Dans les sociétés de l’Antiquité gréco-romaine, le parfum joue un rôle important aussi bien lors des fêtes que dans la vie quotidienne. Mais il convient d’abord de préciser que les parfums antiques sont bien différents des parfums modernes. Les anciens parfumeurs ne travaillaient pas à partir d’une base alcoolisée comme c’est le cas aujourd’hui mais utilisaient des huiles et des graisses d’origine végétale ou animale comme base de leurs préparations. Des inscriptions sur les vases contenant ces parfums et des recettes de parfumeurs, notamment chez Théophraste, nous sont parvenues et nous donnent un aperçu des effluves odorantes que laissaient dans leur sillage les habitants des cités antiques : marjolaine, cinnamome, nard, fenugrec, rose ou encore iris. Les essais de recréations de ces recettes nous font sentir des parfums lourds et capiteux, à même de camoufler les mauvaises odeurs du quotidien. Les huiles parfumées sont ainsi utilisées tous les jours et interviennent lors des soins du corps consécutifs au bain, moment où elles sont non seulement utilisées pour assouplir et parfumer la peau mais également pour parfumer les cheveux et les vêtements.
Le parfum de la mariée
Les parfums sont largement employés lors des festivités liées au mariage. À partir de la seconde moitié du Ve s. et jusqu’à la fin du IVe s. a.C., des scènes de bain, de parure ou d’habillement apparaissent de manière de plus en plus fréquente sur les vases à figure rouge athéniens. Celles-ci prennent place dans un contexte matrimonial et on y voit fréquemment les préparatifs de la future mariée, qui vont du bain rituel à la présentation des bijoux qu’elle va porter. Sur une pyxide à figure rouge conservée à New York, on voit ainsi la future mariée, accroupie, pendant qu’Éros verse sur elle l’eau du bain nuptial. Un vase à parfum, suspendu au mur, indique qu’elle emploiera ensuite de l’huile parfumée. Que ce soit dans la vie quotidienne ou lors de festivités, le parfum sert à rendre la jeune femme belle et désirable, au même titre que des ornements plus classiques. Les huiles parfumées appartiennent ainsi à la série d’objets qui permettent à l’oikos de faire étalage de son opulence, en particulier lors des cérémonies nuptiales et, dans le Ploutos d’Aristophane (528-532), la Pauvreté déplore d’ailleurs l’absence de parfums qu’on aurait pu répandre sur la jeune mariée.
Le parfum, aspirine du banquet antique
Dès l’époque archaïque, l’utilisation de parfum lors des banquets est notamment confirmée par plusieurs auteurs, parmi lesquels Xénophane, Alcée et Anacréon, qui nous apprennent que les substances parfumées étaient fréquemment présentes lors des banquets sous la forme de fleurs, de couronnes, d’encens et de vases remplis d’huile parfumée dont on enduisait la poitrine des convives. Athénée (8, 365d), citant Xénophon, rapporte que des vases remplis de parfum pouvaient soit être amenés par les convives du banquet, soit être fournis par l’hôte. Et Élien d’ajouter qu’il existe même en Grèce un vin aromatisé à l’aide de parfum (12, 31). Ces effluves parfumés, et en particulier les couronnes, étaient censés soulager les maux de tête causés par la consommation excessive de vin. Élément essentiel de la fête, le parfum accompagne la débauche de luxe qui se déploie lors de certains banquets. Suétone rapporte par exemple que la plomberie intégrée dans les plafonds des salles à manger de Néron dans la Domus Aurea (Néron, 31) répandaient sur les convives des parfums et des fleurs.
Parfumer les dieux
Par ailleurs, dans le cadre de fêtes rituelles, les humains ne sont pas les seuls à bénéficier des bienfaits des huiles odoriférantes et les divinités en reçoivent leur part. L’offrande de ces huiles dans les sanctuaires est non seulement attestée par les découvertes archéologiques de vases à parfum dans ces contextes, mais également par les inventaires des sanctuaires qui mentionnent la présence de ces vases. Ces offrandes destinées aux dieux et aux déesses sont notamment utilisées dans le cadre de rituels qui impliquent de parfumer les statues de culte. Ainsi, lors de la fête des Kallyntéria-Plyntéria, la statue d’Athéna Polias à Athènes a droit à un bain rituel et est ensuite revêtue d’étoffes précieuses. Différentes sources attestent de l’utilisation abondante de parfum lors de ce type de rituels, notamment pour entretenir, nettoyer et parfumer les statues de culte, par exemple au moyen d’huile parfumée à la rose. Il est tentant de penser qu’un fragment de lèvre de vase à parfum, découvert sur l’Acropole d’Athènes et portant l’inscription λοσθεκ[αλ]ος, « que ton bain soit bon », fasse non seulement référence à l’utilisation des huiles parfumées dans le cadre du bain, mais aussi en particulier dans le cadre du bain de la déesse. Ainsi, odeurs des divinités et odeurs des humains participent à la fête.
Bibliographie
- Algrain, I. (2014) : L’alabastre attique. Origine, forme et usages, Bruxelles.
- Bodiou, L., Frère, D. et Mehl, V. éd. (2008) : Parfums et odeurs dans l’Antiquité, Rennes.
- Frère, D. et Hugot, L. éd. (2012) : Les huiles parfumées en Méditerranée occidentale et en Gaule, VIIIe s. av. – VIIIe s. ap. J.-C.). Actes du colloque de Rome, 16-18 novembre 2009, Rennes.
- Verbanck-Piérard, A., Massar, N. et Frère, D. éd. (2008) : Parfums de l’Antiquité. La rose et l’encens en Méditerranée, Mariemont.