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Dans La Vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien, Tonio Hölscher rappelle que « les œuvres figuratives avaient en Grèce, et par la suite à Rome, trois fonctions fondamentales : représentation, décor et incitation au discours1 ». Qu’en est-il des œuvres référencées de notre corpus ? De telles fonctions peuvent-elles encore être identifiées aujourd’hui ? L’analyse d’intentions plus ou moins explicitées par les artistes peut nous permettre d’envisager de telles finalités. Et les œuvres que nous avons précédemment abordées l’esquissent : elles peuvent être constitutives d’intentions affirmées de la part des artistes.

Dans certains cas, les intentions permettent d’expliquer pourquoi les artistes recourent à un sujet, un thème ou une production de l’Antiquité grecque et romaine. Toutefois, si l’analyse des intentions s’avère utile, elle peut aussi être contestée dans la mesure où les artistes ne sont pas forcément les plus à même à interpréter leurs productions. C’est pourtant leur regard que nous souhaitons ici analyser.

Les principales intentions relevées dans le cadre de cette étude sont accompagnées d’analyses de cas.

Copier et expérimenter : de l’exercice technique à l’exercice stylistique

Copier l’Antiquité, entre tradition et innovation

Le développement des pratiques picturales abstraites par les avant-gardes des années 1960 et 1970 et, corrélativement, l’ouverture du champ des arts plastiques à de nouvelles techniques et formes d’expression (performance, vidéo, photographie plasticienne…) a eu pour conséquence de déprécier les métiers de peintre et de sculpteur. La peinture en général a subi un dénigrement, a fortiori la peinture figurative. Dans le sillage s’ensuivit une dévalorisation de la référence à l’antique qui, pendant des siècles, avait été au cœur du système de l’enseignement académique.

Toutefois, la peinture semble, ces toutes dernières années, bien de « retour », comme le prouvent les œuvres référencées dans notre corpus. Et de nombreux artistes témoignent d’un intérêt pour le dessin et la copie d’après l’antique. Nous l’avons entr’aperçu avec les peintures à l’huile sur toile de l’artiste grec Achilleas Droungas, que nous pouvons tout à fait rapprocher du travail d’un autre peintre, Théodore Manolides.

Certains artistes vont chercher à moderniser, du moins à apporter une touche contemporaine à leur pratique qui relève parfois en premier lieu une visée didactique. C’est le cas, nous paraît-il, des œuvres réalisées par les américains Jim Dine et Alexander Mihaylovich.

Arrêt sur la démarche artistique de Jim Dine

Jim Dine, en séjour à Munich pour se rendre à la Alte Pinakothek en 1984, en a profité pour découvrir la glyptothèque. Inspiré par les étudiants, archéologues et autres amateurs qui dessinaient les antiques qu’ils avaient sous les yeux, Jim Dine a décidé de faire de même2. C’est à partir des dessins issus de ses carnets de croquis et des photographies prises sur place, tant à la glyptothèque que dans d’autres musées conservant des antiquités, qu’il a produit la série des Glyptothek drawings quatre années plus tard. Il va sans dire que la notion de plaisir visuel prédomine dans son discours. Car s’il reconnaît qu’il y a plusieurs façons d’appréhender ses œuvres, l’artiste en retient une. Selon lui, « ce [les antiques] sont de beaux objets à dessiner et à faire revivre3 ». Pour les ranimer, Jim Dine réalise de dessins aux traits vifs et dynamiques, comme en témoigne Glyptothek drawing 324 qui figure un buste d’Aphrodite en marbre5. Le fusain et le pastel sont appliqués sur le papier par frottement avec les doigts. Les traces visibles des passages répétés apportent une force telle que le dessin devient une matière vivante à partir de laquelle surgit la représentation. Le modelé du visage de la jeune femme prend forme grâce au contraste de lumière très fort créé entre le papier blanc, qui délimite les zones en pleine lumière (front, pommettes, bouche, menton), et les ombres produites par l’application du fusain et du pastel.

Arrêt sur la démarche artistique d’Alexander Mihaylovich

Pour sa part, Alexander Mihaylovich pratique le dessin et la peinture à l’huile auxquels il intègre des matériaux industriels. Ses productions ont en commun de présenter, avec une peinture à la facture lisse, des bustes, des statues et des fragments d’architecture de temples grecs et romains. L’artiste interroge le temps qui passe dans des compositions qui allient, en grande majorité, la peinture à l’huile et les matériaux industriels (plexiglass, aluminium). Les combinaisons des matériaux trouvent leur origine dans son observation de chantiers de fouilles, comme le montrent les propos tenus par Alexander Mihaylovich : « Les ouvriers ont non seulement retiré d’anciens fragments de la terre, mais ils ont également récupéré des débris provenant d’autres époques6 ». Si des termes sont à retenir, c’est bien ceux de « stratification », et de « strates » du temps, Layers of Time, pour reprendre le titre à la fois donné à l’une ses œuvres (fig. 24)et à l’exposition qui lui a été consacrée au Musée d’art classique de Mougins, en 2015. Les interrogations liées aux strates et à l’Antiquité ne sont pas nouvelles et remontent à l’enfance de l’artiste, lorsqu’il séjournait avec ses parents à Belgrade :

Je suis tombé par hasard sur des ruines romaines que des employés municipaux avaient découvertes accidentellement. C’était ironique car la découverte a eu lieu devant l’entrée principale du musée national où les Antiquités grecques et romaines sont exposées. Pour moi, cela a été une révélation incroyable, sous les pavés ont été exhumés une histoire et un patrimoine culturel par des personnes totalement ignorantes de ce qu’elles venaient de découvrir. Cela a été pour moi un événement majeur qui a suscité mon intérêt et ma passion pour l’Antiquité. L’Antiquité est devenue le point central de mon travail7.

Alexander Mihaylovich, The Layers of Time, 1984, 
acrylique sur bois, 61 x 46 cm, lieu de conservation non renseigné. 
© Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Fig. 24. Alexander Mihaylovich, The Layers of Time, 1984, acrylique sur bois, 61 x 46 cm, lieu de conservation non renseigné. © Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

La pratique artistique d’Alexander Mihaylovich repose sur sa passion et son contact direct avec les œuvres de l’Antiquité grecque et romaine. En effet, en tant qu’employé au Getty Museum de Los Angeles durant plusieurs années, il a pris part à trois expositions temporaires organisées par cette institution8. Son travail sur les collections s’est révélé déterminant : « […] L’étude de si nombreuses œuvres n’a fait que renforcer mon goût pour la collection du Musée9 ». Il a pris l’habitude, lorsqu’il se trouve dans les musées d’archéologie, de dessiner les œuvres qu’il a sous les yeux. Généralement, c’est seulement ensuite qu’il trace la composition principale sur toile, ou parfois sur une feuille d’étain ou de cuivre. Il superpose les divers objets et matériaux trouvés en vue de sa composition finale. In fine, au-delà du discours que tient l’artiste, nous retiendrons sa volonté de croquer et de peindre des sujets qui le fascinent.

Alors qu’un certain nombre d’artistes recourent à la statuaire de l’Antiquité dans une visée d’apprentissage, il en est d’autres qui prolongent les expérimentations plastiques, les exercices techniques et/ou de style menées dans le passé par des artistes tels que René Magritte, Salvador Dalí ou Michelangelo Pistoletto.

Expérimenter

Arrêt sur les démarches artistiques de Sacha Sosno et d’Arman

Un des exemples les plus probants concernant l’expérimentation est le travail de Sacha Sosno. Qu’elles soient en bronze, en acier ou en marbre, les sculptures qu’il produit interrogent le concept d’oblitération. Les Vénus de Milo10, Diane dite de Versailles11, comme le buste d’Agrippa (fig. 25), laissent place à des pavés ou des cubes tantôt pleins, tantôt vides. Ne demeurent alors qu’un fragment de drapé, de membre, ou de chevelure. Françoise Armengaud a consacré de nombreuses études au travail de l’artiste niçois. Nous lui devons l’ouvrage L’Art de l’oblitération – Essais et entretiens sur l’œuvre de Sacha Sosno paru en 200012, des articles tel que « Les oblitérations de Sacha Sosno : citation et pluri-auctoralité de l’œuvre13 », ou bien encore des entretiens à propos de l’artiste, comme celui mené avec le philosophe Emmanuel Levinas, en 199814. En 2008, l’auteur revient sur le travail spécifique qui est celui de biographe de l’artiste, dans un article intitulé « Comment écrire une biographie d’artiste : Sacha Sosno et l’art de l’oblitération15 » et questionne cette pratique plastique qui consiste à obstruer des parties de sculptures, « fil rouge qui parcourt avec ténacité et cohérence la vie créative de Sacha Sosno16 ». Le lecteur découvre l’anecdote suivante :

Un soir de l’année 1971, pendant un entracte au cinéma, rue du Dragon à Paris, Sosno raconte avoir partiellement raturé, « machinalement-sans-y-penser », avec un feutre, à traits serrés, la reproduction du travail photographique d’un ami (un reportage de guerre dans le journal Libération). Le résultat l’a surpris : « Il m’a semblé que cela donnait quelque chose d’intéressant. Je l’ai poursuivi, systématisé »17.

Sacha Sosno, Le bon guetteur, 2007, bronze, 62 x 33 cm, Musée d’Art classique, Mougins (inv. MMoCA.MA58). © Avec l’aimable autorisation du MACM.
Fig. 25. Sacha Sosno, Le bon guetteur, 2007, bronze, 62 x 33 cm, Musée d’Art classique, Mougins (inv. MMoCA.MA58). © Avec l’aimable autorisation du MACM.

Ce qui relève de la sérendipité a conduit l’artiste à trouver un objet à partir duquel développer sa nouvelle pratique plastique : ce serait la statuaire classique. Sacha Sosno explique son choix en ces termes : « La seule façon de faire du nouveau, c’est de regagner le commencement, c’est-à-dire de retourner deux ou trois mille ans en arrière18 ». Il est intéressant de noter que l’artiste fait délibérément le choix de s’inscrire dans la tradition classique, faisant fi du précepte selon lequel il faille faire table rase du passé pour réussir à produire des œuvres novatrices.

En ce sens, nous pouvons tout à fait rapprocher les sculptures de Sacha Sosno de celles produites par un artiste également issu de l’École de Nice, Arman. Sacha Sosno rend d’ailleurs hommage à Arman en 1987 avec une sculpture en acier intitulée Hommage à Arman et Vénus19. Deux séries produites par Arman nous intéressent particulièrement ici : Transculptures et Interactive. Elles consistent en des reproductions de sculptures majeures de l’Antiquité classique. Généralement en bronze et en laiton, elles sont scindées et entrecroisées d’autres objets qui ont eux aussi subi le même sort. Tel est le cas pour Artémis et Actéon20 ou Éros au violoncelle21 : un violon est associé à la Diane dite de Versailles et à l’Éros de type Centocelle. Parfois, la sculpture se déplie tel un éventail : pensons ainsi à Interactive en éventail (Small Vénus de Milo)22 ou à Lucius Verus III (fig. 19), qui figure, comme son titre l’indique, le buste de l’empereur dont les yeux et les joues s’ouvrent comme des fenêtres. Jan van der Marck, dans un article intitulé « Arman ou l’Antiquité réactualisée », rapporte les propos de l’artiste. Arman évoque ainsi son intérêt pour l’intérieur normalement dissimulé des statues :

En 1962, lorsque j’ai commencé à découper des sculptures en métal, ce qui m’intéressait était la mise à nu au niveau de chaque tranche d’une partie de la sculpture auparavant invisible. Je suis fasciné par l’intérieur des choses depuis l’enfance23.

Arrêt sur la démarche artistique de Jeff Koons

Deux séries de l’artiste américain Jeff Koons (Gazing Ball et Antiquity) retiennent ici notre attention.

L’intervention principale de l’artiste dans la série Gazing Ball, débutée en 2013, consiste à joindre sur chacun des moulages de sculptures grecques et romaines une boule bleue réfléchissante. La quinzaine de copies d’antiques sélectionnée par Jeff Koons figurent parmi les plus connues de l’histoire de l’art. Nous pouvons identifier le Faune Barberini24, le Torse du Belvédère25,
l’Hercule Farnèse26 ou bien la Vénus accroupie27 et la Vénus dite à l’Esquilin (fig. 8). L’artiste a choisi de recourir à des boules bleues en verre car, selon lui, le « reflet renvoie à l’identité, mais aussi à l’enthousiasme, à l’affirmation de soi et à la perspective d’élévation28 ». Mais ces objets sont aussi considérés comme un symbole de générosité. Ils ornent d’ailleurs encore aujourd’hui les devantures des pavillons américains de Pennsylvanie (état d’où l’artiste est originaire). De la sorte, ces sculptures deviennent américaines.

C’est aussi une quinzaine de productions qui constitue la série Antiquity, réalisée entre 2009 et 2014. Celle-ci est composée de tableaux de très grand format. Privilégiant un style hyperréaliste, l’artiste joue sur la superposition et l’accumulation d’images et de clichés très colorés, en accord avec une esthétique du mixage, puisque des images de registre, d’origine, et d’époques diverses sont superposées et juxtaposées. Antiquity III (fig. 26) associe une représentation de la Vénus Mazarin et une photographie de l’actrice américaine Gretchen Mol à califourchon sur un dauphin gonflable, dont la pose n’est d’ailleurs pas sans rappeler un marbre conservé au Musée archéologique de Thasos, qui figure une Aphrodite sur un dauphin avec Éros29. Ce choix opéré par Jeff Koons n’est pas anodin puisque plusieurs figures renvoient à la déesse grecque Aphrodite, déesse dont les représentations sont particulièrement appréciées de l’artiste qui avoue avec franchise : « J’aime l’image d’Aphrodite. Elle est le symbole de Mère Nature, de l’abondance, de la vie et de la pure jouissance30 ». Dans cette œuvre, qui adopte le grand format des peintures d’histoire des siècles passés, il est également possible d’identifier le groupe de l’Aphrodite, Pan et Éros, une Aphrodite détachant sa sandale et un fragment d’une peinture de Raphaelle Peale intitulée Venus Rising from the Sea-A Deception31. Un dernier élément peint vient s’ajouter à l’ensemble : un dessin, dont le graphisme rappelle les crayonnés d’enfants au stylo-feutre, figure un bateau voguant sur l’océan. Des oiseaux complètent la scène. Toutefois, une autre évocation, plus érotique et stylisée, s’offre au spectateur : celle de l’Origine du Monde de Gustave Courbet32. Nous remarquerons que cette représentation du sexe féminin se retrouve dans toutes les productions de la série Antiquity. Des signifiés érotiques sont disséminés ici et là : sculptures nues d’Aphrodite, Gretchen Mol en sous-vêtements et bas noirs, voire un satyre en érection dans Antiquity II33. De manière générale, nous retrouvons la figure d’Aphrodite34 reproduite à plusieurs reprises dans la série côtoie l’Enlèvement des filles de Leucippe de Pierre Paul Rubens35 dans Daughters of Leucippus36, tandis que dans Uli37, elle est à la fois associée à une sculpture cérémonielle hermaphrodite aux organes sexuels prononcés38, à Vénus et Adonis de Titien39 et au Baiser40 de Pablo Picasso. En outre, le Raglan Carving, fusion d’un phallus et d’une vulve en calcaire identifié par l’historien de l’art Joachim Pissarro comme étant une idole celtique antique41, est reproduit à plusieurs reprises dans la série. La sculpture est en effet visible dans Antiquity IV42 et Farnese Bull43. Dans les exemples relevés ci-dessus, l’artiste promeut l’image d’une Antiquité grecque et romaine dans laquelle la sexualité est exacerbée, grâce à une sélection de sculptures et de sujets mythologiques. Le groupe de l’Aphrodite, Pan et Éros retient particulièrement l’attention de l’artiste puisqu’il se retrouve dans la majorité des peintures qui constituent la série. Ainsi en est- il d’Antiquity I44, Antiquity I (Dots)45, Antiquity II46, Antiquity II (Dots)47, Antiquity III (fig. 26), Antiquity IV48, Farnese Bull49 et Forest50. Sculpté dans du marbre de Paros, il représente la divinité grecque Aphrodite tentant de se défendre de l’emprise de Pan à l’aide d’une sandale qu’elle tient de sa main droite51. Jeff Koons envisage la figure de Pan comme « un symbole de l’éternel52 ». Selon lui, il y a deux variations de l’éternel : « le biologique, l’énergie vitale qui saute dans l’espace et le temps, et l’éternel tel qu’il existe dans le domaine des idées – le platonisme et la forme pure53 » dont il veut incarner l’échange : « Je veux opérer un dialogue constant avec ces deux domaines54 ».

Jeff Koons, Antiquity III (série : Antiquity), 2009, huile sur toile, 
259,1 x 350,5 cm, Collection particulière. © Avec l’aimable autorisation de l’artiste et du studio Jeff Koons.
Fig. 26. Jeff Koons, Antiquity III (série : Antiquity), 2009, huile sur toile, 259,1 x 350,5 cm, Collection particulière. © Avec l’aimable autorisation de l’artiste et du studio Jeff Koons.

Il arrive que, d’une toile à l’autre, les modifications apportées aux toiles soient très limitées. Par exemple, ce qui différencie Antiquity II d’Antiquity II (Dots) est un ajout de pois en arrière-plan, rappelant les sérigraphies pop réalisées dans le passé par Roy Lichtenstein. Les variations opérées entre Antiquity II et Antiquity III sont tout aussi limitées puisque le satyre a simplement été remplacé par la Vénus Mazarin, conservée à Los Angeles. Notons que, dans certains cas, les deux séries Antiquity et Gazing Ball peuvent fusionner :motif et médium s’associent alors pour créer Gilded Bikini (fig. 27). La peinture hyperréaliste figure la Vénus dite au bikini55, non pas dans son écrin muséal, mais à l’extérieur d’une boutique proposant à la vente de nombreuses boules en verre. L’artiste a ensuite collé sur la toile une véritable boule bleue en verre. Cette mise en abyme n’est pas sans rappeler une œuvre emblématique de l’art conceptuel, à savoir One and Three Chairs de l’artiste américain Joseph Kosuth56. Jeff Koons puise donc pleinement dans des références connues d’un public initié à l’art moderne et contemporain. Mais au-delà de cette remarque, retenons le véritable intérêt de l’artiste pour une période de l’histoire qu’il affectionne tout particulièrement : « Mon intérêt pour l’Antiquité vient vraiment de la réflexion sur la métaphysique, l’immédiat et l’éternel. Je m’intéresse à ce que signifie être un être humain, avoir un pied dans le passé tout en marchant dans le présent57 ».

Jeff Koons, Gilded Bikini (série : Gazing Ball Paintings), 2015, huile sur toile, 
verre, aluminium, 274,3 x 213,4 x 44,5 cm, Collection particulière. 
© Avec l’aimable autorisation de l’artiste et du studio Jeff Koons.
Fig. 27. Jeff Koons, Gilded Bikini (série : Gazing Ball Paintings), 2015, huile sur toile, verre, aluminium, 274,3 x 213,4 x 44,5 cm, Collection particulière. © Avec l’aimable autorisation de l’artiste et du studio Jeff Koons.

Jeff Koons parle de son travail et, en particulier, du choix qu’il fait de la référence antique :

[…] Travailler avec une série comme Antiquity me permet d’avoir cet échange, de revisiter Praxitèle et ces artistes dont l’œuvre n’est même pas avérée. Il existe différentes copies, ou peut-être un seul vase de Praxitèle, et comme il ne reste plus rien, même des plus grands artistes de l’Antiquité, il est crucial d’avoir un échange avec cette forme de mortalité. […] Je dirais que c’est venu en prenant conscience de ma propre mortalité. L’idée du temps qui passe et le goût de l’histoire, doublés d’un désir d’y prendre part, vous poussent automatiquement à vous pencher sur les apports majeurs des autres pour en tirer des enseignements58.

Revisiter, c’est donner une lecture nouvelle d’une œuvre. Ici, l’artiste cherche à décontextualiser les productions de l’Antiquité, à les mélanger en nivelant tout, du satyre à Gretchen Mol, en passant même par le logo du Cryptonien Superman (Daughters of Leucippus59). Dans ce melting pot culturel, les œuvres-source ne sont plus élevées au rang de chefs d’œuvre de l’art classique. Elles se perdent dans des compositions dans lesquelles, finalement, aucune œuvre ne surpasse une autre. En définitive, elles ont été assimilées et font partie d’un patrimoine iconographique commun.

Dans un autre entretien dirigé par Brooke Holmes, Jeff Koons tente de nous apporter d’autres clés de compréhension :

Dans ma série Antiquity, débutée en 2008, j’ai voulu montrer comment notre vie culturelle extérieure se calque sur notre vie intérieure ainsi que sur notre biologie. La manière dont nos gènes et notre ADN sont connectés est parallèle à la connectivité de notre vie culturelle60.

Les antiques permettent à Jeff Koons de transposer plastiquement la notion d’interconnexions. Cependant, nous devons bien reconnaître la complexité de son discours. Son manque de clarté s’estompe, en revanche, lorsqu’il évoque son choix de recourir en toute connaissance de cause à des moulages d’antiques :

Bon nombre des plus admirables œuvres de l’Antiquité nous seraient encore inconnues s’il n’y avait pas eu de copies romaines. […] Si je travaille avec les copies, je les utilise comme référence, car ce qui m’intéresse vraiment, c’est l’idée platonicienne de l’œuvre61. Si je travaille avec du plâtre et que je pose une boule en verre dessus, par exemple, j’attire l’attention sur le Silène et l’enfant Dionysos ou sur la Mona Lisa. Il ne s’agit donc pas de l’objet en soi, mais de l’artiste original et des artistes par qui la personne s’est sentie connectée62.

Il se dégage des éléments de contraste dans le discours de l’artiste. D’une part, il s’inscrit dans une volonté de fidélité et de « tradition », d’autre part, il décontextualise au gré de mélanges anachroniques.

Alors que les intentions des artistes sont parfois difficilement cernables – c’est le cas ici de Jeff Koon –, il en est d’autres qui sont explicitées avec clarté. Nous proposons de nous intéresser ici aux visées d’artistes qui incitent volontiers au discours.

Inciter au discours : entre réflexions, engagements et témoignages

(Se) questionner

Plus de 2000 ans nous séparent de l’Antiquité gréco-romaine. C’est une durée conséquente à l’échelle d’une simple vie humaine, mais ce n’est finalement qu’un fragment temporel sur une échelle plus universelle. Seules les habitudes sociales ont finalement changé, mais les humains derrière les statues et les vestiges, les grandes questions existentielles, les émotions restent les mêmes. J’aime à imaginer la vie quotidienne qui animait les habitants de cette fantastique époque. C’est pour mieux les faire revivre, et ainsi nous questionner sur notre propre société, que j’aime faire référence à l’Antiquité63.

Au-delà de faire « revivre » les sculptures antiques, interroger la société dans laquelle nous vivons est essentiel pour Léo Caillard. Et c’est par l’intermédiaire de la pratique de la sculpture que l’artiste développe son questionnement. Pensons, pour ne citer qu’elles, à deux séries qu’il a débutées en 2017. La première s’intitule Light Stone, la seconde Icarus. L’artiste explique ses démarches qui ouvrent volontiers plusieurs réflexions, lesquelles portent par exemple sur les couples d’opposés que sont le réel et le virtuel, ou l’unique et le multiple :

Le Discobole entouré de néons est le premier d’une série de statues entourées de néons ouvrant un dialogue entre deux états, la pierre ou le réel, et la lumière ou le virtuel. […] On peut aussi y voir une seconde lecture sur le corps et le transhumanisme à l’époque de la technologie sans limites64.

Les réflexions de l’artiste vont de pair avec les expérimentations techniques qu’il mène. Car, comme il le remarque, épouser de néons les contours d’un Discobole n’a en effet pas été une mince affaire (fig. 12).

S’engager

Dans certains cas, faire référence à l’Antiquité classique permet aux artistes de dénoncer les travers du monde dans lequel ils vivent ou de faire part de revendications (en faveur de la cause homosexuelle, par exemple). Ce que nous pouvons qualifier d’art contemporain engagé n’est pas nouveau et a été, il va sans dire, largement étudié65. Dans le cadre de notre étude, il s’agira de revenir sur quelques exemples d’œuvres engagées afin de comprendre comment l’Antiquité peut inciter au discours jusqu’à être, dans certains cas, instrumentalisée.

Dénoncer

• Arrêt sur les démarches artistiques d’Eleanor Antin et David LaChapelle

Les photographies de mise en scène réalisées par David LaChapelle et Eleanor Antin permettent de révéler les travers de notre monde contemporain, qui selon eux, mènent à la décadence. Les deux artistes envisagent dans leurs productions respectives une répétition de faits prétendus passés dans le temps présent, quand bien ces derniers seraient en réalité « impossibles », comme le souligne l’artiste américaine : « […] Mes photographies reproduisent des faits impossibles. Elles reprennent la culpabilité, les plaisirs illusoires et les terreurs d’empires et les font tomber de leur piédestal66 ». Les deux artistes prolongent une thématique qui, depuis la fin du XIXe siècle, semblait tombée en désuétude : la chute de l’Empire romain. En effet, nombreux sont les artistes qui se sont exercés à la représenter, en particulier en peinture. La Destruction de Thomas Cole (1836), Les Romains de la Décadence de Thomas Couture (1847) ou Les Roses d’Héliogabale de Lawrence Alma- Tadema (1888) sont autant de références dans lesquelles les exempla virtutis ont été mis à mal67. Ces thèmes n’ont cessé de fasciner les artistes qui semblaient – et semblent toujours – trouver dans Decline and Fall of the Roman Empire (1776) de l’historien britannique Edward Gibbon une source d’inspiration majeure.

Dans The Tourists68 (issu de la série Helen’s Odyssey), Eleanor Antin met en scène deux jeunes touristes occidentales (chacune est vêtue d’un paréo, porte des lunettes de soleil, et tient un sac) totalement indifférentes à la vue d’un massacre auquel elles assistent. En cherchant à montrer l’égocentrisme de l’homme contemporain, l’artiste en fait la satire69. Il en va de même avec le tableau vivant Deluge70, réalisé en 2006 par David LaChapelle. L’artiste reprend une des œuvres fameuses de Michel-Ange71 à laquelle il fait subir quelques modifications puisque la scène montre la destruction de Las Vegas. Hommes, femmes et enfants apeurés tentent de fuir le torrent qui s’abat sur eux. Ceux qui sont tombés à l’eau cherchent à se raccrocher à une embarcation de fortune, pour rejoindre un îlot rocheux ou un promontoire. En outre, les éléments du décor tels que les gratte-ciel sont en ruine, tout comme l’hôtel casino Caesars Palace dont il ne reste que le fronton. Un lampadaire électrique est sur le point de se renverser tandis qu’une voiture est à moitié engloutie par les flots. Des panneaux publicitaires tombent en décrépitude et parfois même flottent sur les eaux déchaînées. Ce sont ceux de marques connues comme les enseignes de salons de café Starbucks, la chaîne de fastfood Burger King et la maison de haute couture Gucci. Haute culture et basse culture sont mêlées dans cette photographie pour figurer ce que pourrait être la fin de notre société contemporaine.

• Arrêt sur la démarche artistique d’Ai Weiwei

Aujourd’hui, l’Antiquité classique peut être aussi utilisée comme un outil pour dénoncer des politiques mises en place et jugées discriminatoires. Telle est la direction prise par Ai Weiwei qui, dans le cadre d’un partenariat avec Amnesty International a, du 23 avril au 20 juin 2017, au ZAC (Zisa Arti Contemporanea) de Palerme, présenté une installation intitulée Odyssey72 (fig. 28). Dans un registre que l’on peut qualifier de dramatique, un papier peint sur lequel figurent des dessins en noir et blanc a été déposé à même le sol, occupant près des 1 400 m2 de l’espace d’exposition. Reprenant l’esthétique des vases figurés grecs, les dessins traitent de la crise des réfugiés. Ai Weiwei a en effet retranscrit le parcours de celles et ceux qui tentent de traverser la mer Méditerranée sur des embarcations de fortune, tels des Ulysse d’une triste « odyssée » contemporaine. Il s’agit ici d’une œuvre dont le sujet a été étudié et documenté par l’artiste lui-même (visites de camps de réfugiés, articles de presse, etc.). C’est à partir de ses investigations qu’Ai Weiwei a reconstitué l’histoire de ces personnes, de leur départ – causée par la destruction de leurs villes par l’armée –, à leur arrivée dans les camps. Il s’agit donc d’un récit dans lequel les images remplacent des mots. Elles deviennent, en quelque sorte, les nouveaux vers d’un poème non plus homérique mais, osons l’écrire, « Weiweien », dans laquelle l’épopée devient une triste aventure se terminant bien souvent en tragédie.

Ai Weiwei, Odyssey, 2016, lithographie, dimensions variables. 
© Avec l’aimable autorisation du studio Ai Weiwei.
Fig. 28. Ai Weiwei, Odyssey, 2016, lithographie, dimensions variables. © Avec l’aimable autorisation du studio Ai Weiwei.

Revendiquer

• Arrêt sur la démarche artistique d’Abdul Abdullah

La portée politique et militante des œuvres de la série Rationally benevolent gods, produite en 2017 par Abdul Abdullah, n’est pas moins forte que celle d’Ai Weiwei, quoiqu’elle opère sur un sujet différent. En effet, l’artiste a abordé un des aspects de la domination culturelle, dont la critique s’est développée ces dernières années à travers la pensée dite postcoloniale73 : « Vivant en Australie, je voulais remettre en question la perception linéaire de l’histoire qui place les colonisateurs blancs comme les héritiers exclusifs de la connaissance et des empires de la Grèce et de la Rome antique74 ». Abdul Abdullah a aussi mené des recherches sur la reprise d’images de l’Antiquité classique à des fins de propagande, en particulier par les groupes d’extrême droite australien, américain, européen et, plus spécifiquement, britannique. Il a souhaité, à travers ses œuvres, rappeler que l’argument des suprématistes selon lequel l’héritage antique leur appartient exclusivement est faux et relève d’une méconnaissance du passé. Pour ce faire, il a puisé dans l’histoire d’un de ses oncles Malais dont le prénom (Eskandar Zulkarnain), cité dans le Coran, est identifié comme étant celui d’Alexandre le Grand75. C’est pourquoi les œuvres de la série consistent en des figurations de bustes peints à l’huile sur des toiles de grandes dimensions. La particularité de ces figurations tient dans l’ajout d’une deuxième paire d’yeux au niveau des joues. Cette adjonction permet à l’artiste de dénoncer les propos fallacieux et « à côté » des suprématistes sur une Antiquité, quoi qu’ils le veuillent bel et bien partagée. Nous pouvons identifier des personnages historiques comme Alexandre le Grand dans The Great (fig. 29), Auguste dans Son of the Devine76, mais aussi Napoléon Ier en empereur romain dans The armed soldier of democracy77, ou d’autres figures issues de la mythologie, comme le dieu Apollon dans The bringer of Light78. Nous noterons que les visages peints de ces personnages historiques et mythologiques ont été réalisés à partir de représentations sculptées existantes79.

Abdul Abdullah, The Great (série : Rationally benevolent gods), 2017, huile sur toile, 100 x 75 cm, Yavuz Gallery, Singapour. 
© Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Fig. 29. Abdul Abdullah, The Great (série : Rationally benevolent gods), 2017, huile sur toile, 100 x 75 cm, Yavuz Gallery, Singapour. © Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
• Arrêt sur la démarche artistique de Komar et Melamid

L’utilisation de l’Antiquité à des fins politiques n’est évidemment pas nouvelle et elle a parfois été malheureuse. L’historien Johann Chapoutot l’a démontré en prenant pour exemple le nazisme80. C’est dans cette perspective de récupération politique des antiques que le duo d’artistes moscovites Vitaly Komar et Alexander Melamid dit Komar & Melamid ont, dans les années 1980, réalisé Discobolus81. Cette peinture à l’huile sur toile consiste en une représentation du Discobole de Myron. Elle a la particularité de faire figurer un brassard du NSDAP au bras droit de la statue. De la peinture vive projetée, à la manière d’un dripping de Jackson Pollock, dissimule une partie du visage de l’athlète. Cette œuvre s’inscrit dans un courant que les artistes qualifient eux-mêmes de Sots Art82. Il s’agit d’un art politique dans la mesure où, comme le rappelle Arthur Danto, il fait partie d’un « projet de cannibalisation de l’art soviétique83 ». En effet, Komar & Melamid critiquent non seulement l’utilisation qui a été faite de l’Antiquité par les nazis, mais aussi leur propre héritage artistique, à savoir le réalisme socialiste. Ce travail leur permet de dénoncer la manipulation qui a notamment été faite de figures majeures de l’histoire de l’art84. Par ailleurs, en détournant l’usage à visée totalitaire de l’Antiquité, les deux artistes contribuent à la revalorisation du passé grec et romain, puisqu’il avait été il faut bien le dire, après la Seconde Guerre mondiale, exposé au rejet85.

L’utilisation de l’Antiquité à des fins politiques, et plus encore idéologiques, semble bien de retour. L’exemple le plus caractéristique concerne les sculptures réalisées par l’artiste russe Pavel Greshnikov, à la portée politique lourde de sens. En 2015, il produit deux bustes d’empereurs romains bien singuliers : le premier représente Vladimir Poutine86, le second Barack Obama87. Les deux hommes politiques portent chacun une cuirasse recouverte du paludamentum retenu par une fibule. S’agit-il d’une simple caricature de la politique internationale ou d’une volonté d’affirmer la situation d’un « Occident » fracturé entre deux pôles se revendiquant tous deux héritiers d’un passé antique88 ? Dans tous les cas, l’artiste s’est inscrit dans la tradition qui consiste à représenter les chefs d’État tels des empereurs89.

L’utilisation des formes de l’Antiquité classique dans le domaine politique tend également à s’étendre dans le domaine de l’architecture : au début de l’année 2020, le président des États-Unis Donald Trump avait plaidé dans un décret pour un retour au style néoclassique des bâtiments publics90. En ce sens, le recours à l’Antiquité est instrumentalisé afin de mettre en valeur la force et le poids d’un pays sur la scène internationale91.

Militer

Mais, si une revendication spécifique est à mettre à avant, c’est celle liée à la défense des droits des homosexuels.

• Arrêts sur les démarches artistiques de Francesco Vezzoli et de Pierre & Gilles

Francesco Vezzoli ne s’est pas contenté de peindre des marbres antiques ou de les couvrir de bonnets en coton92. Pour revendiquer son homosexualité, tout en rappelant son intérêt pour l’Antiquité classique, il s’est mis en scène dans deux œuvres. En 2011, il s’autoportraiture en amoureux de l’Apollon du Belvédère dans Self-portrait as Apollo del Belvedere’s Lover93. La création consiste en deux bustes en marbre qui se font face. Le premier figure l’Apollon du Belvédère, alors que le second présente l’artiste cherchant à lui apposer un baiser. L’année suivante, toujours taillé dans du marbre, c’est sous les traits de l’empereur Hadrien qu’il essaie cette fois-ci d’embrasser Antinoüs (Self-portrait as Emperor Hadrian Loving Antinous94). Cette création vise donc aussi à rappeler que l’amour entre deux hommes n’a rien de récent et qu’il existait déjà dans l’Antiquité. Il va sans dire que l’intérêt pour la sexualité des Grecs et des Romains de l’Antiquité relève encore aujourd’hui d’un imaginaire dont les artistes aiment s’emparer95. Dans La Grèce antique, Philippe Jockey revient sur les idées reçues liées à l’Antiquité : « Dans l’ordre du fantasme et de l’imaginaire collectif, l’homosexualité des Grecs et Grecques de l’Antiquité tient une place privilégiée96 »97.

Parmi les photographies peintes du duo d’artistes Pierre et Gilles, une production retient notre attention. Il s’agit du triptyque de Ganymède (Frédéric l’Enfant)98. Les trois panneaux mettent en scène le mythe du jeune Ganymède – incarné ici par Frédéric l’Enfant – avant son rapt par Zeus. Le premier volet rappelle la représentation du mythe qui en a été faite par le sculpteur Bertel Thorvaldsen, en 181799. Le mythe veut que Zeus, tombé amoureux du jeune homme, se transforme en aigle pour le séduire et l’enlever.

Bien que Pierre et Gilles reconnaissent l’influence dans leur œuvre de Pink Narcissus – film gay réalisé par James Bidgood en 1971 – nous remarquerons qu’ils ne cherchent pas à produire spécifiquement un « art homosexuel » :

Nous n’avons jamais voulu faire un art homosexuel ou même nous déclarer comme des artistes homosexuels. C’est à travers notre travail que les gens nous ont peut-être perçus comme tels… Nous avons dit naturellement ce que nous étions, que nous étions homosexuels. Les choses sont venues naturellement. […] Notre travail a manifestement, me semble-t-il, apporté aux homosexuels. Il est indéniable qu’il y a beaucoup d’autres peintres homosexuels, mais cela se voit moins, même si souvent, comme nous, ils travaillent sur le corps100.

Témoigner de parcours personnels

Arrêt sur la démarche artistique de Meekyoung Shin

« Je m’identifie souvent comme quelqu’un à la frontière entre les cultures. Ce sont des frontières de genre, de nationalité, de culture et de temps, dont je suis constamment l’intermédiaire101 ». Par ces mots, l’artiste coréenne Meekyoung Shin explicite son travail qui repose sur un dialogue entre temps (passé antique et temps présent) et espace (puisque son parcours personnel fait qu’elle partage sa vie entre Séoul et Londres).

Weathering Project102, à l’instar de l’ensemble de ses productions, est un travail évolutif. Comme le suggère le titre, Weathering Project traite d’érosion, d’altération. L’œuvre, en permanente mutation, subit intempéries et aléas météorologiques puisqu’elle est composée des sculptures de savon qui doivent être exposées à l’extérieur. Des répliques des kouroï d’Aristodikos, de Volomandra et du sanctuaire d’Apollon Ptoios, sont ainsi présentées au Gyeonggy, Musée d’art moderne de Séoul en 2009. Les trois œuvres prennent place sur le miroir d’eau du musée. Dressées côte à côte et à égale distance, elles reposent chacune sur un piédestal en métal. Les reflets troublés des rondes bosses dans l’eau ne font que présager leur disparition future puisque les productions de l’artiste se dégradent au fur et à mesure du passage du temps. Le savon fond sous la pluie et se fissure sous les rayons du soleil. Dès lors, les statues s’effritent laissant apparaître leur structure interne composée d’acier inoxydable. Meekyoung Shin joue sur les contradictions et les oppositions. Nous pensons, dans un premier temps, à la substitution du marbre par le savon qui engendre un processus de décrépitude rapide qui va de pair avec une vie des formes de la sculpture. Dans un deuxième temps, nous pouvons observer la volonté de l’artiste d’exposer son travail hors les murs, contrairement aux sculptures originales, protégées des intempéries grâce à leur écrin muséal. Cette volonté clairement exprimée (et présentée) de faire « souffrir » ses sculptures va indéniablement à contre-courant de l’effort des institutions qui cherchent, quant à elles, à les sauvegarder. Les rondes bosses de savon ont in fine un cycle de vie, contrairement à leurs originaux grecs : de leur naissance dans l’atelier de l’artiste jusqu’à leur mort, exposée à la vue de tous. Enfin, un dernier jeu d’oppositions et de contrastes doit être envisagé. Il concerne le lieu géographique d’exposition puisque ces kouroï sont parfois exposés, comme c’est le cas ici, en République de Corée, le pays d’origine de l’artiste.

Si l’érosion des sculptures de savon est naturelle lorsque ces dernières se retrouvent en plein air, elle peut aussi être accentuée par l’action de l’homme. C’est ainsi que des visiteurs sont incités à participer au processus d’altération de l’œuvre de l’artiste, sobrement intitulé Toilet Project103. Grâce, notamment, à la collaboration de seize galeries et musées104 de quinze villes du Royaume-Uni, Meekyoung Shin expose, depuis 2004, des bustes à l’effigie de la déesse Aphrodite105. Toutefois, les sculptures sont installées dans un espace singulier : les toilettes106. Il s’agit d’un lieu peu conventionnel pour exposer des œuvres. Le spectateur s’attend davantage à découvrir les créations artistiques dans les salles d’exposition « classiques » avec les cimaises blanches, les socles, les vitrines et les cartels. Le savon qui, en premier lieu sert à l’hygiène corporelle, retrouve ainsi sa fonction originale. Les passages répétés des utilisateurs sur la sculpture de savon accélèrent le processus de dégradation. Le visage de la divinité s’efface au fil du temps, se métamorphose. Les détails disparaissent et se polissent pour ne laisser place qu’à une forme peu discernable. Ensuite, les sculptures, dans leur état transitoire, si elles n’ont pas été totalement détruites ou volées107, se voient rassemblées et exposées. L’exposition temporaire intitulée Unfixed: A solo exhibition by Meekyoung Shin au centre culturel coréen de Londres les a notamment présentées108. L’artiste se joue des institutions muséales et des règles de conservation qui encadrent la protection des œuvres d’ailleurs élevées au rang de reliques, dans un processus que Jade Keunhye Lim appelle relic-ification109. Les sculptures sont exposées sur et dans des caisses de transport en bois pour les plus grandes ou, pour les plus petites, installées dans des vaisseliers. La présentation de ces dernières rappellent indéniablement le dispositif des cabinets de curiosité. Soulignons à ce propos que Meekyoung Shin se passionne pour la sculpture antique et plus particulièrement pour les Frises du Parthénon qu’elle découvre au British Museum dans le cadre de ses études à Londres à la Slade School of Art en 1990. Toutefois, la présentation des marbres du Parthénon l’interroge et la mène aux réflexions qui sont au cœur de sa démarche plastique : la migration des productions de l’Antiquité classique de la Grèce et de Rome à Londres d’une part, et leur décontextualisation d’autre part110.

Alors qu’il n’existe aujourd’hui plus de pratiques culturelles liées aux sculptures antiques, recourir aux figures de l’Antiquité permet aux artistes de témoigner, par l’image, d’une expérience personnelle. Celle-ci peut être heureuse – comme le prouve Meekyoung Shin lorsqu’elle évoque ses voyages entre Séoul et Londres –, parfois plus douloureuse. Nous retiendrons l’épreuve personnelle surmontée par Prune Nourry.

Arrêt sur la démarche artistique de Prune Nourry

En 2019, l’artiste a dévoilé à la galerie Templon une exposition intitulée Prune Nourry. Catharsis111. La création, dont un certain nombre d’œuvres exposées est le témoignage, a permis à l’artiste d’extérioriser, à la manière d’une thérapie, le cancer du sein qui lui avait été diagnostiqué trois années auparavant. Ainsi son corps est devenu non plus exclusivement l’objet d’étude de l’oncologue, mais le sien, en vue de produire de nouvelles œuvres. Parmi les sculptures produites présentées, deux sculptures ont pour objet l’Amazone. Prune Nourry a choisi de faire référence à la figure de l’Amazone par analogie. En effet, et comme tend à le rappeler l’étymologie αμαξων (« sans sein »), les Amazones dans l’Antiquité étaient un peuple des guerrières qui, selon certains récits, coupaient leur sein droit afin de pouvoir tirer à l’arc plus facilement112. L’artiste explique son choix de recourir à cette figure :

Les Amazones sont une tribu mythique de femmes « soldates » qui se coupaient un sein pour être plus performantes avec leur arme (arc et flèches). On ne sait pas si elles ont vraiment existé et c’est aussi ça que j’aime113.

En ce sens, la mutilation du corps des guerrières n’est pas sans rappeler celle de l’artiste qui, pour cause de mammectomie, s’identifie, elle aussi, à une Amazone. La première œuvre, Amazone Erogène114, consiste en une cible en bois s’apprêtant à recevoir une nuée de flèches en son centre : « On peut voir, dans l’installation avec les flèches, l’attaque du sein par la maladie, comme on peut y voir la fertilisation d’un œuf par des centaines de spermatozoïdes115 », affirme l’artiste. Par ailleurs, arrêtons-nous un instant sur le titre qui lui a été donné, qui peut être entendu de deux manières, quoique complémentaires. L’adjectif « érogène », associé au corps ou à une partie du corps, désigne ce qui peut engendrer des sensations de plaisir érotique. Les seins sont des zones érogènes. La formulation d’ « Amazone érogène » peut aussi être comprise (à l’oral) au sens de la direction, du but, l’œuvre étant destinée : « À ma zone érogène ». Ainsi resémantisée, la sculpture se révèle ex-voto116. Quant à la seconde, Catharsis (fig. 30), elle présente une réplique en bronze de l’Amazone de type Sciarra117, dont seule la partie supérieure à la taille a été conservée par l’artiste. La sculpture présente des dizaines de bâtons d’encens de couleur rouge qui viennent « piquer » l’ensemble du côté gauche de l’Amazone. D’une part, il s’agit d’évoquer l’acupuncture, procédé thérapeutique utilisé pour réduire les douleurs du traitement contre le cancer. D’autre part, l’action de brûler de l’encens symbolise l’espoir d’une guérison.

Prune Nourry, Catharsis, 2019, bronze et simulacre de bâtons d’encens, 43 x 34 x 25 cm, édition de 5 exemplaires + 2 épreuves d’artiste. © Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Fig. 30. Prune Nourry, Catharsis, 2019, bronze et simulacre de bâtons d’encens, 43 x 34 x 25 cm, édition de 5 exemplaires + 2 épreuves d’artiste. © Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

L’artiste recourt ici à un geste ancien puisque des fumigations étaient couramment réalisées dans l’Antiquité, notamment en Grèce ancienne, comme en témoigne Francis Prost :

C’est l’encensement qui demeure […] au cœur de la pratique cultuelle et trouve sa place éminente sur l’autel lors du sacrifice ou lorsque la statue divine est visible, en raison de l’ouverture des portes par exemple. Les opérations sacrificielles n’épuisent pas les fonctions dévolues aux parfums que l’on brûle. Les textes qui confèrent à ces parfums consumés une dimension cathartique sont tout aussi important118.

C’est bien la dimension cathartique qui est ici en jeu, grâce à la purification du corps malade.

Si des artistes ont produit des œuvres dans une volonté d’incitation au discours, il en est d’autres qui ont développé une démarche artistique singulière, aux frontières tant de l’illustration que de la recherche scientifique.

Restituer l’Antiquité, entre études et ré-inventions

Illustrer

Par définition, l’illustration est une :

représentation graphique (dessin, figure, image, photographie) généralement exécutée pour être intercalée dans un texte imprimé afin de le rendre plus compréhensible, de compléter l’information qu’il apporte, de le rendre attrayant119.

Complément du texte, l’illustration n’est donc a priori qu’un support didactique. Pourtant, lorsqu’elle est extraite du texte, elle retrouve une autonomie et, le cas échéant, un rang d’œuvre d’art. Les œuvres référencées dans notre corpus sont certes rares, mais elles méritent tout de même d’être analysées.

Arrêt sur la démarche artistique de Mimmo Paladino

En 2001, les Éditions Diane de Selliers proposent une nouvelle édition illustrée de l’Iliade et l’Odyssée. Les deux ouvrages nous intéressent tout particulièrement puisqu’ils renferment des illustrations du peintre italien Mimmo Paladino. Au total, deux-cent-deux dessins aux traits simplifiés retracent les épopées homériques120. La majorité d’entre eux ont été réalisés à l’aquarelle (Hector et Teucos121 ou La Grâce d’Athéna122, dans l’Iliade). Toutefois, nous pouvons aussi identifier des techniques mixtes, comme l’usage de l’encre de Chine et de crayon noir pour Les héros achéens123, ou de pastel gras pour Le cheval124.

Des études portant sur les dessins de l’artiste ont été faites par le passé, par Soko Phay-Vakalis125 et par Dieter Koepplin. Ce dernier soulignait les contrastes opérés entre la brutalité des scènes décrites par Homère et la « douceur » et le « caractère flottant » des œuvres, dans un article intitulé : « Les dessins de Mimmo Paladino pour l’Iliade et l’Odyssée126 ». Nous notons qu’en dépit de ce qui relève pourtant d’une commande spécifique en vue d’illustrer des épopées, l’artiste s’oppose à une approche narrative de sa peinture : « Je pars de la peinture pour arriver à une histoire et non pas d’une histoire pour accéder à la peinture. Mes images ne veulent pas raconter des histoires, même si parfois elles en donnent l’impression127 ». De la sorte, le processus paraît inversé : les dessins ne servent plus de support au texte, et retrouvent une autonomie.

Arrêt sur la démarche artistique de Jean-Claude Golvin

Architecte et archéologue de formation, Jean-Claude Golvin est aussi dessinateur et réalise de nombreuses aquarelles. Son approche scientifique est comparable à celle des époux Brinkmann, quoiqu’elle opère dans un registre différent, puisqu’il s’agit de restituer des monuments antiques et des sites archéologiques sur papier. Le travail est rendu possible grâce à une maîtrise certaine de l’aquarelle. Les connaissances de Jean-Claude Golvin en archéologie, comme sa lecture attentive des textes antiques et des comptes rendus de fouilles viennent enrichir son travail. Manifestement, les planches issues de ses recherches sont prisées des éditeurs, puisqu’elles sont très présentes comme illustrations dans les manuels scolaires d’Histoire et dans les revues historiques et archéologiques. S’il est intéressant d’évoquer son travail, c’est parce que ses productions sont comparables aux fameux envois de Rome réalisés dans la seconde moitié du XVIIIe et tout au long du XIXe siècle par les archéologues et architectes lors de leurs séjours en Italie, en Grande Grèce et en Grèce. La restitution du sanctuaire d’Apollon à Delphes (fig. 31), par exemple, évoque irrésistiblement celle réalisée en 1984 par l’architecte et Grand Prix de Rome Joseph Albert Tournaire128. Si Jean-Claude Golvin réalise de nombreuses vues d’ensemble129, il s’essaie aussi à rendre des intérieurs sur des petits formats en juxtaposant, par collage, des photocopies qu’il rehausse avec de l’encre et du graphite. De tels procédés se retrouvent, par exemple, dans Pompéi, maison des Vettii (fig. 32), planche à rapprocher de celles de Victor Baltard ou encore des esquisses préparatoires de Jean-Auguste-Dominique Ingres étudiant la composition des futurs décors d’Antiochus et Stratonice130. Comme eux, Jean- Claude Golvin recrée les espaces domestiques, leur décoration et leur ameublement (revêtements des murs, mobilier, ornement, etc.), et place des personnages. Cet effort de composition est indissociable, de façon générale, du travail du peintre puisque le rendu visuel final domine. Dans l’avant-propos de l’ouvrage L’Antiquité retrouvée, l’architecte-archéologue affirme :

L’image en deux dimensions a ses contraintes propres, ses limites, de même que ses avantages. Elle impose de faire des choix définitifs au niveau du cadrage, de la position du point d’observation, et de réfléchir à la manière la plus efficace de dire l’essentiel en une seule fois. Elle est fixe, et l’observateur est dynamique en la regardant. Elle est rapide à faire et économique, elle arrive à « bien vieillir » grâce à ses qualités artistiques. Si, au bout d’un certain temps, elle est dépassée sur le plan cognitif, elle reste une « belle image », qui fait partie de l’Histoire de la représentation, se voit toujours avec plaisir et peut aboutir dans un musée pour connaître d’autres formes d’utilisation131.

Jean-Claude Golvin, Delphes, 1996, aquarelle, encre bleue, 
encre noire, gouache, graphite, 51,6 x 116,8 cm, Musée départemental 
Arles antique - Fonds Golvin (inv. GOL.2011.01.495). 
© Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Fig. 31. Jean-Claude Golvin, Delphes, 1996, aquarelle, encre bleue, encre noire, gouache, graphite, 51,6 x 116,8 cm, Musée départemental Arles antique – Fonds Golvin (inv. GOL.2011.01.495). © Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
 Jean-Claude Golvin, Pompéi, maison des Vettii, 2008, aquarelle, encre bleue, encre noire, graphite, rehaut pailleté, collage, 50 x 65 cm, Musée départemental Arles antiques - Fonds Golvin (inv. GOL.2011.01.724). © Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Fig. 32. Jean-Claude Golvin, Pompéi, maison des Vettii, 2008, aquarelle, encre bleue, encre noire, graphite, rehaut pailleté, collage, 50 x 65 cm, Musée départemental Arles antiques – Fonds Golvin (inv. GOL.2011.01.724). © Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Cet extrait, bien qu’il nous renseigne sur la manière de travailler et de concevoir une image en fonction de critères pédagogiques, artistiques et esthétiques, nous informe aussi d’une possible finalité de l’œuvre peinte : celle d’« aboutir dans un musée ». Tel est le cas de l’ensemble de l’œuvre de Jean-Claude Golvin (composé de près d’un millier de réalisations), conservé depuis sa dation au Musée de l’Arles antique.

Restituer la couleur

Arrêt sur les démarches artistiques de Francesco Vezzoli, d’Ulrike et Vinzenz Brinckmann

Francesco Vezzoli fait partie des artistes actuels dont il est impossible d’analyser les œuvres dans la globalité, tant l’ensemble hétéroclite s’inscrit dans ce que nous pouvons appeler un « work in progress ». En effet, l’artiste débute en 2014 une série intitulée True Colors qui consiste à redonner couleur et éclat aux marbres antiques.

Il s’agit d’une démarche singulière, car nous rappelons que la (re-)mise en couleur d’œuvres de l’Antiquité, loin de s’apparenter originellement à une démarche artistique, relève en réalité d’une démarche scientifique. En ce sens, nous pouvons supposer que Francesco Vezzoli s’est inspiré des restitutions polychromes récentes proposées par Vinzenz Brinkmann et Ulrike Koch-Brinkmann132.

Mais alors que l’équipe de recherche allemande recourt majoritairement à des copies en plâtre ou à des marbres synthétiques pour effectuer la remise en couleur, Francesco Vezzoli a, quant à lui, poussé le processus plus loin encore. Avec l’aide des chercheurs Clemente Marconi et Andrew Wallace- Hadrill, il a proposé des restitutions de polychromie directement sur de véritables marbres antiques achetés lors de ventes aux enchères133. Ainsi en est-il d’un buste féminin ou bien d’une tête de satyre au repos, tous deux datés de la Rome impériale134. Leurs visages ont retrouvé les couleurs que les Anciens avaient su leur donner. De prime abord, ces restitutions paraissent tout à fait plausibles. Mais c’est la démarche qui suscite le débat. En appliquant les pigments et la caséine directement sur des marbres antiques, son acte s’apparente à un sacrilège, bien qu’il tente de le légitimer par son approche scientifique. Dans un entretien mené par Stéphane Ibars pour le catalogue de l’exposition Francesco Vezzoli. Le lacrime dei poeti présentée du 2 mars au 10 juin 2019 à la Collection Lambert (Avignon), l’artiste explique son choix d’appliquer de la couleur sur les sculptures antiques :

Alors oui, je les peins pour réinjecter de la vie. Tous ces gens qui pensent que le blanc est la couleur du classicisme sont ignorants. […] Il n’y a qu’à regarder la dernière fresque que l’on vient de découvrir à Pompéi ! Léda et le cygne135. Il se dégage une telle vie, une telle sensualité. C’est presque de la pornographie animalière par ailleurs. Et ces couleurs ! Et, après ça, les gens persistent à penser que le blanc est la couleur de la représentation classique ! Ils n’y comprennent rien. Ils devraient aller à Pompéi et se rendre compte que plus c’est classique, plus c’est coloré136.

En dépit de l’approche scientifique que l’artiste revendique, des archéologues considèrent comme du vandalisme ses productions, car il va sans dire qu’elles dépassent le cadre stricto sensu de la recherche, soulevant par là même des questions liées à la conservation du patrimoine culturel. En 2012, Francesco Vezzoli avait déjà expérimenté la peinture sur marbre antique pour une de ses œuvres issues de la série Antique Not Antique, en appliquant du vernis à ongles rouge aux orteils d’un fragment daté du Ier-IIe siècle apr. J.-C., et qu’il avait intitulée, non sans humour, Pedicure137. Cette œuvre est restée relativement confidentielle, puisque la production la plus marquante de la série est, sans nul doute, Self-portrait as a Crying Roman Togatus, présentée en couverture du coffret qui renferme la monographie de l’artiste écrite par Cristiana Perrella et publiée en 2016138. La sculpture consiste en la greffe du portrait de l’artiste en marbre sur un torse vêtu d’une toge, daté du IIe à IIIe siècle apr. J.-C.139. Pédicure s’est révélé, a posteriori, n’être qu’une première tentative de désacralisation de l’objet, au regard d’une nouvelle série débutée en 2018 – par ailleurs toujours en cours de réalisation – et intitulée Ante Litteram. Les restitutions scientifiques laissent place ici à des bustes féminins maquillés à outrance. Évidemment, dans l’Antiquité, les sculptures étaient peintes afin de leur donner un « ton de chair », comme le remarque Adeline Grand- Clément :

Dans le cas de la peinture, les couleurs confèrent de l’enargeia à l’œuvre peinte […]. Mais le plus dur, pour animer un portrait, est de reproduire la couleur du vivant, de trouver le “ton de chair” (andreikelon) idoine. Voilà pourquoi, toujours selon Platon, les artisans s’exercent à de savants et subtils mélanges de pigments lorsqu’il s’agit de rendre l’incarnat : « Les peintres (zôgraphoi), pour obtenir la ressemblance, posent tantôt de la pourpre (ostreon) seule, et tantôt une autre des couleurs (pharmaka) : parfois aussi ils en mêlent plusieurs (polla), comme quand ils préparent un ton de chair (andreikelon) ou tel autre du même genre, suivant, j’imagine, que chaque portrait semble demander une couleur particulière »140.

Tandis que nous pouvions parler de « restitution » pour la série True colors, – les œuvres pouvant se confondre avec celles de Ulrike et Vinzenz Brinkmann141 –, l’approche d’Ante Litteram est toute autre. Les marbres se font certes chair, mais alors que leur identification demeurait inconnue (« portrait de la Rome impériale » pour le premier, « buste d’une déesse en terre cuite » pour le second), Francesco Vezzoli leur en donne une : il s’agira désormais des portraits des actrices Joan Crawford et Marlene Dietrich142[142]. Un glissement s’opère alors puisque ce qui relevait à l’origine d’une restitution, n’est plus qu’un geste provocateur.

A contrario, Jeff Koons, réputé provocateur par la critique d’art, n’ira finalement pas aussi loin que Francesco Vezzoli dans l’intérêt qu’il porte pour les questions liées à la polychromie des antiques. En effet, dans l’exposition Jeff Koons: Apollo qui s’est tenue à la Fondation Deste sur l’île d’Hydra du 21 juin au 31 octobre 2022, l’artiste a notamment présenté une restitution peinte d‘un Apollon citharède conservé au British Museum143. Placé dans les anciens abattoirs dont les murs ont, pour l’occasion, été recouverts de répliques des fresques de la villa de Boscoreale, Apollo Kithara144 consiste en une restitution polychrome formellement semblable à celles produites par Ulrike Koch et Vinzenz Brinkmann, à un détail près : le serpent à l’esthétique hyperréaliste qui accompagne Apollon est animé, surprenant de fait le spectateur. Il est à noter qu’à l’invitation de Vinzenz Brinkmann, Jeff Koons a présenté, du 8 mars 2023 au 21 janvier 2024, son Apollon dans le cadre de l’exposition Machine Room of the Gods à Francfort (Liebieghaus Skulpturensammlung).

Construire un nouveau récit

La force de l’imaginaire

L’Antiquité et les formes antiques se sont installées dans notre monde contemporain aussi fermement qu’elles le firent en Italie à la Renaissance. L’art actuel est concerné, mais ce n’est pas le seul domaine : bande dessinée, jeu vidéo, haute-couture, et cinéma le sont tout autant. Ces supports visuels participent à façonner un imaginaire. Nous retrouvons justement le terme d’imaginaire dans de nombreux titres d’ouvrages ayant l’Antiquité pour thématique. Ainsi en est-il du Guide de l’Antiquité imaginaire. Roman, cinéma, bande dessinée de Claude Aziza145, de La Grèce d’à côté. Réel et imaginaire en miroir en Grèce antique de Pierre Brulé146, de Rome réinventée. L’Antiquité dans l’imaginaire occidental de Titien à Fellini de Jean-Noël Castorio147, d’Antiquités imaginaires. La référence antique dans l’art moderne, de la Renaissance à nos jours de Philippe Hoffmann et Paul-Louis Rinuy148, ou bien encore de Ren@issance mythologique. L’imaginaire et les mythes à l’ère digitale de Thomas Jamet149. Mais que veut-on au juste dire en employant ce terme ?

Selon le CNRTL, l’imaginaire « n’a d’existence que dans l’imagination ». Elle est également une « faculté que possède l’esprit de se représenter ou de former des images150 ». Cette définition qui méritait d’être éclaircie, l’a été par de nombreux philosophes et mythologues. Dans Les grandes conceptions de l’imaginaire, paru en 1990, Hélène Védrine atteste que l’imaginaire regroupe « tout un monde de croyances, d’idées, de mythes, d’idéologies, dans lequel baignent chaque individu et chaque civilisation151 ». Cette définition, qui mérite tout de même quelques approfondissements, est complétée par Jean- Jacques Wunenburger en 2003 dans un ouvrage intitulé L’imaginaire. Selon lui :

Nous conviendrons [donc] d’appeler imaginaire un ensemble dynamique de productions, mentales ou matérialisées dans des œuvres, à base d’images visuelles (tableau, dessin, photographie) et langagières (métaphore, symbole, récit), formant des ensembles cohérents et dynamiques, qui relèvent d’une fonction symbolique au sens d’emboîtement de sens propres et figurés qui modifient ou enrichissent le réel perçu ou conçu152.

Les images visuelles contribuent à enrichir, tout en modifiant, en ce qui nous concerne, un réel bien conçu dans le passé. Dans le cadre de notre étude, nous constatons que les images visuelles sont principalement la sculpture antique, en marbre et blanche, appréhendée d’ailleurs tel un modèle, un « archétype » au sens défini par Carl Gustav Jung153. La sculpture dégage une force telle, qu’elle soit renaissante ou néoclassique, elle renvoie irrémédiablement à l’art grec et romain. Les images langagières sont, quant à elles, celles véhiculées par les mythes homérique et ovidien dans la grande majorité.

Les mythes ne peuvent être dissociés de l’imaginaire, comme le rappelle Joël Thomas dans l’introduction à l’ouvrage intitulé Mythanalyse de la Rome antique : « Les mythes apparaissent en même temps que l’imaginaire, car ils sont liés à deux de ses capacités essentielles : l’invention et l’imagination154 ». L’auteur nous informe aussi que :

Le récit mythique est vivant, car il dit l’histoire du héros, et en même temps il la transmet, non comme un modèle, mais comme un germe à développer en soi. Le mythe va vers son lecteur, mais le lecteur devra aller vers le mythe pour que la charge mythique soit efficace155.

Nous comprenons, ou du moins nous devinons, le lien qui associe l’Antiquité à l’imaginaire. L’Antiquité gréco-romaine a vu naître des mythes qui, à leur tour, ont produit l’imaginaire, imaginaire que tout un chacun réinvestit.

Par ailleurs, il nous faut ici revenir non pas sur la « structure de l’imaginaire156 », mais sur son sens, ce qui fait ses fonctions. Dans l’introduction au chapitre 3 de l’ouvrage Pour une histoire de l’imaginaire, publié en 1998, Lucien Boia atteste que :

Dans un monde réel qui ne peut qu’être décevant, l’imaginaire joue un rôle compensatoire. Il agit partout et à tout moment, mais ce sont surtout les périodes de crise qui amplifient ses manifestations, appelées à compenser les désillusions, à faire écran contre les peurs et à inventer des solutions alternatives157.

Nous pouvons nous interroger sur cette citation lourde de sens en l’appliquant aux artistes de notre corpus. Leur recours à l’imaginaire antique viendrait compenser les désillusions d’un monde en perpétuel changement. Du côté des artistes, nous en sommes à nous demander si certaines désillusions ne seraient pas également liées aux courants artistiques encore dominants hérités des expérimentations minimales et conceptuelles. Les créateurs ne désireraient-ils pas ré-enchanter le monde ? Du côté du spectateur, il y a certainement un besoin de spectacle, de merveilleux.

Nous remarquons que ce ré-enchantement de l’art, produit notamment par des allusions faites à l’Antiquité, paraît s’inscrire dans une perspective collective. À l’occasion d’un entretien conduit en mai 2015, l’artiste français Laurent Perbos avait employé l’expression d’« imaginaire collectif » pour répondre à la question, somme toute très générale, qui était formulée de la manière suivante : « pourquoi avoir choisi d’aborder l’Antiquité dans votre travail ? ».

Florence Giust-Desprairies envisage l’imaginaire collectif comme un « processus », dans un article intitulé « L’imaginaire collectif ou la construction du monde dans les groupes institués », paru dans la Revue française de psychanalyse en 1999 : « En tant que processus, l’imaginaire collectif signe l’existence d’une vie psychique dans l’organisation, en prenant sa source dans la capacité humaine à faire surgir des représentations158 ». Mais elle nous informe aussi de l’existence d’une vie psychique au niveau collectif. Cette dernière se caractérise par un « ensemble conscient ou inconscient, considéré dans sa totalité ou partiellement, des phénomènes, des processus relevant de l’esprit, de l’intelligence et de l’affectivité159 ». Cet ensemble conscient ou inconscient qui voit ainsi resurgir les mythes de manière collective est abordé par Joël Thomas en 2017 dans un ouvrage qui reprend et prolonge la Mythanalyse de la Rome antique : Les mythes gréco-romains ou la force de l’imaginaire. Les récits de la construction de soi et du monde. Selon l’auteur, pour comprendre l’« impact160 » de l’imaginaire collectif, « ce sont d’abord l’anthropologie, puis les neurosciences, qui nous apportent les solutions161 ». Évidemment, il ne s’agit non pas ici d’analyser dans les détails les mythes au prisme des neurosciences162, mais d’ouvrir des pistes de réflexion afin de comprendre pourquoi les mythes, mais aussi par extension l’Antiquité grecque et romaine âgée de deux millénaires, servent encore aujourd’hui la création.

En associant l’imaginaire aux mythes, Joël Thomas explique leur « éternel retour163 ». Certes, ils subissent des transformations au fil du temps, mais l’archétype reste le même :

Depuis l’Iliade, ce sont toujours les mêmes histoires que se raconte l’humanité, et qui nous renvoient aux archétypes ; mais ce ne sont jamais les mêmes histoires, et l’archétype ne se réduit pas à une monotonie. Il est une matrice, en perpétuelle émergence. […] Les copies changent, mais gardent le lien avec l’origine. Dans ce jeu de la différence et de la répétition, l’artiste crée, comme un jeu de dés, différents lancers, qui composent le coup unique aux multiples formes et au retour éternel164.

Lucien Boia atteste que « le mythe est structure, non «matière» ; il peut utiliser des matériaux vrais ou fictifs, ou vrais et fictifs à la fois ; l’important c’est qu’il les dispose selon les règles de l’imaginaire165 ». En ce sens, Damien Hirst réalise, nous semble-t-il, la synthèse du propos de Lucia Boia, dans le cadre de l’exposition vénitienne Treasures from the Wreck of the Unbelievable.

Arrêt sur la démarche artistique de Damien Hirst

Du 9 avril au 3 décembre 2017 à Venise, tandis que la Biennale prenait place dans les Giardini et l’Arsenale, Damien Hirst investissait la Punta della Dogana et le Palazzo Grassi, à l’invitation du propriétaire des lieux, le collectionneur François Pinault166.

L’artiste britannique, connu notamment pour ses animaux emprisonnés dans du formaldéhyde167, présentait alors le trésor de l’épave l’Incroyable, découvertes au large des côtes d’Afrique en 2008. En prenant la forme langagière d’un synopsis de film, la commissaire de l’exposition Elena Geuna donnait les informations suivantes :

En 2008, au large de la côte est de l’Afrique, ce trésor légendaire, resté enfoui au fond de l’océan Indien pendant près de deux mille ans, fut découvert et extrait des profondeurs de la mer. Grâce à un travail de fouilles maritimes complexe et minutieux, des sculptures et de nombreux objets composés de matériaux très divers ont refait surface. La mer a rendu ces trésors perdus, mais elle les a marqués de son empreinte, tel le témoin silencieux d’un monde lointain. Ainsi les artefacts sont-ils sortis des eaux, habillés de nouvelles couleurs et de formes spectaculaires, marqués par des siècles de cohabitation avec les coraux, les algues, les éponges et les couches de dépôts marins168.

Tout un imaginaire mythologique, mêlé à des références historiques, a été convoqué par Damien Hirst pour réaliser cette exposition dont « les œuvres n’entrent dans aucune catégorie académique et esthétique conventionnelle169 », pour reprendre les termes employés par François Pinault dans le catalogue de l’exposition. Celui qui est surnommé depuis plusieurs années « l’enfant terrible de l’art britannique » concrétise un rêve : créer une nouvelle Antiquité, sa propre Antiquité, à partir de références existantes. Il a compris que raconter une histoire en adoptant la forme d’un récit aux allures de mythe pouvait être la clé du succès. Par la convocation des mythologies grecque, romaine, chinoise, hindoue et aztèque, Damien Hirst produit ce que nous pouvons appeler un syncrétisme mythologique.

Afin de faire adhérer le visiteur à son histoire, l’artiste a méticuleusement pensé l’articulation entre les œuvres produites, et les discours tenus dans le guide offert pour la visite, comme dans le catalogue d’exposition et le film documentaire produits pour l’occasion. L’idée de Damien Hirst repose avant tout sur la croyance, un terme indissociable de son projet. Il le rappelle d’ailleurs en ces termes :

Pour moi, cette expédition tout entière s’est basée sur la croyance. La croyance en notre passé, la croyance en Dieu, la croyance en les dieux. Ou la non-croyance. Et la croyance est une chose étrange, car il n’y a pas de vérité absolue. Les artistes n’ont pas la réponse, la science n’a pas la réponse, la religion n’a pas la réponse. Mais tant bien que mal, on se crée une sorte de vérité. Qu’on soit croyant ou non, je pense qu’on a besoin de croire en quelque chose170.

La croyance est souvent pensée en opposition à la raison et à la connaissance scientifique. Il sera ici intéressant de constater comment l’artiste détourne ces dernières pour former un récit plausible.

Damien Hirst s’est entouré d’historiens de l’art et d’archéologues pour réaliser un projet que Martin Béthonod, directeur du Palazzo Grassi et de la Punta della Dogana, qualifie de « global », et au sein duquel « l’appréhension de la réalité physique, matérielle, tangible, des pièces exposées, se fait par le détour de la narration, de la fiction, de la croyance dont le désir habite chaque homme171 ».

Ont ainsi été convoqués pour leur qualité de spécialistes Elena Geuna (commissaire de l’exposition), Henri Loyrette et Simon Schama (historiens de l’art) ainsi que Franck Goddio (archéologue en milieu subaquatique)172. Tous expliquent et surjouent, avec un vocabulaire méticuleusement choisi, l’histoire du collectionneur Cif Amotan II et les conditions de la découverte de l’épave nommée Apistos [Incroyable]173. Leurs textes respectifs contribuent indéniablement à ancrer comme authentique le propos de l’exposition vénitienne. D’emblée, Elena Geuna informe le lecteur que l’archéologie et l’Histoire se mêlent aux mythes de la tradition orale :

De siècle en siècle, l’histoire de ce naufrage tragique fut rehaussée de force détails. Aux faits réels vinrent s’ajouter de nouvelles anecdotes qui firent naître une myriade de récits parallèles se répandant comme une traînée de poudre, par la tradition orale. Ainsi devint-il difficile de distinguer les éléments authentiques du pur fantasme174.

Ces phrases sont primordiales, puisqu’elles permettent, en quelque sorte, de duper le lecteur : certes, il y a eu, et il y a encore aujourd’hui des mythes entourant l’épave, mais elles laissent entrevoir que les discours sont véridiques, car justifiés scientifiquement.

Afin de nous faire « croire », le récit fantaisiste prend des allures véridiques grâce à une combinaison habile qui repose sur des stratégies tant narratives que discursives. Dans un premier temps, nous découvrons que Cif Amotan II, ancien esclave affranchi originaire d’Antioche, était un riche collectionneur. Elena Geuna estime qu’il vécut de la moitié du Ier siècle au tout début du IIe siècle, tandis qu’Henri Loyrette juge le naufrage du navire, et donc la mort d’Amotan, à la fin du Ier siècle. Malgré cette divergence, ils s’accordent tous les deux pour dire qu’il était un véritable collectionneur. L’historien de l’art le rappelle en ces termes : « il rassembla non seulement des œuvres d’art, des pierres précieuses, des objets de curiosité, des échantillons d’histoire naturelle, mais aussi des épices lointaines, des oiseaux acclimatés, des fleurs exotiques, tout un bestiaire apprivoisé175 ». L’autre information que la lecture nous apporte est qu’Amotan ne limitait pas ses acquisitions à une aire géographique spécifique. Car comme l’indique la commissaire, il « se mit à collectionner des sculptures, des bijoux, des pièces de monnaie et des biens provenant des quatre coins du monde176 ». Ainsi, les très nombreux détails rapportés par les textes contribuent indéniablement à construire l’histoire d’un collectionneur qui n’est pourtant que le fruit de l’imagination de l’artiste.

Pour rendre le naufrage encore plus plausible aux yeux de tous, chacun des auteurs formule expressément des hypothèses. Henri Loyrette nous informe par exemple qu’« on ne sait s’il [Amotan] devait, de la côte égyptienne de la mer Rouge, gagner les rivages de l’Inde ou de la Corne de l’Afrique177 », tandis qu’Elena Geuna ne peut déterminer que le chavirage est constitutif « du poids de la cargaison, de l’état de la mer (des moussons sévissaient et sévissent encore dans cette région), ou de la volonté des dieux […]178 ». Aussi, nous apprenons un certain nombre d’éléments relatifs au navire de transport. Henri Loyrette, nous éclaire sur le fait que « c’était pourtant un beau navire179 », prenant pour preuve la maquette réalisée après les fouilles de 2010180. Si le lecteur se réfère à la liste des œuvres et plus particulièrement à cette maquette intitulée Scale model of the « Unbelievable » with suggested cargo locations (2015)181, il pourra même en découvrir davantage, puisqu’un texte accompagne le cartel :

Établie d’après les recherches menées par le Centre d’archéologie maritime de l’Université de Southampton, cette maquette (1/32) reproduit l’Apistos. Elle précise l’emplacement supposé des cent trésors, présentés pour la plupart dans cette exposition. Le récit le plus fiable de l’histoire du naufrage est livré par le marin Lucius Longinus, confirmé par le contenu d’un papyrus retrouvé dans les ruines du port de Myos Hormos sur la rive de la mer Rouge. Longinus nous apprend que la structure de l’Apistos a été construite à Alexandrie puis transportée le long du Nil avant d’être assemblée à Myos Hormos. Le navire mesurait plus de soixante mètres de long et pesait plus de 460 tonnes. Un obélisque de 26 mètres trônait sur le pont du bateau182.

Des références à des auteurs anciens sont également utilisées à titre de caution. Ainsi, Henri Loyrette, cite Cicéron (Seconde action contre Verrès, Livre IV, X, 23) et Pline l’Ancien (Histoire naturelle, Livre XXXVI, 3) :

Le texte souvent cité d’Athenaeus de Naucratis reproduisant le témoignage d’un contemporain, Lucius Longinus, le [Apistos] vante comme exceptionnel par sa taille, sa contenance, son confort, le soin et la science portés à sa construction ; aucun navire passant ou assemblé à Myos Hormos ne pouvait lui être comparé. Mais l’Apistos ne faisait que développer un modèle depuis longtemps connu : Cicéron rappelle qu’à Messine, Verrès « fit mettre en chantier et construire un très grand vaisseau qu’il voulait envoyer en Italie, tout chargé d’objets volés » ; Pline, stigmatisant les dépenses inconsidérées de l’aristocratie romaine, s’étonne des navires spécialement fabriqués pour « déplacer des marbres »183.

Une autre stratégie discursive consiste à mettre en avant les recherches dites de terrain. Simon Schama explique ses recherches et, in fine, son travail d’enquêteur. Il dit avoir étudié le journal d’une jeune femme, Lady Cynthia Fitzgerald Horatia qui, en 1910, s’était rendue en Cappadoce, dont les notes, datées du 16 octobre, relatent sa lecture d’un vieux document (s’apparentant à un papyrus ancien) qu’un moine, prénommé Minas, lui a confiée au monastère de Sainte Macrine. Telle la pierre de Rosette, il comportait trois langues : « Il était divisé dans sa longueur en trois colonnes, chacune écrite dans une langue différente. La colonne de gauche contenait des écritures syriaques, fines et claires : je ne pus distinguer l’écriture de la colonne centrale184 ». L’article de Simon Schama présente un certain nombre d’extraits des écrits de la jeune femme qui en apprennent bien davantage :

Sur la première ligne, je pus lire « Méduse » et distinguer le dessin d’une tête de Gorgone, à la bouche ouverte et aux cheveux entremêlés de serpents. « Des trésors » me dit Minas : « Tous les trésors de l’esclave et de son vaisseau, la fameuse histoire ». Et aussitôt dans la cellule, l’histoire d’Amotanias – que j’avais toujours considéré comme une fable absurde – et de son vaste navire chargé de mythes, de la magie et des monstres du monde entier, m’a été racontée dans tous ses détails fantastiques185.

L’historien fait également mention d’une liste d’« objets étranges » inventoriés lors de la lecture du manuscrit :

Il y avait quatre pages noircies, d’une longue liste d’objets étranges : Méduses, cristal, or, malachite et plus
Andromède, monstre Sphinx (divers, deux)
Hermaphrodite
Pied d’Apollon
Scorpion, incrusté de bijoux
Hydre et guerrière186

Nous noterons dès à présent que tous les objets prétendument recensés étaient présentés à l’exposition de Venise.

L’expert en archéologie sous-marine, Franck Goddio, explique à son tour au lecteur le processus de découverte de l’épave. Tout en utilisant le vocabulaire propre au domaine de l’archéologie187, l’auteur explique avec pédagogie les différentes étapes qui ont permis de localiser l’Apistos : « Une fois l’aire géographique définie, de puissants moyens de détection géophysique furent mis en œuvre188 ». Sans les citer, Franck Goddio fait référence aux instruments dits acoustiques (SONAR à balayage latéral et sondeur multifaisceaux189) puisqu’il précise que « les courbes des données captées se déroulaient sans fin sur les écrans des ordinateurs et tissaient des cartes qui, peu à peu, se formaient, donnant les informations tant attendues190 ». Mais l’archéologue n’hésite pas à signaler les limites de tels outils :

Les plongées de reconnaissance, faites sur les points prometteurs indiqués par les équipements, amenèrent, bien souvent leur lot de faux espoirs : épaves modernes et anomalies géologiques furent signalées indifféremment par les instruments, mais ces déceptions ne firent que rehausser l’exaltation de la découverte191.

Concernant les œuvres présentées, Elena Geuna ne tarit pas d’éloges lorsqu’elle les évoque :

Les sculptures de toute beauté, les matériaux précieux et la qualité technique de leur fabrication reflètent d’un côté la vie et le caractère obsessionnel d’un collectionneur, et de l’autre ses goûts esthétiques extravagants, sa passion pour un idéal de beauté rarement limpide et constant, mais toujours multiple, formé de nombreuses strates de l’histoire, une constellation de définitions hautement signifiantes192.

L’auteur évoque des matériaux précieux ainsi que la qualité technique de leur taille. Mais qu’en est-il réellement ? Si près de deux cents œuvres constituent la série, toutes ne présentent pas le « trésor » révélé d’Amotan. Sur les cent-dix-neuf sculptures exposées, soixante-dix le composent, identifiées comme telles par leur matériaux (or et pierres précieuses), ou leur aspect fragmentaire et/ou recouvert de concrétions marines pour les bronzes. Les coraux, les éponges de mer ou bien encore les algues coralligènes visent à rappeler que ces sculptures ont passé deux mille ans au fond des eaux. Une vingtaine de vitrines renfermant des objets de petite taille (collection de numismatique et d’armures notamment) sont aussi présentées. Afin d’accentuer la supercherie, chaque mobilier archéologique est méticuleusement exposé. D’ailleurs, les dispositifs de présentation rappellent fortement ceux utilisés par les musées d’archéologie. Des griffes193 mettent en lumière chaque pièce de monnaie issue de la collection de numismatique. Les armures sont alignées194.

Les sculptures (parfois hautes de plusieurs mètres) délicatement taillées sont produites dans des matériaux nobles tels que le bronze, l’or, l’argent et le marbre, auxquels viennent parfois s’ajouter des pierres précieuses (agate, malachite, opale, turquoise, jade, lapis-lazuli, émeraude, tourmaline, rubis, saphir et topaze). Nous pouvons en outre dénombrer quarante-sept dessins en majorité sur vélin, dont certains sont rehaussés à la feuille d’or. Franck Goddio n’hésite d’ailleurs pas à les qualifier de « superbes195 ». Si l’on en croit l’histoire, ils « furent découverts dans des bibliothèques et des collections européennes. Exécutés grâce à des témoignages visuels dont la mémoire s’était transmise de génération en génération, ils représentent certains des trésors embarqués sur ce navire au destin tragique196 ». Par ailleurs, treize photographies viennent témoigner des découvertes subaquatiques197. Enfin, participant de cette même volonté de duper, il y a une pièce essentielle dans ce dispositif, le film documentaire. Il lève le voile sur la remontée du trésor et dans lequel de (faux) experts témoignent des découvertes qu’ils ont effectuées. Citons notamment Andrew Lerner, directeur du projet de l’expédition et chercheur au département d’archéologie au Center for Maritime Studies d’Aberdeen, et Piotr Klimek, spécialiste en archéologie sous-marine.

Les sujets des sculptures font appel à de nombreuses mythologies qui se côtoient et se rejoignent. Le trésor se compose de figures grecques et romaines (telles que Andromède, Neptune et Cerbère), mais aussi égyptiennes (sphinx, pharaon et une reine d’Égypte). Nous retrouvons également des objets, comme le bouclier d’Achille198. Ce bouclier, dont la description qui avait été faite par Homère est le premier exemple d’ekphrasis, est rappelé par Damien Hirst dans le catalogue199. Jusque-là, tout est plausible. Les recherches ont montré que les échanges sont nombreux en Méditerranée au Ier et au IIe siècle de notre ère200. Ils ne concernent d’ailleurs pas que les vins et les épices, puisque nous savons que les riches Romains se sont révélés être de véritables collectionneurs d’art201. Ainsi l’artiste rappelle que les phénomènes de transfert culturel et d’hybridation remontent à l’Antiquité202.

Or ce trésor mis en lumière et dont l’artiste dévoile l’existence révèle aussi son secret à celui qui l’observe dans le détail, comme le montre Grecian Nude203, qui présente un corps féminin aux lignes stylisées, taillé dans un marbre rose. Certes, un spécialiste de sculpture hellénistique décèlera directement la supercherie puisque cette sculpture ne reprend en rien le canon polyclétéen. Le visiteur amateur devra faire le tour de la statue pour apercevoir une mention sculptée en bas-relief : « ©1999 Mattel Inc. CHINA ». Les cales remplies du navire ont rappelé les échanges commerciaux en Méditerranée. Cette inscription, anachronique au regard du titre donné, rappelle celles appliquées sur les poupées Barbie commercialisées par l’entreprise Mattel. Mais que penser de la présence dans l’Apistos du « vieux-dieu » précolombien Huehueteotl ou d’un calendrier aztèque ? Parfois, les mythologies s’entrecroisent : ce n’est plus Héraclès qui se bat contre l’Hydre de Lerne, mais la déesse hindoue de la préservation, de la transformation et de la destruction Kali, dans les trois versions d’Hydra and Kali204.

Par ailleurs, si Damien Hirst souhaitait grâce aux textes ancrer la découverte de l’Incroyable dans le réel (les textes de Pline et de Cicéron existent bel et bien, tout comme les systèmes de détection géophysique), il nous faut remarquer que les articles présentent aussi bon nombre d’inventions qui s’accompagnent de jeux de mots subtils. Certains ont pour fonction de semer volontairement la confusion. Elena Geuna atteste qu’Amotan a embarqué à bord de l’Apistos en direction d’Asit Mayor205. Il va sans dire qu’Asit Mayor n’existe évidemment pas. Toutefois, un même lecteur non averti pourra aisément associer Asit Mayor à Asie Mineure. Mais l’exemple sans doute le plus probant est l’utilisation du terme d’« inventeur » d’épave. L’inventeur d’une épave est celui qui la découvre, comme le rappelle l’étymologie latine (inventor : celui qui trouve). Mais, écrit en italique dans la phrase de Franck Goddio lorsqu’il est dit que « l’inventeur d’une épave a [donc] une responsabilité quant à la vie nouvelle de ce patrimoine, longtemps oublié, et maintenant ramené à la lumière206 », le terme revêt un autre sens, à savoir celui qui imagine.

Les auteurs ont fait preuve d’une grande imagination qui se déploie toutefois dans les limites fixées par l’artiste. Henri Loyrette fait référence à l’article d’un certain Daniel Beder, paru dans la revue Perspective en mai 2010 :

Dans la longue recension qu’il fit des découvertes sous-marines de 2010, Daniel Beder, après avoir hâtivement considéré l’ensevelissement de l’Apistos comme une allégorie de la fin du monde païen – mais il restait beaucoup de temps avec que cela n’advienne – fit du Protée de granite tout juste sauvé des eaux et encore couvert d’excroissances coralliennes, une œuvre emblématique du trésor repêché207.

Si la revue Perspective existe bel et bien208, l’auteur et la recension elle-même, en revanche, sont le fruit de l’imagination d’Henri Loyrette. Il en va de même avec un prétendu article du Temps : « «Inventorier le monde», consacré à «La Collection d’Amotan». L’auteur en fait le pendant visuel et contemporain de l’Histoire naturelle de Pline L’Ancien […]209 ». L’historien d’art invente aussi des expressions pour qualifier le collectionnisme d’Amotan : « Ainsi, Flaubert raille Maxime Du Camp – « Te voilà devenu un véritable Amotan» – lorsqu’il avouait une frénésie d’achats «à rendre jaloux tous les musées »210 ».

Enfin, nous remarquons que le récit repose avant tout sur les appellations du navire l’Incroyable, d’une part, et du nom donné à son propriétaire, d’autre part. Le véritable nom qui lui a été donné est Apistos. Nous pourrions nous demander pourquoi Damien Hirst a choisi de nommer son navire ainsi. La réponse tient dans l’étymologie même du terme grec, puisque ἄπιστος signifie certes « incroyable », mais aussi « pas digne de confiance ». Il fallait donc se méfier de cette prétendue découverte et de tout le discours l’accompagnant. Enfin, et cela est peut-être plus difficile à déceler, Cif Amotan II n’est pas un patronyme choisi au hasard, puisqu’il s’agit d’une anagramme. De la sorte, en modifiant l’ordre des lettres, la réalité se dévoile : « I am a fiction ».

Damien Hirst ne se contente pas de jouer avec la fiction, ses codes et ses limites. Il interroge également la question de l’original, de la copie et du simulacre. En ce sens, le groupe d’Hydra and Kali n’est pas le seul à présenter plusieurs « versions », puisque nous pouvons en dénombrer pas moins de trois par exemple pour Grecian Nude[211]211, Hermaphrodite212, et Skull of a Cyclops213. Dans la majorité des cas, un bronze de chaque série présente de la polychromie ainsi que des concrétions marines. Deux autres versions, non dégradées cette fois-ci, sont aussi exposées. Celles réalisées dans des matériaux de grande valeur (or, argent et pierres précieuses) constituent le trésor, alors que celles en marbre et bronze (polis), sont envisagées comme des copies. Le visiteur non averti a donc une vision troublée, dans la mesure où il n’arrive pas à démêler l’original de la copie, la sculpture prétendument antique de sa reproduction contemporaine. La seule mention faite de ces « re-créations », pourrait-on dire, tient en seulement deux phrases qui ne se trouvent non pas dans les 322 pages du catalogue, mais dans le guide gratuit :

De nombreuses sculptures, largement incrustées de coraux et autres espèces marines, sont exposées avant restauration, au point de rendre leurs formes méconnaissables. Des copies contemporaines des artefacts, réalisées pour l’exposition d’après les formes originales supposées des œuvres, sont également présentées214.

La sculpture qui présente le plus de répliques est la figure de la Gorgone Méduse puisque quatre versions ont été produites pour The Severed Head of Medusa. La première version215 figure un bronze vert-de-gris extrêmement corrodé et fragmenté. C’est la tête décapitée de Méduse à la chevelure de serpent qui nous est offerte à la vue, bouche entrouverte. Du corail surgit de sa tête. Toutefois, là où le visiteur ne verra qu’un bronze corrodé par son séjour dans l’océan, c’est en réalité une relecture d’Ovide que Damien Hirst propose. S’il rappelle dans un premier temps les pouvoirs apotropaïques de la Gorgone, sa décapitation par Persée et la conservation de ses pouvoirs de pétrification, il informe étonnamment qu’« Ovide explique que c’est le sang de Méduse qui en dégoulinant de son cou sur les brindilles et les algues, a fait naître le corail en durcissant216 ». Faisait fi du mythe – si l’on peut dire « originel » –qui veut qu’au moment de la décapitation de la Gorgone naissent le père de Géryon, Chrysaor, et le cheval ailé Pégase, Damien Hirst en invente un nouveau.

La Méduse en or et argent217 montre, elle aussi, un processus de corrosion au niveau de la joue droite et de la chevelure. En revanche, les versions en cristal218 et en malachite219 ne présentent aucune altération. Elles semblent avoir été façonnées récemment. L’artiste joue indéniablement sur les questions liées à l’original (antique) tout juste sorti des eaux, et à la réplique (contemporaine). L’artiste atteste, par exemple, que Demon with Bowl est « une copie d’un plus petit bronze retrouvé dans l’épave220 », ce qui lui permet de légitimer l’usage du matériau qu’est la résine. Mais il prolonge encore la confusion. En effet, le crâne du Cyclope qui présente des concrétions marines serait un faux. « Cet objet fait partie des pièces acquises par le collectionneur que les contemporains auraient estimées comme étant fausses ou contrefaites221 », écrit-il. Grâce à un va-et-vient incessant entre passé et présent, Damien Hirst interroge les notions d’authenticité, d’original, de copie, voire même de contrefaçon. Les deux sens donnés au terme même d’« original » doivent être rappelés ici. D’une part, l’original est ce qui constitue la première version, la première parution. Comme le rappelle la définition proposée par le CNRTL, est original ce « qui émane directement de son auteur, de sa source, et qui a été ou qui est susceptible d’être reproduit222 ». D’autre part, est également original ce qui est singulier et excentrique. Cet adjectif caractérise bel et bien cette exposition, même s’il convient de remarquer que le trésor peut faire écho aux productions en milieu aquatique d’un autre artiste britannique, Jason DeCaires Taylor223. Mais là où Jason DeCaires Taylor ne fait qu’explorer les questions environnementales liées à l’action de l’Homme sur la Terre224, Damien Hirst, quant à lui, raconte l’histoire d’un navire qui aurait sombré avec ses cales remplies de cargaison, mais il interroge aussi l’industrie culturelle car, pour légitimer sa supercherie, il va jusqu’à instrumentaliser la science et ses chercheurs, comme l’a aussi fait Francesco Vezzoli avec ses sculptures polychromes.

Faire référence à l’Antiquité dans les arts visuels permet aux artistes et créateurs de nous (regardeurs) faire voyager. Le recours perpétuel aux mythes et aux sujets liés à l’Antiquité classique s’expliquent par la fascination envers ce passé souvent fantasmé.

L’étude consacrée à la réception de la matière antique par les artistes contemporains a permis de mettre en lumière les œuvres antiques les plus reprises (Vénus de Milo en tête), mais aussi d’observer en détail les modifications qu’ils y ont apportées. Aussi, le recensement des intentions principales des artistes s’est révélé nécessaire afin de mieux appréhender des créations artistiques hétérogènes. Si la quête de sens nous paraissait essentielle – a fortiori lorsqu’il s’agit d’art contemporain –, une autre l’est également et concerne la qualification de tous ces testimonia. En effet, l’expression d’art néo-néo ne fait que les englober en associant des œuvres qui ont en commun de faire référence à l’Antiquité grecque et romaine. Or, comme nous avons pu le démontrer, les visées de ces « objets palimpsestes225 » sont multiples. Dès lors, il nous semble nécessaire de tenter d’identifier et de définir le plus clairement possible ces œuvres qui « reprennent » et en « citent » d’autres. Il est certes possible d’user de l’expression de « pratiques hyperartistiques », mais il nous faut reconnaître qu’elle ne permet pas de saisir les différences, les écarts entre une œuvre dont l’intention se voudrait sérieuse (traiter de la crise migratoire, par exemple) et une autre davantage humoristique (habiller des antiques).

En ce sens, il s’agit désormais de nous intéresser à un autre récepteur : non plus celui qui produit les œuvres, mais celui qui les reçoit, le spectateur. En les observant, il devient un « spect-acteur » qui les juge et parfois même les qualifie. La deuxième partie se veut donc davantage réflexive que la première puisqu’elle vise à caractériser le plus finement possible les œuvres de notre corpus. Pour ce faire, nous envisagerons le spectateur en tant que récepteur des œuvres produites. Nous nous intéresserons, dans le chapitre IV, aux registres qui peuvent être perçus par le récepteur (Les registres) avant, dans le chapitre V, d’identifier la nature des œuvres (Définir les natures de la reprise). Enfin, dans le chapitre VI, nous proposerons de revenir sur deux adjectifs qualificatifs couramment utilisés par les visiteurs et la critique d’art lorsqu’il s’agit d’évoquer ces créations qui seraient à la fois kitsch et belles (Des beautés kitsch ?).

Notes

  1. Tonio Hölscher, La Vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien, Paris, Hazan, 2015, p. 25.
  2. Jim Dine, « In the Glyptothek », dans Jim Dine, Ruth E. Fine, Stephen Fleischam, Jim Dine. Drawing from the Glyptothek, New York, Hudson Hill Press, 1993, p. 32 : « I went to Munich in 1984 to look at the great pictures in the Alte Pinakothek. I had no idea the Glytptothek existed. I just went by and thought I would go in. I was amazed by the building’s interior. […] In the big hall of Roman portrait heads there must be over one hundred heads. You feel like you’re in a crowd of people, but there is nothing heroic about it. […] I realized that there were these little stools stacked against the walls and people could pick them up and just go and sit in front of something and draw. All types of people were drawing – art students, archaeologists, and amateurs. Everyone goes there. The archaeologists and classical scholars come to study the sculpture. The artists come to draw. I started by making little odd drawings during hours when everybody was there. Once I went with one of my sons, who is a furniture designer. He had I sat there and drew in our sketchbooks ».
  3. Jim Dine, « In the Glyptothek », ibid., p. 35 : « There are two different ways of thinking about the work. It could be viewed as life-affirming because it deals with the human body and the mystery of art and it’s about a celebration of human spirit ; others might perceive the work as being about the decay of civilizations, our own mortality. Mainly, they are beautiful objects to be drawed from and made alive ».
  4. Jim Dine, Glyptothek drawing 32 (série : Glyptothek drawing), 1988, fusain, pastel, 32,2 x 33 cm, The Morgan Library and Museum, New York. Voir [en ligne] https://www.themorgan.org/collection/jim-dine-glyptotek-drawings/32.
  5. Tête d’Aphrodite, 300-290 av. J.-C., marbre, H : 29 cm, Glyptothèque, Munich (inv. 275a).
  6. Les propos de l’artiste ont été recueillis par courriel en anglais en janvier 2016 et traduits par nos soins.
  7. Id.
  8. Pour Coming of Age in Ancient Greece (The Getty Center, 2004), il a recréé d’anciens instruments d’écriture ainsi que des tablettes de cire. Dans le cadre de Stories in Stone (The Getty Villa, 2008), il a réalisé la maquette d’un site archéologique avec ses mosaïques. Enfin, pour The Color of Life. Polychromy in Sculpture from Antiquity to the Present (The Getty Villa, 2008), il a restitué un buste en terre cuite polychrome.
  9. Op. cit.
  10. Sacha Sosno, Vénus, 1995, marbre, 65 x 19 x 16,5 cm, Collection particulière.
  11. Sacha Sosno, Les obstacles prédominent encore, 1980, bronze, 32 x 14,5 x 15,5 cm, lieu de conservation non renseigné.
  12. Françoise Armengaud, L’Art de l’oblitération – Essais et entretiens sur l’œuvre de Sacha Sosno, Paris, Kimé, 2000.
  13. Françoise Armengaud, « Les oblitérations de Sacha Sosno : citation et pluri-auctoralité de l’œuvre », dans Marc Jimenez, L’œuvre d’art aujourd’hui, Paris, Klincksieck, 2003, p. 27-36.
  14. Emmanuel Levinas, De l’oblitération. Entretien avec Françoise Armengaud à propos de l’œuvre de Sosno, Paris, Éditions de la Différence, 1998.
  15. Françoise Armengaud, « Comment écrire une biographie d’artiste : Sacha Sosno et l’art d’oblitération », Marges, 07/2008 [en ligne] https://journals.openedition.org/marges/605?lang=fr#ftn1.
  16. Ibid., §10.
  17. Ibid., §11.
  18. Gaëtan Brulotte, « Sosno. L’insoutenable lourdeur de l’être », Espace Sculpture, vol. 6, n°2, 1990, p. 26.
  19. Sacha Sosno, Hommage à Arman et Vénus…, 1987, acier, 177 x 90 cm, Collines de Bellet, Nice. Voir [en ligne] https://sosno.com/toutes-les-oeuvres/hommage-a-arman-et-a-venus/.
  20. Arman, Artémis et Actéon, 1990, bronze, laiton, 112,5 x 52 x 62 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] http://www.arman-studio.com/RawFiles/001924.html.
  21. Arman, Eros au violoncelle (série : Transculptures), 1989, bronze, laiton, 106 x 50 x 65 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://www.arman-studio.com/RawFiles/001734.html.
  22. Arman, Interactive en éventail (Small Vénus de Milo) (série : Interactive), 1995, bronze, laiton, 51 x 18 x 15 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://arman-studio.com/catalogues/catalogue_interactif/arman_inter_eventail.html.
  23. Jan van der Marck, « Arman ou l’Antiquité réactualisée », dans D’après l’Antique, cat. exp., op. cit., p. 478.
  24. Jeff Koons, Barberini Faun (série : Gazing Ball), 2013, plâtre, verre, 77,8 x 121,9 x 139,4 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/gazing-ball-sculptures/gazing-ball-barberini-faun ; Faune Barberini, IIIe s. av. J.-C., marbre, H : 215 cm, Glyptothek, Munich (inv. 218). Voir [en ligne] https://www.antike-am-koenigsplatz.mwn.de/index.php/en/glyptothek-en/324-collection-gl?os_image_id-200.
  25. Jeff Koons, Gazing Ball (Belvedere Torso), 2013, plâtre, verre, 181,5 x 75,5 x 89,2 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/gazing-ball-sculptures/gazing-ball-belvedere-torso ; Apollonios, Torse du Belvédère, Ier s. av. J.-C., marbre, H : 159 cm, Museo Pio Clementino, Vatican (inv. 1192). Voir [en ligne] https://www.museivaticani.va/content/museivaticani/en/collezioni/musei/museo-pio-clementino/sala-delle-muse/torso-del-belvedere.html.
  26. Jeff Koons, Farnese Hercules (série : Gazing Ball), 2013, plâtre, verre, 326,4 x 170 x 123,5 cm, The Broad, Los Angeles (inv. F-KOONS-2013.025). Voir [en ligne] https://www.thebroad.org/art/jeff-koons/gazing-ball-farnese-hercules ; Glycôn d’Athènes, Héraclès Farnèse, d’après un original grec de Lysippe (IVe s. av. J.-C.), IIIe s. apr. J.-C., marbre, H : 317 cm, Musée archéologique National, Naples (inv. 6001). Voir [en ligne] https://mann-napoli.it/en/farnese-collection/#gallery-4.
  27. Jeff Koons, Crouching Venus (série : Gazing Ball), 2013, plâtre, verre, 111,6 x 51,6 x 69,9 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/gazing-ball-sculptures/gazing-ball-crouching-venus ; Vénus accroupie, copie romaine d’un original grec du IIIe s. av. J.-C., IIe s. apr. J.-C., marbre, H : 96 cm, Musée du Louvre, Paris (inv. Ma 2240). Voir [en ligne] https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010250473.
  28. Jeff Koons et Norman Rosenthal, Jeff Koons. Entretiens avec Norman Rosenthal, Paris, Flammarion, 2014, p. 73.
  29. Statuette d’Aphrodite avec un dauphin et un Éros, IIe siècle av. J.-C., marbre, Musée archéologique, Thasos.
  30. Brooke Holmes et Karen Marta (dir.), Liquid Antiquity, op. cit., p. 204. Notre traduction.
  31. Aphrodite, Pan et Éros, op. cit. ; Vénus (Aphrodite), Ier siècle av. J.-C., marbre, Smith College Museum of art, Northampton ; Raphaelle Peale, Venus Rising from the Sea-A deception, vers 1822, huile sur toile, 74 x 61,3 cm, Nelson-Atkins Museum of art, Kansas City. Voir [en ligne] https://art.nelson-atkins.org/objects/30797/venus-rising-from-the-seaa-deception.
  32. Gustave Courbet, L’Origine du monde, 1866, 46 x 55 cm, Musée d’Orsay, Paris (inv. RF 1995 10). Voir [en ligne] https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/lorigine-du-monde-69330.
  33. Jeff Koons, Antiquity II (série : Antiquity), 2011, huile sur toile, 259,1 x 350,5 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-2.
  34. Aphrodite, Ier ou IIe siècle apr. J.-C., marbre, H : 158,8 cm, The Metropolitan Museum of Art, New York (inv. 52.11.5). Voir [en ligne] https://www.metmuseum.org/art/collection/search/254697.
  35. Pierre Paul Rubens, L’Enlèvement des filles de Leucippe, 1618, huile sur toile, 224 x 210,5 cm, Alte Pinakothek, Munich (inv. 321). Voir [en ligne] https://www.sammlung.pinakothek.de/en/artwork/5RGQJo84z3.
  36. Jeff Koons, Daughters of Leucippus (série : Antiquity), 2012, huile sur toile, 259,1 x 244,7 cm, The Broad, Los Angeles (inv. F-KOONS-2013.001). Voir [en ligne] https://www.thebroad.org/art/jeff-koons/antiquity-daughters-leucippus.
  37. Jeff Koons, Uli (série : Antiquity), 2013, huile sur toile, 259,1 x 350,5 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-uli.
  38. Sculpture cérémonielle (Uli), fin XVIIIe-début XIXe siècle, bois, pigments ocre et rouge, charbon noir, calcaire, radicelles, résine, opercules de turbo, 155 x 55 x 50 cm, Musée du Quai Branly, Paris (inv. 70.1999.2.1). Voir [en ligne] https://collections.quaibranly.fr/#98587a1d-ba3b-4694-9642-15aad97f81de.
  39. Le Titien, Vénus et Adonis, 1554, huile sur toile, 186 x 207 cm, Musée National du Prado, Madrid (inv. P000422). Voir [en ligne] https://www.museodelprado.es/en/the-collection/art-work/venus-and-adonis/bc9c1e08-2dd7-44d5-b926-71cd3e5c3adb.
  40. Pablo Picasso, Le Baiser, 1969, huile sur toile, 97,2 x 130,2 cm, Collection particulière, Jeff Koons.
  41. Cette information est extraite d’un article de Joachim Pissaro, « Jeff Koons : L’Humanité avant tout », dans Almine Rech Gallery, 2012 [en ligne] http://www.alminerech.com/press-release/fr/2727-jeff-koons. L’auteur nous informe par ailleurs que Jeff Koons aurait fait l’acquisition de la ronde bosse.
  42. Jeff Koons, Antiquity IV (série : Antiquity), 2013, huile sur toile, 274,3 x 213,4 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-4.
  43. Jeff Koons, Farnese Bull (série : Antiquity), 2012, huile sur toile, 274,3 x 213,4 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-farnese-bull.
  44. Jeff Koons, Antiquity I (série : Antiquity), 2012, huile sur toile, 273,3 x 213,4 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity.
  45. Jeff Koons, Antiquity I (Dots) (série : Antiquity), 2012, huile sur toile, 273,3 x 213,4 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-1-dots.
  46. Jeff Koons, Antiquity II (série : Antiquity), 2011, huile sur toile, 259,1 x 350,5 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-2.
  47. Jeff Koons, Antiquity II (Dots) (série : Antiquity), 2012, huile sur toile, 259,1 x 350,5 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-2-dots.
  48. Jeff Koons, Antiquity IV (série : Antiquity), 2013, huile sur toile, 274,3 x 213,4 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-4.
  49. Jeff Koons, Farnese Bull (série : Antiquity), 2012, huile sur toile, 274,3 x 213,4 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-farnese-bull.
  50. Jeff Koons, Forest (série : Antiquity), 2013, huile sur toile, 274,3 x 213,4 cm, Collection particulière. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/antiquity/antiquity-forest.
  51. Voir Marcel Bulard, « Aphrodite, Pan et Éros : groupe par marbre », Bulletin de Correspondance Hellénique (BCH), 1906, 30, p. 610-631.
  52. Jeff Koons et Brooke Holmes, op. cit., p. 204. Notre traduction.
  53. Id.
  54. Id.
  55. Vénus dite au bikini, Ier siècle apr. J.-C., marbre, H : 62 cm, Musée archéologique, Naples (inv. 152798). Voir [en ligne] https://mann-napoli.it/en/gabinetto-segreto-2/#gallery-10.
  56. Joseph Kosuth, One and Three Chairs, 1965, bois, tirages photographiques, 118 x 271 x 44 cm, Centre Pompidou, Paris (inv. AM 1976-987). Voir [en ligne] https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/c5jdxb.
  57. Jeff Koons et Brooke Holmes, op. cit., p. 204.
  58. Jeff Koons et Norman Rosenthal, op. cit., p. 177 et 186.
  59. Jeff Koons, Daughters of Leucippus (série : Antiquity), 2012, huile sur toile, 259,1 x 244,7 cm, The Broad, Los Angeles (inv. F-KOONS-2013.001). Voir [en ligne] https://www.thebroad.org/art/jeff-koons/antiquity-daughters-leucippus.
  60. Jeff Koons et Brooke Holmes, « Jeff Koons », op. cit., p. 204.
  61. La référence à Platon suscite quelque interrogation. Que souhaite-t-il dire exactement ? Nous ne pouvons qu’émettre l’hypothèse selon laquelle l’utilisation des différentes sculptures ne doit pas être abordée de manière individuelle, mais collective et générale. Le dialogue opéré entre les boules bleues et les antiques permettraient de s’élever, de se connaître, passant du monde sensible au monde intelligible. Mais peut-être s’agit-il aussi tout simplement de faire référence à la philosophie pour légitimer une production artistique. Voir, à ce propos, le pamphlet de Jean-Louis Harrouel, La Grande Falsification. L’art contemporain, Paris, Jean-Cyrille Godefroy, 2009.
  62. Jeff Koons et Brooke Holmes, op. cit., p. 210.
  63. « Questions posées à Léo Caillard » dans Age of Classics ! L’Antiquité dans la culture pop, cat. exp., op. cit., p. 209.
  64. L’ensemble du propos de l’artiste, recueilli par courriel en août 2019, est le suivant : « Le Discobole entouré de néons est le premier d’une série de statues entourées de néons ouvrant un dialogue entre deux états, la pierre ou le réel, et la lumière ou le virtuel. À une époque du digital et de Data, qu’en est-il du réel et de la durabilité ? Nous vivons dans un monde éphémère, quasi quantique. Découpée, la sculpture en ligne de lumière est une manière d’imager cette question du numérique et de la virtualité de l’objet. La pierre traverse le temps tandis que la lumière, éphémère, éclaire son époque puis disparaît. On peut aussi y voir une seconde lecture sur le corps et le transhumanisme à l’époque de la technologie sans limites. De par le fait d’avoir dépassé les limites de la génétique et de la robotique, ce discobole “virtuel” est comme une nouvelle représentation de l’idéal du corps «augmenté» comme il était à son époque dans la représentation du mouvement parfait. Les lignes de lumière dialoguent avec les lignes du marbre pour une question ouverte autour de l’identité humaine de demain. Entre corps réel et addition technologique. Persiste la question du genre humain dans le temps : immuable et organique ou mouvant et potentiellement multiple à l’avenir ? »
  65. Nous renvoyons, par exemple, à l’ouvrage de Daniel Vander Gucht, L’Expérience politique de l’art. Retour sur la définition politique de l’art engagé, Bruxelles, Les impressions nouvelles, 2014.
  66. « Impossible facts: Max Kozloff interviews Eleanor Antin », dans Eleanor Antin: Historical takes, cat. exp., San Diego, Museum of Art, 19 juillet-2 novembre 2008, Prestel, 2008, p. 76. Notre traduction.
  67. Thomas Cole, Destruction (série : The Course of Empire), 1836, huile sur toile, 99,6 x 160 cm, Collection of the New York Historical Society (inv. 1858.4). Voir [en ligne] https://digitalcollections.nyhistory.org/islandora/object/nyhs%3A1607 ; Thomas Couture, Les Romains de la Décadence, 1847, huile sur toile, 472 x 772 cm, Musée d’Orsay, Paris (inv. 3451). Voir [en ligne] https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/romains-de-la-decadence-9493 ; Lawrence Alma-Tadema, Les Roses d’Héliogabale, 1888, huile sur toile, 131,8 x 213,4 cm, Collection particulière, Mexique. Voir [en ligne] https://www.alma-tadema.org/The-Roses-Of-Heliogabalus-1888.html.
  68. Eleanor Antin, The Tourists (série : Helen’s Odyssey), 2007, épreuve chromogène, 152,4 x 193 cm, lieu de conservation non renseigné.
  69. Comme nous l’avons dit précédemment, Eleanor Antin mélange les histoires. The Tourists peut ainsi renvoyer à un des massacres mythiques les plus connus, à savoir celui des prétendants de Pénélope par son époux Ulysse, juste après son retour à Ithaque, avec l’assistance de leur fils Télémaque.
  70. David LaChapelle, Deluge, 2006, épreuve chromogène, 181 x 701 cm, lieu de conservation non renseigné. Voir [en ligne] https://www.davidlachapelle.com/deluge.
  71. Michel-Ange, Le Déluge, 1508-1509, fresque, 280 x 570 cm, Chapelle Sixtine, Vatican. Voir [en ligne] https://www.museivaticani.va/content/museivaticani/fr/collezioni/musei/cappella-sistina/tour-virtuale.html.
  72. Voir « Grande successo all’inaugurazione di Odyssey », Amnesty International Italia, 27/04/2017 [en ligne] https://www.amnesty.it/grande-successo-allinaugurazione-odissey/.
  73. Voir, par exemple, Edward Saïd, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980 ou Achille Mbembe, Olivier Mongin, Nathalie Lempereur, Jean-Louis Shlegel, « Qu’est-ce que la pensée postcoloniale ? », Esprit, 2006/12, p. 117-133.
  74. Les propos de l’artiste en anglais ont été recueillis lors d’un échange de courriels en avril 2020. Notre traduction.
  75. L’orthographe varie puisque nous pouvons trouver Iskandar Zulkarnain, al-Iskandar ou bien encore Dhû-l-Qarnayn. Voir François de Polignac, « L’Homme aux deux cornes. Une image d’Alexandre du symbolisme grec à l’apocalyptique musulmane », Mélanges de l’école française de Rome, 1984, 96-1, p. 29-51. En particulier : « […] l’exégèse islamique a très vite rapproché ce “Bi-cornu” qui avait parcouru et soumis la terre entière d’un autre personnage que la tradition, tant dans les ouvrages savants que dans les récits populaires, gratifiait d’exploits identiques : al-Iskandar, Alexandre le Grand. La question de leur identification fut évidemment posée et reçut des réponses variées ; mais quelles qu’aient été les positions adoptées et les arguments utilisés, quiconque traitait de l’un était immanquablement amené à parler de l’autre », p. 30.
  76. Abdul Abdullah, Son of the Devine (série : Rationally benevolent gods), 2017, huile sur toile, 100 x 75 cm, lieu de conservation non renseigné. Voir [en ligne] https://abdulabdullah.com/artwork/4267858-Son%20of%20the%20divine.html.
  77. Abdul Abdullah, The armed soldier of democracy (série : Rationally benevolent gods), 2017, huile sur toile, 100 x 75 cm, lieu de conservation non renseigné. Voir [en ligne] https://abdulabdullah.com/artwork/4267859-The%20armed%20soldier%20of%20democracy.html.
  78. Abdul Abdullah, The Bringer of Light (série : Rationally benevolent gods), 2017, huile sur toile, 100 x 75 cm, lieu de conservation non renseigné. Voir [en ligne] https://abdulabdullah.com/artwork/4267857-The%20bringer%20of%20light.html.
  79. Alexandre Le Grand, vers 150-138 av. J.-C., bronze, dimensions non renseignées, collection particulière ; Auguste, Ier ou IIe siècle apr. J.-C., marbre, 43,3 x 20 cm, Museum of Fine Art, Boston (inv. 99.344). Voir [en ligne] https://collections.mfa.org/objects/151325 ; Antonio Canova, Napoléon Ier en empereur romain, vers 1805, plâtre, dimensions non renseignées, Gypsothèque Antonio Canova, Possagno ; Tête d’Apollon, IIe siècle apr. J.-C., bronze, H : 36 cm, Musée archéologique national, Sofia, Bulgarie.
  80. Johann Chapoutot, Le Nazisme et l’Antiquité, Paris, Presses Universitaires de France, 2008.
  81. Komar & Melamid, Discobolus, 1983, huile sur toile, 182,9 x 121,9 cm, lieu de conservation non renseigné.
  82. Le Sots Art combine le réalisme socialiste et le Pop Art.
  83. Arthur Danto, « Can it be the «most wanted painting» even if nobody wants it ? » dans Painting by numbers : Komar and Melamid’s scientific guide to art, New York, Farrar, Straus and Giroux, 1997, p. 134. Cité par Juliette Bertron, dans De la parodie dans l’art des années 1960 à nos jours, thèse de doctorat soutenue en 2014 à l’Université de Bourgogne, p. 269.
  84. Voir, par exemple, Valerie L. Hillings, « Komar and Melamid’s Dialogue with (Art) History », Art Journal, vol. 58, 1999, p. 48-61.
  85. Paul-Louis Rinuy, « Les impossibles «retours à l’Antiquité» dans l’art contemporain », dans Antiquités imaginaires. La référence antique dans l’art occidental de la Renaissance à nos jours, op. cit., p. 245 : « Cette collusion, au moins apparente, entre une esthétique néo-antique et les totalitaristes fascistes, a donné à ce courant artistique une connotation telle qu’elle suscita, après la Libération, un rejet majeur ».
  86. Pavel Greshnikov, Sans titre (Emperor Putin), 2015, simili bronze, dimensions non renseignées, Agalatovo, Russie.
  87. Pavel Greshnikov, Sans titre (Emperor Obama), 2015, simili bronze, dimensions et lieu de conservation non renseignés.
  88. Voir infra Chapitre VII : Un art néo-néo global ou l’Odyssée de la référence antique.
  89. Pensons, pour ne citer que quelques exemples, à la sculpture de Jean Warin, figurant Louis XIV en costume à l’antique (vers 1665, marbre, 208 x 104 x 62 cm, Château de Versailles, MV 2667. Voir [en ligne] ​​https://agorha.inha.fr/ark:/54721/64275b89-bf84-4dfb-9590-6c260f35b84f) ou au buste de Napoléon Ier en empereur romain, réalisé par Antonio Canova vers 1805 (plâtre, dimensions non renseignées, Gypsothèque Antonio Canova, Possagno).
  90. L’information a été largement reprise par l’ensemble de la presse nationale et internationale. Voir « Draft Executive Order Would Give Trump a New Target: Modern Design », The New York Times, 05/02/2020 [en ligne] https://www.nytimes.com/2020/02/05/arts/design/trump-modern-architecture.html ; « Trump wants to ‘Make Federal Buildings Beautiful Again’ with neoclassical order », The Guardian, 04/02/2020 [en ligne] https://www.theguardian.com/us-news/2020/feb/04/trump-federal-buildings-beautiful-classical-order ; « President Trump Wants to Make ‘Federal Buildings Beautiful Again’ With a New Executive Order That Echoes Fascist History », Artnet, 05/02/2020 [en ligne] https://news.artnet.com/art-world/trump-make-federal-buildings-beautiful-again-1770435.
  91. Voir infra Chapitre VII. Un art néo-néo global ou l’Odyssée de la référence antique.
  92. Francesco Vezzoli, Styling the Past, 2014, marbre, coton, dimensions non renseignées, Fondazione Prada, Milan.
  93. Francesco Vezzoli, Self-portrait as Apollo del Belvedere’s Lover, 2011, marbre, 76 x 51 x 50 cm ; 85 x 52 x 50 cm, Fondazione Prada, Milan. Voir [en ligne] https://artsandculture.google.com/asset/self-portrait-as-apollo-del-belvedere-s-lover-francesco-vezzoli/kQEQLUJleOF5Rw.
  94. Francesco Vezzoli, Self-portrait as Emperor Hadrian loving Antinous, 2012, marbre, 46 x 39 x 20 cm ; 45 x 45 x 19 cm, Collezione Enea Righi, Museion. Voir [en ligne] https://artsandculture.google.com/asset/self-portrait-as-emperor-hadrian-loving-antinous/sQGTIOfROsWChw.
  95. Si tel est le cas de Francesco Vezzoli, c’est aussi celui du duo russe Maslov & Kuznetsov.
  96. Philippe Jockey, La Grèce antique, coll. « Idées reçues », Paris, Éditions Le Cavalier Bleu, 2008, p. 87.
  97. Par ailleurs, la littérature traitant des pratiques homophiles est riche, et ne se limite pas aux poèmes de Sappho et Catulle. De nombreuses études scientifiques ont été faites sur le sujet, comme en témoignent l’ouvrage de Paul Veyne (Sexe et pouvoir à Rome, Paris, Tallandier, 2016) ou bien celui de Sandra Boehringer et Louis-Georges Tin (Homosexualité. Aimer en Grèce et à Rome, Coll. « Signet », Paris, Belles Lettres, 2010). Nous remarquerons d’ailleurs que les illustrations choisies en première de couverture de l’ouvrage Homosexualité. Aimer en Grèce et à Rome présentent des fragments des œuvres de Pierre et Gilles, comme le Mercure (Enzo Junior) (fig. 1).
  98. Pierre et Gilles, Ganymède (Frédéric L’Enfant) Panneau I, 2001, photographie, acrylique, 170,7 x 163,4 cm, Collection Pinault, France ; Ganymède (Frédéric L’Enfant) Panneau II, 2001, photographie, acrylique, 226,3 x 163 cm, Collection Pinault, France ; Ganymède (Frédéric L’Enfant) Panneau III, 2001, photographie, acrylique, 171,5 x 166,3 cm, Collection Pinault, France.
  99. Bertel Thorvaldsen, Ganymède et l’aigle Jupiter, marbre, 93,3 x 118,3 cm, Musée Thorvaldsen, Copenhague (inv. A44). Voir [en ligne] https://kataloget.thorvaldsensmuseum.dk/en/A44.
  100. « Pierre et Gilles. Interview par les commissaire de l’exposition », dans Masculin/Masculin, l’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours, cat. exp., Paris, Musée d’Orsay, 24 septembre 2013-12 janvier 2014, Flammarion, 2013, p. 21.
  101. Meekyoung Shin, « The Concept of Translation », dans Meekyoung Shin. Translation, Séoul, Kykje Gallery, 2009, p. 10. Notre traduction.
  102. Meekyoung Shin, Weathering Project, 2009, savon, acier, dimensions variables, Museum of Modern and Contemporary Art, Corée du Sud.
  103. Meekyoung Shin, Toilet Project, 2009, savon, dimensions variables, lieu de conservation non renseigné.
  104. Le YSP Center (Yorkshire Sculpture Park) de Wakefield et l’Oriental Museum de Durham pour ne citer qu’eux, ont accueilli le travail de Meekyoung Shin respectivement du 1er août au 1er octobre 2013 et du 26 juillet au 31 octobre 2013. D’autres lieux ont aussi été investis par l’artiste, en particulier en Corée.
  105. Aphrodite n’a pas été la seule effigie convoquée par l’artiste puisque cette dernière a aussi réalisé des bustes de jeunes hommes, de jeunes femmes revêtant un bonnet phrygien, ou encore de Bouddha.
  106. Ce projet artistique, pour qu’il soit réalisable, suppose que les sculptures soient réalisées dans des dimensions réduites, en adéquation avec le lieu choisi.
  107. Certaines créations ont en effet été dérobées lors de leur « exposition ».
  108. L’exposition s’est tenue du 12 novembre 2013 au 18 janvier 2014. Un catalogue, édité pour l’occasion présente, en outre, l’ensemble de son travail : Unfixed : A solo exhibition by Meekyoung Shin, cat. exp., Londres, Korean Cultural Centre UK, 12 novembre 2013-18 janvier 2014, Londres, Anomie Publishing, 2013.
  109. Jade Keunhye Lim, « Conceptual Footnotes on the ‘Translation’ series by Meekyoung Shin », dans Unfixed : A solo exhibition by Meekyoung Shin, cat. exp., Londres, Korean Cultural Centre UK, 12 novembre 2013-18 janvier 2014, Londres, Anomie Publishing, 2013, p. 63.
  110. La recherche liée à la décontextualisation trouve d’ailleurs résonance dans les écrits de Tonio Hölscher (La vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien, op. cit., p. 20) : « Cette situation «muséale» de l’art à l’époque moderne est diamétralement opposée au rapport que l’Antiquité entretenait avec les images. Il n’existait dans l’Antiquité aucune institution comparable à ce que sont aujourd’hui les musées. Les images, comme tous les autres éléments culturels, faisaient partie intégrante de la vie sociale et faisaient l’objet de pratiques culturelles très élaborées ».
  111. Voir Prune Nourry. Catharsis, cat. exp., Paris, Galerie Templon, 7 septembre-19 octobre 2019, Éditions Templon, 2019.
  112. Voir Alain Testart, « Les Amazones, entre mythe et réalité », L’Homme. Revue française d’anthropologie, 163/2002, p. 185-194.
  113. Prune Nourry. Catharsis, cat. exp., op. cit., p. 32.
  114. Prune Nourry, Amazone Erogène, 2019, bois, dimensions variables, lieu de conservation non renseigné. Voir [en ligne] https://www.prunenourry.com/fr/projects/lamazone-erogene.
  115. Prune Nourry. Catharsis, cat. exp., op. cit., p. 42.
  116. Voir, Ittai Weinryb, « La catharsis : corps, objet, purification », dans Prune Nourry. Catharsis, cat. exp., op. cit., p. 5-7.
  117. Amazone de type Sciarra, Ier-IIe siècle apr. J.-C., copie romaine d’un original grec de Polyclète, H : 203,8 cm, Metropolitan Museum, New York (inv. 32.11.4). Voir [en ligne] https://www.metmuseum.org/fr/art/collection/search/253373.
  118. Francis Prost, « L’odeur des dieux en Grèce ancienne. Encens, parfums et statues de culte », dans Lydie Bodiou, Dominique Frère, Véronique Mehl (dir.), Parfums et odeurs dans l’Antiquité, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 99.
  119. « Illustration » dans CNRTL [en ligne] https://www.cnrtl.fr/definition/illustration.
  120. Les dessins de l’artiste seront d’ailleurs exposés la même année à la Galerie Thaddaeus Ropac à Paris.
  121. Mimmo Paladino, Hector et Teucos (Iliade), 2001, aquarelle, dimensions et lieu de conservation non renseignés.
  122. Mimmo Paladino, La Grâce d’Athéna (Iliade), 2001, aquarelle, dimensions et lieu de conservation non renseignés.
  123. Mimmo Paladino, Les héros achéens, 2001, encre de Chine, crayon, dimensions et lieu de conservation non renseignés.
  124. Mimmo Paladino, Le cheval, 2001, pastel, dimensions et lieu de conservation non renseignés.
  125. Soko Phay-Vakalis, « Les ombres et les survivances chez Mimmo Paladino à travers Homère », Marges,01/2003 [en ligne] http://journals.openedition.org/marges/827.
  126. Dieter Koepplin, « Les dessins de Mimmo Paladino pour l’Iliade et l’Odyssée », dans L’Iliade, Paris, Diane de Selliers, 2001, p. 12.
  127. Ibid., p. 11.
  128. Voir Joseph Albert Tournaire, Sanctuaire d’Apollon à Delphes (élévation restaurée), 1894, crayon, encres sur papier, dimensions non renseignées, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris. Voir [en ligne] https://catzarts.beauxartsparis.fr/fr/notice/env-84-03-sanctuaire-d-apollon-a-delphes-59a9711e-24d3-437e-80bc-7b0006c96137.
  129. Les productions de l’artiste sont à découvrir sur son site internet richement illustré. Voir [en ligne] https://jeanclaudegolvin.com/.
  130. Antiochus et Stratonice est le titre donné à une des œuvres de l’artiste Jean-Auguste-Dominique Ingres. La version à laquelle nous faisons référence est celle de 1840, aujourd’hui conservée au Musée Condé de Chantilly (huile sur toile, 59 x 100 cm, inv. PE432) ; voir [en ligne] https://www.musee-conde.fr/fr/notice/pe-432-la-maladie-d-antiochus-ou-antiochus-et-stratonice-ef0f3a81-46eb-4518-859e-49781b5b08a6. Les épures, quant à elles, se trouvent au Musée Ingres de Montauban.
  131. Jean-Claude Golvin, Aude Gros de Beler, L’Antiquité retrouvée, Paris, Errance, 2015, p. 5.
  132. Nous indiquons toutefois ici que les productions des deux chercheurs allemands sont, au fil du temps, sorties du cercle purement didactique : les restitutions de l’Apollon de Kassel tout comme des Bronzes A et B de Riace, ont même été présentées à la Fondation Prada de Milan en 2015 dans le cadre de l’exposition Serial Classic. The greek canon and its mutations. Dans un échange de courriels daté du 25 juillet 2015 et portant sur la qualification artistique des reconstitutions produites, Ulrike Koch-Brinkmann déclarait : « Je suis archéologue et non artiste. Dans notre équipe, nous essayons de visualiser les résultats de la recherche scientifique : un grand nombre de sculptures antiques grecques et romaines possèdent encore des restes de leurs couleurs d’origine. Mais votre question semble très intéressante, car, bien sûr, nous créons de nouveaux objets d’art aussi ».
  133. Voir Letizia Ragaglia, « Museo Museion. One museum, two exhibitions », dans Francesco Vezzoli. Museo Museion, cat. exp., Bolzano, Museo Museion, 30 janvier-6 novembre 2016, Mousse Publishing, 2016, p. 16 : « Take for example the works recently displayed at the Teatro Romano exhibition at the MOMA PSI. Here, with the help of the New York University archaeologist Clemente Marconi, Vezzoli repainted in their original colors, five marble bust from the first and second century AD that he had previously purchased in an auction ».
  134. Francesco Vezzoli, True Colors (a marble relief head of a Goddess, Roman Imperial, circa 1st Century A.D), 2014, marbre, pigment, caséine, vernis, 41,9 x 17,1 x 17,1 cm, Collection particulière ; True Colors (a marble Head of the Resting Satyr, circa Late 1st Century A.D), 2014, marbre pigment, caséine, cire, vernis, 40 x 18 x 20 cm, Collection particulière.
  135. L’artiste fait ici mention d’une fresque mise au jour par les archéologues en novembre 2018 dans une villa de la Via del Vesuvio à Pompéi.
  136. « Entretien avec Francesco Vezzoli », dans Francesco Vezzoli : Le Lacrime dei poeti. Sculptures de Francesco Vezzoli en dialogue avec des œuvres de Louise Lawler, Giulio Paolini et Cy Twombly, cat. exp., Avignon, Collection Lambert, 2 mars-10 juin 2019, Paris, Actes Sud, 2019, p. 72.
  137. Francesco Vezzoli, Antique Not Antique : Pedicure, 2012, marbre et vernis à ongle, 10 x 10 x 15,3 cm, Museion Foundation, Musée d’art moderne et contemporain, Bolzano. Voir [en ligne] https://artsandculture.google.com/asset/antique-not-antique-pedicure/FwF9jgXODoJSwg.
  138. Cristiana Perrella, Francesco Vezzoli, New York, Rizzoli, 2016.
  139. Francesco Vezzoli, Antique Not Antique : Self-portrait as a Crying Roman Togatus, 2012, marbre, 102 x 50 x 35,6 cm, lieu de conservation non renseigné.
  140. Adeline Grand-Clément, « L’épiderme des statues grecques : quand le marbre se fait chair », Images re-vues. Histoire, anthropologie et théorie de l’art, 13/2016, §21 [en ligne] https://journals.openedition.org/imagesrevues/3932.
  141. Citons, par exemple, le portrait de Caligula (2005, plâtre, acrylique, H : 28 cm, Stiftung Archäologie, Francfort). Voir [en ligne] http://www.stiftung-archaeologie.de/Caligula_1.html.
  142. Francesco Vezzoli, Joan Crawford (Ante Litteram), 2018, portrait en marbre de la Rome impériale (180-200 apr. J.-C.), tempera à l’œuf, socle en bois vitré, 165 x 40 x 40 cm, lieu de conservation non renseigné ; Marlene Dietrich (Ante Litteram), 2018, buste d’une déesse en terre cuite, Ve-IVe av. J.-C., bijoux, tempera à l’œuf, lavis de couleur, feuille d’or, 46 x 35 x 18,5 cm, lieu de conservation non renseigné.
  143. Apollon kitharoidos, 200-150 av. J.-C., marbre, H : 228 cm, British Museum, Londres (inv. 1861,0725.1). Voir [en ligne] https://www.britishmuseum.org/collection/object/G_1861-0725-1.
  144. Jeff Koons, Apollo Kithara, 2019-2022, PMMA polychrome et serpent animé, 233,6 x 110,7 x 77 cm, lieu de conservation non renseigné. Voir [en ligne] https://jeffkoons.com/artwork/apollo/apollo-kithara.
  145. Claude Aziza, Guide de l’Antiquité imaginaire. Roman, cinéma, bande dessinée, op. cit.
  146. Pierre Brulé, La Grèce d’à côté. Réel et imaginaire en miroir en Grèce antique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.
  147. Jean-Noël Castorio, Rome réinventée. L’Antiquité dans l’imaginaire occidental de Titien à Fellini, Paris, Vendémiaire, 2019.
  148. Philippe Hoffmann, Paul-Louis Rinuy (dir.), op. cit.
  149. Thomas Jamet, Ren@issance mythologique. L’imaginaire et les mythes à l’ère digitale, Paris, François Bourin Éditeur, 2011.
  150. « Imaginaire » et « Imagination » dans CNRTL [en ligne] https://www.cnrtl.fr/definition/imagination.
  151. Hélène Védrine, Les Grandes Conceptions de l’imaginaire, Paris, Le Livre de Poche, « Biblio Essais », 1990, p. 10.
  152. Jean-Jacques Wunenburger, L’imaginaire, 2016, Paris, Presses universitaires de France, « Que sais-je ? », 2016, p. 35.
  153. L’archétype a été théorisé par le psychiatre Carl Gustav Jung. Selon les termes employés par Henry Duméry, « pour Jung, tous les inconscients individuels s’enracinent dans un inconscient collectif qui leur est commun ; cet inconscient enferme des types originels de représentations symboliques, qui sont des modèles de comportement » (Henry Duméry, « Archétype », Encyclopédie Universalis, §1 [en ligne] http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/archetype/.
  154. Joël Thomas, Mythanalyse de la Rome antique, Paris, Les Belles Lettres, 2015, p. 17. L’auteur prolonge et éclaircit, nous semble-t-il, les premières recherches sur l’imaginaire qui datent des années 1960, et qui ont été menées par le mythologue Gilbert Durand.
  155. Ibid., p. 19.
  156. Nous renvoyons ici à l’ouvrage qui a fait date de Gilbert Durand, Structures anthropologiques de l’imaginaire, 12e édition, Paris, Dunod, 2016.
  157. Lucien Boia, Pour une histoire de l’imaginaire, Paris, Les Belles Lettres, 1998, p. 27.
  158. Florence Giust-Desprairies, « L’imaginaire collectif ou la construction du monde dans les groupes institués », Revue française de psychanalyse, 1999, tome LXIII, p. 867.
  159. « Psychisme », dans CNRTL [en ligne] https://www.cnrtl.fr/definition/psychisme.
  160. Joël Thomas, Les Mythes gréco-romains ou la force de l’imaginaire. Les récits de la construction de soi et du monde, Louvain-La-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2017, p. 13.
  161. Ibid., p. 13.
  162. Voir Éric Letonturier, « Réseau, communication et complexité », Hermès, La Revue, C.N.R.S Éditions, 2011/2, n°60, p. 107 : « La neuro-imagerie cérébrale a permis de constater que voir et imaginer activent les mêmes zones du cerveau. Ce sont les mêmes zones associatives du cortex cérébral qui traitent les aspects sémantiques de l’image, mais aussi l’image rétinienne ».
  163. L’expression « éternel retour » renvoie à un ouvrage bien spécifique, celui de Mirca Eliade, Le mythe de l’éternel retour, Paris, Folio Essais, 1989.
  164. Joël Thomas, Les Mythes gréco-romains ou la force de l’imaginaire. Les récits de la construction de soi et du monde, op. cit., p. 165.
  165. Lucien Boia, op. cit., p. 41.
  166. De cette recherche doctorale alors en cours avait été publié un article paru en 2020 dans la revue Anabases. Traditions et réceptions de l’Antiquité. Voir Tiphaine Annabelle Besnard, « L’ «Incroyable» trésor de Damien Hirst présenté à Venise en 2017», Anabases. Traditions et Réceptions de l’Antiquité, n° 31, 2020, p. 159-174.
  167. Nous penserons ici à une des productions de l’artiste les plus connues, à savoir The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living, 1991, 217 x 542 x 180 cm, verre, silicone, requin dans du formaldéhyde (formol), collection particulière.
  168. Elena Geuna, « Le pêcheur de corail », dans Treasures from the Wreck of the Unbelievable. Damien Hirst, cat. exp., Palazzo Grassi & Punta della Dogana, 9 avril-3 décembre 2017, p. 10.
  169. François Pinault, « Avant-propos », ibid., p. 5.
  170. Les propos de l’artiste sont extraits du film documentaire Treasures from the Wreck of the Unbelievable, produit en 2017 et réalisé par Sam Hobkinson (durée 1h22). Notons dès à présent que des extraits ont été présentés à Venise.
  171. Martin Béthonod, « L’Exubérance est Beauté », dans Treasures from the Wreck of the Unbelievable. Damien Hirst, op. cit., p. 7.
  172. Henri Loyrette (1952-), ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome-Villa Médicis, devient conservateur général du Patrimoine en 1975. Il est successivement conservateur du Musée d’Orsay (1994) puis Président Directeur de l’établissement public du Musée du Louvre (2001). Il est élu en 1997 membre de l’Académie des Beaux-Arts. Simon Schama (1945-) est un historien et historien de l’art britannique, professeur à l’Université de Columbia. Quant à Franck Goddio (1947-), il est archéologue sous-marin. Il est l’inventeur de nombreuses épaves, notamment dans les eaux des Philippines du galion espagnol le San Diego. C’est aussi grâce à ses recherches que la ville de Thönis-Héracleion a été découverte, en baie d’Aboukir (Égypte) en 2000. Il fonde, en 1987, l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASAM).
  173. Ils sont respectivement les auteurs des articles « Le pêcheur de corail », « Sur le nom de », « Inventaire » et « Inventer une épave ».
  174. Elena Geuna, op. cit., p. 10.
  175. Henri Loyrette, « Sur le nom de », op. cit., p. 14.
  176. Elena Geuna, op. cit., p. 10.
  177. Henri Loyrette, op. cit., p. 13.
  178. Elena Geuna, op. cit., p. 10.
  179. Henri Loyrette, op. cit., p. 13.
  180. Id. : « C’était pourtant un beau navire, comme nous le montre le modèle fait après les fouilles sous-marines de 2010 qui révélèrent le site et l’épave en même temps que son extraordinaire cargaison ».
  181. Damien Hirst, Scale model of the « Unbelievable » with suggested cargo locations, 2015, verre, aluminium thermolaqué, MDF peint, silicone, éclairage LED, acier inoxydable, écran numérique, circuit étalonné, micromoteur, PC, rail de roulement, lumière laser, chaux, aluminium, lin, chanvre, plastique peint et résine, vitrine et écran, 270 x 350 x 106 cm.
  182. « Liste des œuvres : Scale model of the «Unbelievable» with suggested cargo locations », cat. exp., op. cit., p. 329.
  183. Henri Loyrette, op. cit., p. 13.
  184. Simon Schama, « Inventaire », ibid., p. 21.
  185. Id., p. 21-22.
  186. Ibid., p. 20.
  187. Nous penserons, par exemple, à ce type de formulation p. 26 : « Un navire reposant sur les fonds marins, constitue, presque toujours, une entité homogène temporelle sans aucun apport humain postérieur au naufrage ce qui permet d’étudier les objets dans leur contexte ».
  188. Franck Goddio, « Inventer une épave », Ibid., p. 25.
  189. Voir, à ce propos, Pierre Drap et Andrea Caiti, « Relevés optiques et acoustiques pour l’archéologie sous-marine », Méditerranée, 117|2011 [en ligne] https://journals.openedition.org/mediterranee/6032#tocto1n2.
  190. Franck Goddio, op. cit., p. 25.
  191. Id.
  192. Elena Geuna, op. cit., p. 11.
  193. Les griffes sont des tiges qui permettent de présenter les monnaies. Elles sont appelées ainsi puisque les pièces sont maintenues par des petites griffes repliées sur elles.
  194. Telles qu’exposées, elles ne sont pas sans rappeler celles conservées et présentées par le Musée d’Art Classique de Mougins jusqu’au 31 août 2023.
  195. Franck Goddio, op. cit., p. 25.
  196. Id.
  197. Toutes les photographies sont composées d’aluminium thermolaqué et de polyester imprimé, insérées dans un caisson lumineux en acrylique.
  198. Damien Hirst, The Shield of Achilles, 2010, or et argent, 114 x 112,5 x 7 cm, lieu de conservation non renseigné.
  199. « Liste des œuvres, The Shield of Achilles », cat. exp., op. cit., p. 326 : « La description du bouclier d’Achille dans l’Iliade d’Homère est le premier exemple connu d’ekphrasis (représentation verbale d’un objet artistique) dans la littérature occidentale ».
  200. Voir, à ce propos, l’article de Jacques Schwartz, « L’empire romain, l’Égypte et le commerce oriental », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 15e année, N. 1, 1960, p. 18-44 ou, paru plus récemment, l’étude réalisée par Pascal Arnaud, Les Routes de la navigation antique. Itinéraires en Méditerranée, Paris, Errance, 2005. Les routes maritimes y sont abordées tant dans la Méditerranée occidentale (p. 149-171) que dans la Méditerranée centrale (p. 172-206) et la Méditerranée orientale (p. 207-230).
  201. Voir, à ce propos, Maia Wellington Gahtan et Donatella Pegazzano (dir.), Museum Archetypes and Collecting in the Ancient World, Leyde, Brill, 2015.
  202. Voir infra Chapitre VII. Un art néo-néo global ou l’Odyssée de la référence antique.
  203. Damien Hirst, Grecian Nude, 2017, marbre, 187,2 x 63,8 x 44,7 cm, Collection Pinault.
  204. Damien Hirst, Hydra and Kali, 2017, argent, peinture, 93,5 x 122,2 x 57,5 cm, Collection Pinault ; Hydra and Kali, 2017, bronze, 539 x 612 x 244 cm, Collection Pinault ; Hydra and Kali, 2017, bronze, 526,5 x 611,1 x 341 cm, Collection Pinault.
  205. Elena Geuna, op. cit., p. 10 : « Les historiens affirment que ce trésor inouï fut chargé à bord de l’Apistos (Incroyable), un navire aux dimensions jusqu’alors inégalées qui embarqua vers Asit Mayor où Amotan avait fait édifier un temple dédié au Soleil ».
  206. Franck Goddio, op. cit., p. 26.
  207. Henri Loyrette, op. cit., p. 13.
  208. Perspective est le nom donné à une revue scientifique de l’Institut National de l’Histoire de l’Art (INHA), publiée deux fois par an (sous format papier et sous format électronique).
  209. Henri Loyrette, op. cit., p. 15.
  210. Ibid., p. 14.
  211. Damien Hirst, Grecian Nude, 2017, marbre, 187,2 x 63,8 x 44,7 cm, Collection Pinault.
  212. Damien Hirst, Hermaphrodite, 2017, bronze, 194 x 96,4 x 36,5 cm, Collection Pinault ; Hermaphrodite, 2017, granite, 135,9 x 31,5 x 45 cm, Collection Pinault ; Hermaphrodite, 2017, bronze, 136,3 x 48 x 30 cm, Collection Pinault.
  213. Damien Hirst, Skull of a Cyclops, 2017, bronze, 93,5 x 122,2 x 57,5 cm, Collection Pinault ; Skull of a Cyclops, 2017, marbre, 121,5 x 134,5 x 105 cm, Collection Pinault ; Skull of a Cyclops, 2017, marbre, 121,5 x 136,5 x 106,2 cm, Collection Pinault.
  214. Guide du visiteur, p. 1.
  215. Damien Hirst, The Severed Head of Medusa, 2017, bronze, 43,5 x 64,8 x 63 cm, Collection Pinault.
  216. « Liste des œuvres : The Severed Head of Medusa », cat. exp., op. cit., p. 326.
  217. Damien Hirst, The Severed Head of Medusa, 2017, or et argent, 32 x 39,7 x 39,7 cm, collection particulière.
  218. Damien Hirst, The Severed Head of Medusa, 2017, cristal, 39 x 49,5 x 50,2 cm, Collection Pinault.
  219. Damien Hirst, The Severed Head of Medusa, 2017, malachite, 38 x 49,6 x 52 cm, Collection Pinault.
  220. « Liste des œuvres : Demon with Bowl », cat. exp., ibid., p. 320.
  221. Ibid.
  222. « Original », dans CNRTL [en ligne] https://www.cnrtl.fr/definition/original.
  223. Dès 2006, ce dernier se fait connaître pour ses sculptures sous-marines. Il va d’ailleurs discréditer Damien Hirst en l’accusant de plagiat. Et le journal The Times n’hésitera pas à enfoncer le clou en suggérant à l’artiste de renommer son exposition Treasures from the Studio of Other Artists. Voir : David Sanderson, « Damien Hirst in another pickle over ‘plagiarism’ of Venice exhibition name », The Times, 18/05/2017 [en ligne : https://www.thetimes.co.uk/article/damien-hirst-in-another-pickle-over-plagiarism-of-venice-exhibition-name-59vrblbmq : « Damien Hirst may have to change the name of his Venice exhibition to Treasures from the Studio of Other Artists ».
  224. L’œuvre de Jason DeCaires Taylor est à découvrir sur son site [en ligne] https://www.underwatersculpture.com/works/recent/.
  225. Nous empruntons ici la formulation à Béatrice Joyeux-Prunel dans « Circulations, resémantisations. Le palimpseste aporétique », Artl@s Bulletin, vol. 6, Issue 2, 2017, p. 6 : « L’objet palimpseste, passé d’un contexte culturel à un autre, d’une main à l’autre, d’un contexte matériel à un autre, d’un contexte social et d’une époque à une autre, recopié (reproduit) dans un état puis dans un autre, gardé et regardé, puis gratté, récupéré, montré et démontré ici, monté et démonté ailleurs, et aujourd’hui conservé, choyé souvent (en musée ou en collection pour l’œuvre d’art, en bibliothèque pour le palimpseste), mais aussi reproduit, analysé, interprété et réinterprété ».
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Pessac
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EAN html : 9782353111725
ISBN html : 978-2-35311-166-4
ISBN pdf : 978-2-35311-173-4
Volume : 19
ISSN : 2741-1818
Posté le 20/05/2024
51 p.
Code CLIL : 3385; 3667;
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Besnard, Tiphaine Annabelle, “Chapitre III. Les intentions des artistes”, in : Besnard, Tiphaine Annabelle, L’odyssée de l’art néo-néo. Quand l’Antiquité grecque et romaine inspire l’art contemporain, Pessac, Presses universitaires de Pau et des pays de l’Adour, collection PrimaLun@ 19, 2024, 89-140, [en ligne] https://una-editions.fr/les-intentions-des-artistes [consulté le 20/05/2024].
10.46608/primaluna19.9782353111725.8
Illustration de couverture • Idée et montage : Tiphaine Annabelle Besnard.
De la tête aux pieds de la Vénus de Milo reconstituée
- Léo Caillard
- Daniel Arsham
- Fabio Viale
- Pascal Lièvre
- Hui Cao
- Yinka Shonibare
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