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Les massacres de Floride (1565) : mémoires et oublis d’un scandale de la Renaissance

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Les trois massacres de Floride prennent place dans le désir de colonisation de l’Amérique nouvellement découverte1. À la suite de l’échec de la tentative de fonder une colonie protestante à Rio de Janeiro de 1555 à 1560, Gaspard de Coligny projette de créer en Amérique du Nord une colonie française pouvant accueillir des huguenots. La Floride étant convoitée par les Espagnols, le premier voyage est effectué après la paix du Cateau-Cambresis (1559), entre février et juillet 1562, par Jean Ribault et René Goulaine de Laudonnière. En juin, ces derniers retournent en France en laissant une trentaine d’hommes à la colonie, nommée Charlesfort. La première guerre de Religion les empêche de retourner en Floride où la situation se dégrade rapidement, en raison de mutineries, de disettes et de mauvaises relations avec les populations locales.

La paix d’Amboise permet à Coligny de relancer les projets de colonisation2. Trois navires partent du Havre le 22 avril 1564 et fondent le fort Caroline. Toutefois, la gestion de la petite colonie est de nouveau désastreuse et des hommes se mutinent. Les Français, à court de vivres, commencent à s’attaquer à la population locale. Ils sont sauvés par l’arrivée du navire de l’anglais John Hawkins. Laudonnière refuse de repartir avec lui mais accepte de lui acheter de la nourriture. En France, Coligny missionne Ribault pour remplacer Laudonnière. Le capitaine embarque avec six cents marins et arrive en Amérique le 14 août. Il est surpris par les vaisseaux de Pedro Menéndez de Avilés que le roi Philippe II d’Espagne a envoyés pour vider la Floride des « luthériens3 ». Contre l’avis de Laudonnière, Ribault réquisitionne tous les hommes et se lance à la poursuite d’Avilés. Il est pris dans un ouragan et fait naufrage. Le fort laissé vide de tout homme aguerri au combat se fait attaquer le 20 septembre et tous sont massacrés. Laudonnière, Jacques Le Moyne de Morgues et Nicolas Le Challeux font partie des survivants. Ribault est retrouvé par Avilés, fait prisonnier et tué le 12 octobre.

Le scandale de ces deux tueries a provoqué une grande indignation en France. Les veuves de cent-vingt victimes entreprennent une marche de la Normandie jusqu’à Paris pour obtenir réparation. Même si elles sont mal reçues par Charles IX et Catherine de Médicis, en raison de la situation politique et religieuse qui interdit toute réplique contre les Espagnols, cette action marque les esprits. Le roi de France demande réparation officielle à Philippe II et les prisonniers (principalement des femmes et des enfants) sont récupérés par un navire français dans les Antilles. Cela n’empêche pas l’opinion publique de crier au scandale et d’accroître fortement le sentiment anti-espagnol4. En réponse à cet acte, Dominique de Gourgues entreprend à son tour un voyage en 1567 pour massacrer en représailles les Espagnols installés en Floride. Il sera désavoué par la Couronne après son victorieux retour en France le 12 juin 1568 : Charles IX dénonce l’expédition sans toutefois répondre aux exigences de châtiment de l’Espagne5.

S’ils n’ont guère suscité de réactions fortes immédiates chez les catholiques, à l’exception de l’expédition privée de Gourgues, ces massacres deviennent des « cas d’école destiné[s] à montrer combien le catholicisme est cruel » et sont rapidement récupérés par la littérature protestante en raison du scandale provoqué6. Le scandale glisse de son sens théologique à un sens plus politique, le bruit qu’il provoque peut mettre en danger la paix civile7. C’est bien le cas ici : la mort de cinq cents hommes, femmes et enfants, principalement protestants, risquait de provoquer une nouvelle guerre. Le scandale est aussi instrumentalisé : la question de savoir qui en est à l’origine devient un enjeu essentiel des guerres civiles ; fabrique et mémoire du scandale sont au cœur des conflits. Or ici, justement, la question se discute car la colonie, bien qu’instaurée par Coligny, n’était pas totalement protestante. D’ailleurs, il n’est pas certain que Dominique de Gourgues, qui a pris l’initiative de la vengeance, ait été protestant8.

Dans un tel contexte, les textes deviennent des armes et la fabrique du scandale, lequel existe uniquement s’il est public, passe avant tout par le regard indigné de l’énonciateur. Créer un scandale est en partie l’objectif du discours de Le Challeux qui livre au lecteur un Discours de l’histoire de la Floride contenant la cruauté des Espagnols contre les subjets du Roy en l’an mil cinq cens soixante cinq : le complément du nom cruauté est une attaque directe alors que le syntagme « subjets du Roy » fait l’union du peuple français dès l’édition de 1566. Le scandale sert ainsi à resserrer les liens d’une communauté contre une
autre9. Plus largement, les témoignages français des rescapés des massacres de Floride et leur histoire éditoriale permettent de poser la question du scandale et de sa publicité10.

Le Challeux, charpentier, est surpris par les Espagnols et s’enfuit dans les bois environnants, traversant plusieurs marécages, avant de retrouver le petit groupe de rescapés comprenant Laudonnière et Le Moyne de Morgues. Son récit, très court, est réédité cinq fois dès 1565 et participe à l’indignation. Dès l’année 1567, une multitude de Reprinse de la Floride, narrant la vengeance de Dominique de Gourgues, sont publiées en France11. Au même moment, le manuscrit de L’Histoire notable de la Floride, contenant les trois voyages faits en icelles par des capitaines et pilotes français, écrit par Laudonnière, est subtilisé par André Thevet, alors cosmographe du roi, qui juge qu’un tel récit pourrait mettre à mal les relations diplomatiques avec l’Espagne12. Vingt ans plus tard, en 1586, Richard Hakluyt lui vole le manuscrit et le publie à titre posthume – Laudonnière étant mort en 1574. Le texte est traduit en anglais l’année suivante. Enfin, le troisième jalon de ce corpus est le récit en latin rédigé par Le Moyne de Morgues et édité par Théodore de Bry en 1591 : la Brevis narratio eorum quae in Florida Americae povincia Gallis.

Les dates de publication de ces trois textes, écrits par des auteurs protestants, permettent d’envisager deux questions. La première est de savoir si le contexte des guerres de Religion, en fonction des périodes de paix ou d’hostilité, influence les récits. La reprise de la Floride est-elle un événement français ou un événement protestant ? Frank Lestringant voit dans les massacres floridiens l’internationalisation des guerres de Religion et invite à ne pas exagérer le sentiment anti-espagnol dans les textes13. On peut toutefois se demander si ce sentiment n’est pas clairement marqué et s’il ne dépasse pas, parfois, la seule appartenance protestante. On propose de s’intéresser ensuite au traitement du massacre effectué dans les trois récits en se demandant si la Saint-Barthélemy – apogée des massacres protestants – aurait pu influencer l’écriture des deux textes édités après 1572, ceux de Laudonnière et de Le Moyne de Morgues. Comment décrire l’expérience de ce qui est, pour les protestants, un échec qui tend à se répéter au fil des ans ? Les textes présentent-ils une certaine honte de la victime ? Enfin, l’édition de Le Moyne de Morgues est riche d’illustrations. Or, bien souvent, les images marquent les esprits plus que les mots. Dans quelle mesure la mémoire de ce massacre est-elle gardée, effacée ou modifiée dans la tradition iconographique protestante ? Avant de s’intéresser au sentiment anti-espagnol que contiennent ces récits et à la mémoire véhiculée par les images, il convient de replacer les massacres de Floride dans une tradition littéraire et un contexte particulièrement noir au XVIe siècle.

Un massacre parmi d’autres

Un spectacle « sons et lumières14 »

Le traitement littéraire du massacre dans les trois récits est différent, même si les auteurs sont tous des témoins. Il va sans dire que la modification de la mémoire, surtout après un tel événement traumatique15, est normale ; il faut donc être prudent et envisager ces textes comme des créations littéraires après-coup plus que comme des témoignages fidèles. De plus, ces récits rédigés plusieurs journées ou semaines après les faits sont destinés à la publication et, de fait, ils font de l’événement un spectacle – au sens étymologique – et en modifient ainsi sa signification. Il n’en reste pas moins intéressant de comparer les trois extraits pour constater que tous présentent la poétique du massacre analysée par Mathilde Bernard ainsi que des hypotyposes dont les légères différences sont significatrices. La question de la sensorialité semble très signifiante dans le présent corpus dans la mesure où l’ouïe sert autant à renforcer la sincérité du récit qu’à faire appel aux émotions du lecteur.

Le Challeux évoque les « esclairs & tonnerres, de sorte qu’à la fois l’air estoit comme en feu, & les parties effrayees des menaces du ciel s’escarterent16 », hyperbole qui participe d’une atmosphère d’apocalypse en lien avec la forte teneur symbolique du texte17. Après ces bruits, ce sont les « pleurs & gemissemens d’hommes » rescapés dans la forêt que Le Challeux entend18, mais les cris lors du massacre ne sont pas mentionnés. Enfin, le bruit (« à son de phiffres, tabourins & trompes19 ») revient lors du meurtre de Ribault, auquel Le Challeux n’assista pas. Cette étonnante précision souligne la forte ironie dont est empreint cet extrait dans la mesure où l’énumération de ces instruments, normalement associés à la marche militaire, semble exagérée dans le cadre de la condamnation de quelques hommes enchaînés face à plusieurs centaines de soldats. La perception auditive est également, par deux fois, mise en valeur par le rythme des phrases : le rythme binaire des « soupirs & sanglots » et des « pleurs & gemissements » des victimes est opposé au rythme ternaire des « cris, hurlemens & toute gaudisserie » et du son des « phiffres, tabourins & trompes » des attaquants20. L’usage de cette alternance souligne l’antithèse entre les deux groupes en opposition et donne à entendre, littéralement, la différence de sons émis au moment des massacres : à la puissance des Espagnols s’opposent les plaintes répétitives des Français.

Dans la Brève narration, Le Moyne de Morgues perçoit les « cris et gémissements horribles » des victimes égorgées puis se sauve lorsqu’il entend « les cris, le tumulte des armes et les coups mortels qui se répétaient21 ». Cela met en doute le paysage apocalyptique de Le Challeux et semble plus réaliste. Une réflexion sur la portée traumatique est aussi intéressante puisque le narrateur écrit qu’il a vécu le massacre « en état d’aliénation […] sans voir autre chose que le carnage22 ». Cette précision renforce l’autopsie, primordiale dans le témoignage, et met également en avant une donnée importante de la perception sensorielle et de son usage littéraire : on ne perçoit que ce que l’on est prêt à percevoir.

Enfin, la restitution de Laudonnière est moins spectaculaire : il ne mentionne que les cris de l’alarme et les voix humaines, une absence de perception qui pourrait être liée au désir de neutralité d’un commandant qui cherche à être le plus sincère et le plus neutre possible23. Réduire les éléments sensoriels permet au narrateur de créer un effet de distance qui diminue l’appel aux émotions du lecteur. Si le regard du narrateur n’est pas présent, il ne peut pas être indigné et le scandale est éloigné.

Les acteurs de la scène et la tradition des massacres

Le vocabulaire du théâtre est pertinent pour étudier la posture des trois narrateurs et participe pleinement à la rhétorique du texte épidictique. Le Challeux analyse l’échec de l’expérience en Floride comme une punition donnée à des huguenots qui se seraient laissés emporter dans leurs désirs. Sa profession, charpentier, rend évidemment intéressante la posture christique qu’il prend lors de la fuite. Le massacre est une épreuve qui fait de lui un élu, tout comme la traversée périlleuse a fait de Jean de Léry un élu de la foi protestante au Brésil24. Lorsqu’il se sauve, Le Challeux écrit ainsi : « toutesfois je sautay le rampart […]. Et comme de cest endroit, tout le fort, mesmes la basse cour me fut descouverte, aussi vi-je là une horrible tuërie, qui se faisoit de nos gens25. » Cette position fait du massacre un spectacle horrible dont le narrateur, alors surélevé, contemple toute la scène. Le « théâtre de la cruauté » prend tout son sens et permet de mettre en évidence le scandale qui est en train de se dérouler sur une scène créée naturellement par la configuration du lieu, éclairée par l’orage et dont les spectateurs se situent aux balcons des collines alentours. Bien que cette dimension spectaculaire soit soulignée dans le texte, elle n’a aucune fonction descriptive puisque le massacre est résumé en une seule phrase qui ne montre rien :

[les Espagnols] entrent sans nulle resistence dans le fort, & font une horrible execution de la rage & furie qu’ils avoyent conceüe contre nostre nation, c’estoit lors à qui mieux, mieux esgorgeroit hommes, sains & malades, femmes & petis enfans, de sorte qu’il n’est possible de songer un massacre, qui puisse estre esgalé à cestui-ci, en cruauté & barbarie26.

L’hypotypose est bien présente mais n’intervient qu’ensuite, lors de la fuite dans les bois, au cours de laquelle Le Challeux mentionne aussi les « soupirs & sanglots » des rescapés ainsi que les blessures causées par le « bois fort espés & comme tissu de ronces & espines, au dessous des hauts arbres »27. Les perceptions visuelles et auditives, au fondement de la rhétorique de l’enargeia, donnent à voir la difficile fuite du charpentier – qui se compare plus loin à Moïse – plus que l’acte horrible lui-même, ce qui s’explique par deux raisons. D’abord, Le Challeux n’a assisté au massacre que depuis le haut d’une colline et aurait difficilement pu produire une description détaillée sans être accusé de mensonges par le camp adverse ; ensuite, la pitié provoquée chez le lecteur est exacerbée par le fait que ce massacre – qui s’inscrit finalement à la suite de tant d’autres dans l’histoire de l’Humanité – est rendu encore plus horrible en raison de l’environnement hostile du Nouveau Monde.

La dimension pathétique, omniprésente dans le Discours, est aussi perceptible dans la revue des hommes, présente chez les trois narrateurs. Ce qui fait scandale, c’est que le massacre est perpétré envers des êtres vulnérables. Dans le Discours, le fort est composé d’« artisans, femmes & petits enfans28 » tandis que dans la Brève narration, il ne reste qu’une vingtaine d’hommes : « aut ministri aut opifices (qui ne pyxidem quidem unquam explodi audiverant) aut Regii Commissarii, ad calamum quam gladium tractandum magis idonei29 ». Enfin, dans le texte de Laudonnière, les Français sont « tous pauvres & descharnez, les autres estoient malades & estropiez », à l’exception de :

[…] neuf ou dix, lesquels […] n’avoient jamais tirée l’espee du fourreau. […] De neuf il y en avoit quatre jeunes, lesquels servoient le Capitaine Ribaut […], le cinquiesme estoit son cuisinier […], il y avoit un charpentier aagé de soixante ans pour le moins [Le Challeux], un faiseur de biere, un vieil arbalestier, deux cordonniers, & quatre ou cinq hommes qui avoient leurs femmes, un joueur d’espinette, les deux serviteurs du seigneur du Lys, celuy de Beauhaire, celuy du seigneur de la Grange, & environ quatre vingts cinq ou six goujats, que femmes & enfans. Voilà la belle troupe tant suffisante, à se deffendre & tant courageuse30.

L’énumération, abondante dans les récits de voyage, participe à la fois d’une reproduction du registre épique (le narrateur passe en revue les troupes avant le combat) et du registre pathétique (les hommes sont réduits à leur profession, toujours éloignée de l’art de la guerre). Les femmes et les enfants, présents chez les trois auteurs, sont particulièrement mentionnés puisque les Français affirment qu’ils ont été massacrés. Cette revue des victimes permet également de brosser un portrait en biais des narrateurs, qui font partie de ceux qui sont « plus habiles à toucher la plume que le glaive31 » (Le Moyne de Morgues) ou qui sont malades (Laudonnière) ou âgés (Le Challeux).

Les éléments précédents s’inscrivent dans la tradition littéraire des massacres et certains indices montrent que les auteurs suivent des modèles précis. La question de la date de publication prend alors tout son sens. Après la Saint-Barthélemy, le drame de la nuit du 24 août devient la référence en termes de massacre protestant. Dans le cas des écrits antérieurs, le modèle semble être soit celui du massacre des Innocents, innocents que l’on retrouve en Floride à travers l’image des enfants et des femmes et, dans une certaine mesure, par le prisme de la revue des hommes faibles éloignés de l’art de la guerre – alors innocents dans le sens étymologique du terme32 ; soit celui des Vêpres siciliennes33. Le contexte de cette révolte des Siciliens à l’encontre des seigneurs féodaux français, lors d’une fête pascale le 31 mars 1282 à Palerme et Corleone, n’est pas sans rappeler le désir de Philippe II d’exclure les Français qu’il voyait comme une menace en Floride. Le hasard de l’Histoire fait que, dans les deux cas, les Pâques – festives ou fleuries34 – sont devenues sanglantes.

Du Timucua à l’Espagnol : plus barbare que les Barbares

Si l’on exclut la revue des hommes déjà mentionnée, les descriptions de massacres présentes dans les textes du corpus ne sont pas consacrées aux victimes mais aux bourreaux, et l’on s’aperçoit que ceux-ci ont les mêmes caractéristiques que les Timucuas rencontrés par les voyageurs, au point que les deux figures se mélangent rapidement. Par sa trahison, l’Européen devient un Autre repoussant : il prend les caractéristiques physiques et amorales du Barbare, qui est à l’origine du scandale35. Une fois encore, Le Challeux est le plus vindicatif, mais ce rapprochement entre les peuples est également suggéré dans le texte de Laudonnière lorsque les Français découvrent deux Espagnols, vivant dans les bois depuis vingt ans et tellement « ensauvagés » qu’ils ressemblent en tout point à des « barbares36 ». En outre, l’adjectif « furieux » est associé aussi bien aux Indiens lorsqu’ils massacrent leurs ennemis dans les trois textes qu’aux Espagnols face aux Français. Cet adjectif marque l’altérité ou qualifie celui qui est hors de lui, possédé par un désir de cruauté extrême37. Les Espagnols et les Timucuas sont tous emportés par leurs désirs sanguinaires et quittent l’humanité, contrairement aux Français plus modérés dans leurs passions, ainsi que le souligne Laudonnière lorsqu’il écrit qu’il a eu la tempérance de tuer les mutins de son fort avant de les pendre, plutôt que de les laisser agoniser38 ! Le rapprochement entre ces deux figures permet même une cohabitation qui confère la victoire aux Espagnols « bien advertis » et « conduit[s] par le sauvage16 ». Enfin, à plusieurs reprises les Espagnols font preuve de « paroles feintes & simulees39 », une caractéristique qui est également associée aux Sauvages dans les relations de voyage, et qui est soulignée dans notre corpus.

Ce parallèle des deux figures de l’altérité que sont l’Espagnol et le Timucua est renforcé par la description des massacres perpétrés par ces derniers contre leurs ennemis. Dans la totalité du corpus des récits de voyage en Nouvelle-France, les textes floridiens sont originaux dans la mesure où ils présentent toutes les caractéristiques ethnologiques des Timucuas avant de se concentrer sur les voyageurs européens. Cet ordre est logique puisque le massacre apparaît alors comme le point d’orgue de ces récits qui doivent quand même accueillir des descriptions de ce qui a été vu dans des terres à coloniser. Cette dispositio présente également l’avantage suivant : les voyageurs peuvent décrire des scènes de massacres entre populations autochtones avant de raconter le massacre entre Européens, et ainsi donner à lire ce deuxième comme une réplique presque exacte du premier.

Ces tueries sont présentes dans les textes de Le Moyne de Morgues et Laudonnière :

Ils [les Timucuas] ne se failli[rent] le point du jour d’entrer dedans le village, & tailler tout en piece, excepté les femmes & petits enfans. Ces choses ainsi arrestees, furent executees le plus furieusement que faire se peut. Ce qu’ayans faict ils prindrent les testes de leurs ennemis morts, & en couperent tout le tour des cheveux avec une partie du taiz […]. Puis ils mirent les peaux des testes au bout des javelots, & s’acheminerent tous ensemble vers les terres du Paracousi40.

Lors du meurtre de Pierre Gambie, illustré plus tard, Le Moyne de Morgues précise que les Timucuas « luy escorcherent la peau de la teste, luy couperent les deux bras sur le chemis, reservans les cheveux au triomphe qu’il esperoit faire de la deffaicte de son ennemi41 ». Certes, la pratique du scalp est attestée et décrite par les voyageurs qui la découvrent à mi-chemin entre horreur et curiosité. La précision des femmes et enfants épargnés est une donnée importante lorsque l’on considère que les auteurs ont insisté sur le fait que les Espagnols n’ont épargné personne. De même, la peau mise au bout des piques et les cheveux réservés pour le triomphe ne sont pas sans rappeler les exactions commises sur la personne de Ribault et racontées par Le Challeux en ces termes :

[…] ils ont rasé la barbe du lieutenant du Roy, pour faire monstre de leur expedition […] demembrerent le corps de ce bon & fidele serviteur du Roy, & firent de sa teste quatre quartiers, lesquels ils ficherent en quatre picques, & puis les planterent aux quatre coings du fort42.

Suzanne Lussagnet soutient que l’épisode de la barbe est inventé43. On pourrait même y voir un parallèle avec la pratique du scalp, attestée dans les récits du XVIe siècle. Cette pratique fait l’objet de la première gravure de la partie « Floride » des Grands Voyages de Théodore de Bry, sur laquelle le lecteur peut apercevoir distinctement une chevelure tenue par un
guerrier44. Le passage des cheveux à la barbe peut être aisément fait. Dans les deux cas, les poils deviennent un signe qu’il s’agit de montrer pour prouver la réussite de la conquête. Ce déplacement des cheveux à la barbe rappelle une donnée importante des récits de voyage : ce qui a étonné les peuples américains n’était pas tant les habits ou les armes des Européens que leurs barbes, qui deviennent un signe servant à désigner l’Autre. Déposséder Ribault de sa barbe revient à le déposséder de ce qui le rend Européen – humain, aux yeux du narrateur. Tout cela fait du Français un civilisé face à ce sauvage qu’est l’Espagnol45. La précision ajoutée par Le Challeux, qui termine le texte et laisse le lecteur sur cette fin horrible, renforce le pathétique, d’autant plus qu’on voit mal comment Avilés pourrait avoir proprement et minutieusement coupé la tête de Ribault en quatre pour la planter aux coins du fort.

Finalement, le rapprochement le plus signifiant est celui qui est amené par le doublet synonymique « cruauté et barbarie », associé aux Timucuas et aux Espagnols, à une époque où la notion de Barbare est en pleine évolution puisqu’à partir de 1560, la figure traditionnelle du barbare, liée à un goût de l’exotisme, devient un « au-delà du barbare » en raison de la cruauté de ses actes. Le concept est utilisé à des fins essentiellement polémiques, comme l’écrit Denis Crouzet qui analyse l’image du cannibale chez Jean de Léry pour montrer que le chrétien européen permet, par sa cruauté, de constituer « une image débarbarisée du barbare46 ». La réflexion n’est pas aussi développée dans le texte de Le Challeux, le premier du corpus floridien, même s’il présente une première étape dans cette hiérarchisation de la barbarie.

Le second élément intéressant est la coalition entre Autochtones et Français, constituée lors de la vengeance des Français. Le texte contient peu d’éléments de description mais on apprend que les Timucuas, doubles des Espagnols en 1566, deviennent alliés des Français : c’est la dernière étape dans le processus de « barbarisation » des Espagnols – ils ne sont plus uniquement plus barbares que les Barbares mais ils sont même rejetés par ces derniers. L’image de l’Autre est donc renversée. Là où il était, au milieu du XVIe siècle, un Sauvage servant de réplique de l’Espagnol, il devient, à la fin du siècle et après les textes de Las Casas et de Léry, un précurseur du Bon Sauvage, un allié qui sert à renforcer le scandale des exactions espagnoles dans la mesure où, à présent, le seul Sauvage présent sur le sol américain est l’Espagnol.

D’un scandale national à un scandale protestant

Une onomastique signifiante ?

L’histoire éditoriale complexe de ce corpus conduit à nous intéresser à un détail qui est peut-être plus signifiant qu’il n’y parait. La mention des prénoms dans le texte de Laudonnière peut sembler anecdotique à la première lecture mais ceux-ci semblent être symboliques. En effet, le fort est gardé par un personnage qui s’appelle La Vigne et qui faillit donc à son devoir. On pourrait penser à une coïncidence qui prête à sourire. Plus tard, les marins, affamés, sacrifient l’un des leurs pour survivre. Ils choisissent ainsi de tuer Lachère, « la chair duquel fut partie egalement à ses compagnons47 ». Une fois encore, on peut y voir une coïncidence étonnante même si, comme le note Frank Lestringant48, différentes éditions orthographient Lachère ou Lacheré et il faut convenir que l’une ou l’autre de ces orthographes n’a pas la même signification. Enfin, Laudonnière précise que lors du massacre, il « n’avoi[t] homme au pres de [lui], qu’un seul nommé Bartelemy », puis qu’il est guidé et sauvé par un compagnon nommé Jean du Chemin49. Lorsque l’on est perdu dans une forêt de Floride, il est utile d’avoir un gens du chemin avec soi et, quand on est protestant, comment ne pas assister à un massacre sans être accompagné d’un Barthélémy ? Encore une fois, on convient qu’il peut s’agir de deux coïncidences, les prénoms Jean et Barthélémy étant déjà extrêmement populaires au XVIe siècle50. Toutefois, lors de la publication du texte en 1586, ce prénom, Barthélémy, uniquement mentionné lors de la description du massacre, a une résonance particulière. S’il ne s’agit pas d’une coïncidence, ce que nous croyons51, est-ce un effet pour les lecteurs de renforcer ce massacre en évoquant de manière subtile un autre massacre qui est fraîchement ancré dans les mémoires ?

Cette question peut se poser dans la mesure où la tuerie n’est pas décrite. Est-ce une manière d’oublier ? Était-ce devenu impossible en 1586 de décrire un massacre alors que, de plus, les Espagnols sont censés faire la paix avec les Français ? La précision de ce prénom, alors même que les autres personnages sont peu nommés ou qu’ils sont désignés par leurs fonctions, interroge et on ne peut pas exclure l’hypothèse d’un ajout de l’éditeur afin de créer, dans l’esprit du lecteur, un parallèle évident avec un événement plus récent visant à inscrire la Floride au tableau des martyrs protestants. La honte de la victime rend impossible la description dans le récit mais le prénom peut rappeler que l’on se situe justement dans une tradition malheureuse et que les massacres de Floride sont une Saint-Barthélemy avant l’heure.

Le poids des images

Quoiqu’il en soit, cet événement a été récupéré par les protestants après l’édition du récit de Laudonnière donnée par Hakluyt. Thevet cache le manuscrit pour éviter un scandale qui aurait été aussi bien protestant que catholique en raison de la portée nationale de l’événement en 1565, à une époque où la concorde civile était de mise. Vingt années plus tard, les conditions politiques et sociales de la France avaient changé et, lorsqu’il publie le texte, Hakluyt en fait un récit protestant. Si le massacre est mentionné, il n’est pas décrit pour ne pas rappeler cette suite d’échecs. Enfin, les Timucuas, qui sont alliés des Espagnols en 1566, deviennent alliés des Français quelques années plus tard, ce qui participe à la légende noire espagnole.

Ce processus qui consiste à évoquer sans décrire, pour éviter la honte tout en gardant la trace mémorielle, est encore plus marqué dans l’iconographie. L’édition de Le Moyne de Morgues publiée par Théodore de Bry en 1591 montre les images de massacres réalisés par les Indiens. Dans un certain nombre de ces travaux, l’éditeur utilise ses gravures à des fins anti-catholiques et anti-espagnoles en montrant la violence de ces derniers envers les protestants52, des illustrations qui renforcent la leyenda negra. La forte symbolique donne à voir au lecteur de nouveaux Innocents – les populations autochtones – massacrés par les Espagnols et soumis à des actes barbares tels que l’amputation ou le fait d’être déchiré par des chiens. On retrouve par exemple cette symbolique dans une gravure illustrant l’ouvrage de Las Casas, « Conquistadors massacrant un village d’Indiens. Amputations des mains53 », laquelle donne à voir des Indiens, nouveaux Adam et Ève, chutant d’une colline et dévorés par des chiens, à l’arrière-plan ; rassemblés dans l’attente d’un jugement, et d’un miracle qui n’arrive pas – tels Ribault et ses compagnons – au deuxième plan ; amputés du nez et des mains au premier plan.

Pourquoi Théodore de Bry n’a-t-il pas illustré directement le récit du massacre français ? Pour répondre à cette question, et pour faire le lien avec la mémoire contemporaine de cet événement, nous nous intéressons à un autre genre d’illustration : la bande dessinée. Dans Florida, travail remarquable de Jean Dytar qui narre la vie de Le Moyne de Morgues, de son retour de Floride à la publication de ses dessins par sa veuve, ce dernier demande à Richard Hakluyt s’il doit illustrer le massacre, ce à quoi l’éditeur anglais répond : « Je crains que l’effet ne soit à double tranchant. On mettrait en valeur la domination espagnole, et par ricochet, la faiblesse des huguenots. Or les huguenots doivent être à leur avantage54. » En effet, après le double échec des massacres en Floride et du massacre de la Saint-Barthélemy, les huguenots ne peuvent se permettre d’illustrer et de laisser fleurir dans les mémoires les images des massacres à répétition. Les images créent la mémoire et qui en a le contrôle possède, en même temps, la maîtrise des souvenirs.

Le souvenir et la récupération idéologique des massacres de Floride sont riches en questionnements. La complexité des enjeux de ces événements – tantôt protestants (dans la perspective des guerres de Religion), tantôt français (dans une perspective colonialiste) – est renforcée par le faible nombre de témoins oculaires revenus d’Amérique et par le contexte politique et social de la France de la seconde partie du XVIe siècle. La fortune éditoriale, perceptible par le grand nombre de textes protestants, littéraires ou non, qui s’inspirent des événements floridiens, est autant iconographique que textuelle55. La manière de décrire les massacres influence évidemment la réception des textes et le scandale qu’il provoque. Plus encore, ces œuvres posent le premier jalon de l’évolution de la notion de barbarie et du relativisme de la cruauté dont nous gardons plus souvent en mémoire les illustres exemples de Léry et de Montaigne.


ANNEXES

• Conquistadors massacrant un village d’Indiens. Amputations des mains (de Bry)

Bartholomé de Las Casas, Narratio regionum Indicarum per Hispanos quosdam devastatarum verissima, priùs quidem per episcopum Bartholemaeum Casaum, natione Hispanum Hispanicè conscripta, & anno 1551. Hispali, Hispanicè, anno verò hoc 1598. Latinè excusa, traduit d’après la version française de Jacques de Miggrode, Figures gravées sur cuivre par Jean Théodore et Johann Israël de Bry, Francfort, Théodore de Bry et Johannes Saur, 1598 [Planche p.95 : Conquistadors massacrant un village d’Indiens. Amputations des mains. Gravure en ligne sur Gallica.

• Dialogue entre Richard Hakluyt et Théodore de Bry

Jean Dytar, Florida, Paris, Delcourt/Mirages, 2018, p. 228.

• Extraits étudiés dans le récit de Le Challeux

Nicolas Le Challeux, Discours de l’histoire de la Floride, contenant la cruauté des Espagnols contre les subjets du Roy en l’an mil cinq cens soixante cinq. Rédigé au vray par ceux qui en sont restez. Chose autant lamentable à ouïr qu’elle a esté proditoirement et cruellement executee par lesdits Espagnols Contre l’autorité du Roy nostre Sire à la perte et dommage de tout ce Royaume. Item, Une Requeste au Roy faite en forme de complainte par les femmes vefves, petis enfans orphelins et autres leurs amis, parens et alliez de ceux qui ont esté cruellement envahis par les Espagnols en la France anthartique, dite la Floride. De Dieppe ce 22 de May, 1566, Dieppe, J. Le Sellier, 1566. L’extrait est cité d’après cette réédition56.

Extrait n° 1 : Le massacre des Français (p. 26-27 puis p. 34)

Or les Espagnols descendus à terre eurent assez de loisir de nous espionner & mesmes de s’informer des moyens qu’ils tiendroyent pour nous surprendre, estans bien advertis que nos forces estoyent sur les eaux, & que le reste qui estoit demeuré au fort, estoit composé partie de malades, encor alterez de l’air de la mer : partie aussi d’artisans, de femmes & petits enfans, le tout montant au nombre de deux cens quarante, ames recommandees à la garde et diligence du capitaine Lauduniere, qui ne se doutoit aucunement que aucune force peust venir par terre pour les endommager. Parquoy la garde levee pour s’en aller rafraischir, à cause du mauvais temps qui avoit continué toute la nuit un peu devant soleil levant, la pluspart des nostres au fort dormans & en leurs lits : le guichet ouvert, l’Espagnol ayant tracassé bois, estangs et rivieres, conduit par le sau//vage, & arrivé le Jeudy vingtieme jour de Septembre au matin, temps fort pluvieux, & entrent sans nulle resistence dans le fort, & font une horrible execution de la rage & furie qu’ils avoyent conceüe contre notre nation, c’estoit lors à qui mieux, mieux esgogeroit hommes, sains & malades, femmes & petis enfans, de sorte qu’il n’est possible de songer un massacre, qui puisse estre esgalé à cestui-ci, en cruauté & barbarie.

Aucuns des nostres les plus habiles sortans de leurs lits s’escoulerent, & se sauverent de vistesse dans les navires qui estoyent en la riviere, laissez du coronal à la garde de Jaques Ribaut, capitaine d’un navire, nommé la Perle, & de Loys Ballard son lieutenant: les autres surpris sauterent par dessus la pallissade, singulierement le capitaine Lauduniere se sauva par là, avec celle qui le servoit à la chambre, je fu aussi surprins allant à ma besongne, le fermoir à la main. Car sortant de la cabane je rencontray les ennemis, & ne trouvay autre moyen d’eschapper, sinon tourner le dos, & me haster au possible, de sauter aussi par dessus la pallissade, car j’estoye aussi poursuivi de pas à pas d’une picque & pertizane, & ne say comment autrement, sinon de la grace // de Dieu, mes forces se redoublerent: de moy, di-je, povre vieillard que je suis & tout gris: toutesfois je sautay le rampart […] & m’arrestay un peu de temps sur la coste, & d’autant plus hardiment, pource que personne ne me poursuivoit. Et comme de cest endroit, tout le fort, mesmes la basse cour me fut descouverte, aussi vi-je là une horrible tuërie, qui se faisoit de nos gens, & trois enseignes de nos adversaires plantees sur les ramparts. Ayant doncques perdu toute espérance de voir nos gens railliez, je resignay tous mes sens au Seigneur, & me recommandant à sa misericorde, grace & faveur, je me lançay dans le bois, car il me sembloit que je ne pourroye trouver cruauté plus grande entre les bestes sauvages, que celle des ennemis: laquelle j’avoye veu se desborder sur les nostres. […] L’Espagnol retourné rapporta que nos gens ne se mouvoyent pour rien, ains qu’ils estoyent deliberez de se bien deffendre. Lors ceste furieuse troupe rejetta sa cholere & sanglant despit sur les morts & les exposerent en monstre aux François qui restoyent sur les eaux, & taschoyent à navrer le coeur de ceux, desquels ils ne pouvoyent, comme ils eussent bien voulu desmembrer les corps: car arrachans les yeux des morts, les fichoyent au bout des dagues, & puis avec cris, hurlemens & toute gaudisserie, les jettoyent contre nos François vers l’eau.

Extrait n° 2 : La mort de Jean Ribault (p. 49-52)

Alors le reste des nostres passoit, trente à la fois, cependant que Vallemande faisoit entretenir de paroles feintes & simulees ce bon capitaine Jean Ribaud, lequel s’atten//doit simplement à la foy de ce Vallemande, à laquelle il s’estoit rendu. Or les nostres estans tous passez furent ainsi liez ensemble deux à deux, & comme ils estoyent tous ensemble, François & Espagnols, cheminoyent vers le fort: le capitaine Jean Ribaud & autres, nommément le sieur d’Ottigny, quand ils veirent ainsi les nostres estans couplez ensemble, commencerent à changer de couleur, et derechef se recommanderent à la foy dudit sieur de Vallemande qui les asseuroit : leur disant, que ces liens estoyent seulement pour les mener jusques au fort en aseurance, & que là il leur tiendroit ce qu’il avoit promis : […] Lors à son de phiffres, tabou//rins & trompes, la hardiesse de ces furieux Espagnols se desbende sur ces povres François, lesquels estoyent liez & garrotez : Là c’estoit à qui donneroit le plus beau coup de picque, de hallebarde & d’espee, de sorte que en demye heure ils gagnerent le champ & emporterent ceste glorieuse victoire, tuans ceux-là vaillamment qui s’estoyent rendus, & lesquels ils avoyent receu leur foy & sauvegarde.

Or durant ceste cruauté le capitaine Jean Ribaud fait quelques remonstrances à Vallemande, pour sauver sa vie : mesmes le sieur d’Ottigny se jettant à ses pieds, l’appelloit de sa promesse : mais tout cela ne leur servit de rien, car leur tournant le dos marcha quelques pas arriere d’eux, & l’un de ses bourreaux frappa par derriere d’un coup de dague le capitaine Jean Ribaud, tellement qu’il le fist tomber par terre, & puis bien tost apres redoubla deux ou trois coups, tant qu’il luy eust osté la vie.

Voilà quel a esté le traitement que les nostres (lesquels s’estoyent rendus sous ombre de bonne foy) ont receu de l’Espagnol. Et pour combler leur cruauté & barbarie : ils ont rasé la barbe du lieutenant du Roy, pour faire monstre de leur expedi//tion, & l’ont bien tost apres envoyee à Civile, ainsi comme aucuns de nos matelots, reservez et employez pour ce mesme voyage, nous ont ces jours passez fidelement raconté […], demembrerent le corps de ce bon & fidele serviteur du Roy, et firent de sa teste quatre quartiers, lesquels ils ficherent en quatre picques, & puis les planterent aux quatre coings du fort.

• René Goulaine de Laudonnière, L’Histoire notable de la Floride située es Indes Occidentales, contenant les trois voyages faits en icelle par certains capitaines et pilotes français, descrits par le Capitaine Laudonniere, qui y a commandé l’espace d’un an trois moys : à laquelle a esté ajouté un quatriesme voyage fait par le capitaine Gourgues. […] Paris, Guillaume Auvray, 158657.

Extrait n° 1 : Le massacre des Français (Troisième livre), p. 110 r°/v° et 111

La nuict entre le dixneufiesme & vingtiesme de Septembre, la Vigne estoit de garde avec son escouade, là où il feit tout le devoir encore qu’il pleust incessamment. Quand doncques le jour fut venu, & qu’il veid la pluye continuer mieux que devant, il eut pitié des centinelles ainsi mouillees: & pensant que les Espagnols ne deussent venir en un si estrange temps, il les feit retirer, & de faict luy mesme s’en alla en son logis. Cependant quelqu’un qui avoit à faire hors le fort […] apperceut une troupe d’Espagnols qui descendoient d’une petite montagnette. Incontinent ils commencerent à crier alarmes, & mesme le trompette: laquelle incontinent que j’eus entendue, je sortis, l’arondelle & l’espee au poing, & m’en allé au meilleu de la place, là où je commençay à crier apres mes soldats. Aucuns de ceux qui avoient bonne volonté allerent devers la breche, qui estoit du costé du Sud, & là où estoient les muintions de l’artillerie, là où ilz furent forcez et tuez. Par ce mesme lieu deux enseignes entrerent, lesquelles furent incontinent plantees. Deux autres enseignes aussi entrerent de l’autre costé de // Ouest, là où il y avoit une autre breche : & ceux qui estoient logez en ce quartier, & qui se presenterent, furent deffaicts. Ainsi que j’allois pour secourir ceux qui estoient à la deffence de la breche du costé de Sudoest, je trouvay en teste une bonne troupe d’Espagnols qui ja avoient forcé nos gens, & estoient entrez: lesquels me repousserent jusqu’à la place, là où estant je descouvris avec eux, un nommé François Jean, l’un des mariniers qui desroberent mes barques, et qui avoit amené et conduict les Espagnols. Il commença à dire me voyant, c’est le Capitaine. Ceste troupe estoit conduite par un Capitaine, lequel à mon advis estoit don Petro Melandes. Ils me ruerent quelques coups de piques qui donnerent en ma rondelle. Mais voyant que je ne pouvois resister à telle compagnie, & que desja la place estoit prise, & les enseignes plantees sur les remparts, que je n’avois homme aupres de moy, qu’un seul nommé Barthelemy, j’entray en la cour de mon logis. Dedans laquelle je fus suivy, & n’eust esté un pavillon qui estoit tendu, j’eusse esté pris : mais les Espagnols qui me suyvoient s’amuserent à couper les cordes du pavillon, ce pendant je me sauvay par la breche qui estoit du costé de l’Ouest au pres de la maison de mon lieutenant, m’en allé dedans les // bois.

Extrait n° 2 : Le massacre des Espagnols dans la quatrième livre
[la vengeance de de Gourgues] (p. 119-122)

Ainsi deliberoit il [Le Capitaine Gourgues] de demeurer là jusques au matin qu’il estoit // resolu d’assaillir les Espagnols par escalade, du costé du mont où le fossé ne luy sembloit assez flanqué pour la deffense de ses courtines, & d’où partie des siens pourroient tirer les assiegez qui se descouvriroient pour maintenir le rempart pendant que le reste monteroit. Mais le gouverneur avança son desastre, faisant sortir soixante harquebusiers, lesquels coulez le long des fossez, s’avancerent pour descouvrir le nombre & valeur des François, vingt desquels se mettans souz Cazenove entre le fort & eux ja sortis, leur coupent la retraicte, pendant que Gourgues commande au reste, de les charger en teste, mais ne tirer que de pres, & coups qui portassent, pour puis apres les s’agmenter plus aisément à coups d’espee. Si que tournant le dos aussi tost que chargez, et reserrez par le Lieutenant, tous y demeurerent. Dont le reste des assiegez furent si effrayez, qu’ils ne sceurent prendre aucune resolution pour garentir leur vie, que par la fuitte dans les bois prochains : où neantmoins rencontrez par les flesches des Sauvages qui les y attendoient (l’une desquelles perça la rondelle & le corps d’un Espagnol, qui en tomba mort) furent aucuns contrains de tourner la teste, aimans mieux mourir par la main des // François qui les poursuyvoient : s’asseurans de ne pouvoir trouver lieu de misericorde en l’une ny l’autre nation, qu’ils avoient esgallement & si fort outragee, fors ceux qu’on reserva pour exemple à l’advenir. […] Les restes des Espagnols menez avec les autres, apres que le Chef leur eust remonstré l’injure qu’ils avoient fait sans occasion à toute la nation Françoise, furent tous pendus aux branches des mesmes arbres qu’avoient esté les François : cinq desquels avoient esté estranglez par un Epagnol, qui se trouvant à tel desastre confessa sa faute, et la juste punition que Dieu luy faisoit souffrir. Mais au lieu de l’escriteau que // Pedro Melandes leur avoit donné, portant ces mots en Espagnols, Je ne fay cecy comme à François, mais comme à Lutheriens, Gourgues fit escrire en une table de sapin avec un fer chaud, Je ne fey cecy comme à Espagnols, ny comme à Mariniers, mais comme à traistres, voleurs, & meurdriers […]. Ce fait de Gourgue, pour retourner à ses navires laissees en la riviere […] va par terre tousjours en bataille, trouvans les chemins couverts de Sauvages qui le venoient honorer de presens & // louanges, comme au liberateur de tous les païs prochains. Une vieille entr’autres luy dit, qu’elle ne se soucioit plus de mourir, puis que les Espagnols chassez, elle avoit une autre fois veu les François à la Floride.

• Jacques Le Moyne de Morgues, Brevis Narratio eorum quae in Florida Americae Provincia Gallis acciderunt, secunda in illam Navigatione, duce Renato de Laudonniere classis Praefecto : Anno MDLXIIII. Quae est Secunda Pars Americae. Additae figurae et Incolarum eicones ibidem ad vivum expressea : brevis item Declaratio Religionis, rituum, vivendique ratione ipsorum. Auctore Iacobo le Moyne, cui cognomen de Morgues, Laudonnierum in ea Navigatione sequuto. Nunc primum Gallico sermone à Theodoro de Bry Leodiense in lucem edita : latio vero donata a C.C.A., Francfort, J. Wechel, pour Théodore de Bry, 159158.

Extrait : Le massacre des Français (p. 24-26)

Perseverante ista tempestate, Hispani admoniti Gallos naves conscendisse, et non abs re suspicati naufragio per eam tempestatem periisse, nostram arcem facile se occupaturos existimarunt ; et licet tanti atque continui essent imbres, ac si denuo peritura diluvio essent iter facere non destiterunt ; eadem nocte continuas excubias egerant pauci illi qui arma tractare norant : nam ex centum et circiter quinquaginta qui in arc restiterant, vix viginti ad resistendum erant apti, quia Ribaldus, ut dictum est, omnes strenuos milites abduxerant praeter quatuordecim aut quindecim aegros et mutilos vulneratosque, ex proelio adversus Regem Outinam gesto ; reliqui erant aut ministri aut opifices (qui ne pyxidem quidem unquam explodi audiverant) aut Regii Commissarii, ad calamum quam gladium tractandum magis idonei, praeterea aliquot mulieres, quarum mariti majore ex parte naves conscenderant ; Laudonnierus vero aeger in lectulo decumbebat.

Orta jam luce, cum nemo circum arcem conspiceretur, Dominus de la Vigne, cui Laudonnierus excubiarum curam commiserat, misertus militum madentium et continua vigilia fatigatorum, eos ad horam quieti se tradere jubet ; vix armis depositis in suas habitationes ingressi erant, cum Hispani duce Gallo Francisco Ioanne, qui suos sodales seduxerat, tribus locis accelerato gradu in arcem penetrant nemine resistence, et militum statione occupata signa militaria // figunt, inde per militum domos vagantur ; et quotquot reperiunt occidunt, unde clamores et horrendi gemitus exauditi eorum qui jugulabantur ; ad me quod attinet, quotescunque memoria repeto insigne miraculum quod Deus (cui nihil certe impossibile) in me ostendit, satis mirari nequeo, et quasi attonitus haereo ; nam, ab excubiis rediens, posita pyxide tormentaria, totus madens in xylinum lectum, quem quem Brasilianorum more suspenderam, me conjicio aliquantulum dormitare sperans ; sed exauditis clamoribus, armorum dormitare sperans ; sed exauditis clamoribus, armorum strepitu, et iteratis vulnerum ictibus, illico desilii, atque egredienti aedes, ut viderem quid rerum gereretur, bini Hispani eductos gladios manu tenentes, in ipsa janua obvii facti, nec me allocuti (licet in eos impegissem) in habitationem ingrediuntur ; ego vero ulterius progressus nihil nisi caedes conspiciens, atque etiam militum stationem occupatam ab Hispanis […] Tum in fossam desilio, qua superata solus iter facio paulatim ascendes, dones ad silvam quandam pervenirem ; istic in aeditiore collis loco consistenti, primum mihi a Deo mens reddita : certum enim est, quaecunque mihi ab habitatione digresso acciderant, tamquam mente capto evenisse.

• Extraits de correspondance expliquant le contexte politique

Document n° 1 : Plainte de Philippe II à Charles IX

Plaincte de l’ambassadeur du Roy catholique presentée au Roy Très Chrestien sur le faict de la Floride (Faisant suite à la lettre de Charles IX à M. de Fourquevaux, du 28 novembre 1565). Copie, Ms. fr. 10751, p. 59-61. Transcription d’après une édition numérisée par l’Université d’Ottawa : Lettres de Charles IX à m. de Fourquevaux, ambassadeur en Espagne, 1565-1572, Montpellier, C. Boehm, 1897.

Que haviendo sua Maad entendido que algunos subditos del Rey Christsimo, su hermano, havian ydo a la Florida para usurpar aquela provincia, tantos annos a, por Su Maad descubierta y posseida mando embiar a castigarlos como a pyratas fractorez y perturbatores de la pas publia yco haver hecho esta provision pensava no tratar mas dello pero que la hermandad que tienne con el Rey Chrismo y la claridad y sinceridad con que a de proceder con el, y con ella en todas las cosas le hase no quererles callar lo que en esto ay para que lo sepan y manden dar la orden que conviene pra retirar de aquella empresa a los que estan en la dicha Florida y que proyban y deffendan con el rigo necessario que no vayan mas subditos suyos en aquellas partes pues no parese cosa conveniente que estando a ca el Rey Chrismo, su hermano, y el con el amor conformiandad y hermandad que estan anden alla sus subditos guerreando les unos contra los otros.

Document n° 2 : Charles IX à M. de Fourquevaux, ambassadeur en Espagne

Mémoire de M. de Fourquevaulx. Original, Château de Fourquevaulx ; copie, Ms. fr. 10751, p. 292-300. Transcription d’après une édition numérisée par l’Université d’Ottawa : Lettres de Charles IX à M. de Fourquevaux, ambassadeur en Espagne, 1565-1572, Montpellier, C. Boehm, 1897.

MEMOIRE

Encores que par les lettres envoyées par Monsr de Fourquevaulx du IXeme du moys passé, le Roy ayt fort amplement entendu la grande et vifve instance qu’il a faite envers le Roy, son beau frere, pour faire faire reparation et justice de la cruaulté exercée par Pero Melandes envers les subgectz de sa Majesté estans à la Floride, et que par les responces qui luy ont esté faictes tant par luy que par le duc d’Albe, il ayt assez congneu avec combien de raisons colorées ilz veullent justiffier leur execution, par où ils demonstrent assez le peu de volunté qu’ilz ont que justice soit faicte des autheurs et executeurs d’ung acte si barbare et inhumain ; ce neantmoins, et considerant combien une telle entreprise importe à sa grandeur et reputation, Sa Majesté a choisy le moyen plus convenable à leur amityé, qui est de luy remonstrer le tort qui luy est faict et le prier luy garder le mesme respect qu’il desire luy estre usé par sa Majesté et que jusques icy luy a esté usé tout ce qui La touche. Pour lequel effect, led.
Sr de Fourquevaulx, suivant ce qu’il en a jà très prudemment et suffisamment discouru à Sa Majesté Catholicque, renouvellera sa plaincte fondée sur tant d’équité qu’elle ne peult estre par eulx negligée, fera avec les plus preignans termes dont il se pourra adviser nouvelle instance que justice et reparation soit faicte à Sa Majesté dud. Pero Melandes ou aultres qui ont commis ce cruel meurtre, qui ne peult estre entre amys excusé ny passé soubz dissimulation par le Roy Catholique sans monstrer que il faict peu d’estime de l’amytié et bienveillance d’ung si grant Roy, de laquelle il peult plus recevoir de bien, commodité et advantage pour le maintien de sa grandeur que d’aultre amy quelconque qu’il scauroit avoir.

L’acte de soy si vilain et infame qu’il est le semond, luy qui a faict toute sa vye profession d’equité et de justice, de le faire punir, et l’alliance fraternelle, l’union de ces deux Royaumes et l’amityé contractée entre leurs Majestez, nourrye, conservée et entretenue par tant de bons offices jusques icy d’une part et d’aultre le requiert ; de façon qu’il ne fault ny baptiser du nom de pirates les subgectz de Sa Majesté, qui n’ont faict aucune acte de briganderye, mais sont allez au lieu où leurs predeccesseurs ont esté de tout temps, sans faire tort ny dommaige à personne, avec patente et commandement ; qui les delivre de la faulte qu’ilz pourroient avoir commise en faisant quelque nouveaulté d’eulx mesmes, ny alleguer qu’on ayt usé de la dissimulation et du desaveu que dict led. duc d’Albe ; ny aussi peu attribuer ce voiage à Monsr l’Admiral et aultres de la nouvelle religion, qui ayent eu volunté d’aller troubler le pays de sa Majesté.

[…] Donc pour ceste occasion Sa Majesté ne se peult desister de requerir avecques toute instance que reparation luy soit faicte d’ung si cruel meurtre de ses subgetsz, esperant que le Roy son beau frere, après qu’il aura bien considéré le bien et le mal de l’acte, l’equité ou iniquité de la requeste qui luy est faictes, de soy mesme choisira la voye la plus raisonnable, et aymera myeulx contenter ung si grant Roy, son si proche allyé et si utille amy, en faisant justice, que le mal contenter en pardonnant à des brigands, de qui la vye ne luy peult apporter aucun bien à l’advantage de ses affaires.

Document n° 3 : Lettre du 17 mars 1566 de Catherine de Médicis à M. de Fourquevaulx

Copie Bibl. nat. fonds français, n° 10751, folios 199 et suiv. Transcription d’après une édition numérisée par l’Université de Toronto : Lettres de Catherine de Médicis, publiées par Hector de La Ferrière, Paris, Impr. nationale 1880-1909.

1566-17 mars

A MONSIEUR DE FOURQUEVAULX

Monsieur de Fourquevauls, avant que l’ambassadeur d’Espaigne ait despesché son coursier, est arrivé vostre premier paquet dont nostre autre despesche fait mention, par où j’ay esté bien particulièrement advertie comme est passé ce malheureux massacre faict à la Floride et les propos que vous en a tenus le duc d’Albe avecques la response que vous y avaez faicte bonne et pertinente et telle que requiert un cas si cruel et inhumain, dont je n’avois voulu faire aucun bruit, ne faire connoistre que j’en sceusse rien jusques à hier, que ledict ambassadeur, ayant demandé audience au Roy monsieur mon fils et à moy, nous vint trouver et apres plusieurs autres propos qu’il nous tint nous dit qu’il avoit charge de son maistre, monsieur mon beau-fils, nous advertir qu’il estoit arrivé en Espaigne un capitaine pourtant nouvelles que Pierre Ménendez ayant trouvé en la terre de la Floride quelques François advouez et chargez des lettres de M. l’Admiral, qui avoint en leur compagnie quelques ministres qui plantoient là la religion nouvelle, il les avoit chastiez, comme il dict en avoir commandement du roy son maistre ; bien confessoit-il que ce avoit esté un peu plus rudement et cruellement que sondict maistre n’eust désiré, mais qu›il n›avoit pu moins faire que de leur courir sus comme à pirates et gents qui estoint là pour entreprendre sur ce qui luy apprtenoit, disant néantmoins que le roy son maistre demandoit justice dudict Admiral. Le Roy mon fils qui estoit encores dedans le lict assez débille pour la maladie qu’il a eüe dont il est graces à Dieu du tout dehors, voulut que je y fisse responce, qui fut que je l’avoys desjà bien sceu par un homme qui nous en estoit revenu, et ne pouvois, comme mère commune, que je n’eusse une douleur incroyable au coeur d’avoir entendu qu’entre princes si amis, alliez et apparentez que sont ces deux roys et en si bonne paix lors et au temps que nous observions envers eux tant et de si grands offices d’amitié, un carnage si horrible eust été commis des subjects du Roy mondict fils, auquel jusques alors, à cause de sa maladie, je n’en avoys pas voulu parler, que j’estois comme hors de moy quand j’y pensois, et ne me pouvois persuader que le roy son maistre ne nous en feit la reparation et justice ; car de couvrir cella sur l’adveu dudict Amiral qu’il n’y a pas de quoy, estant bien croyable qu’il n’a pas laissé aller tant de gents hors de ce royaume sans le sceu du Roy mon fils, qui estime que le commerce et la navigation est libre partout à ses subjects, et que ceste terre où le faict s’est commis n’est point à luy, mais de si long temps descouverte de nos subjects, qu’elle en porte encores le nom, comme il en a esté et ses ministres aussi jà adverti par vous. Et quand bien ils eussent esté dedans les propres païs qu’il n’appartenoit entre amis, qu’ils se doivent contenter de les reposé sur moy de ses affaires j’aye laissé faire une telle escorne à sa réputation, dont je vous prie que par vostre première despesche je sois esclaircie, m’assurant que ledict ambassadeur n’oubliera rien à faire sçavoir de ce que je luy en ay dit et du tort qu’ils font au bien que je cherche faire à ce royaume ; car à vous dire franchement, je croy que les Huguenots, qui y sont, n’eussent sceu demender une meilleure nouvelle, connoissant par là que l’amitié que nous nous prometons du costé de delà est fort mal assurée puisque l’on traicte ainsi noz subjects, ce que j’espère que Dieu ne laissera impuni, comme je veux que vous le faictes très bien entendre à la royne ma fille, oultre ce que je luy en escripts et luy monstriez ceste lettre, si elle la veut voir. J’ay au demeurant veu ce que vous m’escripvez du faict des mariages, à quoy je ne pense plus. Le Roy mon fils est assez jeune pour attendre mieux, et si grand prince qu’il ne peut qu’il n’ayt tousjours à choisir en toute la Chrestienté, quelque empeschement qu’ l’on y pense donner, comme je sçay et connois que l’on faict. Priant Dieu, Monsieur de Forquevauls, vous avoir en sa saincte et digne garde.

Escript à Molins, le XVIIe jour de mars 1566.

                                                                                                              CATHERINE.

• René Goulaine de Laudonnière, A notable historie containing foure voyages made by certayne French captaynes vnto Florida wherein the great riches and fruitefulnes of the countrey with the maners of the people hitherto concealed are brought to light, written all, saving the last, by Monsieur Laudonniere, [traduction par Richard Hakluyt], Londres, Thomas Dawson, 1587. Transcription en ligne.

[Pages 58 and sqq.]

Then we be thought our selves of those which might bee most sufficient, among whome wee chose two, one of whom was named Monsieur Saint Cler, and the other Monsieur De la Vigne, to whom we delivered candles and Lanterns to go round about the fort to viewe the watch because of the foule and foggie weather. I delivered them also a sandglasse or clocke that the centinels might not be troubled more one then the other. In the meane while I ceased not, for all the fowle weather nor my sickenesse which I had, to oversee the corps de garde. The night betweene the ninetenth and twentieth of September La Vigne kept watch with his companie, wherein hee used all endevour although it rayned without ceasing. When the day was therefore come, and that hee sawe that it rayned still worse then it did before, hee pitied the centinelles so too moyled and wette: and thinking the Spaniardes woulde not have come in such a strange time, hee let them depart, and, to say the trueth, hee went himselfe unto his lodging. In the meane while one which had something to doe without the fort, and my trompet which went up unto the rampart perceaved a troupe of Spaniards which came downe from a little knappe. Where incontinently they beganne to cry alarme, and the trompetter also: Which assoone as ever I understoode, foorthwith I issued out, with my Target and sworde in my hande, and gatte mee into the middest of the Courte, where I beganne to cry uppon my soldiers. Some of them which weee of the forwarde sort went towarde the breach, which was on the south-side, and where the munitions of the artillerie lay, where they were repulsed and slaine. By the selfesame place two ensignes entred, which immediatly were planted on the walles. Two other ensignes also entred on the other side toward the West, where there was another brech: and those which were loged in this quarter, and which shewed themselues, were likewise defeated. As I went to succour them which were defending the breach on the southwest side, I incountred by chaunce a great companie of Spaniardes, which had alreadie repulsed our men and were nowe entred, which drave mee backe unto the court of the fort: being there I espied with them one called Francis Iean, which was one of the marriners which stoale away my barkes, & had guided & conducted the Spaniards thither. Assoone as he saw me, he began to say, This is the Captaine. This troupe was led by a captaine whose name, as I thinke, was Don Pedro Melendes: these made certaine pushes at me wt their pikes which lighted on my target. But perceaving that I was not able to withstand so great a companie, & that the court was already wonne, & their ensignes planted on the ramparts, and that I had never a man about me, saving one onely whose name was Bartholomew, I entred into the yard of my lodging, into which they followed me, and had it not beene for a tent that was set up, I had beene taken: but the Spaniards which followed me were occupied in cutting of the Cordes of the tent, and in the meane while I saved my selfe by the breach which was on the west side neere unto my Lieutenantes lodging, and gate away into the woods: where I founde certaine of my men which were escaped, of which number there were three or foure which were sore hurte. Then spake I thus unto them: Sirs, since it hath pleased GOD that this mischaunce is happened unto us, wee must needes take the paynes to gette over the Marshes unto the shippes which are at the mouth of the River. Some woulde needes goe to a little village which was in the woods, the rest folowed mee thorough the reedes in the water, where being able to goe no farther by reason of my sickenes which I had, I sent two of my men which were with mee, which coulde swim well, unto the ships, to advertise them of that which had happened, and to send them worde to come and helpe me. They were not able that day to get unto the ships to certifie them thereof: so I was constrained to stand in the water up to the shoulders all that night long, with one of my men which woulde never forsake me. The next day morning, beeing scarcely able to drawe my breath any more, I betooke mee to my praiers with the souldier which was with me, whose name was Iohn du Chemin: for I felt my selfe so feeble, that I was afraid I should dye sodenly: and in truth if he had not embraced me in both his armes, and so held me vp, it had not beene possible to save mee. After wee had made an ende of our praiers, I heard a voice, which in my iudgement was one of theirs which I had sent, which were over against the ships and called for the ship boate, which was so in deede: and because those of the ships had understanding of the taking of the fort by one called Iohn de Hais, master Carpenter, which fled unto them in a shallop, they had set sayle to runne along the coast to see if they might save any: wherein doubtlesse they did very well their endevour. They went straight to the place where the two men were which I had sent, and which called them. Assoone as they had received them in and understood where I was, they came and found me in a pitifull case. Five or sixe of them tooke me and carried me into the shallop: for I was not able by any meanes to goe one foote. After I was brought into the shalloppe some of the Marriners tooke their clothes from their backs to lend them me, and woulde have carried me presently to their ships to give me a little Aqua vitae. Howbeit I woulde not goe thither, untill I had first gone with the boat along the reeds, to seeke out the poore soules which were scattered abroad, where we gathered up eighteene or twentye of them. The last that I tooke in was the Nephewe of the Treasurer le Beau. After we were all come to the ships, I comforted them aswell as I coulde, and sent backe the boate againe with speede to see if they coulde finde yet any more. Upon her returne, the Mariners told me how that Captaine Iames Ribault which was in his shippe about two muskets shotte distant from the fort, had parled with the Spaniardes, and that Francis Iean came unto his shippe, where he staied a long space, whereat they greatly marvailed, considering that hee was the cause of this enterprise, how he would let him escape. After I was come into the ship called the Greyhounde, Captain Iames Ribault & Captain Valuot came to see me: and there wee concluded to returne into France.

Notes

  1. 20 septembre et 12 octobre 1565 puis 24 avril 1568. Qu’il me soit permis ici de remercier Blandine Perona et Yves Junot de m’avoir invitée à participer à ce beau projet. Merci également aux intervenants présents lors des différentes journées pour leurs stimulantes remarques.
  2. En date du 19 mars 1563, elle signe la fin de la première guerre de Religion. Tout en accordant l’amnistie aux calvinistes, elle restreint la liberté d’exercice du culte protestant en dehors des villes.
  3. Hélène Lhoumeau, Les Expéditions françaises en Floride (1562-1568), thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, Paris, École des chartes, 2000. Sur la mise en place de la colonie et les raisons économiques et religieuses, voir aussi Gilles Havard et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française (2003), Paris, Flammarion, 2006.
  4. Mickaël Augeron, John de Bry et Annick Notter (dir.), Floride, un rêve français (1562-1565), La Rochelle, Musée du Nouveau Monde, 2012. Voir notamment le chapitre « Le massacre d’un rêve français », p. 87 et sq.
  5. Hélène Lhoumeau, Les Expéditions françaises en Floride (1562-1568), op. cit.
  6. Mickaël Augeron et al., Floride, un rêve français (1562-1565), op. cit., p. 107-116.
  7. Pour l’histoire du mot, nous renvoyons à la bibliographie générale de l’ouvrage ainsi qu’à l’analyse lexicale développée dans l’introduction.
  8. Charles Samaran, « Dominique de Gourgues », Revue Historique, 108, 1911, p. 276-293.
  9. Voir sur ce point la contribution d’Anne-Pascale Pouey-Mounou dans la présente publication.
  10. Nicolas Le Challeux, Discours de l’histoire de la Floride, contenant la cruauté des Espagnols contre les subjets du Roy en l’an mil cinq cens soixante cinq. Rédigé au vray par ceux qui en sont restez, Dieppe, J. Le Sellier, 1566 ; René Goulaine de Laudonnière, L’Histoire notable de la Floride située es Indes Occidentales, contenant les trois voyages faits en icelle par certains capitaines et pilotes français, Paris, Guillaume Auvray, 1586. Les trois textes ont fait l’objet d’une réédition annotée par Suzanne Lussagnet dans Les Français en Amérique pendant la deuxième moitié du XVIe siècle. Vol. 2. Les Français en Floride, Paris, PUF, 1958 ; Jacques Le Moyne de Morgues, Brevis Narratio eorum quae in Florida Americae Provincia Gallis acciderunt, secunda in illam Navigatione, duce Renato de Laudonniere classis Praefecto : Anno MDLXIIII, Francfort, Johann Wechel, 1591.
  11. Le texte sera ensuite systématiquement adjoint aux éditions du récit de René de Laudonnière.
  12. Voir Frank Lestringant, Le Huguenot et le sauvage. L’Amérique et la controverse coloniale, en France, au temps des guerres de Religion (1555-1589), Genève, Droz, 2004, chap. V, p. 227 et sq.
  13. Frank Lestringant, Le théâtre de la Floride. Autour de la Brève narration des événements qui arrivèrent aux Français en Floride, province d’Amérique, de Jacques Le Moyne de Morgues (1591), Paris, PUPS, « Imago Mundi », 2017, p. 90.
  14. Expression que l’on reprend à Mathilde Bernard, qui montre que la vue permet de conférer une portée testimoniale aux récits de massacre, tandis que les sons font appel aux émotions du lecteur. Mathilde Bernard, « “Carnage affreux” et “cruauté execrable” : poétique du récit de massacre à la Renaissance », Shakespeare en devenir, The politics of pain: the epistemology of violence in historical and political narratives, 5, 2011.
  15. Voir Jacques Berchtold et Marie-Madeleine Fragonard (dir.), La Mémoire des guerres de religion. La concurrence des genres historiques (XVIe-XVIIIe siècles), Genève, Droz, 2007 et, pour un propos plus général, Paul Ricoeur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000.
  16. Le Challeux, Discours de l’histoire de la Floride, op. cit, p. 26.
  17. On retrouve, dans le texte de Laudonnière, d’autres images apocalyptiques annonçant les massacres à venir. Sur le modèle de l’Apocalypse, voir Denis Crouzet, Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion (vers 1525-vers 1610), Seyssel, Champ Vallon, 1990, vol. 1, p. 182 et sq., et Constantinos A. Patrides et Joseph A. Wittreich (dir.), The Apocalypse in English Renaissance Thought and Literature. Patterns, Antecedents and Repercussions, Manchester/Dover, Manchester University Press, 1984.
  18. Le Challeux, Discours de l’histoire de la Floride, op. cit, p. 30.
  19. Ibid., p. 50-51.
  20. Ibid., respectivement p. 29, p. 30, p. 34, p. 50.
  21. Le Moyne de Morgues, Brevis Narratio, op. cit., p. 25. Le texte original donne : « clamores et horrendi gemitus » puis « clamoribus, armorum strepitu, et iteratis vulnerum ictibus ».
  22. Ibid. On peut y voir un parallèle avec le moment où Le Challeux affirme qu’il « résign[e] tous [s]es sens au Seigneur » (p. 28).
  23. Frank Lestringant, Le Huguenot, op. cit., p. 277.
  24. Sur cette comparaison entre Léry et Le Challeux, voir par exemple Frank Lestringant, L’Expérience huguenote au Nouveau Monde (XVIe siècle), Genève, Droz, 1996, p. 221 et sq.
  25. Le Challeux, Discours de l’histoire de la Floride, op. cit, p. 28.
  26. Le Moyne de Morgues ne voit pas ce premier massacre mais écrit qu’il reviendra deux jours plus tard et verra l’un de ses compagnons se rendant aux Espagnols se faire tuer. Il assistera à la scène caché sur une colline surélevée par rapport au fort.
  27. Le Challeux, Discours de l’histoire de la Floride, op. cit, p. 29. Une deuxième hypotypose est présente lorsque le narrateur décrit le meurtre de Ribault, p. 34.
  28. Le Challeux, Discours de l’histoire de la Floride, op. cit., p. 17.
  29. Le Moyne de Morgues, Brevis Narratio, op. cit., p. 247.
  30. Laudonnière, L’Histoire notable de la Floride, op. cit., p. 108-109.
  31. Je traduis.
  32. « qui ne peut pas nuire ».
  33. Je remercie Denis Crouzet pour cette suggestion qu’il m’a faite suite à la communication dont est issu cet article.
  34. Le nom Floride vient de Pascua Florida, « Pâques fleuries » en espagnol.
  35. Sur la figure du barbare à cette époque, voir « Sur le concept de barbarie au XVIe siècle », dans Françoise Autrand et Nicole Cazauran (dir.), La Conscience européenne au XVe et au XVIe siècle, Paris, 1982, p. 106-126.
  36. Laudonnière, L’Histoire notable de la Floride, op. cit., p. 72. Parmi ces éléments physiques, on pourrait analyser la couleur de peau ou encore la comparaison avec des bêtes sauvages.
  37. C’est le premier sens de « fureur » donné dans le TLFi : « Dérèglement passager du comportement, pouvant caractériser certaines folies, et se manifestant par des actes d’extrême violence. Folie furieuse. »
  38. Laudonnière, L’Histoire notable de la Floride, op. cit., p. 69.
  39. Ibid., p. 49.
  40. Laudonnière, L’Histoire notable de la Floride, op. cit., p. 54-55.
  41. Le Moyne de Morgues, Brevis Narratio, op. cit., p. 14.
  42. Le Challeux, Discours de l’histoire de la Floride, op. cit, p. 51-52.
  43. Suzanne Lussagnet dans, Les Français en Amérique pendant la deuxième moitié du XVIe siècle, op. cit., écrit que ce geste paraît invraisemblable de la part des Espagnols mais qu’il a connu une grande fortune dans les récits français s’inspirant du texte de Le Challeux (p. 232).
  44. Grégory Wallerick, « La conquête et la conversion de l’Amérique espagnole vues par un protestant à la fin du XVIe siècle », Le Verger, bouquet V, 2014.
  45. On peut également formuler l’hypothèse qu’il y aurait une inspiration du récit de Hans Staden, lequel raconte qu’il refuse que les Tupinambas du Brésil lui coupent la barbe avant sa mort, lorsqu’il croit qu’il sera dévoré. Voir Hans Staden, Warhaftige Historia, Marburg, Andreas Kolbe, 1557, traduite et modernisée par Grégoire Holtz dans Grégoire Holtz, Jean-Claude Laborie et Frank Lestringant (dir.), Voyageurs de la Renaissance, Paris, Gallimard, 2019, p. 311-312.
  46. Denis Crouzet, « Sur le concept de barbarie au XVIe siècle », art. cit., p. 113.
  47. Laudonnière, L’Histoire notable de la Floride, op. cit., p. 31.
  48. Frank Lestringant, Le Huguenot, op. cit., p. 264.
  49. Laudonnière, L’Histoire notable de la Floride, op. cit., p. 110-111.
  50. Jacques Houdaille, « Les prénoms des protestants au XVIIe siècle », Population, 51, 1996, p. 775-778.
  51. Ce que malheureusement nous ne pourrons pas vérifier tant que le manuscrit original ne sera pas retrouvé. Le Moyne de Morgues mentionne deux personnages : Bartholomé et Grandchemin (op. cit., p. 26). Frank Lestringant montre que Le Moyne de Morgues recopie souvent Laudonnière.
  52. Grégory Wallerick, « La guerre par l’image dans l’Europe du XVIe siècle », Archives de sciences sociales des religions, 149, janvier-mars 2010. Sur l’iconographie de la martyrologie protestante, voir aussi David El Kenz, « La mise en scène médiatique du massacre des huguenots au temps des guerres de Religion : théologie ou politique ? », Sens public, 2006 ; ou encore Michèle Duchet, L’Amérique de Théodore de Bry. Une collection de voyages protestante du XVIe siècle, Paris, Éditions du CNRS, 1987.
  53. Voir cette gravure en annexe p. 106. Bartolomé de Las Casas, Narratio regionum Indicarum per Hispanos quosdam devastatarum verissima, priùs quidem per episcopum Bartholemaeum Casaum, natione Hispanum Hispanicè conscripta, & anno 1551. Hispali, Hispanicè, anno verò hoc 1598. Latinè excusa, traduit d’après la version française de Jacques de Miggrode, figures gravées sur cuivre par Jean Théodore et Johann Israël de Bry, Francfort, Théodore de Bry et Johannes Saur, 1598, planche p. 95 : conquistadors massacrant un village d’Indiens. Amputations des mains.
  54. Jean Dytar, Florida, Paris, Delcourt, 2018, p. 228, [En ligne] http://www.jeandytar.com/florida [consulté le 27/10/2021].
  55. Sur la fortune littéraire de ces massacres dans la littérature protestante, voir les articles que Frank Lestringant a consacrés au sujet dans Le Huguenot, op. cit., p. 227 et sq. ou dans Floride, un rêve français, op. cit., p. 117 et sq.
  56. Réédition annotée par Suzanne Lussagnet dans Les Français en Amérique pendant la deuxième moitié du XVIe siècle, vol. 2. Les Français en Floride, Paris, PUF, 1958.
  57. Réédition annotée par Suzanne Lussagnet dans Les Français en Amérique pendant la deuxième moitié du XVIe siècle, op. cit.
  58. Les extraits sont issus de cette édition. Le texte a été réédité et annoté par Frank Lestringant dans Le théâtre de la Floride. Autour de la Brève narration des événements qui arrivèrent aux Français en Floride, province d’Amérique, de Jacques Le Moyne de Morgues (1591), Paris, PUPS, 2017.
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EAN html : 9791030008036
ISBN html : 979-10-300-0803-6
ISBN pdf : 979-10-300-0804-3
ISSN : 2743-7639
Posté le 07/01/2022
22 p.
Code CLIL : 3387 ; 4024 ; 3388 ; 3345
licence CC by SA

Comment citer

Legrand, Rebecca, “Les massacres de Floride (1565) : mémoires et oublis d’un scandale de la Renaissance”, in : Perona, Blandine, Moreau, Isabelle, Zanin, Enrica, éd., Fabrique du scandale et rivalités mémorielles en France et en Europe (1550-1697), Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, collection S@voirs humanistes 2, 2022, 95-116 [en ligne] https://una-editions.fr/les-massacres-de-floride/ [consulté le 07/01/2022].
10.46608/savoirshumaniste2.9791030008036.9
Illustration de couverture • D’après la gravure « Massacre d'un village d'Indiens par les Conquistadors » de Johann Theodor de Bry, in : Las Casas, Bartholomé de,Narratio regionum Indicarum per Hispanos quosdam devastattarum, 1598.
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