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Chapitre 3.
Sous l’empire romain : des facettes multiples

par

La conquête de la Gaule par César avait permis, dès le milieu du Ier siècle av. n. è., d’intégrer tout le versant nord de la chaîne pyrénéenne dans l’orbite de Rome, après la prise de contrôle de la Transalpine, dont la haute vallée de Garonne marquait la limite. Si une nouvelle administration se met alors nécessairement en place (Goudineau 1998, 192 et 212), l’action d’Auguste un demi-siècle plus tard semble avoir eu plus d’impact dans ces régions (Rico 1997, 165 et 184). Le changement d’échelle désormais assumé, qui fait définitivement disparaître la République dans l’Empire romain, s’accompagne en effet d’une réorganisation plus profonde des territoires conquis (fig. 179). Les changements sont nombreux et touchent différentes sphères de la société. La fiscalité est la première des nouvelles contraintes auxquelles les peuples vaincus doivent se soumettre (France 2005, 86-89). L’urbanisme est transformé avec le développement des centres urbains qui arborent une parure monumentale renouvelée (forum, théâtres, thermes, etc.), correspondant à de nouvelles manifestations sociales. La construction en pierres vient remplacer l’architecture en terre et bois précédente, diffusant des modèles méditerranéens loin vers l’intérieur des terres. De nouveaux temples sont élevés aux dieux du panthéon romain, qui se surimposent parfois aux divinités locales par un processus de contaminatio (Sablayrolles 1992, 23-24). Tous ces phénomènes sont observés dans l’ensemble des régions conquises de manière relativement uniforme (Monteil & Tranoy 2008, 6-20).

Fig. 179. Le district à cuivre argentifère de l’Arize dans son contexte
entre la fin du IIe et le Ier s. av. n. è. E. Meunier 2022

L’occupation du territoire est marquée par l’apparition des villae qui jalonnent les espaces ruraux (Monteil & Tranoy 2008, 69-72). Elles ont pu prendre la suite d’établissements préromains ou être créées ex nihilo (Gruat & Marty 2000, 40 ; Mauné 2000, 242 ; Laüt et al. 2005, 352 ; Py 2012, 265). Les territoires des peuples gaulois sont aussi découpés ou regroupés et si les noms anciens perdurent à travers ceux des nouvelles cités, les espaces qui leurs sont attribués ne sont pas équivalents à ce qu’ils étaient avant la conquête (Christol 2009, 30). Pour la région qui nous concerne, les réformes d’Auguste se sont traduites par des regroupements de territoires et le déplacement de la frontière entre Aquitaine et désormais Narbonnaise (qui prend la suite de la Transalpine) vers l’est, le territoire des Convènes étant rattaché à l’Aquitaine (Rico 1997, 184-186 ; Goudineau 1998, 215).

En ce qui concerne l’activité dans les mines, malgré leur appartenance à ce même empire, les situations sont assez variables selon les secteurs. Nous avons évoqué plus haut l’arrêt de certaines exploitations autour du règne d’Auguste. D’autres au contraire prennent alors leur essor. Nous ferons ici le point sur ces différentes situations et sur les critères qui peuvent être déterminants pour expliquer ces variations. Mais tout d’abord, il nous faut présenter le nouveau cadre dans lequel ces exploitations prennent place, d’un point de vue administratif et économique.

Conséquences de la domination romaine
sur l’exploitation minière

Les processus que nous allons présenter ici ont démarré dès le dernier quart du IIe siècle av. n. è. pour les territoires de Transalpine, du moins pour ceux qui se situent aux alentours de Narbonne et tout le long de la côte méditerranéenne, depuis le nord-est ibérique. Le rythme de la prise de pouvoir romaine a cependant été irrégulier dans le temps et dans l’espace. Les campagnes de Pompée marquent une étape importante de ce processus, suivies par celles de César pour les zones situées à l’ouest de la haute vallée de la Garonne. Ce dernier a également accordé le droit latin aux cités de Transalpine, renforçant leur intégration juridique dans le monde romain (Goudineau 1998, 191). Le choix d’utiliser le début du Haut-Empire comme curseur chronologique dans une région sous le contrôle de Rome depuis le milieu du Ier siècle av. n. è. au plus tard peut sembler déplacé. Il tient au fait que la période augustéenne constitue à la fois un moment de rupture dans plusieurs districts miniers et le parachèvement de l’intégration des territoires récemment conquis, avec une réorganisation générale des provinces et plus spécifiquement des territoires miniers (Goudineau 1998, 213-215 et 228 ; Orejas et al. 1999, 279). Les dernières révoltes dans la zone pyrénéenne aquitaine sont également matées par Auguste en -13, après les interventions d’Agrippa en
-38/-39 et de M. Valérius Messala en -30 (Goudineau 1998, 229-233).

Deux aspects ayant un rapport direct avec les mines seront traités ici. D’une part, nous ferons le point sur les règles administratives pouvant s’appliquer aux mines à partir de la période impériale. D’autre part, nous évoquerons le changement d’échelle du marché ouvert aux producteurs gaulois. Ces éléments permettent de dresser le cadre théorique dans lequel les exploitations minières prennent désormais place, cadre que l’on pourra ensuite confronter à ce que nous apprennent les données de terrain.

L’administration romaine :
nouvelles possibilités, nouvelles limites

Avant de décrire plus en détail le cadre administratif de l’exploitation des mines, il faut citer deux éléments généraux qui auront aussi leur importance dans la prise en main et la gestion des exploitations. Le premier concerne ce qu’on peut qualifier de pragmatisme romain, qui a conduit le pouvoir central à utiliser les structures préexistantes pour mettre en place son administration. Cela s’est retrouvé dans la participation des aristocraties locales aux magistratures des cités, qui permettait à la fois d’accélérer la mise en place du modèle romain, mais comportait également une certaine part de continuité avec les phases précédentes (Lamoine 2009, 223-225). Cela constitue un argument en faveur du maintien de l’accès des aristocraties locales aux ressources de leur territoire, qu’elles soient agricoles, artisanales, ou minières. Cet accès se faisait cependant suivant de nouvelles règles, qui constituent le second aspect global des transformations imposées par Rome. Elles concernent la propriété du sol, qui passe désormais aux mains du peuple romain. L’exploitation du domaine public était confiée, par l’intermédiaire du Sénat, à des citoyens, contre une redevance probablement assez faible (Andreau 2010, 58). Mais toutes ces terres ne restaient pas définitivement publiques. Par exemple, les cas des déductions de colonies se traduisent par l’attribution de parcelles aux colons, prises sur l’ager publicus. Ces derniers en deviennent propriétaires et peuvent les cultiver. D’autres terres sont attribuées à la nouvelle cité et restent collectives. Elles pouvaient être utilisées par les colons en complément de leurs parcelles pour de l’élevage ou être louées à des personnes privées contre une redevance (Andreau 2010, 53-57). À côté de cela, l’aristocratie possède de grands domaines fonciers, exploités par des esclaves sous le contrôle d’un intendant (système dominant jusqu’au milieu du Ier siècle de n. è.) ou par des fermiers (Christol & Nony 2011, 185-186).

On se réfère ici à l’exemple de l’exploitation agricole, mais il en était de même pour les mines des territoires nouvellement conquis. Trois cas de figure étaient possibles en termes de propriété : les mines privées, les mines appartenant aux cités ou les mines du domaine public, pour lesquelles on dispose du plus grand nombre d’informations (Orejas et al. 1999, 277 ; Domergue 2008, 190 ; Hirt 2010, 84-93). Les modalités de leur exploitation se sont donc vues affectées par ces différents statuts.

Le fonctionnement assez libéral instauré dans les premières provinces minières conquises, en Hispanie ou encore en Gaule Transalpine, fait place à des systèmes plus divers, mais aussi plus contrôlés sous l’Empire (tabl. 28). Les situations sont variables selon les lieux, les métaux concernés, l’importance des districts et les intérêts de Rome, des cités ou encore de certaines grandes familles ou sociétés (Orejas et al. 1999, 275 ; Orejas & Rico 2015, 528).

 ChronologieExploitantsMain-d’œuvreRedevancesApplication
Ferme
républicaine
Période républicaine (IIe-Ier s. av. n. è.) et début du Haut-EmpireEntrepreneurs privés, seuls ou en sociétésEsclaves, hommes libresLevées par les publicains au profit de l’aerariumToutes les mines du domaine public. Exemples : celles de Macédoine, Espagne, Citérieure, Bétique
Régie indirecteHaut-EmpireEntrepreneurs privés, seuls ou en sociétésEsclaves, hommes libresLevée par le représentant local du fiscLa plupart des mines impériales. Exemples : celles de Vipasca, de Dacie
Régie directeHaut-EmpireLe fiscPopulation pérégrine locale en “auto-suffisance”Pas de redevance, tout va au fiscGisements spéciaux (métal, type de gisement, main-d’œuvre locale disponible). Exemple : NO de la péninsule Ibérique (provinces impériales de Lusitanie et de Tarraconaise)
Ferme
“semi-publique”
IIe s. de n. è.Entrepreneurs privés, seuls ou en sociétésEsclaves, hommes libresLevées par le conductor : le montant est remis au fiscAttestée dans les grands districts sidérurgiques de l’Illyricum (Dalmatie, Pannonie, Norique) et, peut-être, dans des mines de fer de la Narbonnaise
Tabl. 28. Synthèse des modes de gestion des mines du domaine public (d’après Domergue 2008, 196).

L’exploitation minière des nouveaux territoires représente pour Rome un moyen de s’approvisionner en métaux pour les divers besoins de l’empire et de percevoir des revenus. Ces revenus proviennent principalement des taxes dont les exploitants doivent s’acquitter pour avoir le droit de pratiquer cette activité. Au début du Haut-Empire, ces taxes sont encore perçues pour le compte de Rome par des sociétés de publicains, tel que cela se pratiquait depuis que Caton avait institué des impôts sur les mines de fer et d’argent d’Hispanie (Domergue 1990, 241-242 ; Domergue 2008, 192-193 ; Orejas & Rico 2015, 524). Les exploitants étaient alors des entrepreneurs privés qui intervenaient seuls ou en association, le rôle des sociétés de publicains se limitant à percevoir l’impôt (Mateo 2001, 65).

Assez rapidement, la création du fisc impérial conduira à la levée des taxes directement par cette entité, par le biais de ses représentants dans les provinces. On passe de la ferme républicaine à la régie indirecte ; les exploitants sont toujours des entrepreneurs privés et la gestion administrative incombe à des procurateurs. Ce mode d’exploitation est le plus répandu pour les mines impériales à partir de l’époque flavienne (Domergue 2008, 192 ; Hirt 2010, 119-145). On connaît des détails de ce fonctionnement par les deux tables de Vipasca (Domergue 1983), un important district minier de Lusitanie. Ces tables en bronze décrivent certains aspects de l’administration du district (le metallum vipascense) au IIe siècle de n. è. Ce code minier est incomplet, mais il révèle une partie des règles qui régissent les relations entre les entrepreneurs et le procurateur, représentant du fisc. Ce dernier a tous les pouvoirs, de l’organisation de l’exploitation à la gestion des activités du quotidien, qui ne sont pas intégrées à l’administration municipale habituelle. C’est ainsi que les territoires miniers, les metalla, ont été considérés en dehors des découpages administratifs classiques tels que les cités (Hirt 2010, 48-50), ce que l’on peut également percevoir dans le district basque espagnol d’Oiasso (Urteaga 2014, 292). Le procurateur avait aussi la charge de veiller à l’entretien des ouvrages d’assistance collectifs, tels les travers-bancs* d’exhaure* qui desservaient plusieurs secteurs de l’exploitation (Domergue 2008, 198 ; Urteaga Artigas 2012, 216-217). Les atteintes à ces ouvrages par les mineurs étaient punies sévèrement. Dans ce cadre de la régie indirecte, tout est fait pour que les revenus soient les plus importants possibles pour Rome. À ce titre, toute activité est taxée : gestion des thermes, exploitation des scories, enregistrement des puits de mines… La liberté d’entreprendre est réelle, mais soumise aux taxes et règlements imposés par le procurateur. La population locale peut donc elle aussi profiter d’une certaine manière de l’activité économique liée aux mines. Si l’investissement dans l’exploitation elle-même, par la prise en charge d’une concession minière, n’était pas à la portée de tous, d’autres activités pouvaient concerner les franges plus modestes de la population. La possibilité de retraiter des scories, par exemple, était plus facile d’accès et autorisée y compris aux esclaves, moyennant le paiement d’une taxe, bien sûr (Domergue 1983, 91-95). Les entrepreneurs qui se lançaient dans l’exploitation d’une concession pouvaient ensuite faire appel à des ouvriers pour l’extraction, comme le montrent les contrats de travail des mines d’or de Dacie (Hoffmann 2002).

Dans certains cas particuliers, dont les mines d’or du nord-ouest hispanique sont un des exemples les mieux connus, le système de la régie directe a été mis en place. Le fisc, par l’intermédiaire d’un procurator metallorum, exploite les mines, avec l’aide d’ingénieurs de l’armée, et y fait travailler les populations locales pérégrines (Orejas et al. 1999, 290-291 ; Sánchez-Palencia et al. 2006, 281-282 ; Domergue 2008, 201-202). Ce ne sont pas des esclaves : Rome ne subvenait pas à leurs besoins, la population restait autonome (Domergue 1986, 43-45). Une large partie d’entre elle était toutefois obligatoirement affectée aux mines, obligation contractée après la victoire augustéenne. Dans ce cas, pas de redevance : l’état récupérait directement tous les produits de l’exploitation. Il s’agissait d’un avantage notable pour une production d’or comme celle du nord-ouest ibérique, qui a dû alimenter les frappes d’aurei pour le nouveau système monétaire institué par Auguste (Domergue 1990, 377). Du point de vue des populations locales, ce système était le moins avantageux car elles ne bénéficiaient presque pas des retombées économiques de l’exploitation (Domergue 2008, 208).

Un dernier modèle administratif est attesté au IIe siècle de n. è., celui de la ferme “semi-publique”. Cette forme de gestion s’est traduite par la mise à ferme par l’État du recouvrement des revenus de grands districts miniers à des particuliers, les conductores. Cela peut ressembler à la ferme républicaine, mais les sociétés de publicains, dont la puissance avait posé des problèmes à Rome, ont ici disparu. Les conductores sont chargés d’administrer les exploitations en plus de la perception des impôts, ce qu’ils font avec leur propre personnel. Cette situation semble avoir concerné uniquement, et de façon transitoire, des mines de fer. Elle est bien attestée pour celles de l’Illyricum (Norique, Pannonie, Dalmatie) et il est possible que des mines de fer de Narbonnaise aient aussi été sous le contrôle de l’un d’eux (Sablayrolles 1989, 159 ; Hirt 2010, 284-288).

À côté des mines du domaine public, il existe aussi des mines appartenant à des cités. Leur implication dans l’extraction minière est connue par l’épigraphie, avec notamment des timbres portant leur nom sur des lingots de plomb hispaniques. C’est le cas pour deux lingots du début de la période impériale, malheureusement perdus aujourd’hui, sur lesquels on pouvait lire NOVA CARTHAGO, ou encore sur un troisième COLON(i) AVGVSTIFIRMI/FERM1 (Orejas & Rico 2015, 527-528). En Gaule, la cité des Ségusiaves (Forum Segusiavorum, Feurs) exploitait également ses gisements. Enfin, le Conseil des Gaules tirait des revenus de l’exploitation du fer, au moins aux IIe et IIIe siècles de n. è. (Sablayrolles 1989, 160). Les modalités précises d’exploitation de ces mines ne sont pas bien connues. Le recours à des conductores est envisageable tout comme un système de concessions pour des exploitants privés. Ces mines représentent donc avant tout une source de revenus pour les cités. Suivant la façon dont leur exploitation était gérée, cela pouvait aussi être une possibilité pour des particuliers d’y investir et d’en tirer profit.

Enfin, des mines privées ont aussi existé. Mises à part celles qui appartenaient à l’empereur en propre, et qui étaient, de fait, gérées comme les mines du domaine public de l’empire, quelques particuliers ont pu en posséder. On en connaît quelques cas par l’épigraphie, mais aussi par le récit de confiscations qui ont eu lieu sous Tibère notamment. Le cas de Sextus Marius, dont les mines se trouvaient près de Cordoue, est l’un des mieux connus (Orejas & Rico 2015, 530-531). La prise de possession par des personnes privées de certaines mines pouvait résulter d’une régularisation d’une situation préalable, héritée d’une occupatio remontant à la fin de la République, ou encore d’une mise en concession pour favoriser certains personnages importants. L’Empereur a aussi pu donner certaines mines à des membres de sa famille ou à certains de ses amis. Globalement, leur statut et leur mode d’exploitation ne sont pas très bien connus (Domergue 2008, 190-191).

Tous ces aspects administratifs montrent surtout les nouvelles contraintes qui pèsent sur les exploitants à partir de la conquête romaine. En contrepoint, les nouvelles possibilités offertes par la conquête dans le domaine minier sont de deux ordres. D’une part, la pacification de larges domaines a favorisé le développement du commerce et des échanges et a facilité la mise en exploitation de l’ensemble du territoire. Nous y reviendrons au point suivant. D’autre part, on voit apparaître les figures d’investisseurs privés, seuls ou en association, qui n’ont pas forcément besoin de connaître eux-mêmes l’art de la mine s’ils peuvent recruter des ingénieurs ou chefs-mineurs expérimentés. Leurs capacités d’investissement leur permettent de mobiliser une main-d’œuvre salariée ou esclave pour mener à bien le chantier (Orejas et al. 1999, 280). La mine devient une entreprise comme une autre.

Le mode de gestion en régie indirecte, tout comme celui antérieur de la ferme républicaine, a aussi permis de mettre en activité de très grands districts miniers avec un investissement minimal de la part de Rome (Hirt 2010, 365-368). Ces grands districts étaient en effet composés de multiples exploitations plus ou moins importantes, prises en charge par divers entrepreneurs. La somme des moyens investis depuis diverses sources permettait de mobiliser plus facilement la main-d’œuvre nécessaire pour exploiter au maximum des districts étendus.

Dans le cas des mines exploitées en régie directe, le fait que la puissance publique dispose de la production et que les populations locales doivent assurer leur propre subsistance ne pouvait fonctionner que par la contrainte, avec une implication de l’armée dans les secteurs concernés, comme cela fut le cas dans le nord-ouest ibérique (Hirt 2010, 186-189). Les relations sociales précédentes, basées sur le contrôle d’une aristocratie, passent à des liens que l’on peut qualifier de clientélaires vis-à-vis de Rome, dans un système où les populations sont soumises à des obligations tributaires qui prennent la forme de l’exploitation des mines (Orejas et al. 1999, 282-284). La nouvelle échelle de l’activité minière dépasse également largement ce qui a pu se faire aux périodes précédentes (même si les données sont lacunaires pour les phases plus anciennes), ce qui constitue une seconde caractéristique des exploitations romaines.

Le dépassement de l’échelle régionale

L’étendue du domaine de l’empire romain a permis le partage de référentiels de valeurs sur des longues distances, notamment grâce à la généralisation de l’outil monétaire. Combiné au développement et à l’entretien d’un réseau routier performant, cela a conduit à une intensification massive des échanges commerciaux à l’échelle de l’Empire, favorisés par la pacification de larges territoires. Ces échanges n’ont pas fonctionné seulement de l’Italie vers le reste du monde, loin s’en faut. Les provinces deviennent des centres de productions qui peuvent concurrencer les régions productrices d’origine (Christol 2010, 551). Ainsi, le sud de la Gaule était avantagé par sa position au carrefour entre l’Italie, la péninsule Ibérique et les provinces septentrionales des Gaules et de la Bretagne. Des productions de vin et de céramique y prennent le relais des centres italiens ou hispaniques. On retiendra l’exemple de la production de sigillées sud-gauloises, qui sont diffusées dans tout l’empire jusqu’au début du IIe siècle de n. è. (Vernhet 1986, 102 ; Génin & Schaad 2007, 353). Les sites de La Graufesenque (Millau, Aveyron), Montans et Bram sont les trois principaux producteurs du Sud-Ouest (Bémont & Jacob 1986 ; Lequément 1987 ; Martin 2005). De même, la production de vin, attestée dès le début du second âge du Fer autour de Marseille ou aux alentours de Lattara, s’étend à l’Aquitaine, au cours du Ier siècle de n. è. (Monteil et al. 1999, 115-118 ; Vernou & Berthault 2005, 389 ; Py 2009, 224). Enfin, la diffusion des marbres extraits des Pyrénées centrales est attestée dans tout le sud-ouest de la Gaule (Fabre & Sablayrolles 2002, 69-70).

Le prisme de l’artisanat permet d’observer l’adoption de techniques communes à l’échelle de l’empire ou au contraire le maintien de modes opératoires particuliers. À ce titre, la céramique, dont la production peut être domestique ou spécialisée, permet d’observer ce double phénomène. Ainsi, on constate de façon concomitante la production et l’utilisation de céramiques d’inspiration méditerranéenne et de céramiques de tradition locale, issues de répertoires préexistants. Dans la catégorie des vases fins, les sigillées deviennent le marqueur de la période romaine à travers tout l’empire, prenant la suite des céramiques à vernis noir. Leur technique de fabrication, tout comme le répertoire formel, est importé depuis les zones de production primitives, en Italie, par des déplacements d’artisans qui en connaissaient la pratique (Réchin 2013, 162-163). Les imitations en céramique locale de formes méditerranéennes ou encore le remplacement des pots ouverts par des cruches en pâte claire sont d’autres exemples de l’intégration de pratiques similaires à vaste échelle. Pour les céramiques communes, les choses sont plus variables et permettent d’identifier des faciès régionaux. Par exemple, le narbonnais est caractérisé depuis la seconde moitié du Ier siècle av. n. è. et jusqu’au IIIe siècle de n. è. par une production de céramique commune sableuse oxydante dont l’aire de diffusion s’étend des alentours de Béziers à l’est au seuil de Naurouze à l’ouest (Sanchez 2009a, 491-492). En termes de technique de façonnage, les céramiques modelées peuvent encore côtoyer les céramiques tournées, et elles restent même majoritaires dans le bassin de l’Adour (Réchin 2013, 170). L’utilisation du tour est cependant dominante dans le reste de l’espace abordé ici. Ces changements, amorcés dès la fin du IIe siècle av. n. è. pour les territoires de Transalpine, concernent désormais l’ensemble de la Gaule.

Produire pour alimenter un marché aussi vaste ne peut pas se faire dans les mêmes conditions que lorsque l’on s’adresse à une clientèle régionale. L’exemple en est donné pour l’exploitation des forêts pyrénéennes qui doit répondre à de nouveaux besoins. Les nouveaux bâtiments publics requièrent des pièces de charpente de grande taille qui impliquent un choix particulier des essences utilisées, des modes de débitages spécifiques et une organisation du transport vers les villes à plus longue distance que dans un cadre de production locale. Les grandes quantités de charbon nécessaires aux activités quotidiennes des populations urbaines suscitent également un changement d’échelle pour le charbonnage et l’exploitation forestière (Sablayrolles 1992, 24). L’organisation de la production évolue ainsi sous l’impulsion romaine pour atteindre des niveaux inégalés auparavant. La rationalisation des modes de production est une des caractéristiques de cette période. Les infrastructures aussi doivent évoluer. Les grands ports et les points de rupture de charge sur les itinéraires terrestres deviennent des plaques tournantes qui centralisent les marchandises, d’où elles repartent dans des réseaux de distribution secondaires. Le port de Narbonne est l’un de ces centres. Particulièrement actif depuis la fondation de la colonie en -118, il garde une place majeure dans les circuits à longue distance malgré la position dominante de l’axe rhodanien à partir d’Auguste (Christol 2010, 48-49). Cette gestion de flux, dont les provenances et les destinations sont diverses, impose aussi une organisation particulière du stockage. Cela a été souligné pour le commerce du fer en partance de Narbonne, qui est issu des différents districts producteurs à cette période, tels la Montagne noire ou les Corbières (Rico 2011, 56).

La question de la place laissée aux productions régionales ou locales est moins bien cernée. On ne peut bien sûr pas considérer que tout ce qui circulait et s’achetait dans l’Empire ne provenait que du commerce à longue distance. Les productions locales de céramique évoquées ci-dessus en sont un des exemples (Andreau 2010, 178-180). En ce qui concerne le métal, les données sont particulièrement inégales entre les vestiges du grand commerce et ceux reflétant une production à petite échelle. Il apparaît en effet clairement qu’un commerce de métaux intensif a eu lieu entre les grandes régions productrices de la péninsule Ibérique et les zones accessibles depuis la Méditerranée nord-occidentale pour les non-ferreux entre le Ier siècle av. n. è. et le IIe siècle de n. è. Lingots de plomb et de cuivre sont très souvent retrouvés dans les épaves de cette partie de la Méditerranée (Laubenheimer-Leenhardt 1973 ; Jézégou et al. 2011 ; Domergue & Rico 2014). Dans ces conditions, jusqu’à quel point l’exploitation de gisements dans les petits districts non-ferreux pyrénéens a-t-elle pu conserver son intérêt face à cette production intensive ? La réponse n’est pas immédiate et nous allons voir qu’elle a été différente selon les secteurs. Parallèles ou oppositions avec l’exploitation des districts sidérurgiques demandent également à être mis en évidence.

Les mines du Sud-Ouest :
des destins divers

Si les exploitations des IVe et IIIe siècles av. n. è. étaient jusqu’à très récemment largement méconnues et celles de la période tardo-républicaine surreprésentées, les mines du sud-ouest de la Gaule de la période impériale présentent une image contrastée. Des sites de cette période sont connus tout au long de la chaîne Pyrénéenne ainsi que dans les Corbières et la Montagne noire (fig. 180), mais ils renvoient à des réalités plurielles. Dans certaines mines, on assiste à la prolongation de l’exploitation antérieure alors que d’autres sites démarrent leur activité à cette période. Un grand nombre de mines exploitant les non ferreux sont au contraire abandonnées. Cette variabilité des situations reflète les adaptations entre le cadre théorique du fonctionnement de l’Empire romain et les réalités locales auxquelles il s’adapte. Alors que l’on aurait pu s’attendre à une uniformisation des pratiques après la prise en main de l’ensemble de la région par la puissance romaine, on se retrouve au contraire, dans le domaine minier, face à une multiplicité de situations qui oblige à décomposer les modalités d’exploitation.

Fig. 180. Mines impériales du sud-ouest de la Gaule. 1. District d’Oiasso ; 2. Lantz ; 3. Ursuya ; 4. Larla ;
5. Aintziaga ; 6. Banca ; 7. Errola ; 8. Mehatze ; 9. Haira ; 10. Palouma ; 11. Hourcade ; 12. Hautes Baronnies ;
13. Rivèrenert (fer) ; 14. L’argentière ; 15. Lercoul ; 16. L’Assaladou ; 17. La Collade de Bernadell ; 18. District du Canigou et Baillestavy ; 19. Plateau de Lacamp ; 20. District sidérurgique de la Montagne noire ; 21. District de Cabrières ; 22. Haute vallée de l’Orb. E. Meunier 2022

Le Pays basque : un nouvel essor

Le Pays basque est une exception par rapport à l’ensemble des secteurs miniers du Sud-Ouest. C’est en effet le seul dans lequel l’investissement dans l’exploitation minière est généralisé, que cela concerne la production sidérurgique ou des non-ferreux. Ces investissements s’accompagnent dans plusieurs cas de la mise en œuvre d’une nouvelle façon d’aborder les gisements, avec le percement de travers-bancs* pour faciliter la circulation des mineurs et l’exhaure* selon les cas. Les exemples des mines de Banca et du district d’Oiasso sont significatifs du recours systématique à cette technique. L’équipement des nouveaux travaux avec ces ouvrages d’assistance est prévu dès leur démarrage à Banca. À Larla, la présence de travers-bancs* permet également de rejoindre la partie basse des travaux anciens. Pour les mines de Mehatze, une descenderie en travers-banc* vient compléter l’équipement de cette mine ouverte au cours des deux siècles précédents. La présence de niches à lampes est associée à ce type d’ouvrages d’assistance.

Dans le district d’Oiasso, la réalisation du long cuniculus (travers-banc* d’exhaure*) de la mine d’Arditurri est mise en relation avec la présence d’ingénieurs romains. Les vestiges d’empreintes de boisage pouvant correspondre à un mécanisme de pompage de la mine de Belbio vont aussi dans le sens de la présence sur place de personnel technique hautement qualifié. Sont-ce les mêmes ingénieurs qui sont à l’origine de l’adoption de l’exploitation par des travers-bancs* dans les mines de Banca, Mehatze ou Larla ? Ou y a-t-il simplement eu des contacts entre les responsables de ces différentes mines ? On ne peut se prononcer avec les données actuelles, mais ces trois mines du versant nord et celles du district d’Oiasso montrent une même façon de concevoir l’exploitation comme une activité qui va se développer sur le long terme, attestée, dans l’état actuel des connaissances, à partir de la période augustéenne. Ces ouvrages d’assistance, s’ils peuvent paraître au départ un investissement non productif, sont en fait nécessaires pour le développement d’une exploitation d’envergure qui s’inscrit dans la durée. La rentabilité future en sera améliorée car le transport des matériaux (riches et stériles) entre la mine et l’extérieur sera facilité et les problèmes d’inondation des chantiers, qui bloquent l’exploitation, seront en principe évités. Ces investissements ne sont pas réservés à un type de métal en particulier puisque les mines dans lesquels les travers-bancs* ont été repérés ont produit du plomb argentifère, du cuivre et du fer. Il n’y avait donc pas un métal qui méritait plus qu’un autre des investissements lourds, la rentabilité était possible (du moins attendue) pour tous ces métaux.

Cette façon d’exploiter les mines, où la gestion à long terme prévaut sur l’obtention de bénéfices immédiats, ne peut être mise en place que par des investisseurs dont la situation économique est solide. Pour le district d’Oiasso, M. Urteaga souligne la planification générale de l’exploitation du district, avec des infrastructures minières, viaires et portuaires qui forment un ensemble cohérent facilitant la mise en valeur de la production (Urteaga Artigas 2012, 217). Dans le cas de la mine de Larla, A. Beyrie conclut que la gestion globale et la mobilisation des moyens nécessaires à un exploitation de cette envergure doit être “l’œuvre d’une fédération autochtone, ou encore celle d’un pouvoir fort, celle de la province ou de la cité des Tarbelles” (Beyrie 2003, vol. 1, 207). Des propositions similaires pourraient être faites à propos de l’exploitation de Banca, où des indices d’une organisation en concessions ont été mis en évidence. Pour tous ces sites, la production pouvait largement dépasser les besoins locaux.

Cela contraste avec ce que l’on observe dans les mines de plus petite envergure, telles Monhoa ou Jara. Les dates radiocarbone de ces sites atteignent le Ier siècle de n. è., mais il s’agit au mieux des dernières années de l’exploitation de ces mines, qui suivent plus strictement les minéralisations et ne montrent pas d’investissement majeur. Ce type de travaux est accessible à des entrepreneurs dont les moyens sont plus limités. Pour la sidérurgie, les ateliers d’Errola, dont l’activité se poursuit depuis le IIe siècle av. n. è., et ceux d’Ursuya, datés entre les Ier et IVe siècles, correspondent eux aussi à une production plus modeste (Beyrie 2003, vol. 1, 151 et 204). Toutefois, les procédés sidérurgiques sont maîtrisés aussi bien sur ces sites plus modestes que sur celui de Larla, avec l’utilisation de fours à scories écoulées dans tous les cas. Les mines d’Aintziaga et Haira sont trop mal connues pour évaluer leur importance à cette période.

Hors Pays basque : entre déclin des non ferreux
et continuité des productions sidérurgiques

Les mines pour les non-ferreux du Haut-Empire sont peu nombreuses en dehors du Pays basque. Trois sites ont livré des chronologies qui couvrent le Ier siècle de n. è. : Palouma, L’Argentière et La Collade de Bernadell. Il s’agit dans les trois cas de la poursuite d’une exploitation antérieure et la part des travaux datant de cette période est mal caractérisée, voire complètement inconnue. Pour la mine de Palouma, pour laquelle on dispose des données les plus précises, les techniques employées sont dans la continuité de ce qui a été observé auparavant. La mise en place de travers-bancs* n’est pas adoptée. Les autres mines exploitant des métaux non ferreux aux périodes précédentes ont quant à elles été abandonnées au plus tard au tout début du Ier siècle de n. è., de l’Ariège à la Montagne noire.

La mine d’or de l’Assaladou est la seule mine pour les non ferreux dont l’activité démarre après la période augustéenne dans la région. L’activité s’y déroule principalement entre les IIIe et IVe siècles de n. è., dans un contexte où l’activité minière de l’Occident romain est presque à l’arrêt (Domergue 2008, 214-215). Elle ne s’insère pas dans les schémas définis précédemment, mais correspondrait plutôt à une activité secondaire de bergers pendant les périodes d’estives, menée avec peu de moyens (Cauuet & Tămaş 2017, 220-221). En dehors de notre zone d’étude, plusieurs mines de non ferreux de la haute vallée de l’Orb montrent une continuité de l’exploitation lors de la période romaine (Léchelon 2011, 254). Certaines atteignent même les VIe et VIIe siècles. Les données sur ces phases d’exploitation ne sont pas suffisamment précises pour retracer le rythme d’exploitation après la période augustéenne, mais on ne peut pas parler d’arrêt généralisé. Pour le district de Cabrières, l’activité antique n’est pas bien connue, mais elle se prolonge au cours du Ier siècle de n. è. (Bailly-Maître et al. 1984 ; Ambert 1995).

Pour les exploitations sidérurgiques, au contraire, l’activité est bien attestée dans plusieurs districts entre le Ier et le IIIe ou IVe siècle de n. è. Les mines ne sont globalement pas connues, à part celle de Mas Bourras à Baillestavy, active au Ier siècle de n. è. Les reprises récentes importantes sur ce site en ont modifié la physionomie générale, mais les levés topographiques ainsi que les sondages montrent que l’exploitation ancienne a suivi la minéralisation sans attaquer le stérile, avec un accès depuis le haut, sans avoir recours aux travers-bancs*. On se trouverait donc là aussi dans une exploitation dont les techniques sont issues de la tradition régionale.

Les divers centres d’exploitation sidérurgique partagent une maîtrise des procédés de réduction, mais se différencient par le volume de leur production et la durée de l’activité. Le district sidérurgique de la Montagne noire est sans conteste le plus productif, et de très loin, avec ses 100 000 à 110 000 t de fer sur près de quatre siècles pour le domaine des Forges. Ce volume de production place ce district parmi ceux qui peuvent avoir des débouchés à l’échelle de l’empire (Domergue 2008, carte 5). Les quantités dans les autres districts pour lesquels nous disposons d’estimations semblent extrêmement basses en comparaison. Celui de Larla est le plus important après les Martys, et sa production minimale est estimée à 2 000 t de fer entre le second âge du Fer et la fin du Haut-Empire, soit pendant environ six siècles (Beyrie 2015, 131-132). En supposant une production constante (ce qui n’est pas sûr), on obtiendrait un peu plus de 300 t par siècle, soit près de 1 000 t pour le Haut-Empire. Ensuite, celui de Lercoul, dont l’activité est centrée au IIIe siècle de n. è., aurait pu produire 140 t de fer, sur un siècle à un siècle et demi.

Pour les districts pour lesquels on ne dispose pas d’estimation chiffrée, le nombre de ferriers* et leur taille offrent des éléments de comparaison. Le district des Hautes Baronnies (Ier-IVe s. de n. è.) est considéré comme modeste par les chercheurs qui l’ont étudié (Fabre et al. 2001, 131). Il en va de même pour ceux d’Errola et d’Ursuya, comme indiqué au point précédent, et sans doute aussi pour la production sidérurgique de Rivèrenert. Dans les Corbières, malgré le nombre de ferriers* référencés, J. Mantenant souligne la faible extension de ceux que l’on peut attribuer au Haut-Empire, dont la proportion par rapport à l’ensemble n’est pas connue (Mantenant 2014, vol. 1, 359). On se situerait alors face à une production visant des débouchés à relativement courte distance après la période augustéenne. Dans le massif du Canigou, la phase la plus active semble correspondre au Ier siècle av. n. è., qui a livré les plus grands ferriers* et les grands môles de scorie agglomérée, une organisation de l’exploitation en batteries étant également proposée (Mut & Kotarba 2007, 151). Cette activité importante se poursuit au cours du Ier siècle de n. è., mais diminue par la suite. La continuité jusqu’au IIIe siècle de n. è. est attestée seulement ponctuellement (Mut & Kotarba 2007, 154). La production de ce district peut avoir alimenté un commerce à la fois régional et à plus longue distance entre le Ier siècle av. n. è. et le Ier siècle de n. è. pour se resserrer sur une échelle régionale proche à partir du IIe siècle de n. è. (Mut & Kotarba 2007, 154).

L’importance variable de ces exploitations sidérurgiques peut être mise en parallèle avec la diversité d’échelle des exploitations du Pays basque. Les investissements dans la production du bassin de la Dure peuvent être comparés à ceux du district d’Oiasso. Le massif du Canigou, tout comme les mines de Banca, Mehatze et le centre sidérurgique de Larla, a lui aussi bénéficié d’investissements importants. Ailleurs, il s’agit d’entreprises plus modestes, qui ont tout de même pu avoir une importance significative localement (Corbières, Hautes Baronnies, Errola). Les exploitations plus limitées sont des exemples de la coexistence des marchés locaux et régionaux avec les grands circuits commerciaux qui ont plus souvent attiré l’attention des chercheurs (Andreau 2010, 178-179). L’aire de diffusion des productions des petits centres miniers et métallurgiques n’est pas connue. Contrairement à la céramique dont les formes et les pâtes permettent à un œil averti d’en connaître la provenance, l’origine du métal des objets du quotidien reste en règle générale inconnue. L’étude des petits sites de production primaire apporte donc quelques données sur ce sujet.

Les mines post-augustéennes :
des réalités plurielles

Techniques mises en œuvre
et organisation des exploitations

Dans le domaine des techniques, on observe globalement une continuité avec les phases précédentes, pour les mines dont l’exploitation se poursuit. Seules les mines les plus importantes, localisées dans le Pays basque, commencent à mettre en place de façon systématique des travers-bancs* pour l’accès aux parties basses des chantiers (descenderies inclinées) et pour l’exhaure* (galeries descendantes vers l’extérieur pour l’écoulement de l’eau, pouvant aussi servir à la circulation). À ce jour, ce type d’aménagement n’est pas recensé pour les périodes antérieures dans ce secteur. Dans les autres régions minières entre Pyrénées et Montagne noire, seuls des exemples non datés sont connus, à L’Argenterie (Rivèrenert), à La Canal (sud du plateau de Lacamp, Corbières) et aux Barrencs. Même s’ils s’avéraient être des ouvrages antiques2, il s’agit dans tous les cas d’éléments isolés, qui diffèrent du choix effectué dans les grandes mines basques, équipées systématiquement de ces galeries d’assistance.

La question de l’origine de cette façon de travailler dans les mines, qui ne semble pas avoir été utilisée auparavant dans la région, ne peut être éludée. Pour les mines basques, leur proximité géographique et leur contemporanéité avec celles du district d’Oiasso conduit à faire la proposition facile de la transmission des techniques de part et d’autre de l’extrémité pyrénéenne occidentale. Dans le cas du district d’Oiasso, ce choix est mis en relation avec l’implication de personnel spécialisé (ingénieurs) et la possibilité d’une gestion en régie indirecte sous le contrôle d’un procurateur des mines, donc de mines publiques, par comparaison avec d’autres exemples ibériques (Urteaga 2014, 192). L’utilisation de descenderies en travers-banc* est cependant assez rare dans le reste de la péninsule. L’usage de puits a été préféré, dans les mines de la ceinture pyriteuse du sud-ouest ibérique par exemple, à partir du Haut-Empire (Domergue 1990, 420-423). Les travers-bancs* d’exhaure* sont plus courants et leur utilisation se généralise là aussi à partir du Haut-Empire, le sud-ouest ibérique recelant nombre de vestiges de ce type, également connus dans la Sierra de Carthagène et en Sierra Morena (Domergue 1990, 434). C. Domergue indique que ces ouvrages ne semblent pas avoir été utilisés dans les mines plus anciennes de l’est méditerranéen, contrairement aux puits, connus dès les XIIIe et XIIe siècles av. n. è. à Timna en Israël, mais également dans les mines du Laurion en Grèce, dès le VIe siècle av. n. è. (Morin et al. 2012 ; Rosenthal et al. 2013). En revanche, un travers-banc* d’exhaure* a été identifié dans une mine de cuivre de l’âge du Bronze de Sierra Morena, l’Arroyo del Cuezo (province de Cordoue). Diodore de Sicile (Bibliothèque Historique, 5.37.3) rapporte également, d’après Posidonius, que les Turdétans (peuple du sud de la péninsule Ibérique) évacuaient l’eau des mines par des galeries obliques. Cela correspond au principe du travers-banc* d’exhaure* et peut montrer que cette technique était employée dans cette région avant les interventions romaines (Domergue 1990, note 62). Un exemple du premier âge du Fer est connu dans le nord de l’Italie, dans la mine de cuivre de Campolungo (Ancel et al. 1998, 169-173). En Gaule, on connaît aussi plusieurs de ces structures dans le Limousin au second âge du Fer. Les mines des Fouilloux et de La Fagassière montrent que ce système était utilisé de manière systématique dès la fin du IIIe siècle av. n. è., sans attendre de savoir si l’exploitation allait se poursuivre loin en profondeur (Cauuet 1997, 204-206 ; Cauuet et al. 2018, 35). Si la généralisation de l’usage des galeries en travers-bancs* pour l’accès et l’exhaure* peut être mise au crédit de l’implication romaine dans les exploitations minières, l’origine de cette technique est à rechercher plutôt dans l’art de la mine protohistorique européen.

La mise en œuvre de manière systématique d’une technique dont l’usage était jusque-là limité à certaines mines particulières ou à certaines régions nous amène à aborder l’organisation des exploitations. L’exemple des travers-bancs* d’exhaure* creusés dès le démarrage d’un chantier minier dénote en effet une volonté d’inscrire l’activité dans la durée, qui s’accompagne d’une planification des opérations d’extraction. Cette projection dans une exploitation à long terme avait pu être observée sur des sites gaulois de l’âge du Fer. C’est le cas à l’échelle du Limousin dans les mines d’or dès la fin du IIIe siècle av. n. è., comme l’indiquent les aménagements liés à l’exhaure*. Cette prévision à long terme avait aussi été mise en évidence aux Barrencs dès les phases anciennes de l’exploitation, entre les IVe et IIIe siècles av. n. è. Dans ce cas, la planification ne transparaît pas à travers les systèmes d’exhaure*, méconnus pour l’heure, mais dans la gestion de la circulation entre les différentes zones exploitées (Beyrie et al. 2011, 49 ; Mantenant et al. 2013, 35). Ces deux exemples sont donc comparables avec les mines du Pays basque du Haut-Empire dans la mesure où elles reflètent le même investissement qui se veut durable, étant dotées des infrastructures (galeries d’accès, d’exhaure*) nécessaires au bon déroulement des opérations à long terme.

Un autre aspect de l’organisation des exploitations romaines est mis en évidence par les sites de métallurgie primaire. Il s’agit de la volonté d’augmenter la production et sa rentabilité, en rationalisant là aussi les procédés. Les batteries de bas fourneaux du site des Martys en sont l’exemple le plus clair dès le Ier siècle av. n. è. (Fabre 2016a, 182). Le volume des productions des phases postérieures confirme que cette organisation s’est maintenue durant le Haut-Empire. Une structuration des ateliers en batterie a aussi été proposée pour le district du Canigou au Ier siècle av. n. è. ou au suivant (Mut & Kotarba 2007, 151). Le volume des bas fourneaux est important dans les deux cas, avec des diamètres des cuves proches de 0,8 m. Chercher à augmenter la production en adoptant des techniques de traitement du minerai plus efficaces, c’est aussi ce qui s’est produit en Limousin à partir de la fin du IIIe siècle av. n. è. Le quartz aurifère est désormais grillé et broyé dans des moulins rotatifs qui remplacent les meules à va-et-vient connues précédemment (Cauuet et al. 2018, 40). Les bassins permettant de réaliser la concentration gravimétrique du minerai riche forment de véritables réseaux de canaux et bassins, comme au Puy de Angles (Cauuet 2004, 74-75 ; Toledo I Mur et al. 2005, 203-205). L’exploitation généralisée des mines de cuivre argentifère du district de l’Arize dès les IVe ou IIIe siècles av. n. è., avec la possibilité de faire travailler plusieurs équipes en même temps, peut correspondre également à une recherche de productivité.

Chercher à améliorer les rendements des activités productives est une démarche qui n’est bien évidemment pas caractéristique d’un seul moment de l’Histoire des techniques3. Mais le cas de la production sidérurgique de la Montagne noire est un des exemples qui nous montre qu’un degré supplémentaire a été atteint au Haut-Empire par rapport aux périodes précédentes. La concentration, à la fin de la période augustéenne, de la production sidérurgique dans quelques grands centres contraste avec l’éparpillement des ateliers du Ier siècle av. n. è. La volonté de contrôler et d’assurer une production qui puisse répondre aux besoins de l’Empire s’affirme (Rico 2016, 274-275) et l’échelle de la production marque la différence.

L’apport romain à l’exploitation minière est caractérisé par la diffusion à travers l’empire des techniques les plus efficaces connues alors, par l’organisation rationnelle et systématique de l’exploitation (à travers les mises en concessions de mines publiques) et par l’échelle de production encore inégalée atteinte à cette période. Ce constat a été fait par d’autres chercheurs. C. Domergue l’exprime à propos des mines ibériques, mais cela s’applique au reste de l’Empire, qui représente le nouveau cadre de l’action romaine. La réorganisation des mines sous Auguste marque le véritable changement par rapport à la période précédente (Domergue 1990, 198). Il souligne aussi le fait que les Romains n’ont inventé aucune des techniques employées dans les mines en exploitation sous leur domination, mais qu’ils ont su les mettre à profit pour augmenter le rendement des chantiers (Domergue 1990, 462). Cela rejoint le propos d’A. Ferdière concernant les innovations et transferts de savoirs en Gaule romaine dans l’artisanat en général. Il fait également ressortir l’importance de l’action romaine dans la diffusion et la systématisation des techniques connues dans un endroit ou un autre de l’empire pour faciliter une “production de masse” (Ferdière 2008, 23).

Ce que l’étude des exploitations minières du sud-ouest de la Gaule apporte à ce sujet, ce sont des nuances. À côté des districts ou des grandes mines prises en main par des entrepreneurs puissants qui intègrent toutes les possibilités à leur disposition pour développer leur activité, d’autres mines semblent rester entre les mains d’entrepreneurs peut-être plus modestes, qui se satisfont de modes opératoires connus et maîtrisés de longue date. Les marchés visés, d’ampleur locale ou régionale, pourraient expliquer ces différences.

Réflexions sur les chantiers abandonnés

Au moment où les centres de production les plus importants prennent leur essor, d’autres vivent leurs derniers instants ou s’éteignent pour de longs siècles. C’est le cas des mines de non-ferreux hors du Pays basque et notamment de celles du massif de l’Arize. Déterminer les raisons qui conduisent à l’arrêt de l’exploitation des mines n’est jamais chose aisée (Domergue 2008, 215-216 ; Stöllner 2015a, 76-77). Quelques propositions peuvent toutefois être émises sur la base des données de l’Arize, mais aussi des autres mines prises en compte jusqu’ici.

Une des premières possibilités qui peut être à l’origine de l’abandon d’une mine est l’épuisement de la minéralisation. Cette option est assez probable au début du Haut-Empire pour la mine de Rougé, dont l’exploitation était déjà très avancée à la fin du IIIe siècle av. n. è. et qui a connu une reprise ponctuelle à la fin du IIe ou au début du Ier siècle de n. è. L’activité médiévale mise en évidence près de l’entrée principale correspond probablement plus à une phase de recherche qu’à une réelle exploitation. Pour la mine de La Coustalade, dont l’étendue est faible et qui a été exploitée dès les IVe-IIIe siècles av. n. è., l’option de l’épuisement du gisement est aussi probable4, surtout après la reprise (sans doute ponctuelle) du Ier siècle av. n. è. Pour les autres gisements du district, cela n’est pas aussi sûr. Même si l’on laisse de côté les mines dont l’accès au souterrain n’est plus possible, au sujet desquelles nous n’avons pas de données, celle du Goutil a pu faire l’objet d’une réelle exploitation au XIVe siècle, si l’on considère l’étendue des ouvrages ouverts au feu à grand volume uniforme. Dans la mine d’Hautech, le grand chantier vertical HAU5, à la morphologie uniforme, ne semble pas avoir connu de reprise. La partie profonde du réseau HAU9 est en revanche datée du XIVe siècle également et certains élargissements du chantier HAU 16-17 pourraient se rapporter également à cette période. La très grande profondeur des “vieux travaux” rencontrés lors des reprises récentes aux Atiels et à La Calotte, non datés, n’est pas forcément à mettre uniquement au crédit des mineurs pré-augustéens. Une reprise au XVIIIe siècle est d’ailleurs connue aux Atiels (de Dietrich 1786, 213-214). Pour les mines de non-ferreux des autres secteurs, l’épuisement des ressources ne peut pas non plus être une explication généralisée, car des reprises médiévales sont aussi connues dans plusieurs secteurs des Corbières ou encore dans la mine de la Collade de Bernadell (Pyrénées orientales). Même dans le Limousin, des traces d’activité mérovingienne, certes de faible ampleur, montrent que des filons pouvaient encore contenir du minerai (Cauuet 2004, 33-35). Cependant, des diminutions des teneurs en profondeur sont aussi envisageables, ce qui ferait baisser la rentabilité de l’exploitation.

Dans le cas de mines déjà très profondes comme c’est le cas aux Barrencs (versant sud de la Montagne noire) ou même sur les sites de Palouma (Pyrénées centrales), on pourrait penser que des raisons techniques ont empêché la poursuite de l’exploitation. Avec la profondeur, les problèmes d’exhaure* et d’aérage deviennent plus importants et la circulation des mineurs se complexifie. Les techniques pour exploiter des mines très profondes sont pourtant bien connues dans le sud de la péninsule Ibérique, où les mines dépassant les 100 m de profondeur sont nombreuses, certaines atteignant les 300 m (Domergue 1990, 430-432). Si les connaissances n’étaient pas disponibles localement pour poursuivre les travaux et n’ont pas non plus été diffusées depuis les zones qui en avaient la maîtrise, on devrait alors s’interroger sur le manque d’intérêt montré pour ces mines.

La réorganisation des activités minières par Auguste a été évoquée plus haut. On pourrait se demander si cela n’aurait pas inclus une obligation de fermeture de certaines mines. Cela a été proposé pour les mines d’or du Limousin, dont l’exploitation ne se prolonge pas au-delà de la période augustéenne (Cauuet et al. 2005, 455). Un précédent est connu en Macédoine. Juste après sa conquête, le Sénat de Rome, refusant de mettre à ferme les mines de ce territoire par défiance vis-à-vis des publicains et ne voulant pas laisser des ressources trop importantes aux populations locales pour des raisons politiques, interdit l’exploitation des mines d’or et d’argent locales, en -167. Les mines de cuivre et de fer pouvaient par contre être exploitées contre paiement d’un impôt (Domergue 1990, 243 ; Mateo 2001, 60). Cet exemple nous apprend que l’exploitation des mines, du moins pour les métaux précieux, constituait un sujet politique qui n’était pas négligé par le Sénat romain et qui a certainement fait partie des préoccupations d’Auguste également. Cela renforce la probabilité d’une interdiction impériale de l’exploitation des mines d’or du Limousin. En ce qui concerne les mines de non ferreux situées hors du Pays basque, on rappellera qu’elles ont toutes exploité des minéralisations argentifères à divers degrés. Cette source potentielle d’un métal précieux pourrait donc avoir fait l’objet d’une volonté de contrôle par Rome, mais ces territoires ne sont pas, contrairement à la Macédoine du IIe siècle, des zones dont il faut limiter les capacités financières pour éviter des révoltes. Le fait que certaines d’entre elles (Palouma, la Collade de Bernadelle) continuent de fonctionner un peu après la période augustéenne ne va pas non plus dans ce sens, tout comme la continuité des travaux dans la vallée de l’Orb ou à Cabrières.

On peut aussi se demander si les réformes administratives augustéennes, qui modifient les limites des territoires, pourraient avoir eu un impact sur les exploitations minières. En ce qui concerne le district de l’Arize, son appartenance administrative n’est pas claire, car il se trouve en limite des cités de Toulouse et de Lugdunum Convenarum, et donc en limite des provinces d’Aquitaine et de Narbonnaise, dont le tracé n’est pas bien connu dans ce secteur (Sablayrolles 2002 ; Sablayrolles & Beyrie 2006, 63). Si l’on se fie à l’inclusion de ce district dans le Couserans actuel, que l’on peut rapprocher de la cité de l’Antiquité tardive des Consoranni, le district aurait été rattaché à la cité des Convènes sous Auguste et aurait donc basculé en Aquitaine. Le fait que des mines de cuivre, plomb et argent sont exploitées au Pays basque montre qu’il n’y avait pas d’interdiction particulière touchant ce type de mine au niveau de la province. Au niveau de la cité des Convènes, aucune donnée ne permet d’aller dans le sens d’une interdiction particulière non plus. De plus, le droit latin a été accordé à la cité des Convènes, probablement par Auguste, comme il avait été accordé par César aux cités de Transalpine (Goudineau 1998, 191 et 241). Il aurait été surprenant que la cité des Convènes, ainsi distinguée, se soit vue privée de l’exploitation d’une partie de ses ressources. La même remarque peut être faite pour les mines de non-ferreux des Corbières ou de la Montagne noire.

Une dernière option fait entrer en jeu l’arrivée sur le marché régional des métaux produits dans d’autres districts, notamment hispaniques, en quantité suffisante et à des prix assez bas pour faire concurrence aux productions locales. Les cargaisons chargées de lingots de plomb ou de cuivre qui ont été retrouvées en Méditerranée attestent de ce commerce à grande échelle, bien caractérisé depuis le Ier siècle av. n. è. et à son apogée au cours du Ier siècle de n. è. (Jézégou et al. 2011, 67 ; Rico & Domergue 2016, 596-597). Nous savons en outre par les indications des ingénieurs des mines du début du XXe siècle que les minéralisations du district de l’Arize étaient discontinues (nombreux pincements des filons), ce qui rendait la rentabilité de l’exploitation incertaine. Il est possible que les mineurs locaux aient fini par préférer abandonner ces mines où les zones les plus riches avaient déjà été exploitées. Dans ce cas, l’atelier de réduction de fer connu aux Atiels pourrait représenter, outre l’option de la fabrication d’outil localement, une tentative de diversification de l’activité, autour de la période augustéenne, dans le cadre du développement de l’activité sidérurgique qui se généralise dans le Sud-Ouest.

Il nous faut aussi souligner ici que même les exploitations dans lesquelles des investissements importants sont réalisés au Ier siècle de n. è. ont une durée de vie variable. Les exploitations sidérurgiques perdurent le plus longtemps, jusqu’à la fin du IIIe ou au IVe siècle, et ce dans tous les secteurs considérés. Dans le cas des non ferreux, la durée d’activité est variable, même pour les mines qui ont bénéficié d’investissements importants. Celle de Banca est la seule à perdurer jusqu’au IVe siècle. Toutes les autres mines du versant nord ne dépassent pas la fin du Ier siècle de n. è. L’activité dans le district d’Oiasso, pourtant intégrée dans un système complexe en lien avec la ville et le port, couvre le IIe siècle de n. è., mais semble s’arrêter au-delà. Les évaluations du potentiel minier sur les gisements du versant basque nord au XVIIIe siècle ont conduit à des reprises à Banca, mais le site de Mehatze quant à lui n’a pu faire l’objet que de recherches, montrant que les zones minéralisées restantes étaient trop limitées pour valoir un nouvel investissement (Parent et al. 2018). On doit donc prendre en compte, si ce n’est un épuisement total de la ressource, au moins un appauvrissement des teneurs en profondeur, qui, combiné aux moyens plus coûteux pour assurer l’exploitation, ne permettait plus d’assurer la rentabilité des travaux.

Si des pistes peuvent être proposées concernant les causes de l’arrêt des exploitations, la question reste entière quant à l’évolution des territoires miniers après la fin de cette activité. Les populations impliquées dans cette production ont-elles rejoint d’autres zones minières où leur expérience pouvait être valorisée ? Des reconversions de l’économie locale vers l’agriculture ont-elles été possibles ? Ou les déblais miniers qui encombraient les alentours et libéraient des métaux lourds et autres substances polluantes dans l’environnement ont-ils conduit à une désertion de ces terrains ? de nouvelles recherches prenant en compte les habitats des zones minières pourraient dans le futur apporter des données pour répondre à ces questions.

Notes

  1. Indication correspondant à la cité d’Astigi (Écija, Espagne).
  2. L’exploitation de ces trois mines s’arrêtant à la période augustéenne, on pourrait se trouver face à des ouvrages tardo-républicains, mais l’option de reprises médiévales ne peut être totalement écartée.
  3. Dans le domaine des mines et de la métallurgie, on peut penser par exemple à l’adoption de la fusion scorifiante pour traiter les minerais de cuivre complexes à l’âge du Bronze (Bourgarit et al. 2010, 276), au passage du bas fourneau à scorie piégée à celui à scorie écoulée au cours du second âge du Fer (Mangin 2004), ou encore à l’adoption de la poudre noire pour ouvrir les galeries de mines à partir du XVIIe siècle (Kammenthaler et al. 2016).
  4. L’étude géologique a montré que le filon se pinçait à la limite des travaux anciens et que pour localiser sa prolongation, il aurait fallu poursuivre les recherches à travers le stérile sur plusieurs mètres, ce qui n’a été fait qu’au début du XXe siècle.
ISBN html : 978-2-35613-497-4
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EAN html : 9782356134974
ISBN html : 978-2-35613-497-4
ISBN pdf : 978-2-35613-499-8
ISSN : 2741-1508
12 p.
Code CLIL : 4117
licence CC by SA

Comment citer

Meunier, Emmanuelle, “Sous l’empire romain : des facettes multiples”, in : Meunier, Emmanuelle, L’exploitation minière dans le sud-ouest de la Gaule entre le second âge du Fer et la période romaine. Le district à cuivre argentifère de l’Arize dans son contexte régional, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 10, 2023, 267-278 [en ligne] https://una-editions.fr/sous-lempire-romain-des-facettes-multiples [consulté le 03/11/2023]
doi.org/10.46608/DANA10.9782356134974.22
Illustration de couverture • Première  : Dans les calcaires du massif de l’Arize, les mines de cuivre argentifère.
Quatrième : Filonet de cuivre gris curé à l’outil dans la mine du Goutil Est (photo : E Meunier).
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