. Adaïma : en 2002, sous la tente réfectoire, Nathalie Buchez (au centre) avec Christine Hochstrasser-Petit (à gauche) et Yann Tristant (à droite) ; en 2004, vue de la tente de travail avec les collections céramiques en cours d’étude (photos : B. Midant-Reynes).
Fig. 3. Kom el-Khigan en 2006 avec Dominique Gemehl et Béatrix Midant-Reynes sur le chantier de fouille (photos : B. Béatrix Midant-Reynes).
Fig. 3. Kom el-Khigan en 2006 avec Dominique Gemehl et Béatrix Midant-Reynes sur le chantier de fouille (photos : B. Béatrix Midant-Reynes).
Fig. 4. Tell el-Iswid lors de la fouille du secteur 1, en 2008 (photo : B. Midant-Reynes) et en 2010 (photo : R. El hajaoui).
Fig. 4. Tell el-Iswid lors de la fouille du secteur 1, en 2008 (photo : B. Midant-Reynes) et en 2010 (photo : R. El hajaoui).

Son travail résulte également de collaborations fructueuses avec d’autres spécialistes de l’archéologie et de sciences connexes, sa volonté étant de faire profiter au plus grand nombre ses travaux autour des dernières évolutions méthodologiques appliquées à l’archéologie. Il est important de souligner que sa grande rigueur scientifique et sa ténacité lui ont d’ailleurs permis de mettre en application – lorsque cela était possible – les derniers progrès dans ce domaine en territoire égyptien.

Présentation de l’ouvrage

C’est à la veille du départ en retraite de Nathalie Buchez que ses collègues et amis se sont réunis pour lui offrir ce recueil d’articles. L’ouvrage, composé de 18 articles, est construit autour de trois thématiques qui lui tiennent à cœur et qui l’ont guidé durant toute sa carrière : la France septentrionale de l’âge du Bronze, l’Égypte prédynastique et les méthodes de l’archéologie (fig. 5).

Fig. 5. Tell el-Iswid en 2018, études des céramiques sur le toit de la maison de fouille (photo : S. Guérin).
Fig. 5. Tell el-Iswid en 2018, études des céramiques sur le toit de la maison de fouille (photo : S. Guérin).

Ainsi, E. Leroy-Langelin, C. Marcigny et V. Riquier ont entrepris un exercice audacieux : tenter de comparer ce qui se passe en Égypte et en Europe de l’Ouest durant le règne de Ramsès II afin de dresser, dans les grandes lignes, le parcours social de deux univers qui, malgré de nombreuses différences, semblent montrer des points de convergence.

Céramologue un jour, céramologue toujours ! Provenant de France ou d’Égypte, la céramique a fait couler beaucoup d’encre… De fait, plusieurs articles s’arrêtent sur ce matériel riche d’enseignement pour les périodes protohistorique et prédynastique. G. de Mulder propose un bilan sur les céramiques de l’âge du Bronze ancien et moyen en Belgique, tandis que R. Hartman s’intéresse à de curieuses pratiques observées sur le site de Maadi (Égypte), notamment autour des vases présentant des trous réalisés intentionnellement et appelés “killing hole”. J. Bajeot et M.C. Gatto revisitent, quant à elles, la chronologie relative de la Basse Nubie à travers la céramique de Nag el-Qarmila (Égypte), faisant écho à un article récent de Nathalie qui présente une date plus ancienne pour la fondation du site d’Adaima.

D’autres collègues ont également souhaité intervenir autour d’une autre thématique chère à Nathalie : l’archéologie funéraire. C’est au terme d’un patient travail et sur la longue durée que E. Leroy-Langelin et ses collaborateurs ont mis en évidence une pratique funéraire relativement discrète dans les Hauts-de-France : les urnes retournées de l’âge du Bronze. À travers leurs recherches sur le site de Bussy-Saint-Georges, R. Peack, V. Delattre et C. Mordant rappellent combien les pratiques funéraires du Bronze moyen en Île-de-France témoignent d’une grande variabilité. Pour le pendant égyptien, F. Ugliano revisite les anciennes fouilles de la nécropole prédynastique de Hemamieh en rapport avec les collections conservées au Musée de Turin, alors que V. Müller évoque les travaux réalisés à Adaïma tout en dressant un bilan sur les inhumations d’enfants du site de Turah. En outre, J. Debowska-Ludwin revient sur le cas de sépultures particulières, dites “non anatomiques”, du site de Tell el-Farkha.

Le cadre d’interprétation de la vie quotidienne des femmes et des hommes du passé est abordé à travers le développement des architectures en terre crue, mais aussi les modes de subsistance. Ainsi, S. Guérin fait feu de tout bois pour nous éclairer sur la typologie et l’interprétation des structures de combustion mises au jour à Tell el-Iswid.

A. Émery-Barbier nous emmène à Kadero, un important site néolithique au Soudan, pour reconstituer les pratiques funéraires et les habitudes alimentaires de ses habitants à travers l’étude de micro-restes végétaux, tandis que E. Marinova et ses collaborateurs analysent la présence possible de modèles communs dans l’économie végétale de l’Égypte de la Ire Dynastie et de l’Ancien Empire.

L’analyse des modes de subsistance se poursuit avec la contribution de M. Chłodnicki et A. Mączyńska, puis celle de B. Midant-Reynes et F. Briois. Les premiers reconstituent la fonction d’un ensemble de pièces fouillé à Tell el-Farkha grâce à l’analyse des poteries trouvées in situ, tandis que les seconds proposent une révision des données concernant la production des lamelles sur galets de silex chauffés typiques de la Culture de Basse-Égypte et testent l’hypothèse d’une transmission de cette tradition technique du Delta vers la Vallée du Nil.

Plus théorique et basé sur ses récents travaux autour de l’identité des premiers souverains égyptiens, J. Villaeys le Galic nous rappelle que Nathalie s’est beaucoup interrogée sur la naissance et les fondements de l’État égyptien, possédant une connaissance approfondie de l’Égypte prédynastique mais aussi du début de l’ère dynastique.

La dernière partie de l’ouvrage réunit trois contributions autour des questions de méthodes appliquées à l’archéologie et que Nathalie affectionne tout particulièrement. Elle offrira d’ailleurs un article sur le même thème à Béatrix Midant-Reynes, sa “moudira”, lors de son départ à la retraite. Dans la même veine que ce petit clin d’œil, E. Louesdon montre le potentiel de l’approche technologique céramique dans le secteur de l’archéologie préventive et la nécessité de l’appliquer de manière plus exhaustive. M. Minotti s’interroge, quant à elle, sur les possibilités de restituer les apparences des individus durant les périodes pré-pharaoniques. Enfin, R. El-hajaoui présente des méthodes mises en œuvre sur le site de Tell el-Iswid, en particulier les apports de la photogrammétrie à l’enregistrement de terrain.

Alors que les deux premières parties de l’ouvrage sont introduites par P. Depaepe, R. Rougier et B. Midant-Reynes en évoquant de façon personnelle le parcours de Nathalie alias “Bubu”, nous nous sommes gardés ce plaisir en guise de conclusion. Par ailleurs, nous savons que plusieurs de ses collègues auraient souhaité participer à ce volume et ne l’ont pu pour diverses raisons, ils se joignent néanmoins à nous pour lui rendre hommage ici.

Pour terminer, nous souhaitons remercier les institutions partenaires sans qui cet ouvrage n’aurait jamais pu voir le jour, à savoir l’Association pour la promotion des recherches sur l’âge du Bronze (APRAB), le Service régional de l’archéologie des Hauts-de-France, l’équipe Premières sociétés holocènes (PSH) de l’UMR 5608-TRACES, les Archives d’écologie préhistorique (AEP) et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) qui ont bien voulu soutenir ce projet, ainsi que les Éditions Ausonius et la plateforme UN@ qui ont accepté de publier cet ouvrage.

En plus des remerciements aux auteurs pour leur participation, nous voulons exprimer toute notre reconnaissance envers Nathalie pour ses qualités humaines et scientifiques, ainsi que pour le partage de ses connaissances toujours avec générosité et humilité.

Pour le soutien qu’elles nous ont apporté, nous tenons à remercier tout particulièrement les personnes suivantes :
– Claude Mordant et Sylvie Boulud, respectivement président et trésorière de l’APRAB ;
– Jean-Luc Collard, Conservateur général du Patrimoine/Conservateur régional de l’archéologie ; Philippe Hannois et Alexandre Audebert, Conservateurs généraux du patrimoine/Conservateurs régionaux de l’archéologie – adjoints au SRA/DRAC des Hauts-de-France ;
– Claire Manen et Jessie Cauliez, responsables de l’équipe PSH, UMR 5608 TRACES, pour leurs aides administrative et logistique ;
– Dominique Garcia, président de l’INRAP ;
– Stéphanie Vincent et Alice Tanneur de la plateforme UN@ pour leur travail, Sophie Krausz, directrice de la collection Dan@, et Claire Hasenohr, directrice d’Ausonius Éditions, pour leurs soutiens et remarques constructives, Francesco Stefanini pour la réalisation de la couverture de l’ouvrage.

ISBN html : 978-2-35613-663-3
Rechercher
Chapitre de livre
Posté le 15/12/2025
EAN html : 9782356136633
ISBN html : 978-2-35613-663-3
ISBN pdf : 978-2-35613-664-0
ISSN : 2741-1508
6 p.
Code CLIL : 4117; 3494;
licence CC by SA

Comment citer

Bajeot, Jade, Guérin, Samuel, Minotti, Mathilde, “Introduction : une archéologue sans frontières ?”, in : Bajeot, Jade, Guérin, Samuel, Minotti, Mathilde, éd. (2025), L’archéologie au-delà des frontières. Sur les pas de Nathalie Buchez, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 14, 2025, 9-14. [URL] https://una-editions.fr/introduction-une-archeologue-sans-frontieres
Illustration de couverture • Montage constitué d’une vue générale de Tell el-Iswid (R. El hajaoui) et d’une vue aérienne du cercle funéraire de Jaulne, Le Bas des Haut de Champs (photo : R. Peack). Création du visuel par Francesco Stefanini.
Publié le 15/12/2025
Retour en haut