Le deuxième volume de lettres du poète-courtisan se présente de façon moins monolithique que le premier, dans la mesure où il est globalement constitué de lettres qui concernent alternativement sa propre situation et la composition de son roman chevaleresque, l’Amadis de Gaule.
À l’origine, l’Amadis est un roman de l’espagnol Garci de Montalvo, écrit vers la fin du XVe siècle, dont la première édition connue date de 1508. Il s’agit d’un remaniement de textes déjà existants, d’origine portugaise ou espagnole1, dont l’écriture a indubitablement été influencée par les œuvres appartenant au cycle arthurien, car :
In parecchi luoghi dell’Amadis citansi Artù, il San Graal, i romanzi di Tristano e di Lancillotto2.
D’autres apports, notamment orientaux, peuvent y être décelées et, à sa lecture, l’Amadis espagnol se révèle bien différent des romans bretons3. Publié en Espagne au début du XVIe siècle, il eut un grand succès jusque dans la péninsule italienne4 où il se trouvait aussi bien dans la bibliothèque des Gonzague à Mantoue que dans celle des Este à Ferrare et où il était connu autant de Bembo que de Castiglione et de l’Arioste. Il fut réimprimé à Rome en 1519 et à Venise en 1533. Maria Cristina Mastrototaro s’est interrogée sur la pénétration de ce roman dans le monde culturel italien et sur la version dont Bernardo se serait inspiré. Il en ressort tout d’abord que, notre poète est : « Il primo scrittore italiano ad occuparsi di un testo comunque conosciuto, soprattutto negli ambienti colti, ancor prima che si pubblichi in Italia »5.
Ses recherches montrent ensuite que l’Amadis de Gaule circulait essentiellement dans les sphères privilégiées de la société intellectuelle et aristocratique et que la première vulgarisation en langue italienne de ses quatre livres remonte à l’année 1546, à un moment où le Tasse avait déjà entamé la rédaction de sa propre version de l’œuvre. Le Bergamasque possédait vraisemblablement cette traduction, tout comme il disposait de l’original, car plusieurs coïncidences entre son texte et celui traduit par Mambrino Roseo da Fabriano, montrent qu’il se servait de ce dernier6. Il semblerait même que le canevas de l’intrigue amoureuse entre Amadis et Oriane reproduise celui de l’édition italienne du milieu du siècle et que, à un moment donné de la composition, Bernardo ait remplacé le roman espagnol par sa traduction7. M.C. Mastrototaro conclut son analyse sur les sources exploitées par le Tasse avec une réflexion sur la manière dont il prend en considération les attentes de son public :
Il contatto fra il poema cavalleresco di Bernardo Tasso e la traduzione in prosa italiana dell’Amadis […] è testimonianza in fondo della flessibilità del poeta bergamasco proiettato verso l’adeguamento alle «mode» letterarie di quegli anni8.
Les influences possibles sont multiples, en commençant par la vulgarisation susnommée, mais quelle que soit la prudence dont il convient de faire preuve dans le mare magnum des réminiscences littéraires éventuelles, il semble à peu près inévitable que Bernardo ait gardé à l’esprit ses modèles classiques, déjà utilisés pour les recueils épistolaires, en particulier pour tout ce qui relève de l’elocutio ou des thèmes, notamment virgiliens et ovidiens9, qui faisaient partie d’un répertoire bien connu à la Renaissance.
Dans un premier temps, son projet ne concernait que les aventures d’Amadis car, selon le texte dont il était inspiré, qui respectait l’unité d’action – à savoir le récit des amours d’Oriane et d’Amadis – ce devait être le poème d’un seul héros et d’une seule geste10. Ce faisant, il anticipait sur la diffusion des romans héroïques de la deuxième moitié de son siècle11 et sur les positions de Giraldi Cinzio dans son Discours sur la composition du roman et dans l’Hercule12, telles qu’elles étaient explicitées dans sa lettre du 10 octobre 1557 :
Io in questa mia opera non volli comporre poema di una sola azione, ma mi proposi a spiegar ne’ miei versi tutta la vita di uno eroe, per porre uno essempio di lodevoli e di onorate azioni nella nostra lingua, sotto gli occhi di quelli che si dessero a leggere il mio poema, quasi che io avessi isposta poeticamente una istoria; non mi accostando in questa parte né a Vergilio né a Omero13.
Il ne reste de cette tentative épique qu’un témoignage autographe fragmentaire du premier chant, vraisemblablement rédigé au début des années 1540, soit quarante-trois octaves manuscrites dans lesquelles l’action se concentre sur le héros et sur son amour pour Orianne, tels qu’ils figuraient déjà dans la version espagnole14. Ce projet semble ne pas avoir été abandonné immédiatement, mais après plusieurs années alors que Bernardo avait déjà composé une quinzaine de chants ou une dizaine de livres. Sans doute dans les années 1547-1548, il écrivait à un destinataire inconnu : « Io attendo con ogni studio al poema mio e già ne sono fatti da quindici canti »15.
Le 15 juillet 1558, dans une lettre à Benedetto Varchi, alors que son poème est achevé, il revient sur ses prémices et déclare : « Io nel principio che […] mi posi a questa fatica, aveva deliberato di farla d’una sola azione […] e in questa strada ne composi dieci libri »16.
Cette indécision entre les différentes formes, chants ou livres, atteste celle de l’auteur aux prises avec l’influence de Speroni d’un côté et avec l’attrait de la forme romanesque du Roland furieux et l’insuccès des tentatives de production épique qu’il constatait autour de lui de l’autre.
Le Tasse se détermina en fin de compte pour une structure plurielle et, à partir des romans en prose et des poèmes chevaleresques qu’il connaissait bien17, adjoignit à l’axe portant de l’Amadis les aventures du couple d’amants qui est formé par Floridante et Filidora ainsi que celles d’Alidoro et Merinda. Ces deux autres filons, qui évoluent séparément jusqu’à la fin de l’œuvre, contribuent à la doter de quatre sources différentes de gestes héroïques qui reprennent de façon quelque peu mécanique les tribulations des protagonistes auxquelles viennent s’ajouter de nombreuses digressions, que ce soit par le biais de narrateurs intra-diégétiques ou par celui du récit de songes féminins. L’introduction de nouvelles, de dimensions parfois inusuelles, renvoie aux procédés de Boiardo et de l’Arioste et donne à l’écrivain la possibilité de récupérer ainsi la varietas inhérente aux libros de caballerias et aux récits de la tradition chevaleresque tout en se démarquant, par son originalité, d’un simple travail de traduction du roman espagnol. Dans la succession des faits d’armes et des duels de la fabula, l’intégration de ces parenthèses narratives, volontiers moralisatrices et destinées à un public féminin18, voulait imiter la veine narrative boccacienne. Entre ajouts et récits secondaires, l’ensemble des épisodes se prolonge sur cent chants d’une longueur moyenne de soixante-dix stances.
Par rapport à la plupart des romans pré et post-ariostesques où les figures masculines, comme féminines, toutes fort peu individualisées, se lancent dans quelque quête afin d’étancher leur soif d’aventures, pour leur simple gloire personnelle, pour conquérir l’objet de leur amour ou pour combler d’autres manques, les personnages de cette deuxième version se présentent comme des héros bien plus que comme de simples chevaliers. Ils suivent une route déjà tracée et sont dominés par l’impératif du devoir19, voire par le sens de l’honneur, au sein d’un roman où, comme dans le premier recueil de lettres, l’intention didactique, voire édifiante, est patente. Il n’est pas indifférent à cet égard que Bernardo récupère, dans l’incipit du chant LI, la même métaphore lucrécienne qui ornait déjà le florilège épistolaire de 1549-1559 :
Come talor un medico che vuol
Gabbare l’infermo per dargli salute,
Accio ch’egli di ber non lo rifiute:
Cosi sotto figmenti di parole,
Di chimere da noi non conosciute
Danno i poeti molti documenti
Al volgo ignaro e a l’inferme mentiv20.
Son insistance rend compte d’une volonté manifeste de jouer un rôle didactique, dont le moralisme s’accorde bien avec celui du roman de Montalvo et correspond aux attentes de cette fin de siècle contre-réformiste. Par sa volonté de « giovare » et d’instruire, Bernardo conduit son poème, qui se voulait chevaleresque, vers une narration de type héroïque en contribuant de la sorte à la disparition du monde imaginaire qu’il aurait pourtant voulu sauvegarder :
Bernardo difende quanto può le proprie scelte poetiche e il mondo dei cavalieri erranti, ma […] anch’egli dà il suo contributo a sancirne l’ineluttabile fine, cercando […] non solo di divertire e dilettare, ma ancor giovare, sì per la moralità, per la erudizione, come per molti documenti […] dell’arte militare21.
Les raisons pour lesquelles il modifia son Amadis en abandonnant l’unité d’action et en recherchant une « plaisante variété »22 ne sont pas bien connues. Si l’on en croit Torquato, elles dériveraient de l’échec d’une lecture publique23 :
Avendo, dunque, accettato questo consiglio [di scrivere un poema sulla storia dell’Amadigi], sì come colui che ottimamente intendeva l’arte poetica, e quella particolarmente insegnataci da Aristotele, deliberò di far poema d’una sola azione, e formò la favola sopra la disperazione d’Amadigi per la gelosia d’Oriana, terminando il poema con la battaglia fra Lisuarte e Cildadano; e molte dell’ altre cose più risguardevoli avvenute prima, o dopo succedute, narrava negli episodi o nelle digressioni che vogliam chiamarle. Questo fu il disegno, del quale alcun maestro dell’arte no ‘1 poteva far miglior, né più bello. Ma finalmente, per non perder il nome di buon cortigiano, non si curò di ritener a forza quello d’ottimo poeta; e udite come. Leggeva alcuni suoi canti al principe suo padrone; e quando egli cominciò a leggere, erano le camere piene di gentiluomini ascoltatori; ma nel fine, tutti erano spariti: da la qual cosa egli prese argumento che l’ unità dell’ azione fosse poco dilettevole per sua natura, non per difetto d’arte che egli avesse24.
Dans son Apologie, le jeune homme évoque un ordre du prince de Salerne enjoignant à son père de déroger au principe du héros unique, mais Bernardo n’en dit mot dans sa correspondance, alors qu’il n’hésite pas à mettre en cause son mécène dans le choix de la versification. Il semblerait plutôt qu’il ait été sensible au succès du Roland furieux comme aux échecs du Giron le courtois d’Alamanni, de l’Italie libérée des Goths de Trissino et qu’il ait par conséquent modifié ce qu’il avait déjà préparé. L’hypothèse est corroborée, dans la préface de l’Amadis, par les affirmations de Lodovico Dolce qui reprend et vante les positions du poète :
Il dottissimo Signor Tasso, come anco l’Ariosto, aveva molto ben veduto quanto intorno al poema epico scrive Aristotele e ottimamente osservate le strade tenute da Virgilio e da Omero. E già aveva dettata una buona parte dell’Amadigi a imitazion loro e secondo le leggi di Aristotele e la preposizione del suo poema, per farlo d’una sola azione, era la disperazione d’Amadigi e divise l’opera in libri. Dapoi vedendo, tutto che di farlo vago e piacevole si fosse affaticato, che non dilettava, e veduto che non dilettava parimente il Giron cortese dell’Alamanni che si era dato a quella imitazione; e che, d’altra parte, l’Ariosto, che se n’era dilungato, andava per le mani di ciascuno con lode e grido universale, mutò con miglior giudizio consiglio e diede al suo Amadigi quella forma che vedete al presente abbracciando più azioni e accostandosi a quella piacevole varietà che, nell’Ariosto, è stata dall’universale giudizio de gli uomini lodata e approvata25.
Cette conjecture est également validée par les nombreuses critiques du Giron qui ponctuent les pages du recueil épistolaire :
Vedete il Girone di quello eruditissimo e nobilissimo gentiluomo, il quale se del tutto non è composto ad imitazione de’ migliori poeti, ha però quelli ancora imitati in molte parti e nulladimeno non diletta e dubito che non vediate […] che si stampi l’Avarchide sua, de la quale n’ho visto quattordeci libri, che non sarà lodato, tutto che sia eruditissima e che in essa quel divinissimo spirito abbia interamente servate tutte le leggi del poema epico e la sua proposizione sia simile a punto a quella d’Omero26.
Notre auteur n’épargne pas non plus l’Italie libérée des Goths de Trissino, ce poème destiné aux hommes de lettres, sans aucune concession au goût des lecteurs, et qui se voulait l’incarnation même des doctrines aristotéliciennes :
Non si vede a l’incontro [del successo dell’Ariosto] che il Trissino, la cui dottrina ne la nostra età fu degna di maraviglia, il cui poema non sarà alcuno ardito di negare che non sia disposto secondo i canoni de le leggi d’Aristotile e con la intiera imitazione d’Omero, che non sia pieno d’erudizione e atto ad insegnar di molte belle cose, non è letto e che, quasi il giorno medesimo che è uscito in luce, è stato sepolto?27
Il insère pareillement dans son recueil épistolaire les jugements critiques de Giraldi en la matière :
Et io ho sempre tenuto che siano stati mal consigliati coloro che, lasciata questa bella e gentil maniera di poesia che è nata nella nostra favella […]; si hanno pensato di acquistar maggior loda col seguire la via che tenne Omero e che tenne il giudizioso Virgilio, che ancora che le poesie loro in que’ tempi e in quelle lingue erano e sono poco meno che divine, ne’ nostri tempi, nella nostra lingua, sono poco meno che odiose e se ne puote avere l’essempio dall’Italia del Trissino. Il quale sì come era dottissimo, così fusse stato giudizioso in eleggere cosa degna della fatica di venti anni, averebbe veduto che così scrivere, come egli ha fatto, era uno scrivere a’ morti e non averebbe biasimata la composizione dell’Ariosto come cosa degna del favore del vulgo e non de i dotti e de i giudiziosi28.
Le sarà [l’Amadigi] di molto più loda, che non sarà il suo Avarchide al Signore Alamanni. Perché s’egli non usa in questo più felicità in allogare le rime e in disporre le materie ch’egli si abbia fatto nel suo Girone […] oltre il tedio che porgerà al lettore, quella minuta e superstiziosa imitazione di Omero, porterà poca suavità e poca grazia29.
Ce fut vraisemblablement en même temps qu’il effectuait ce changement de cap qu’il prit conscience de la nécessité de s’adapter au goût de son époque en privilégiant l’agrément de la lecture aux canons aristotéliciens. Cette expérience de variatio, qui l’amenait à diverger du prototype héroïque que constituait l’Hercule de Giraldi, est transcrite dans sa lettre de 1558 à son ami, Benedetto Varchi, dans laquelle il relate son détachement des modèles antiques et son adhésion à la poétique ariostesque :
Accorgendomi poi che [l’Amadigi] non aveva quella varietà che suol dilettare e che da questo secolo, già assuefatto a la forma de’ romanzi, si desidera, conobbi che l’Ariosto non a caso, né per non saper l’arte (come alcuni dicono) ma con grandissimo giudizio accomodandosi al gusto del presente secolo, aveva così disposta l’opera sua. Avendo l’esempio del Giron cortese inanzi agli occhi, mi rivolsi a questo camino, il quale trovo più vago e dilettevole e non pieno di sazietà e di fastidio30.
Par rapport aux tentatives de refondation du poème épique sur un schéma homérique, le Tasse se tourne résolument vers le chef-d’œuvre de l’Arioste pour sa modernité, en d’autres termes pour sa capacité à s’adapter au goût de son temps. Dans une forme de querelle implicite entre « anciens » et « modernes »31, il affirme vouloir suivre « l’orme impresse da quel leggiadro e giudizioso poeta »32, car il ressent l’exigence de plaire à son lectorat et, contrairement à Giraldi avec qui il a entrepris les discussions que l’on sait, il est d’avis qu’il faille mêler le plaisir de la lecture à son utilité. Il penche donc pour une écriture à la fois attirante et utilitaire, dans un projet édifiant et didactique qui n’oppose pas docere et delectare33 :
A me pare […] che il poeta principalmente debbia attender a la dilettazione, e massime in questo corrotto secolo, tutto dato in preda al piacer, nel quale nulla par bello, se non quel che diletta. E se non dubitassi che vi rideste di me avrei ardimento di dire che chi diletta giova e che non possa essere la delettazione separata da l’utile34.
Lodovico Dolce se fait l’écho de cette position dans sa préface de l’Amadis :
A la prudenza del poeta si conviene l’accomodarsi alla dilettazione e all’uso del secolo nel quale egli scrive […] il dilettare : intento principalissimo del poeta. […] I poeti non si leggono senon principalmente per cagion del diletto. É vero che col diletto è congiunto l’utile; ma non come necessario, senon in quanto il buon poeta (e specialmente l’epico) non si pone a scriver di cose vane ma non meno da proposito che dilettevoli, adombrando sotto il piacevole velo delle invenzioni i precetti della moral filosofia35.
Le Raisonnement sur la poésie aussi reprend cette notion de valeur didactique de la poésie qui avait déjà été énoncée dans la lettre à Don Luigi D’Avila de 1543. Cette recherche du plaisir comme aboutissement de l’écriture amène Bernardo à s’écarter de la doctrine aristotélicienne de l’unité d’action et à prôner la variété au sein de son poème, que ce soit dans la disposition des épisodes ou dans le choix de plusieurs personnages. Ce principe est explicitement formulé dans une lettre à Ruscelli :
Io non voglio, padron mio dolcissimo, de la qualità di questo poema promettervi altro, se non che sia per portar seco ne l’animo di chi lo leggerà di molta delettazione; la qual cosa mi pare che debba essere la principale intenzione di chi scrive questa sorte di poemi, perché ha in sé quella bella varietà di venture, che di passo in passo tiran l’animo del lettore con grandissimo piacere fino a la fine; ad imitazione de la Natura mastra perfetta di tutte le cose, che, per far bello il mondo, l’ha fatto pieno di varietà36.
Apparemment banal, le concept d’imitatio de la nature invoqué ici revêt en réalité une importance fondamentale dans la structure de l’Amadis, car il justifie la multiplicité d’épisodes secondaires et de digressions qui le ponctuent. C’est cette varietas, source de plaisir dans la lecture, qui lui permet de se différencier du genre épique et de se garantir une large diffusion auprès du public et un éventuel succès commercial. La question est synthétisée en termes de genres littéraires par Stefano Jossa :
Al poema di ragione, esemplato sui modelli dell’arte, si oppone il poema di successo, fondato sull’uso, sul diletto e sul senso comune […] epos e romanzo sono visti come « forma morta » e « forma viva »37.
La doctrine élaborée au fil des conversations à distance avec d’autres lettrés insiste sur la nécessité de s’adapter à l’usage, afin de conquérir le public. En témoignent les propos que Bernardo tint en mars 1559 à Benedetto Varchi et ce sont presque les mêmes mots qui préludent à la présentation à Consalvo Perez du roman qu’il s’apprête à offrir au roi d’Espagne :
Né creda che sia poema d’una sola azione, perché parendomi, ch’a la prudenza del poeta si convenga d’accomodarsi a la qualità de’ tempi, al gusto e a la delettazione del secolo nel quale scrive e, vedendo che questa maniera di poesia moderna usata da’ nostri romanzi era già, non pur accettata, ma approvata da l’uso, arbitro, mastro e padre de le cose, mi è parso, lasciando la imitazione de’ Latini e de’ Greci, di caminare per le orme di questi romanzi38.
Le Tasse est intimement convaincu que le poète doit se faire l’interprète de son temps afin de ne pas se scléroser dans des formes mortes qu’il n’hésite pas à fustiger chez certains de ses homologues39. Lodovico Dolce cautionne ce choix :
Dico adunque, che se coloro, che tengono sempre in mano le bilancie d’Aristotele, e hanno tutto dì in bocca gli essempi di Virgilio e di Omero, considerassero la qualità dei tempi presenti, e la diversità delle lingue, e vedessero ch’a la prudenza del poeta si conviene l’accomodarsi alla dilettazione, e all’uso del secolo nel quale egli scrive; non sarebbono d’openione, che si dovesse scrivere sempre ad un modo40.
Cette décision de se conformer à l’usage du siècle dans lequel il vit n’est pas sans rappeler la prudence avec laquelle il avait choisi de suivre la fortune de son protecteur du moment dans une formulation élaborée dès l’introduction du premier recueil de lettres41. On peut par ailleurs imaginer que son penchant pour une littérature attractive n’est pas dépourvu d’arrière-pensées matérielles au vu des forts tirages éditoriaux des libros de caballerias produits en série qui inondaient la Péninsule et l’Europe dès les années 1540. Joint au succès manifeste du Roland furieux, avec de nombreuses éditions précisément pendant la composition de l’Amadis entre 1540 et 156042, ce type de considération est sans doute à l’origine de sa prise de position en faveur de « l’uso del secolo »43. Mais pareille exigence d’adaptation au goût de l’époque traduit autre chose qu’une simple volonté de réussite commerciale et rend peut-être compte d’une conception de la littérature entendue comme une voix de son époque44 ; une époque qui enserre la figure de l’homme de lettres dans les nœuds contraignants du consensus courtisan qui est aussi, et cela s’avère particulièrement vrai dans le cas du Tasse, un consensus politique.
Lors de l’élaboration de son projet littéraire, Bernardo choisit donc de ne plus s’inscrire dans le genre épique et opta pour une narration qui satisfaisait à l’usage du siècle avec une variété d’aventures propres à assurer le succès de son ouvrage. Le corollaire de ces décisions, muries au fur et à mesure des correspondances qu’il entretenait avec ses amis littérateurs, réside assez naturellement dans son choix de se tourner vers l’Arioste en suivant ses traces pour la dispositio et la technique narrative en raison du constat selon lequel, à son époque, il n’était plus possible de faire comme si le best-seller en question n’avait pas existé et de se limiter aux modèles d’ascendance homérique ou virgilienne :
Né so io s’Aristotele nascesse a questa età e vedesse il vaghissimo poema de l’Ariosto, conoscendo la forza de l’uso e vedendo che tanto diletta, come l’esperienza ci dimostra, mutasse opinione e consentisse che si potesse far poema eroico di più azioni, […] dandogli nova norma e prescrivendogli nove leggi. E, se il fine che prepor si deve il buon poeta, non è altro che giovare e dilettare, che l’uno e l’altro abbia eseguito l’Ariosto si vede manifestamente, che non è dotto, né artegiano, non è fanciullo, fanciulla, né vecchio che d’averlo letto più d’una volta si contenti45.
Au moment du remaniement de son poème, tout en suivant le paradigme ariostesque, il conféra cependant à son Amadis une variatio qui lui était propre et qui ne reproduisait pas strictement l’errance des chevaliers du Roland furieux. La multiplicité des épisodes, des digressions, des nouvelles, l’éloigna du chef-d’œuvre de l’Arioste et son propre fils reconnut dans son Apologie que cette abondance narrative dépassait les limites du convenable :
Mio padre, vedendo che questi poemi [eroici] si debbono porre fra quelli che son misurati con le misure degli estremi, e perché superano tutti gli altri di gran lunga, stimò che l’accrescimento fosse tanto più lodevole, quanto maggiore; e la grandezza tanto più risguardevole, quanto meno usata […]. Nel mancamento dunque e nell’abbondanza, non solo nella mediocrità, è la propria misura e quasi la propria perfezione; la quale mio padre, tutto che trapassasse il convenevole, ricercò convenevolmente46.
Pareille condamnation semble fondée, car cette explicite prédilection pour une variété poussée à l’extrême s’effectue au détriment du plaisir de la lecture qui était pourtant la finalité recherchée, quelles qu’aient pu être les justifications invoquées a posteriori par Torquato47. L’absence de tout pôle unificateur des différentes errances, contrairement à l’exemple fourni par le Roland furieux, où la guerre menée par Agramant sur le territoire fédère la structure de l’œuvre48, ou encore de toute figure commune à plusieurs quêtes49, conduit à une narration éclatée au cours de laquelle les différents épisodes sont simplement juxtaposés50. Qui plus est, la technique d’entrelacement se révèle pour le moins simpliste et mécanique et confère une certaine rigidité au roman qui apparaît par conséquent plus confus51.
Outre cette rigidité et cette confusion, l’Amadis souffre également des contradictions inhérentes à sa théorisation. En effet, dans sa recherche d’appropriation du modèle ariostesque, Bernardo tenta à la fois de prendre ses distances avec le genre épique et de privilégier un récit héroïque. Tout en cherchant à se rapprocher de l’Hercule giraldien, en raison de la nécessité que le lecteur ne se perdît pas dans les méandres de la narration52, il ne renonça pas à une narration romanesque qui était caractérisée par les formules de liaison de la tradition canterina. En même temps, il adopta des expressions plus traditionnelles que celles de l’Arioste, boiardesques ou même antérieures à celles du Roland amoureux. Ce recours aux « formule di riaggancio » propres au roman chevaleresque, qui mettaient en scène une récitation orale et servaient à assurer la transition dans les passages d’un personnage à un autre ou d’un chant à un autre, l’amena, dans une lettre à Girolamo Molino du 29 janvier 1558, à théoriser l’identification du roman avec l’oralité des chants53.
Toujours dans le cadre de cette même stratégie d’adoption/contestation et alors même qu’il s’inscrivait dans la lignée des épigones de l’Arioste54, dont d’après son fils, il fut l’ami55, Bernardo n’échappa pas au phénomène de rejet et/ou de correction des options thématiques et des modules narratifs du Roland furieux56 en postulant une nécessaire liberté d’expression pour les poètes modernes et un agencement différent de la diégèse57. Il signalait explicitement cette prise de distance et son désir d’imiter les maîtres de l’Antiquité, dans une lettre à Speroni :
Io so che il mio poema a tutti quelli che s’han proposto nell’animo il Furioso per un’idea d’un perfetto poema, non piacerà; perché io, dove mi pare con ragione d’aver potuto imitare i poeti greci e latini e giocar cogli spiriti di poesia, mi ho voluto mostrar poeta58.
Sur le conseil de ce dernier, il réduisit inventions et comparaisons et rationnalisa quelque peu les enchantements. Il se soucia de s’en justifier par une conception différente du merveilleux qui, pour lui, devait être « finto con ragione »59, donc à tout le moins vraisemblable. Il participait de la sorte à la discussion littéraire sur les modèles à suivre pour la fondation d’un nouveau type de poème qui contestait le « merveilleux » homérique en se faisant l’écho des contraintes contre-réformistes qui pesaient sur la création artistique. Le poète semblait donc partager l’opinion de Giraldi qui, dans une attaque à peine voilée à l’Arioste et au poème chevaleresque plus en général, récusait les « sconce meraviglie »60. Dans un autre texte, il dit vouloir limiter la longueur de ses chants pour se démarquer de la longueur parfois fastidieuse de ceux du Roland furieux :
Mi pare che il fine d’uno di questi canti sia come un termine, una meta, dove il lettore, quasi stanco d’un onesto corso de la lettura, volontieri si debba riposare; e che sia il vero vedete che molti canti di quelli de l’Ariosto, per esser troppo lunghi, fastidiscono61.
Toutes ces divergences sont liées à la fois à une réélaboration personnelle du modèle fourni par l’Arioste et à son ambition, explicitement avouée à Speroni, d’égaler voire de dépasser son prédécesseur :
Ed a me pare che queste [le rime sui ricami della sopravesta mandata a Floridante da Filidora] diano grande ornamento al poema. E per questo, molti hanno lodato il mio poema come più poetico di quello dell’Ariosto62.
Parmi ces « molti » évoqués dans la citation, il faut compter son fils qui, toujours dans son Apologie, n’épargnait pas l’auteur du Roland furieux :
Perché quantunque questi, che son detti romanzi, non sian differenti di spezie da i poemi epici o eroici […] nondimeno molte sono le differenze accidentali; per le quali [il] giudizioso poeta dee scrivere questa materia diversamente quando egli sia pur costretto di trattarla […] della qual cosa non s’avvide per avventura l’Ariosto; però s’assomigliò a gli epici molto più degli altri che avevano scritto innanzi. […] Ma l’Ariosto […] formò il suo poema quasi animal d’incerta natura fra l’uno e fra l’altro63.
Bernardo n’était au demeurant pas en reste et s’adonnait lui aussi volontiers à la critique, surtout lorsque son admiration pour l’Arioste le contraignit à un travail fastidieux et, par certains aspects, répréhensible :
Dio perdoni a l’Ariosto, che con l’introdur questo abuso [delle lodi a potenti e cortigiani] ne’ poemi ha obligato chi scriverà dopo lui ad imitarlo, che ancor ch’egli imitasse Virgilio, passò in questa parte almeno i segni del giudizio, sforzato da l’adulatione che allora e oggi regna nel mondo […] egli [l’Ariosto] dimora tanto ne la cosa e di tanti vol far menzione che viene in fastidio e pur è di mestieri che noi che scriviamo dapoi lui andiamo per l’istesse orme caminando64.
Cette critique s’explique peut-être par l’échec de l’insertion de patronymes appartenant à la noblesse espagnole et/ou italienne dans son poème, afin d’en retirer quelque subside, car en définitive son entregent ne lui fut d’aucune utilité. Tel le renard de la fable de J. de la Fontaine65, il dit alors blâmer pareille énumération dans un roman :
Se vi è cosa nel mio poema che lo faccia degno di riprensione, che molte ve ne sono, niuna più che il voler far menzione fuor di proposito di questo e di quel signore e amico; il che ancora che io giudicassi sconvenevole e cosa che, a i lettori rompendo il filo e ordine dell’opera, apporta fastidio, nondimeno per accomodarmi a la qualità dei tempi presenti e de lo stato mio, son stato sforzato di fare66.
Si, dans « la qualità dei tempi presenti », il faut reconnaître une allusion au Roland Furieux de l’Arioste, et notamment au dernier chant dans lequel le poète mentionne les amis venus l’accueillir sur le port au terme de son voyage, l’expression « lo stato mio » résume en revanche pudiquement toutes les démarches de notre érudit pour rentrer dans les bonnes grâces de la cour d’Espagne.
Son rapport à l’Arioste est donc pour le moins ambivalent. Surtout si on considère la valse des hésitations qui préluda au choix du titre ainsi qu’à la définition de l’œuvre. Il opta tout d’abord pour une structure héroïque (la vie d’un seul personnage et sa geste) avant d’adopter un schéma plus romanesque, puis de spécifier que, tout compte fait, son poème relevait du genre héroïque :
Ad alcuni eccellenti e giudiziosi uomini miei amici è parso […] tutto che non sia poema di una sola azione, che abbia più de l’eroico de gli altri di questa maniera, m’hanno persuaso a discostarmi da la maniera de’ romanzi quanto sia possibile e alzandomi in ogni sua parte, quanto si può, a la dignità eroica, a ridurlo in libri67.
De même, il semblerait qu’il se soit tout d’abord déterminé pour une répartition de son poème en livres68 avant de les transformer en chants sur le modèle de l’Arioste, puis, en même temps qu’il s’éloignait du genre épique, d’abandonner la partition en chants et de structurer de nouveau son œuvre en livres pour se rapprocher du genre héroïque69, avant d’en revenir en définitive à des chants :
Eziandio ch’io avessi il poema diviso in libri, per sodisfar più al giudizio d’altri che al mio, l’ho ritornato a l’ordine primo […] com’è ancora stato vostro giudizio70.
On retient essentiellement de toutes ces hésitations que, désireux d’émuler son prédécesseur, Bernardo tenta surtout de concilier la structure du Roland furieux avec les règles aristotéliciennes – particulièrement en vogue depuis les publications des premiers commentaires de la Poétique et de la Rhétorique d’Aristote en 1548 – et avec le poème héroïque tel qu’il était théorisé par Giraldi, mais sans y parvenir. Il est également vraisemblable que dans le contexte des discussions sur la formation d’un nouveau poème, après avoir recherché une forme de modernité dans le Roland furieux, il ait voulu créer sa propre solution en phase avec son époque, en contribuant à l’émergence d’un récit héroïque inspiré à la fois des œuvres classiques et du Roland furieux, tout en réélaborant à des degrés divers chacun de ses modèles. Il signale au demeurant explicitement sa volonté de se distinguer de l’Arioste :
Vi mando una copia di una lettera da me scritta al Giraldi, nella quale, parlando con lui del titolo dell’opera, come vedrete, gli dico ch’io son diverso ancor dall’Ariosto71.
Le résultat obtenu fut tout à fait décevant en raison de la difficulté qu’il rencontra dans la maîtrise de l’entrelacement et, par conséquent, dans l’agencement d’une matière aussi vaste et touffue que celle de l’Amadis. Sa tentative de définition du genre héroïque comme intermédiaire entre l’épique et le romanesque donna essentiellement lieu à des fluctuations dont témoignent nombre de lettres et la modernité revendiquée par Lodovico Dolce dans sa préface au poème ne rencontra pas les faveurs du public.
À la suite des événements que l’on sait, tous les espoirs du vieux poète désargenté reposaient sur son ouvrage, future source de rentes, d’honneurs et d’une réputation qui aurait fait de lui, à soixante-trois ans, un courtisan encore désiré par quelque prince. S’agissant de poésie épique, à la difficulté de l’inventio venait comme toujours s’ajouter la nécessité de trouver un commanditaire, ce qui n’allait pas sans entraîner ipso facto des problèmes de stratégie politique et diplomatique, car au même titre que la plupart des poèmes de la deuxième moitié du XVIe, l’Amadis s’inscrivait dans une anthropologie féodale, dans un système d’échange de dons72. Ce qui était vrai à l’époque d’un Torquato l’était déjà à celle de Bernardo et, au vu du caractère souvent dynastique et glorificateur du genre, l’était aussi au demeurant dès ses origines. Ainsi, l’histoire de la dédicace du roman se confondit-elle autant avec les vicissitudes d’une existence troublée qu’avec des impératifs politiques et l’Amadis, à l’origine conçu et rédigé en fonction d’une alliance française, parut-il en fin de compte sous les auspices peut-être bienveillants, mais tristement parcimonieux de Philippe II et de la cour espagnole plus en général. La révision du poème se révéla nécessaire lorsqu’en 1558 le duc della Rovere se rapprocha de l’Espagne. De pareilles fluctuations étaient au demeurant monnaie courante et les trois rédactions du Roland furieux sont là pour en témoigner73. C’est donc pour répondre à des exigences tout aussi matérielles que politiques que Bernardo avait décidé de dédier son roman, dont le personnage principal est lui aussi un prince, à Philippe II d’Espagne74, fils de Charles Quint :
E voi principe sacro, unica spene
Del magnanimo Carlo, a cui ridenti
Portan Tago, e Iber l’aurate arene,
I lor tesori, e l’onde alte e lucenti,
Mentre il gran vostro genitor sostiene,
Novo Atlante, co gli omeri possenti
Il grave peso de la Monarchia,
Udite il canto de la musa mia75.
Le nom du descendant de l’empereur revient dans la conclusion du poème au chant C avec celui du roi de France, ceux des plus illustres gentilshommes et nobles dames de la cour espagnole et de la noblesse italienne76. En effet, ainsi qu’il y a déjà été fait allusion, ses tribulations passées et son ardent désir de rentrer en grâce auprès de sa très catholique majesté l’amenèrent à essayer d’obtenir l’annulation de la sentence émise contre lui en 1552 en insérant des patronymes prestigieux dans son roman et en rédigeant nombre de requêtes où il plaidait sa cause, ce qu’il reconnaît d’ailleurs explicitement :
Io faccio de la felice ricordazione de l’imperador Carlo e di Sua Maestà Catolica e d’alcuni altri signori de la corte sì onorata memoria, che mi par di meritar, e che sua Maestà Catolica mi faccia questa grazia, e che le Signorie Vostre la mi procurino77.
Facendomi Sua Maestà questa grazia, acquisterà ne l’opinion del mondo il nome di Clemente, al quale per esser io persona conosciuta, sarà quest’atto noto, degno di molta comendazione78.
Dans ces deux cas, comme dans les suppliques qu’il envoya à Sanseverino pendant les dernières années de son rapport avec lui, il tentait manifestement de trouver une solution au problème de la confiscation des biens de son épouse dans le royaume de Naples, ce qui lui aurait permis de remédier à son dénuement et d’assurer, au moins en partie, l’avenir de son fils. Alors qu’il demeurait à Venise auprès de son père, Torquato recourut d’ailleurs aux mêmes expédients pour s’assurer la protection de ses bienfaiteurs et de ceux de Bernardo79.
Au-delà de ces objectifs clairement affichés, il s’agissait aussi d’affronter les frais de publication face aux difficultés réelles et notoires de financement d’un ouvrage de l’envergure du sien. Bernardo intégra donc à son texte des noms de courtisans et de dames de la cour de Philippe II80 tout en se souciant de justifier ce procédé dès le mois de novembre 1557 dans sa lettre à Antonio Gallo au cours de laquelle il exposait ses craintes sur la réception de ses vers par les personnes qu’il avait omis de mentionner comme par celles qui l’étaient :
Son stato necessitato di fare un lungo catalogo, e lunghissimo l’avrei fatto s’avesse voluto nominare tutti quelli che conosco che l’avrebbono meritato e dubito, con l’esempio de l’Ariosto, che io avrò fatto dispiacere a molti di quelli ch’io avrò nominati i quali […] si contenteranno poco né del loco, né de le cose che io ho dette di loro81.
Les motivations d’ordre financier de ces listes de patronymes indignent Francesco Foffano :
In realtà confessava di parlare d’alcuni per l’obbligo di benefici ricevuti, d’alcuni per la speranza di riceverne, d’alcuni per riverenza, d’alcuni per merito di virtù e i benefici che sperava erano, doloroso a dirsi, moneta sonante82.
Le volume de 1560 ne permet pas de rencontrer de formulation explicite du Tasse en la matière83, mais la thèse de Foffano est toutefois corroborée par la déception que, vers la fin de sa vie, Bernardo éprouva en constatant que son initiative ne lui avait rien rapporté. Elle l’est également par une des Famigliari où il pressait Speroni de terminer la révision de son roman parce que :
Per lettere della corte son certificato che Sua Maestà a quest’ora m’avrebbe fatto la dote di mia moglie restituire ed una parte delle mie facultà, ma che non s’aspetta altro che la presentazione di quest’opera84.
Or, cet aspect de la révision du poème était aussi politique, puisque dans une autre lettre d’abord inédite puis publiée au XVIIIe siècle, en envoyant la première stance du poème à Speroni, Bernardo s’expliquait sur l’une des rectifications effectuées :
L’eccelse imprese e gli amorosi affanni/Del principe Amadigi e d’Oriana; […]. In questa stanza il secondo verso diceva; D’Amadigi di Francia e d’Oriana; ma avendolo a mandare al Re Filippo, non voglio por quella parola Francia in prospettiva85.
Pour Stefano Jossa, qui analyse l’orientation politique de la dédicace de l’Amadis, il ne s’agit pas simplement d’un hommage, mais d’un projet politique dans lequel le Tasse se propose de concilier l’horizon « courtois » du poème chevaleresque italien avec la nouvelle cour de l’absolutisme européen86, ce que confirme une des Famigliari dans laquelle le Bergamasque expliquait clairement à Speroni les raisons des modifications apportées à son poème au-delà de la dédicace :
Signor mio, avete da saper che l’intenzion mia, quando diedi principio a questo poema, fu di far che la casa Sanseverina avesse origine da Floridante, e perché detta casa scende da’ duchi di Normandia, avea finto Floridante unico figliuolo di detto duca, e mutata deliberazione per l’ingratitudine del principe, son stato necessitato di farlo principe di Spagna87.
Quelles que soient les motivations à l’origine de ces éloges et elles ne s’excluent au demeurant pas, elles contribuèrent à rallonger les délais de publication. Dans l’écrit à Speroni mentionné plus haut, Bernardo reconnaît que ces changements le ralentissent :
Il poema […] dormirà ancor qualche giorno e, tanto maggiormente, avendogli io fatto far questa nuova metamorfosi dal Re di Francia a quel di Spagna, il che mi dà fatica di rassettar e mutar di molte cose88.
En effet, comme on l’a vu, pour rendre hommage à de nobles dames italiennes et à d’illustres capitaines et poètes, le Tasse introduisit dans son poème les deux temples de la Pudeur et de la Célébrité et sollicita certains de ses correspondants pour qu’ils lui fournissent des noms de personnalités des cours espagnole89, florentine90 et milanaise. En témoigne, par exemple, sa demande au comte Landriano :
La supplico medesimamente che si contenti di mandarmi una lista di que’ signori e cavalieri de la corte e di tutti, se di tutti lo saperà, il nome, il cognome, la patria e il titolo, perché mi servirò come più mi tornerà bene, per alcuni del nome, per altri del cognome o del titolo o de la patria; il medesimo dico de le donne di Milano e di grazia torni di novo a memoria a Sua Eccellenza, se desidera ch’io onori o prencipe o cavaliero in questo poema91.
Une confirmation de ce type de requêtes est fournie par l’une des lettres échangées avec Paolo Mario, l’ambassadeur à Madrid du seigneur d’Urbin :
Le mando una memoria di tutte le dame e signori de la corte di Spagna nominati in questo poema e le mandarei le stanze se non temessi di far troppo grosso il plico92.
Ce sont là, à quelques détails près, les traits distinctifs de l’Amadis du Tasse, dont le contenu foisonnant est élaboré dans les deux recueils épistolaires de son auteur, d’abord dès les années 1542-1544, puis essentiellement entre 1556 et 1558.
Son élaboration
Dans ce qui relève peut-être d’un souci de varietas ou peut-être du reflet des préoccupations qui l’animent en cette période de son existence, plusieurs lettres du deuxième recueil font allusion à la production littéraire de Bernardo Tasso et témoignent de l’élaboration de l’Amadis de Gaule.
Ce roman93 fait partie des six œuvres canoniques94 qui marquèrent l’évolution du genre entre le Roland Furieux de 1532 et les poèmes de Torquato Tasso. Sa préparation s’effectua dans un climat de polémiques sur l’épopée qui menèrent à la naissance du poème héroïque. Dans l’histoire du genre chevaleresque, marquée par des auteurs comme Pulci, Boiardo et l’Arioste, mais aussi par nombre de compositions mineures dans lesquelles la veine narrative se diluait, les ingrédients habituels du cycle carolingien et arthurien perdaient leur identité, la tentative du père de Torquato se situait au cœur de la querelle entre les tenants de l’épopée antique – sur le modèle d’Homère et de Virgile et suivant les préceptes aristotéliciens – et les partisans du charme des octaves du Roland furieux, autrement dit entre aristotélisme et « ariostismo »95. La redécouverte des textes d’Aristote, de la Poétique en particulier96, sonnait alors le glas de la liberté d’invention de la tradition chevaleresque et remettait en question son exemplarité. En cette période d’essor de la trattatistica, de codification de ce que devait être un certain type de littérature, l’Amadis constitua un compromis original entre la sévérité dogmatique des censeurs classiques et l’attrait pour une solution populaire, c’est-à-dire couronnée par un succès éditorial, mais il fut voué à l’échec précisément parce qu’il tentait une médiation entre des positions aussi éloignées que celles qui s’opposaient alors à l’occasion d’un des débats littéraires les plus enflammés du Cinquecento.
Même s’il n’est pas explicitement motivé, le choix d’un sujet moderne d’origine espagnole fut peut-être lié, dans un premier temps, au désir du Tasse de plaire aux nobles qui lui en avaient fait la demande, Don Luigi d’Avila et Don Francesco de Tolède, puis, quelques années plus tard, à un calcul politique, voire économique. Dans une ville comme Naples, la diffusion de la culture espagnole se faisait par l’intermédiaire des « libros de caballerias » qui rencontraient un énorme succès éditorial au point de créer une véritable mode littéraire. Ces considérations pragmatiques confortèrent sans doute le choix de Bernardo pour un roman qui avait fait l’objet de traductions et de continuations dès le début du XVIe siècle, qui exaltait la bravoure et la vertu des chevaliers dans un propos manifestement édifiant97 et qui privilégiait la matière arthurienne à celle carolingienne. C’est ce qu’il reconnaissait dans une lettre au comte Antonio Visconte du 10 septembre 1559 :
La materia [dell’Amadigi] è sì nota, che pochi sono in Italia e ne le corti principali de’ prencipi cristiani che non lo sappiano98.
Dans le premier des deux recueils épistolaires, les textes relatifs à la préparation d’une œuvre romanesque soulèvent aussitôt la question du moment auquel elle fut entreprise. Adressés respectivement à Don Luigi D’Avila et Francesco de Tolède, ils semblent dater sa conception de l’époque du voyage de Bernardo à Gand dans les Flandres :
Io ho già, Illustrissimo Signor mio, con l’ozio e con la comodità che m’ha data l’Illustrissimo principe mio Signore, cominciato a osservar quanto a Vostra Signoria, al Signor Don Francesco di Tolledo e a molti altri cavalieri promessi a Gantes, cioè di comporre sovra la vaga e leggiadra istoria d’Amadigi di Gaula un poema in lingua italiana99.
Del poema di Amadigi di Gaula, al quale ho già dato principio, come vi promessi in Fiandra […] non vi voglio scriver altro, avendone a lungo scritto al Signore Don Luigi D’Avila, col quale so, che per la similitudine de’ costumi, per la conformità de’ vostri virtuosi animi, non pur l’altre cose, ma essere i pensieri comuni100.
On pourrait donc en déduire que l’intention de composer ce poème chevaleresque remonte à 1544 et, plus particulièrement, à la période comprise entre mai et décembre, puisque que le Tasse était de retour dans la Péninsule, à Côme, le 28 décembre. Cependant, une autre lettre, adressée à Sperone Speroni, fait clairement allusion à une mise en chantier bien antérieure puisqu’elle porte la date du 20 août 1543 :
In questa quiete di vita adunque ho cominciato a pagar l’obligo che io aveva col Signore mio, con Don Luigi d’Avila e con alcuni altri signori della corte cesarea e con voi spezialmente, cioè di comporre un poema in lingua italiana sovra l’istoria d’Amadigi di Gaula101.
Une deuxième missive à ce même confident102 rappelle l’envoi du début du poème et une troisième encore, qu’il avait expédiée d’Anvers, à la veille de son retour pour l’Italie en décembre 1544, le prie de lui donner son avis sur l’œuvre qu’il a entreprise et dont il lui a si longuement parlé103. Étant donné qu’aucune autre trace de discussion poétique avec Speroni ne figure dans ce florilège épistolaire et que toutes les phases de la composition y semblent soigneusement consignées, la tentation est grande d’interpréter ces lignes comme une allusion à la lettre LXXXII. Cela conduit à supposer que, selon toute vraisemblance, le Tasse se mit à l’œuvre bien avant son voyage dans les Flandres qui eut lieu après la bataille de Cérisoles. La conjecture se révèle d’autant plus plausible que la lettre LXXXVII au prince de Salerne, qui remonte vraisemblablement au printemps 1543104, évoque l’état d’avancement du poème :
Io (la Dio mercè) ho portatorio [sic]105 il primo canto, di quel modo però che si dice che lo orso partorisce i figliuoli suoi, cioè un pezzo di carne senza alcuna forma di membro. Or mi resta solo a poco a poco con la lingua dell’arte e del giudizio, leccarlo e quella forma dargli che giudico necessaria, acciò che possa andar securamente in man de gli uomini106.
Torquato lui-même, dans son Apologie, déclare que la décision de composer le poème fut prise à la cour d’Espagne :
Sappiate dunque, ch’essendo mio padre nella Corte di Spagna per servizio del principe di Salerno suo padrone, fu persuaso da i principali di quella Corte a ridurre in poema l’istoria favolosa dell’Amadigi107.
La contradiction apparente entre ces lettres et ce témoignage est apparemment résolue par Scoti-Bertinelli108, qui émet l’hypothèse d’une erreur de transcription. Ainsi, le début de la lettre à Don Luigi D’Avila mentionne-t-il la ville de « Gantes », alors qu’il s’agirait du petit hameau de Gan dans les actuelles Basses-Pyrénées à la frontière de l’Espagne. La confusion entre Gan et Gand apparaîtrait compréhensible parce que l’appellation « Guant » pour cette bourgade est attestée en 1559109 et que ses habitants se nomment les « Gantois ». Pour ce qui est de la mention des Flandres que l’on rencontre dans la lettre à Don Francesco de Tolède110, Scoti-Bertinelli émet l’hypothèse qu’il s’agisse là aussi d’une confusion de l’éditeur entre « Fiandra » et « Francia », peut-être causée justement par la précédente entre la célèbre ville flamande et le modeste bourg français. On trouve d’ailleurs confirmation de la présence du Tasse en Espagne dans une lettre où, s’adressant à Pietro Bembo depuis peu élevé à la dignité cardinalice, il écrivait :
Questo favore [il saluto del Bembo] dall’animo quell’ombra m’ha sgombrata, la quale per non aver’io avuta risposta della lettera che di Spagna scrissi a Vostra Signoria Reverendissima, rallegrandomi dell’assunzione del suo Cardinalato, m’occupava111.
La promesse d’entreprendre la composition d’un roman chevaleresque aurait donc été faite, non point dans les Flandres lors de la deuxième moitié de l’année 1544, mais bien plutôt après la lettre qu’il aurait envoyée au nouveau cardinal à l’occasion d’un voyage en Espagne (et au moins jusqu’à la frontière française) vraisemblablement aux environs de 1539, date de l’accession à la pourpre cardinalice de Pietro Bembo. Sachant que le Tasse ne se rendit dans les Flandres qu’en 1544, date beaucoup trop tardive pour complimenter son ami, l’hypothèse émise par Scotti-Bertinelli semble plausible, à cela près qu’il y avait fort peu de chances pour que le courtisan, le prince et les principaux seigneurs de la cour impériale se fussent retrouvés dans un obscur hameau des Pyrénées. Il est plus envisageable que la rencontre en question ait bien eu lieu à Gand, ainsi que le mentionne la lettre, mais avant l’année 1544, car le prince de Salerne s’y trouvait à l’occasion de l’entrée officielle de Charles Quint, le 14 février 1540, au même titre que bien des têtes couronnées et de très nombreux aristocrates de la cour espagnole112, dont Luis d’Avila et Francesco de Tolède et quant à Bernardo, il était vraisemblablement du voyage113. Ce déplacement s’inscrivant dans la lignée de celui qu’il avait effectué dans la péninsule ibérique avec la plupart des principaux dignitaires de la cour d’Espagne, l’observation de Torquato serait justifiée. En l’état actuel des connaissances sur le sujet, la prudence et la raison suggèrent que la décision de composer l’Amadis fut bien prise au moment historique qui a été indiqué, donc avant 1544, et que le lieu où des seigneurs de la cour espagnole auraient demandé à Bernardo de composer un roman chevaleresque est bien la ville de Gand.
Des circonstances particulières, notamment l’octroi d’un congé à Sorrente de la part du prince, aidèrent le secrétaire à tenir parole, car il put s’atteler à cette composition dès la fin de l’année 1542 ou le début de 1543. Elle se prolongea de façon irrégulière jusqu’en 1560 avec, apparemment, de longues interruptions et des moments où le poème revenait sur le devant de la scène dans des lettres envoyées à ses amis. La suite appartient à l’histoire éditoriale de l’œuvre.
Les lettres préparatoires
dans le recueil de 1549-1559
La préparation de l’Amadis est intégrée dans les deux recueils épistolaires, même si c’est surtout dans le deuxième qu’elle prend toute son ampleur. Un certain nombre de textes relatifs à cette gestation se retrouvent également dans les éditions de Campori et de Comino et quelques-uns, pour la plupart des inédits, ne figurent que dans ces dernières114.
Les premières références à ce texte in fieri apparaissent dans le florilège de 1549-1559 et, hormis quelques allusions à la mise en chantier du roman115, sont limitées à deux lettres : une à Sperone Speroni, son principal interlocuteur en matière de poésie, et une autre à Don Luigi d’Avila. La lettre au littérateur padouan pose les bases de la construction du poème, dont les travaux préparatoires nécessaires sont déjà réalisés :
E di già non pure ho fatto un apparecchio sì grande e sì abondante di materia che basterebbe a maggior edificio che questo non è, ma ho tutta disposta l’opera e non pur disposta ma apoggiate l’imitazioni, le comparazioni, le metafore e gli altri ornamenti a i luoghi loro. Or comincio a distenderlo in prosa, accioché a guisa d’essempio e di modello di tutta la fabbrica mi possa servire116.
Le Tasse y expliquait avoir dû opter pour une versification en stances sur les instances de F. Sanseverino et avoir renoncé à ses hendécasyllabes libres :
Non posso farlo, sì come vostro giudizio e mio desiderio sarebbe in rime sciolte, comandato dal padrone, […] ma è di mestieri farlo in stanze117.
Non era mia volontà di farlo in stanze parendo a me […] che non sia rima degna, né atta a ricever la grandezza e dignità eroica […]. Ma per compiacere al Signor principe mio e a V.S. che con molta istanza lo mi commandò, io pur lo faccio118.
Après ces quelques considérations, il exposait la matière de son futur poème en mentionnant son intention de respecter la règle aristotélicienne de l’unité d’action :
L’amorose lagrime, e onorate fatiche d’Amadigi; la qual dividerò in due parti; prima dirò le semplici lagrime di quella tenera età; di poi tutte le azioni gloriose che fece da che fu armato cavaliero, fin che la desiderata donna ebbe per moglie119.
Sa volonté de trouver un juste milieu entre la recette du succès telle qu’elle avait été illustrée par le Roland furieux et les canons aristotéliciens est déjà patente, puisque d’une part la référence à l’Arioste pour ce qui concerne la versification était clairement mentionnée et que, de l’autre, il s’appuyait sur l’auctorictas d’Homère et de Virgile :
Nella qualità e maniera del verso, sarò simile all’Ariosto; nell’ordine e nelle altre cose alla disposizione appartenenti, Virgilio e Omero quanto basteranno le forze mie procurerò d’imitare120.
De fait, plus que d’Aristote, le Tasse s’inspirait surtout des classiques grecs et latins qu’il citait abondamment dans ses recueils épistolaires. À côté de sa soumission à ces modèles et aux thèmes obligés du genre, il revendiquait sa liberté d’auteur, et non point de simple traducteur, dans l’organisation de la matière :
A tutte quelle parti dell’invenzione che non mi son parute atte a ricevere ornamento e splendore ho dato di penna, molte aggiuntevi, […] e insomma non m’obligo a tradurre Amadigi, ma sovra l’istoria sua comporre un poema; quella autorità e licenza riservandomi che a’ poeti è conceduta121.
Non vorrei che vi cadesse nel pensiero che detta istoria di parola in parola volessi tradurre, cosa totalmente lontana dal mio desiderio e indegna del decoro e dell’arte del poeta122.
Il insistait sur son travail de création en mentionnant sa volonté de publier une version personnelle des aventures du chevalier123 et exposait sa façon de procéder afin d’enrichir le texte originel par de nombreuses digressions et déplacements d’épisodes, tout en s’enorgueillissant d’avoir surmonté l’écueil de la sonorité barbare des noms dans la rédaction de son chapitre initial :
Io, senza interrompermi, continuo la mia proposizione e tutto ciò che è fuor d’essa, faccio dire a questa e a quella persona per disgressione. Et perché una delle cose, che dura e difficile questa impresa mi facevano parere, era l’asprezza e barbarie de’ nomi […] ad alcuni una sillaba levando, a molti un’altra aggiungendone, altri del tutto mutando, quanto ho potuto dolci e sonori e degni della compagnia dell’altre voci mi sono ingegnato di rendergli124.
Né solo l’ordine e le cose di mutar necessitato sono, ma i nomi stessi delle persone in dotta [sic] opera compresi, percioché […] dee guardare il dotto poeta che nell’opera sua nomi duri, aspri e barbari non siano introdotti dee con ogni studio e diligenza procurare125.
Face au dédain avec lequel les milieux intellectuels traitaient les « libros de caballerias », le Tasse s’efforçait manifestement de s’éloigner autant que possible de sa source d’inspiration en multipliant les annonces de modification du roman espagnol et en revendiquant l’originalité de son travail à destination du plus éminent des lettrés susceptible de le critiquer, son ami Speroni. En publiant cette lettre, comme celle à d’Avila, il ajoutait à son destinataire tous les lecteurs potentiels, appartenant éventuellement à son milieu, à même eux aussi de prendre position contre son roman. C’est ainsi que tout en annonçant sa « renaissance »126, et en priant le Padouan de revoir son texte, il rédigeait déjà un véritable manifeste de poétique, dont il faisait parvenir une copie à Girolamo Molino, et inaugurait une typologie épistolaire qui occupe une partie du recueil de 1560.
Toujours dans le cadre d’une présentation de son œuvre future, il énonçait ensuite sa conception de l’agencement de la matière en la motivant par le respect du principe horatien du docere et delectare :
Tre sono Eccellente signor mio […] le parti principali che al poeta dicevoli sono e necessarie, cioè trovar prima le cose che nel poema di trattare abbiamo disegnato. Quelle poi trovate, sotto bello e lucido ordine disporre. Ultimamente, le cose già ritrovate e con giudizio e con arte disposte con leggiadro e ornato parlare scrivere […] talmente però che il poema sotto alcuno favoloso velame e misterio […] qualche profittevole ammaestramento nascondere. E in questo modo insegnar parimente e dilettare gli animi de gli ascoltanti127.
En revenant sur les concepts déjà exprimés dans sa lettre à Speroni, le Tasse rendait compte d’une théorisation déjà assez élaborée de son travail qui montrait qu’il avait eu le temps de réfléchir à la structure nécessaire au développement de l’intrigue. Deux autres allusions à cette entreprise littéraire ponctuent les pages du recueil de 1549-1559. On en trouve une dans une lettre à Fortunio Spira qui n’est pas autrement détaillée, car celle à Speroni lui avait été communiquée, et une autre figure dans l’écrit au prince de Salerne, qui date sans doute du printemps 1543, au cours duquel il le priait de l’excuser de sa lenteur et disait avoir terminé le premier chant128. La dernière évocation de l’Amadis dans une missive à Don Francesco de Tolède remonte vraisemblablement à cette même année, et renvoie explicitement au contenu de la lettre à Don Luigi d’Avila. On observe donc que, dès le début de la composition de son roman chevaleresque, le Tasse senior fut l’un des rares de son époque à ne pas exposer in primis une ligne poétique précise et à se plonger dans l’écriture avant de proposer, grâce à la collaboration de ses pairs, une réflexion théorique sur sa composition en fonction des difficultés auxquelles il se heurtait ou des impératifs auxquels il était soumis129.
Dans le recueil de 1560
et dans celui de Comino
Mais c’est surtout dans son deuxième recueil épistolaire que le vieux courtisan introduisit tout le travail de préparation de l’Amadis en restituant les discussions dont celui-ci avait fait l’objet et en abordant le sujet de son édition. Sur les cent quatre-vingt-dix-huit lettres qui le composent, il y en a presque une cinquantaine – soit à peu près un quart de l’ensemble – qui rendent compte de ses réflexions sur le roman comme sur les détails pratiques130 liés à sa publication. À ces chiffres s’ajoutent les écrits publiés par Comino dans son troisième volume de lettres inédites, celui qui contient les Famigliari, soit une partie de la correspondance rejetée dans les archives concernant précisément la gestation de l’Amadis et en particulier bien des échanges avec Sperone Speroni131.
Des hommes de lettres célèbres en leur temps sont les destinataires privilégiés de ces dialogues à distance qui s’affirment comme la partie la plus marquante du volume au détriment d’autres typologies, comme les lettres familiales par exemple132. Le Tasse affiche ici son propre réseau littéraire composé de patronymes aussi prestigieux que Giraldi Cinzio et Girolamo Ruscelli, Sperone Speroni, Vincenzo Laureo, Antonio Gallo et Girolamo Molino. Il s’entretient aussi à distance avec Francesco Bolognetto, Giovanni Antonio Papio, Benedetto Varchi et d’autres encore133. Tous ces échanges se donnent pour objectif de définir de nouvelles règles de composition et, d’une certaine manière, cette communauté d’écrivains professionnels travaille collectivement à l’élaboration d’un ouvrage. Les lettres acquièrent pour lors une fonction communicative concrète et se constituent en dialogue inter pares. Leurs spéculations portent essentiellement sur le genre du roman héroïque et sur les écueils à surmonter lors du processus de composition puis de révision.
Ce deuxième recueil épistolaire se présente ainsi, au moins en partie, comme le laboratoire d’une création effectuée par des poètes qui sont aussi des critiques, ou des critiques qui tentent d’être poètes134, et l’ensemble de ces échanges est destiné à offrir au public une grille de lecture qui est délibérément publiée au même moment que l’Amadis. En effet, la synchronie d’une opération éditoriale qui procède simultanément à la publication du second volume de la correspondance et du roman chevaleresque ne saurait être fortuite135 mais veut mettre en lumière une interaction entre théorisation et composition poétique. L’insertion dans ce volume de lettres de tous les débats occasionnés par la préparation d’un ouvrage narratif, des doutes et des interrogations, voire des angoisses de l’auteur, revêt pour lors un caractère indéniablement utilitaire, dans la mesure où, une fois édités, tous ces éléments confèrent une réelle importance à ce débat sur les questions les plus controversées du genre épique. La correspondance devient en quelque sorte le négatif du roman, l’endroit où celui-ci s’élabore et où s’épanchent les inquiétudes et les préoccupations de l’écrivain, elle fait en somme fonction de préface136. D’où la nécessité que ces lettres parviennent jointes à l’Amadis « in man de gli uomini »137, car elles illustrent la position de l’épistolier et viennent compléter la véritable préface du roman – seul espace qui autorise à la fois une communication, fût-elle médiate, entre l’auteur et son public – qui est confiée aux bons soins de Lodovico Dolce, avec lequel il s’est apparemment réconcilié après les vertes critiques dont il l’avait accablé au moment de la parution de ses trois livres de poésie138. Résumant les discussions entre le Tasse et ses correspondants, ces échanges font également fonction de texte justificatif qui révèle les problèmes théoriques qui se sont posés et les solutions qui ont donné naissance à l’ouvrage139.
Destinée à faire lire, approuver ou critiquer des passages du poème, cette correspondance permit à son auteur de se confronter à des opinions différentes de la sienne ; dans quelques cas de figure140, de trouver une justification à ses options poétiques141 et de préciser les aspects théoriques de rédaction auxquels il souscrit. Le Tasse n’expose pas de conceptions préalables à l’écriture, mais envoie plutôt des passages de son œuvre à ses amis afin qu’ils procèdent à la relecture et aux corrections nécessaires et accepte également des questions, quitte à les transmettre pour vérification à Speroni142. Dans le processus de codification en vogue sur le genre chevaleresque et/ou héroïque, il se situe ainsi un peu en marge de ses pairs, dans la mesure où ses prises de positions conceptuelles sont relativement peu nombreuses et se limitent à des interventions ponctuelles qui découlent des pierres d’achoppement rencontrées lors de la composition. Elles sont toujours peu ou prou soumises aux jugements de ses interlocuteurs, parfois même aux dépens de ses choix personnels. Ce fut notamment le cas dans sa lettre à Speroni pour les prologues et les conclusions, que Bernardo souhaitait présenter sous forme de descriptions d’aurores et de couchants143. Ses conseillers l’en dissuadèrent en raison de la « sazietà e fastidio »144 que toutes ces variations sur deux seuls thèmes auraient provoqués parmi ses lecteurs. Bernardo affirme vouloir se ranger volontiers à leur avis avant même de le connaître145, quitte à se défendre ensuite en argumentant du bien-fondé de son point de vue :
Saperete dunque ch’io ho finiti tutti i miei canti con una descrizion di notte e principiati con una descrizion de l’aurora, la qual cosa trovo che ha delettato a la maggior parte di quelli che l’hanno udito. Or a MESSER Vincenzo pare, e forse con qualche ragione, che questa cosa possa partorir ne l’animo de’ lettori sazietà e fastidio; a me è parso il contrario e trovo di molti che concorreno nel mio parere […]. A me pare che, né più vagamente né con più leggiadria e delettazione degli ascoltanti si possa finir il canto che di questa maniera. Ma perché così in questo, come in molte altre cose mi posso ingannare, voglio che il vostro e suo giudizio mi mostrino la verità146.
Ces lettres s’étalent sur une période de huit ans, comprise entre 1552 et 1560, et leur fréquence atteint son point culminant entre 1557 et 1558, années pendant lesquelles pas moins de vingt-huit d’entre elles abordent les embarras rencontrés lors de la rédaction, du financement ou de l’édition de l’ouvrage. Leurs dates assez rapprochées montrent que tout au long de cette phase préparatoire le Tasse est intensément absorbé par les problèmes relatifs à la révision et à la parution. Il paraît assez vraisemblable qu’à travers cet intense travail de consultation, il ait voulu à la fois prendre conseil et se prémunir de toute critique au moment de l’édition par l’aval que pouvait lui apporter l’auctoritas d’éminents auteurs. Ce faisant, dans une époque en pleine mutation culturelle – en 1548, Trissino avait publié l’Italie libérée des Goths, l’Alamanni avait édité son Giron le courtois et Giraldi écrit son Discours sur la composition du roman – au cours de ces années 1560 qui se révélèrent décisives pour le développement du genre épique et chevaleresque, il ne fait que suivre la tendance de son temps où le roman était conçu comme un véritable produit éditorial, soumis à discussion puis à révision avant d’être imprimé et offert à un public plus vaste, mais toujours relativement spécialisé. C’est ce qui se lit en filigrane derrière les mots avec lesquels Dolce présente aux lecteurs « il da voi tanto desiderato ed aspettato Amadigi dello eccellentissimo Signor Bernardo Tasso »147 ; expression qui peut être comprise comme un simple éloge, mais qui acquiert une tout autre signification au vu des discussions qui ont précédé la publication. C’est aussi ce qui ressort notamment d’une allusion à un public sous-entendu dans une lettre de Bernardo Tasso à Giraldi où il postule la nécessité de discourir plus longuement de la manière de choisir un titre, « per utilità universale »148.
Lettres relatives à l’Amadis
dans le recueil de 1560149
N° | Expéditeur | Destinataire | Date |
XVI | Bernardo Tasso | Sperone Speroni | 19 décembre 1552 |
LXXI | Bernardo Tasso | Giovanni Battista Giraldi | 1556 |
LXXII | Giovanni Battista Giraldi | Bernardo Tasso | 12 juin 1556 |
LXXV | Bernardo Tasso | Giovanni Battista Giraldi | 3 juillet 1556 |
LXXVI | Giovanni Battista Giraldi | Bernardo Tasso | 10 juillet 1556 |
LXXIX | Bernardo Tasso | Giovanni Battista Giraldi | 8 août 1556 |
LXXXI | Bernardo Tasso | Giovanni Battista Giraldi | 5 décembre 1556 |
XCV | Bernardo Tasso | Girolamo Ruscelli | 4 mars 1557 |
XCIX | Bernardo Tasso | Girolamo Ruscelli | 15 avril 1557 |
C | Giovanni Battista Giraldi | Bernardo Tasso | 13 septembre 1556 |
CII | Bernardo Tasso | Giovanni Battista Giraldi | 22 avril 1557 |
CIX | Bernardo Tasso | Girolamo della Rovere | 15 juin 1557 |
CXI | Bernardo Tasso | Francesco Bolognetto | 7 juillet 1557 |
CXIV | Bernardo Tasso | Girolamo Ruscelli | 13 août 1557 |
CXVIII | Bernardo Tasso | Giovanni Angelo Papio | 6 septembre 1557 |
CXIX | Bernardo Tasso | Vincenzo Laureo | 6 septembre 1557 |
CXXI | Bernardo Tasso | Sperone Speroni | 26 septembre 1557 |
CXXVI | Bernardo Tasso | Antonio Gallo | 9 novembre 1557 |
CXXVII | Bernardo Tasso | Dionigi Atanigi | 20 novembre 1557 |
CXXIX | Bernardo Tasso | Mons. Cesare Brancaccio | 24 novembre 1557 |
CXXXI | Bernardo Tasso | Sperone Speroni | 8 décembre 1557 |
CXXXII | Bernardo Tasso | Vincenzo Laureo | 8 décembre 1557 |
CXXXVIII | Bernardo Tasso | Mons. Cesare Brancaccio | 20 janvier 1558 |
CXL | Girolamo Molino | Bernardo Tasso | 22 janvier 1558 |
CXLI | Bernardo Tasso | Girolamo Molino | 29 janvier 1558 |
CXLII | Bernardo Tasso | Girolamo Molino | 9 février 1558 |
CXLIII | Bernardo Tasso | Sperone Speroni | 19 février 1558 |
CXLIV | Bernardo Tasso | Bernardino Pino | 1er mars 1558 |
CXLV | Bernardo Tasso | Girolamo Ruscelli | 5 mars 1558 |
CLI | Bernardo Tasso | Comte Francesco Landriano | 3 juillet 1558 |
CLIV | Bernardo Tasso | Benedetto Varchi | 15 juillet 1558 |
CLV | Bernardo Tasso | Duc de Palliano, Giovanni Carafa | 15 juillet 1558 |
CLVI | Bernardo Tasso | Giovanni Simonetta | 3 août 1558 |
CLIX | Bernardo Tasso | Cardinale Tornone | 11 août 1558 |
CLXII | Bernardo Tasso | Eletto di Spalatto | 26 septembre 1558 |
CLXXII | Bernardo Tasso | Benedetto Varchi | 6 mars 1559 |
CLXXIII | Bernardo Tasso | Girolamo Ruscelli | 4 mai 1558 |
CLXXX | Bernardo Tasso | Giovanni Michiel | 29 juin 1559 |
CLXXXII | Bernardo Tasso | Comte Antonio Visconte | 10 septembre 1559 |
CLXXXIII | Bernardo Tasso | Paolo Mario | 29 septembre 1559 |
CLXXXIV | Bernardo Tasso | Lelio Capilupo | 8 octobre 1559 |
CLXXXVIII | Giovanni Battista Giraldi | Bernardo Tasso | 12 octobre 1559 |
CLXXXIX | Bernardo Tasso | Giovanni Battista Giraldi | 18 octobre 1559 |
CXC | Bernardo Tasso | Ippolita Sanseverina | 17 novembre 1559 |
CXCIII | Bernardo Tasso | Tolomeo Galli | 24 février 1560 |
CXCIV | Bernardo Tasso | Marquis de Pescara, Francesco Ferrante d’Avalos | 10 juillet 1560 |
CXCV | Bernardo Tasso | Antonio Gallo | 12 juillet 1560 |
CXCVI | Bernardo Tasso | Claudio Malopera | mars 1560 |
CXCVII | Bernardo Tasso | Tolomeo Galli | 18 mai 1560 |
La correspondance avec ses homologues
La correspondance la plus fournie du « famoso padre » est, on l’a dit, celle qu’il entretint avec Sperone Speroni, même si elle est tronquée dans le volume de 1560, et avec Gian Battista Giraldi Cinzio150.
L’amitié que le Tasse nourrissait pour Speroni datait des années de sa formation poétique et dura tout au long de sa vie pendant laquelle il n’eut de cesse de lui soumettre ses écrits. Il était donc normal qu’il fût le premier à être sollicité dès 1543, quand Bernardo lui exposa la matière de son futur poème dans un texte où il lui renouvelait l’assurance de son amitié151. C’est à lui qu’il envoya son manuscrit pour sa première relecture et c’est toujours le maître padouan qu’il pria de le réviser. Tous les échanges entre les deux hommes furent recueillis deux siècles plus tard dans le troisième volume de lettres édité par Comino. Ils se succédèrent presque sans interruption entre 1559 et 1560, mais une partie d’entre eux relève de la typologie des lettres amicales, tandis que le reste examine effectivement tous les détails techniques relatifs à la composition du poème. Notre écrivain interrogeait son mentor sur différents sujets ayant trait à la pertinence de tel ou tel autre élément dans sa composition, que ce soit sur un problème de localisation géographique de l’Isola ferma152 ou sur l’opportunité de faire raconter toute son histoire à un chevalier moribond :
Non so se fosse prudenza del poeta far che colui ferito a morte conti tutto il cammino che fecero, e lo descriva particolarmente; perché mi par che non si convenga introdur uno che subito morì, ch’ebbe fiato a descriver tanto paese153.
Dans les deux cas, il pose en réalité le problème de la vraisemblance au cœur des discussions sur le nouveau poème que les lettrés voudraient créer154. On comprend à la lecture de ces questionnements qu’il comptait énormément sur l’opinion du Padouan.
En dépit de cette dépendance affective et intellectuelle, seules quatre lettres à Speroni figurent ensuite au sein du recueil qui fut publié en 1560 alors que, comme en témoigne l’édition réalisée en 1751 par Comino, ses communications avec lui furent nombreuses155. On peut s’interroger sur cette coupe sombre. Peut-être est-elle due à un agacement vis-à-vis de la « negligenzia » de Speroni, car plusieurs des textes du Bergamasque font état de son ressentiment face au silence qui lui est opposé156. Mais, en dépit de sa sujétion envers son maître à penser et nonobstant les efforts qu’il déploya pour lui faire accepter ses concessions sur le romanesque, il se détermina en fin de compte pour une solution poétique qui n’était pas celle prônée par cet intransigeant représentant de l’aristotélisme. Au vu de ce choix, on peut s’interroger sur la relégation presque totale des quelques réponses de son interlocuteur dans le corpus des lettres archivées. En 1559, à un moment où Bernardo a déjà opté pour une solution ariostesque, mais où le deuxième volume des lettres n’était pas encore paru, Speroni rédige une violente diatribe contre l’auteur du Roland furieux, qu’il accuse de plagiat, critiquant ainsi implicitement le choix de son ami :
Mi sarà caro oltre modo che il mio giudizio sia giudicato e riformato […]; ma giudicato anzi con ragione che con esempio; o almeno non con l’esempio dell’Ariosto, il cui poema si può agguagliare a una donna che ha poche parti che belle siano. Solamente, ha un non so che onde ella piaccia alla gente, e forse in lui quel non so che […] non è suo, ma d’altrui, cioè a dire che la invenzione e la disposizione di quella opera con i nomi dei cavalieri fur di colui cui egli sdegna di nominare, o per dir meglio, non osa, temendo col nominarlo di far accorgere il mondo, che egli tale fosse verso il Boiardo qual fu Martano verso Griffone. E chi nol creda, vada a sentirlo in quel suo strido infelice di cinque canti, o di sei, che gittò fuori nella cui musica che vi si sente spirare. Fu anzi oca che cigno157.
À moins que le fin mot de l’histoire ne réside dans une lettre du 8 mars 1560 où, tout en soulignant l’amitié et le respect qu’il lui a témoignés au cours des années passées, Bernardo demande à son ami de faire taire les rumeurs selon lesquelles il aurait durement critiqué l’Amadis158. Pour une fois, Speroni répond promptement, mais le mal est peut-être fait. Jointe aux dissensions décrites plus haut, une calomnie, fondée ou sans fondement, aurait contribué à l’exclusion de Speroni du deuxième recueil épistolaire.
Avec le Padouan, l’autre interlocuteur privilégié du Tasse est Giovan Battista Giraldi Cinzio dont la fréquentation est illustrée par la publication de non moins de dix-sept lettres, dont sept du Ferrarais qui proposent des solutions aux doutes qui lui ont été soumis. La décision de publier les réponses de Giraldi s’insère dans une économie d’échange et la volonté de reconstituer dans son intégralité ou presque la communication entre hommes de lettres est manifeste. À Giraldi est dévolue la fonction amicale de conseiller, voire de contradicteur, sur les problèmes auxquels le Tasse se heurte au fil des pages. Leurs discussions amènent à définir leurs positions respectives sur ce que doit être un poème après l’Arioste. Dans une des premières lettres concernant l’Amadis, Bernardo justifie sa démarche par la nécessité dans laquelle il se trouve de dissiper :
Alcuni dubbi che ne la pubblicazione di questa opera mia mi danno molestia, affine che il chiaro sole del vostro giudizio sgombrasse ogni nebbia di dubitazione che mi potesse l’animo molestare159.
Il s’interroge en particulier sur la pertinence du titre choisi. Au vu de son insistance à obtenir les suggestions de son interlocuteur, on comprend qu’il s’agissait à ses yeux d’une question fondamentale. Avec cette demande d’aide du 5 juillet 1556, un débat s’amorce. Giraldi répond longuement le 10 de ce même mois en proposant une médiation entre épopée et roman, qui emprunterait le titre de l’ouvrage à la première et sa dispositio au deuxième160, mais de toute évidence, sa suggestion naissait d’un quiproquo161, puisqu’il conseillait à son ami de donner au roman le titre d’Amadis comme étant celui qui indiquait toutes les actions accomplies par le héros, sans savoir qu’en réalité deux autres couples de personnages tenaient aussi le devant de la scène :
Io stimo che come quelli trattando di una sola azione hanno dato il nome all’opera loro da quello eroe, del quale si hanno pigliato a scrivere l’azione, come l’Odissea da Ulisse e l’Eneide da Enea, o vero dalla materia intorno alla quale versava l’azione, come la Iliade da Ilio […], così sia convenevole che uno che tratti tutte le azioni illustri di nobile cavaliero, non si astringendo ad alcuna particolare azione, onde possa dare il nome all’opera, debba dare il titolo a tutta l’opera del nome del cavaliero del quale egli dà a descrivere i gloriosi fatti e le onorate imprese. Come che Vostra Signoria a questa sua eccellente composizione desse semplice titolo d’Amadigi162.
Le 8 août 1556, le Tasse objecte que, au vu des différences existantes entre son œuvre et celles des poèmes de l’Antiquité cités par le Ferrarais, il ne peut être assujetti aux mêmes règles que celles de l’épopée et, pour dissiper tout équivoque, spécifie que :
A me pare che non avendo de’ suoi poemi [classici, greci e latini]163 conformità con questo mio, che non si debbia anco comprender sotto quella legge ch’essi a li loro poemi hanno prescritta e che sia necessario che il titolo corrisponda a la preposizione e la preposizione a la disposizione e che fra loro sia una conformità e corrispondenza tale, che l’uno sia interprete e espositor de l’altro164.
Après une phase d’accord générique fondé sur la publication par Giraldi de ses célèbres Discours sur la composition du roman165 publiés en 1554, commence en revanche avec cette réponse une « aperta discussione sulla natura e le finalità del romanzo cavalleresco »166, car en dépit de prémisses identiques, les poétiques des deux hommes sont en réalité différentes.
Compliqué par des problèmes de retard dans la réception des écrits de Giraldi167, ce débat aboutit à la proposition du Ferrarais de ne pas recourir au seul nom d’Amadis, mais comme il y avait trois personnages principaux, voire quatre, d’employer une appellation plus générique comme Romans de Messire Bernardo Tasso. Ce faisant, il reconnaissait implicitement dans l’ouvrage des caractères romanesques, c’est-à-dire proches de la tradition chevaleresque telle qu’elle était représentée notamment par le Roland amoureux et le Roland furieux, et non pas héroïques, c’est-à-dire similaires à ceux de son Hercule qui narrait la vie exemplaire d’un seul héros168.
Apparemment, faute d’avoir reçu cette réponse en temps voulu (à moins qu’il ne se fût agi d’une excuse), Bernardo opta en définitive pour un titre de type héroïque, L’Amadis du Seigneur Tasse, alors même que dans sa lettre de juillet 1556 à ce même Giraldi, il défendait au contraire un intitulé correspondant à sa matière :
Essendo questo mio poema diverso da l’Epico ne la disposizione e ne l’artificio, ragionevol cosa anco mi pare che debba esser differente nel titolo e che si convenga che il titolo corrisponda a la preposizione […] e sì come essa più cose propone, così anch’egli […] più cose promettesse169.
Le choix se révélait certes opportun au vu de l’étendue en termes quantitatifs de stances dédiées au héros éponyme, mais inapproprié devant l’espace réservé aux co-protagonistes de la fabula, ainsi que par rapport au rôle que jouent Alidoro dans la partie initiale du roman et Floridante dans une conclusion qui met en scène une apothéose du prince castillan170. Le titre était sans doute destiné à satisfaire sinon le public, du moins la critique.
Le débat entre l’écrivain bergamasque et son contradicteur déboucha un peu plus tard sur une condamnation radicale de l’Hercule de Giraldi Cinzio171. Ses attaques furent si vives et si mordantes qu’il n’inséra d’ailleurs pas cette missive dans son recueil épistolaire172. Après une excusatio de rigueur, il s’y livrait à un éreintement en règle du poème de son ami. La polémique surgit tout d’abord de l’opposition entre « utile » et « delettazione » car, selon Bernardo qui partait du principe que son siècle corrompu n’aimait que ce qui était plaisant :
I buoni poeti devono giovare e dilettare […] e […] il poeta prudente deve considerare la qualità dei tempi ne’ quali scrive, e a quelli accomodarsi173.
C’est là l’une des premières dissensions entre Giraldi et le Tasse pour qui la poésie, source de plaisir, voire d’émerveillement, se fondait sur un postulat à la fois esthétique et hédoniste. Il poursuivait sur un ton identique en se prenant lui-même en exemple et en conseillant à son correspondant de procéder à des lectures publiques parce que, toujours selon lui, « il volgo è miglior giudice della delettazione che non sono gli uomini dotti »174. S’ensuivaient des objections sur le style de l’œuvre, sur sa versification et des remontrances sur des erreurs de langue175. Le secrétaire s’excusait enfin de sa franchise au nom de l’amitié qui l’unissait à son correspondant et refusait de lui envoyer son poème qu’il devait encore relire.
La réponse ne se fit pas attendre et n’occupe pas moins de quarante-deux pages176, longueur tout à fait inhabituelle, même pour ce livre où la communication entre écrivains est bien plus consistante que les lettres de négoce, de courtoisie, ou encore que les comptes rendus historiques. Le Ferrarais prit la plume pour se défendre en affirmant tout d’abord avoir réfuté le principe aristotélicien de l’unité d’action, en retraçant ensuite l’historique de son Hercule, en revenant enfin sur l’argumentation déjà débattue entre eux sur l’« utile » et le « diletto », afin de réitérer sa doctrine :
Usai quanto meglio mi fu concesso l’ingegno perché l’opera tutta fusse composta all’utile e all’onesto, parendomi che questo debba essere il fine del poeta e non il diletto solo177.
Il appuya sa démonstration sur l’autorité d’Horace et de Socrate de manière à justifier son désir de conduire son lecteur vers une « vita onesta e onorata »178 sans toutefois récuser l’utilité du plaisir de la lecture179. Après avoir ainsi défini son principal objectif, il prit le contre-pied des affirmations du Tasse, notamment en ce qui concernait le peuple :
Che se noi solo mirassimo a quello nel quale il vulgo si compiace […] saremmo tenuti poco aveduti. Deve considerare l’autore quello che può meritar loda appresso a migliori giudici e non quello in che si compiace il vulgo. […] E per ciò voglio credere che Vostra Signoria come giudiziosa ch’ella è e che ha speso tanto tempo e durata la gran fatica che io mi stimo che durata ella abbia intorno al suo nobile poema, non voglia fare giudice di composizione tanto magnifica il vulgo del quale, come abbiamo detto, sono tutte le bassezze e tutte le imperfezioni e non ha giudizio senon nelle cose simili a lui e che sono dell’arte sua180.
Sur ce seul point, son raisonnement se développe sur trois pages environ. Ces dimensions inusuelles témoignent à elles seules de son ressentiment face au dénigrement dont il avait fait l’objet. Il expliquait ensuite pourquoi et comment il avait modifié son roman par rapport à ses sources classiques, de manière à susciter chez ses lecteurs un sentiment de plaisir. Les mots « piacevolezza »181, « vaghezza »182, « diletto »183 ou encore « ammollimento »184 opposées à « noia o fastidio »185, sont significatifs de ses intentions. Il déclarait également s’être conformé à l’usage, alors en vigueur, de faire réciter les poésies devant des seigneurs à la manière des rhapsodes de l’Antiquité, tout en puisant chez l’Arioste les conclusions et les introductions de ses chants. L’insistance mise à défendre la modernité de son roman répondait vraisemblablement à l’insinuation de Bernardo selon laquelle l’Hercule aurait été ennuyeux parce que trop proche des modèles classiques et trop éloigné des goûts du public : « Né in questa parte sola, ho cercato di conformarmi con la costuma de i nostri tempi »186.
Dans le cadre de cette discussion, Giraldi consacrait également plusieurs lignes à la moralité de son héros, dans la mesure où elle s’inscrivait dans des limites d’un divertissement convenable qui mêlait l’utilité de la lecture à l’honnêteté du plaisir ressenti :
E perché l’innamorarsi così fissamente, che spesso sia indutto l’amante a sconvenevolezza, è meno disdicevole nella gioventù che nell’età matura, ancora che Virgilio introducesse Enea innamorato di Didone e che ne facesse avenir la morte di lei per la perduta onestà, io nondimeno ho fatto inamorare Ercole nella sua giovanezza e ho voluto che quell’amore sia stato il primo, accioché più escusabile fusse l’errore suo, come d’uomo poco esperto in così fatto maneggio. Oltre che per ammollire la sconvenevolezza, vi ho introdutta Giunone, che fa che il Sonno, sotto sembianza di Giove, al quale deveva Ercole, come a sommo iddio de’ pagani e come a padre, credere ogni cosa, gli persuade questo amore187.
Sans oublier de citer ses modèles ou, a contrario, ceux qu’il avait refusé de suivre, le Ferrarais défendait aussi bien son style comme étant « convenevole alla materia »188, que la variété des épisodes racontés et que son recours aux figures de rhétorique que Bernardo jugeait insuffisant :
Ho usate le traslazioni, spezialmente nelle amplificazioni, ponendo quanto più studio ho potuto, che non paiano oscure né dure, né tolte di lontano, né affaticate, né tortamente condutte e mi sono eziandio servito […] dell’iperbole, della imagine, della similitudine, della ironia, de i contraposti, della figura che dà la parte per il tutto, de gli essempi, della inversione, della repetizione, molto convenevole a questa lingua purché non nasca da povertà e di altre tali figure189.
Il poursuivait en abordant la question de la langue et en s’abritant sous l’autorité de Virgile qu’il prenait comme guide, non sans les recusationes d’usage, puis revendiquait son recours aux comparaisons que le Tasse avait jugé excessif190, en se référant toujours au chantre de l’Énéide et à d’autres écrivains grecs comme Hésiode. Il s’opposait aussi résolument à son ami en lui démontrant qu’il était resté bien en deçà de l’utilisation que le poète latin avait fait de cette figure :
Ma nondimeno in usarle [le comparazioni] ho avuta avertenza di non eccedere il numero, non dirò di Omero, o di Quinto Calabro, ma di Vergilio […], il quale in tutta la sua Eneide ha sparse le comparazioni tanto più e tanto meno quanto gli è paruto più e meno convenirsi alla materia che di libro in libro egli trattava191.
Cette très longue et très dense lettre constitue ainsi un véritable traité théorique de littérature, étayé par de très nombreuses digressions, exempla, citations et par un recours presque constant aux auteurs de l’Antiquité gréco-latine. Giraldi s’y appuie sur Virgile, Homère, Horace, Aristote et bien d’autres écrivains, historiens ou hommes célèbres. Tous ces éléments manifestement destinés à élever la teneur de son discours le rendent en réalité plutôt confus et de lecture malaisée.
La controverse a été analysée par Donatella Rasi192 qui consacre l’essentiel de son essai à l’illustration des positions de Giraldi Cinzio. Partant du postulat selon lequel pour Bernardo : « Ciò che conta è insomma che il poema piaccia e sia letto, che abbia una sua diffusione, un suo pubblico, un suo mercato »193, et après avoir illustré la nette prise de position du Ferrarais en faveur de la fonction didactique de l’art au sein d’une culture qui participe à la vie de son temps194, elle conclut sur :
Una diversa concezione dell’arte e delle sue finalità, edonistico compiacimento nell’uno, rigido impegno didascalico nel Giraldi e più ancora dunque un diverso modo di concepire il ruolo, i compiti, la figura del letterato ed i suoi rapporti con l’intero contesto sociale195.
Au-delà d’une indéniable inclination à l’hédonisme, qui imprègne aussi ses Rime, et même s’il est acquis que des considérations matérielles ont influé sur la composition de l’Amadis, dont le succès était devenu presque vital pour le vieux courtisan désargenté, il n’apparaît pas certain que l’opposition théorique et formelle des deux auteurs soit aussi nette ni aussi profonde. De fait, si dans le cadre de cette polémique, Bernardo déclarait : « i buoni poeti devono giovare e dilettare »196 et que « per correre con l’errore della presente età, nel mio poema ho posta maggior cura nel dilettare che nel giovare »197, ses finalités ne sont peut-être pas si divergentes que cela de celles de son alter ego. Ainsi que mon étude sur le moralisme de son œuvre tendrait à le suggérer198, il se fixait certes pour but de captiver ses lecteurs – vraisemblablement afin que son livre plût et se vendît bien – mais comme le sous-entend sa métaphore du médecin prudent et avisé, récurrente dans sa prose épistolaire, c’était afin de leur être utile. Il n’est pour lors pas certain que tout se réduise pour lui à « una mera questione di gusto e di aspettative del pubblico »199.
De fait, « l’utile » prôné par Giraldi est largement représenté dans les lettres de son ami et antagoniste sous forme d’éducation à une « virtù » qu’il revendiquait haut et fort. Là où le Ferrarais aspirait à une prédominance du docere sur le dilettare, le Tasse, qui mettait en avant le plaisir du lectorat de son siècle, se servait en réalité souvent de son écriture à des fins pédagogiques ou, pour le moins, vertueuses. Sa volonté patente d’éduquer se concentrait certes sur ses enfants et sur son épouse200, mais impliquait aussi ses amis, ses contemporains et jusqu’aux puissants personnages qu’il servait. Les exemples sont légion dans son premier ouvrage épistolaire201 et il serait difficile d’en tenir le compte, mais les quelques citations effectuées plus haut202 suffisent à démontrer brièvement l’importance de ce filon, qui réapparaît dans les lettres de 1560 et plus précisément dans la « consolatoire » qu’il expédia à la Cavaliera Pace Grumella de’ Tassi à l’occasion du décès de son époux, où il reprenait le thème de l’éducation enfantine déjà exploité dans la célèbre lettre à Porzia de’ Rossi203, pour le développer cette fois-ci au sujet du jeune Énée devenu orphelin de père. Au nom de sa longue expérience des choses de ce monde, Bernardo prodiguait avertissements et exhortations à la veuve de son cousin :
Perché devete sapere che ne’ pargoletti e imperfetti animi de’ giovani, nasce molto prima il desiderio de’ piaceri e de le voluttà che la regola e norma de la ragione […]. Sforzatevi di conservare in voi l’imperio e nel suo fanciullesco animo l’obedienza e siate più tosto severa che indulgente madre, perché da la severità nasce il timore, l’obedienza e il rispetto; da la indulgenza, la licenza, l’impudenza e il meno sprezzo, fieri e capitalissimi nemici di tutte l’opere lodate204.
Sauf à supposer donc que, au moment de la composition de l’Amadis, qui couvre quand même l’ensemble des années 1542-1543 à 1560, le Tasse se scinde en deux pour composer une œuvre à but fréquemment didactique dans son premier, voire parfois aussi dans son deuxième recueil épistolaire, et uniquement d’agrément dans son roman chevaleresque, il semble plus cohérent de le croire sur parole lorsqu’il déclare vouloir adopter le moyen du plaisir de la lecture pour faire absorber aux hommes de son époque la potion toujours plus ou moins amère de l’utilité, autrement dit d’une « virtù » qui se propose d’intervenir sur la société de son temps. L’opposition qu’il souligne lui-même dans sa dispute épistolaire avec Giraldi pourrait bien n’être qu’apparente car, au-delà des vocables utilisés par chacun des deux hommes, leurs buts respectifs ne sont pas si éloignés que cela l’un de l’autre ainsi que l’illustre la célèbre métaphore lucrécienne du sage médecin dans une des lettres du recueil de 1549-1559205.
Dans ces écrits, Bernardo ne se différencie donc pas vraiment de l’exemplarité didactique et morale du poème historique de Giraldi, se rapproche de la forte moralité de sa lettre et, au moins dans ses intentions, ne mérite sans doute pas un jugement réducteur qui ramènerait toute la composition de l’Amadis à des préoccupations matérielles, même si, indéniablement, elles eurent une incidence sur l’écriture du roman.
Typologies recensées dans le volume de 1560
Typologie | Numéro de lettre | Destinataire | Date | Pages |
Dédicace | Giulia estense Della Rovere | 10 juill. 1560 | p. II-III | |
Lettre littéraire | I | Duchessa d’Urbino – Vittoria Farnese | 20 sept. 1558 | p. 1-19 |
Demande de don < Isabella Villamarino | II | Conte di Consa | 10 juill. 1560 | p. 19-21 |
Lettre de négoce < Ferrante Sanseverino | III | Monsignor d’Aras – Nicolas Perrenot de Granvelle | p. 22-24 | |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | IV | Monsignor di Granvella – Nicolas Perrenot de Granvelle | p. 25-26 | |
Lettre de remerciements | V | Giovanni Angelo Papio | 21 mai 1552 | p. 26-27 |
Lettre de remerciements | VI | Giovanni Angelo Papio | 25 mai 1552 | p. 28-29 |
Lettre philosophique | VII | Americo Sanseverino | 30 mai 1552 | p. 29-31 |
Lettre amicale | VIII | Giacopo Gigli | 17 août 1552 | p. 31-34 |
Lettre d’excuses | IX | Arcivescovo di Spalato – Eletto di Spalato – Marco Cornaro | 18 août 1552 | p. 34-35 |
Lettre amicale | X | Giovanni Angelo Papio | 11 sept. 1552 | p. 36-37 |
Témoignage historique | XI | Giovanni Angelo Papio | 26 oct. 1552 | p. 38-43 |
Témoignage historique | XII | Giovanni Angelo Papio | 19 déc. 1552 | p. 44-50 |
Lettre de courtoisie | XIII | Conte di Monte l’Abbate – Leonardo Giovanni Jacopo | 19 déc. 1552 | p. 50-52 |
Lettre de courtoisie | XIV | Eletto di Spalato– Marco Cornaro | 19 déc. 1552 | p. 52-53 |
Lettre de courtoisie | XV | Vescovo di Famagosta – Francesco de’ Vettor | 19 déc. 1552 | p. 54-55 |
Lettre amicale | XVI | Sperone Speroni | 19 déc. 1552 | p. 55-57 |
Lettre familiale | XVII | Girolamo Bulli | 24 déc. 1552 | p. 57-60 |
Lettre familiale < au nom de sa sœur (Affra de’ Tassi) | XVIII | Portia de’ Rossi | 25 déc. 1552 | p. 60-63 |
Lettre de courtoisie | XIX | Marc’ Antonio degli Avinatri | 27 déc. 1552 | p. 63-65 |
Lettre littéraire | XX | Vescovo di Troes (Troyes) | 1er fév. 1553 | p. 65-67 |
Lettre de courtoisie | XXI | Alessandro Alberti | 6 fév. 1553 | p. 68-69 |
Lettre amicale | XXII | Americo Sanseverino | 7 fév. 1553 | p. 70-72 |
Envoi de composition littéraire | XXIII | Monsignor (Jean) De La Vigna | 22 avril 1553 | p. 72-77 |
Lettre familiale | XXIV | ***** intermédiaire entre Bernardo Tasso et le frère de Porzia de’ Rossi | 18 mars 1553 | p. 78-83 |
Lettre de courtoisie ou amicale | XXV | Giovanni Antonio Clario | 20 mars 1553 | p. 83-85 |
Lettre amicale | XXVI | Marc’ Antonio degli Avinatri | 20 mars 1553 | p. 86 |
Lettre de remerciements | XXVII | Cavalier Tasso | 20 mars 1553 | p. 87-88 |
Lettre amicale | XXVIII | Sperone Speroni | 20 mars 1553 | p. 89-91 |
Demande de faveur | XXIX | Camillo da la Croce | 31 mars 1553 | p. 91-92 |
Lettre de négoce | XXX | Agostino da Canale | 1er avril 1553 | p. 92-93 |
Lettre amicale | XXXI | Giovanni Antonio Papio | 19 avril 1553 | p. 94-97 |
Lettre amicale | XXXII | Marc Antonio Avinatri | 19 avril 1553 | p. 97-98 |
Lettre littéraire | XXXIII | Girolamo da la Rovere | 22 avril 1553 | p. 99 |
Témoignage historique | XXXIV | Mario Savorgnano | 23 mai 1553 | p. 100-101 |
Lettre amicale | XXXV | Giovanni Antonio Papio | 30 juin 1553 | p. 101-104 |
Demande de faveur | XXXVI | Amerigo Sanseverino | 1er août 1553 | p. 104-107 |
Lettre de doléances | XXXVII | Vincenzo Laureo | 6 sept. 1553 | p. 108-113 |
Lettre littéraire | XXXVIII | Girolamo della Rovere | 26 oct. 1553 | p. 114-116 |
Demande de faveur | XXXIX | Vincenzo Laureo | 10 nov. 1553 | p. 116-117 |
Lettre amicale | XL | Vincenzo Laureo | 15 déc. 1553 | p. 118-120 |
Lettre amicale | XLI | Giovanni Angelo Papio | 16 déc 1553 | p. 120-121 |
Lettre de courtoisie | XLII | Camillo Crocino | 24 fév. 1554 | p. 121-122 |
Demande de faveur | XLIII | Cardinale di Ferrara – Ippolito II d’Este | 5 mars 1554 | p. 122-123 |
Demande de faveur | XLIV | Giovanni Paolo Amanio | 5 mars 1554 | p. 124-125 |
Lettre de conseils | XLV | Principe di Salerno | 1554 ? | p. 126-131 |
Requête | XLVI | Donna Giovanna d’Aragona | 28 avril 1554 | p. 131-133 |
Requête | XLVII | Cardinale di Ferrara | 5 avril 1554 | p. 133-135 |
Lettre de recommandation | XLVIII | Principe di Salerno | 2 mai 1554 | p. 135-137 |
Lettre familière (doléances) | XLIX | Principe di Salerno | 1er juin 1554 | p. 137-140 |
Lettre amicale | L | Lodovico Dolce | 20 oct. 1554 | p. 140-142 |
Lettre familière (doléances) | LI | Camillo da la Croce | 15 fév. 1555 | p. 142-144 |
Lettre d’excuses | LII | Giacopo Gigli | 15 fév. 1555 | p. 145-147 |
Lettre de compliments | LIII | Cavalier d’Albano | 15 fév. 1555 | p. 147-148 |
Lettre d’excuses | LIV | Alessandro degli Oratii | 15 fév. 1555 | p. 149-150 |
Lettre littéraire | LV | Gabriel Giolito | 22 fév. 1555 | p. 150-151 |
Lettre de courtoisie | LVI | Francesco Maria Visconte | 10 juill. 1555 | p. 151-153 |
Lettre de recommandation | LVII | Cardinal di Ferrara | 28 août 1555 | p. 154-159206 |
Lettre de courtoisie | LVIII | Giacopo Corrado | 15 fév. 1556 | p. 158207 |
Lettre de doléances | LIX | Americo Sanseverino | 15 fév. 1556 | p. 159-162208 |
Lettre de doléances | LX | Principe di Salerno | 18 fév. 1556 | p. 163-165 |
Demande de faveur | LXI | Cardinale di Ferrara | 2 mars 1556 | p. 165-167 |
Lettre de doléances | LXII | Girolamo della Rovere | 2 mars 1556 | p. 168-172 |
Demande de subsides | LXIII | Margherita Valois | 5 mars 1556 | p. 172-173 |
Lettre amicale | LXIV | Giacopo Gigli | 5 mars 1556 | p. 174-176 |
Lettre familière (doléances) | LXV | Amerigo Sanseverino | 1556 | p. 177-180 |
Consolatoria | LXVI | Affra de’ Tassi | mars 1556 | p. 180-186 |
Consolatoria | LXVII | Pace Grumella de’ Tassi | 1556 | p. 186-195 |
Demande de recommandation | LXVIII | Battista l’Olmo | mars 1556 | p. 196-199 |
Demande de recommandation | LXIX | Cardinale di Trento – Cristoforo Madruzzo | 20 mars 1556 | p. 200-204 |
Demande de recommandation | LXX | Duca d’Alva | 25 mars 1556 | p. 204-207 |
À propos de l’Amadis | LXXI | Giovanni Battista Giraldi | 1556 (av. juin) | p. 208-213 |
À propos de l’Amadis < Giraldi | LXXII | Bernardo Tasso | 12 juin 1556 | p. 213-219 |
Demande de faveur | LXXIII | Luigi Priuli | 26 mai 1556 | p. 220-223 |
Demande de faveur | LXXIV | Vittoria Colonna | 1556 ? | p. 223-225 |
À propos de l’Amadis | LXXV | Giovanni Battista Giraldi | 3 juill. 1556 | p. 226-229 |
À propos de l’Amadis | LXXVI | Risposta del Giraldi | 10 juill. 1556 | p. 229-241 |
Demande de faveur | LXXVII | Vincenzo Bonvisi | 3 juill. 1556 | p. 241-243 |
Lettre de courtoisie | LXXVIII | ***** | 23 juill. 1556 | p. 244-245 |
À propos de l’Amadis | LXXIX | Giovanni Battista Giraldi | 8 août 1556 | p. 245-253 |
Lettre de remerciements | LXXX | Lodovico Cassotto | 22 oct. 1556 | p. 253-254 |
À propos de l’Amadis | LXXXI | Giovanni Battista Giraldi | 5 déc. 1557 | p. 255-258 |
Lettre de courtoisie | LXXXII | Giordano Orsino | 29 oct. 1556 | p. 258-260 |
Lettre amicale | LXXXIII | Vincenzo Laureo | 9 nov. 1556 | p. 260-263 |
Lettre de courtoisie | LXXXIV | Vincenzo Laureo | 1er janv. 1557 | p. 263-265 |
Lettre de courtoisie | LXXXV | Maurizio Cattaneo | 2 janv. 1557 | p. 265-267 |
Lettre amicale | LXXXVI | Vincenzo Laureo | 8 janv. 1557 | p. 267-268 |
Lettre de courtoisie | LXXXVII | Giovanni Battista Giraldi | 1556, post. au 5 déc. | p. 268-269 |
Lettre amicale | LXXXVIII | Girolamo Ruscelli | 30 janv. 1557 | p. 269-271 |
Lettre de courtoisie | LXXXIX | Maurizio Cataneo | 1er fév. 1557 | p. 271-274 |
Lettre de remerciements | XC | Cavaliera de’ Tassi | 1er fév. 1557 | p. 274-276 |
Lettre de remerciements | XCI | Cavaliero Albano | 10 fév. 1557 | p. 276-277 |
Lettre descriptive | XCII | Vincenzo Laureo | 10 fév. 1557 | p. 277-281 |
Lettre de courtoisie | XCIII | Francesco Bolognetto | 1er mars 1557 | p. 282-283 |
Demande de faveur | XCIV | Giacopo Maria Campanazzi | 1er mars 1557 | p. 283-285 |
À propos de l’Amadis | XCV | Girolamo Ruscelli | 4 mars 1557 | p. 285-290 |
Lettre de négoce | XCVI | Paolo Casale | 11 mars 1557 | p. 290-291 |
Lettre amicale | XCVII | Girolamo Ruscelli | 26 mars 1557 | p. 292-293 |
Lettre de négoce | XCVIII | M. Giacopo Maria Campanazzi | 27 mars 1557 | p. 294-296 |
Lettre amicale | XCIX | Girolamo Ruscelli | 15 avril 1557 | p. 296-298 |
À propos de l’Amadis | C | Tasso < Il Giraldi | 13 sept. 1556 | p. 299-302 |
Lettre de courtoisie | CI | Vescovo d’Adda – Amerigo Sanseverino | 20 avril 1557 | p. 303-306 |
À propos de l’Amadis | CII | Giovanni Battista Giraldi | 22 avril 1557 | p. 306-309 |
Lettre amicale | CIII | Girolamo Ruscelli | 21 mai 1557 | p. 309-312 |
Lettre de courtoisie | CIV | Giovanni Battista Giraldi | 25 mai 1557 | p. 312-313 |
Lettre de recommandation | CV | Duchessa d’Urbino – Vittoria Farnese | 31 mai 1557 | p. 313-316 |
Lettre de remerciements | CVI | Duchessa d’Urbino – Vittoria Farnese | 31 mai 1557 | p. 316-317 |
Lettre de recommandation | CVII | Cardinale Sant’Angelo – Ranuccio Farnese | 31 mai 1557 | p. 318-320 |
Lettre de courtoisie | CVIII | Amerigo Sanseverino | 1557 ? | p. 320-322 |
Demande de faveur | CIX | Girolamo della Rovere | 9 juin 1557 | p. 322-324 |
Demande de faveur | CX | Vincenzo Laureo | 1er juill. 1557 | p. 325-326 |
À propos de l’Amadis | CXI | Francesco Bolognetto | 7 juill. 1557 | p. 327-329 |
Lettre amicale | CXII | Vincenzo Laureo | 27 juill. 1557 | p. 329-331 |
Lettre de recommandation | CXIII | Governatore di Fano – Vincenzo Ferreri | 10 août 1557 | p. 331-333 |
À propos de l’Amadis | CXIV | Girolamo Ruscelli | 13 août 1557 | p. 334-336 |
Lettre amicale | CXV | Francesco Bolognetto | 20 août 1557 | p. 336-338 |
Lettre amicale | CXVI | Giovanni Battista Giraldi | 21 août 1557 | p. 339-341 |
Lettre amicale | CXVII | Bernardo Tasso < Giraldi | 1er sept. 1557 | p. 342-346 |
Lettre amicale | CXVIII | Giovanni Angelo Papio | 6 sept. 1557 | p. 347-348 |
À propos de l’Amadis | CXIX | Vincenzo Laureo | 6 sept. 1557 | p. 349-351 |
Controverse littéraire | CXX | Tasso < Giraldi | 10 oct. 1557 | p. 351-406 |
À propos de l’Amadis | CXXI | Sperone Speroni | 26 sept. 1557 | p. 401-406 |
Demande de faveur | CXXII | Vincenzo da Rolla | 29 oct. 1556 | p. 407-410 |
Lettre de courtoisie | CXXIII | Vincenzo da Rolla | 7 oct. 1557 | p. 410-411 |
Lettre de remerciements | CXXIV | Pompeo Pace | 8 oct. 1557 | p. 411-413 |
Lettre amicale | CXXV | Vincenzo Laureo | 8 oct. 1557 | p. 413-416 |
À propos de l’Amadis | CXXVI | Antonio Gallo | 9 nov. 1557 | p. 417-419 |
À propos de l’Amadis | CXXVII | Dionigi Atanigi | 20 nov 1557 | p. 419-421 |
Lettre de courtoisie | CXXVIII | Antonio Gallo | 24 nov. 1557 | p. 422-423 |
Demande de faveur | CXXIX | Cesare Brancaccio | 24 nov. 1557 | p. 424-426 |
Demande de recommandation | CXXX | Cesare Brancaccio | 30 nov. 1557 | p. 427-428 |
À propos de l’Amadis | CXXXI | Sperone Speroni | 8 déc. 1557 | p. 428-429 |
À propos de l’Amadis | CXXXII | Vincenzo Laureo | 8 déc. 1557 | p. 430-431 |
Lettre amicale | CXXXIII | Giovanni Battista Giraldi | 9 déc. 1557 | p. 434-437 |
Lettre amicale | CXXXIV | Bernardo Tasso < Il Giraldi | janv. 1558 | p. 437-442 |
Lettre de courtoisie | CXXXV | Pietro Grasso | 9 déc. 1557 | p. 442-443 |
Lettre de négoce | CXXXVI | Vincenzo Bonvisi | 9 déc. 1557 | p. 444 |
Lettre de courtoisie | CXXXVII | Conte Balthassar Rangone | 22 déc. 1557 | p. 445-446 |
Demande de faveur | CXXXVIII | Protonotario Cesare Brancaccio | 20 janv. 1558 | p. 446-448 |
Lettre amicale | CXXXIX | Vincenzo Laureo | 28 janv. 1558 | p. 448-450 |
À propos de l’Amadis | CXL | Bernardo Tasso < Girolamo Molino | 22 janv. 1558 | p. 451-455 |
À propos de l’Amadis | CXLI | Girolamo Molino | 29 janv. 1558 | p. 456-461 |
Lettre littéraire | CXLII | Girolamo Molino | 9 fév. 1558 | p. 461-466 |
À propos de l’Amadis | CXLIII | Sperone Speroni | 19 fév. 1558 | p. 467-469 |
À propos de l’Amadis | CXLIV | Bernardino Pino | 1er mars 1558 | p. 470-474 |
À propos de l’Amadis | CXLV | Girolamo Ruscelli | 5 mars 1558 | p. 475-478 |
Lettre de consolation | CXLVI | Pietro Grasso | 5 mars 1558 | p. 478-479 |
Lettre amicale | CXLVII | Vincenzo Laureo | 12 mars 1558 | p. 480-481 |
Lettre de remerciements | CXLVIII | Giovanni Angelo Papio | 14 avril 1558 | p. 481-484 |
Lettre d’excuses | CXLIX | Duchessa d’Urbino – Vittoria Farnese | 31 mai 1558 | p. 484-486 |
Lettre de remerciements | CL | Vincenzo Laureo | 10 juin 1558 | p. 486-490 |
Lettre familiale | CLI | Conte Francesco Landriano | 3 juill. 1558 | p. 490-492 |
Lettre à son protecteur | CLII | Duca d’Urbino Della Rovere Guidobaldo | 6 juill. 1558 | p. 493-494 |
Lettre familière | CLIII | Duchessa d’Urbino – Vittoria Farnese | 11 juill. 1558 | p. 495-497 |
Lettre amicale | CLIV | Benedetto Varchi | 15 juill. 1558 | p. 498-504 |
Demande de faveur | CLV | Duca di Palliano – Giovanni Carafa | 15 juill. 1558 | p. 504-505 |
Lettre de remerciements | CLVI | Giovanni Simonetta | 3 août 1558 | p. 506-507 |
Lettre familière (supplique) | CLVII | Principe di Salerno | 5 août 1558 | p. 508-510 |
Consolatoria | CLVIII | Duchessa d’Urbino – Vittoria Farnese | 10 août 1558 | p. 510-512 |
Lettre de remerciements | CLIX | Cardinal Tornone – François Tournon | 11 août 1558 | p. 512-513 |
Lettre de remerciements | CLX | Vincenzo Laureo | 12 août 1558 | p. 514-515 |
Consolatoria | CLXI | Duchessa d’Urbino – Vittoria Farnese | 29 août 1558 | p. 517-519 |
Demande de faveur | CLXII | Eletto di Spalato – Marco Cornaro | 26 sept. 1558 | p. 519-521 |
Lettre de remerciements | CLXIII | Duchessa d’Urbino – Vittoria Farnese | 28 sept. 1558 | p. 521-523 |
Lettre d’excuses | CLXIV | Cardinal Tornone –François Tournon | 1er oct. 1558 | p. 523-524 |
Demande de faveur | CLXV | Girolamo Anglerio | 28 oct. 1558 | p. 525-527 |
Demande de faveur | CLXVI | Angelo Di Costanzo | 28 oct .1558 | p. 528-530 |
Lettre de consolation | CLXVII | Antonio Gallo | 17 nov. 1558 | p. 530-533 |
Lettre de remerciements | CLXVIII | Paolo Casale | 14 janv. 1559 | p. 533-535 |
Lettre de remerciements | CLXIX | Cardinale di Trento | 22 fév. 1559 | p. 536-537 |
Lettre d’information | CLXX | Vincenzo Laureo | 22 fév. 1559 | p. 537-538 |
Demande de faveur | CLXXI | Pietro Bonarello | 4 mars 1559 | p. 539-540 |
Lettre littéraire | CLXXII | Benedetto Varchi | 6 mars 1559 | p. 540-547 |
À propos de l’Amadis | CLXXIII | Girolamo Ruscelli | 4 mai 1558 | p. 547-557 |
Supplique | CLXXIV | Principe di Eboli – Rui Gomez | 14 mars 1559 | p. 558-567 |
Supplique | CLXXV | Monsignor d’Aras | 14 mars 1559 | p. 567-576 |
Supplique | CLXXVI | Consalvo Perez | 23 mars 1559 | p. 574-579 |
Lettre de négoce | CLXXVII | Paolo Manuzio < Giustiniano Badoaro | 22 mars 1559 | p. 579-583 |
Lettre de remerciements | CLXXVIII | Paolo Manuzio | 6 avril 1559 | p. 583 |
Lettre amicale | CLXXIX | Marc’Antonio da Mula | 14 juin 1559 | p. 583-587 |
Demande de faveur | CLXXX | Giovanni Michiel | 29 juin 1559 | p. 587-588209 |
Lettre de courtoisie | CLXXXI | Conte di Orciano – Pietro Bonarello | 23 sept. 1559 | p. 588-594210 |
Lettre de courtoisie | CLXXXII | Conte Antonio Visconte | 10 sept. 1559 | p. 594-596 |
Demande de faveur | CLXXXIII | Paolo Mario | 29 sept. 1559 | p. 597-600 |
Lettre de remerciements | CLXXXIV | Lelio Capilupo | 8 oct. 1559 | p. 600-602 |
Lettre de remerciements | CLXXXV | Tomaso Burlamacchi | 1560 | p. 602-604 |
Lettre de courtoisie | CLXXXVI | Girolamo Fenaruolo | 17 sept. 1559 | p. 604-607 |
Lettre familiale | CLXXXVII | Martio Sarrasale | 17 sept. 1559 | p. 607-608 |
À propos de l’Amadis | CLXXXVIII | Bernardo Tasso < Il Giraldi | 12 oct. 1559 | p. 609-611 |
Lettre de remerciements | CLXXXIX | Giovanni Battista Giraldi | 18 oct. 1559 | p. 612-613 |
Lettre de courtoisie | CXC | Ippolita Sanseverina | 17 nov. 1559 | p. 613-617 |
Lettre de courtoisie | CXCI | Abbate Dei Sorici | 4 fév. 1560 | p. 617-618 |
Lettre familiale | CXCII | Abbate da le Fosse – Scipione de’ Rossi | 9 fév. 1560 | p. 619-621 |
Demande de faveur | CXCIII | Tolomeo Gallio | 24 fév. 1560 | p. 622-624 |
Lettre de courtoisie et demande de faveur | CXCIV | Marchese di Pescara | 10 juill. 1560 | p. 625-627 |
À propos de l’Amadis | CXCV | Antonio Gallo | 12 juill. 1560 | p. 628-630 |
Lettre de courtoisie | CXCVI | Claudio Malopera | mars 1560 | p. 631-632 |
Lettre de remerciements et demande de faveur | CXCVII | Tolomeo Gallio | 18 mai 1560 | p. 633-636 |
Lettre littéraire | CXCVIII | Tomaso Porcacchi | 10 juin 1560 | p. 636-640 |
Les délais de composition
Au-delà des débats sur la versification, le choix du titre, l’importance de l’usage, l’imitation des poètes de l’Antiquité, le but que doit se fixer un roman épique au XVIe siècle et ainsi de suite, ce deuxième ouvrage épistolaire témoigne également des difficultés qui retardèrent la parution de l’œuvre. C’est ainsi que la première lettre du recueil, datée du 19 décembre 1552 et adressée à Sperone Speroni211, insiste sur la lenteur à laquelle Bernardo est contraint de se soumettre et sur l’attente qu’il a créée :
Io attendo con ogni diligenza a condur a fine questa mia già tanto tempo cominciata fatica, la quale è impossibile che risponda a l’aspettazione, che n’ha il mondo, poi che 1’ho fatta tanto desiderare212.
Il use de termes similaires dans une lettre à Benedetto Varchi en mars 1559213 et, dans sa préface au roman chevaleresque, Lodovico Dolce confirme cette expectation du public :
Eccovi, giudiziosi e begnini lettori, il da voi tanto disiderato e aspettato Amadigi dello Eccellentissimo S. Bernardo Tasso; il quale uscendo finalmente nella luce de gli uomini, viene nelle vostre mani214.
De fait, si on situe l’ébauche de l’Amadis aux alentours de 1542, au plus tard en 1543, et qu’on considère que, au moment de sa première lettre sur le sujet à Speroni, Bernardo travaillait déjà depuis un certain temps à son roman pour avoir mis en place sa structure comme il l’avait fait, dix-huit années environ se sont écoulées entre cette mention initiale du roman et sa publication ; dix-huit ans au cours desquels les périodes de silence ont alterné avec des moments d’intense communication sur les complications qu’il rencontrait ; dix-huit ans pendant lesquels il a entretenu le désir du monde autant par des lectures collectives que par ses conversations à distance avec d’autres intellectuels, répandant ainsi dans toute la Péninsule la nouvelle d’une prochaine édition d’un Amadis215.
C’est au fil des pages que le lecteur comprend les raisons de la longueur de cette composition. Une des principales est assurément liée au changement de cap radical à la suite duquel le Tasse transforma le poème d’un seul héros et d’une seule geste216, tel qu’il l’avait initialement conçu, en un roman doté de plusieurs filons narratifs, mais les circonstances dans lesquelles le poème vit le jour expliquent aussi ses délais considérables de réalisation. On sait que Bernardo bénéficia d’un congé qui lui permit de progresser dans son travail. De fait, après d’injustes calomnies de certains de ses détracteurs auprès du prince, qui avait commis l’erreur de leur prêter l’oreille217, lorsque la vérité éclata, il obtint de pouvoir se retirer à Sorrente, sans doute en 1542218, et de se consacrer uniquement à l’écriture. Il en fut particulièrement satisfait comme cela se sent dans sa lettre d’août 1543 à Speroni :
Or senza far più lungo proemio, vi dico che, lasciando la mia lunga e quasi continua peregrinazione, la quale a guisa di corriero or questa, ora quell’altra parte del mondo mi faceva andar cercando, ho eletto per mia abitazione Sorrento219.
Cette période de repos ne dura pas très longtemps, puisqu’en janvier 1544 Ferrante Sanseverino le rappela auprès de lui dans le Piémont et que les années qui suivirent se révélèrent denses de voyages et de missions l’empêchant de se consacrer autant qu’il l’aurait voulu à l’écriture. Une lettre à Lodovico Dolce du mois d’octobre de cette année prouve qu’en dépit de l’agitation de son existence, il n’avait pas cessé de travailler à son poème :
Io cammino a lunghe giornate verso la fine del mio poema e sono a tal termine arrivato che con poco più di fatica toccherò la meta220.
Celui-ci subit vraisemblablement un coup d’arrêt en 1556, lorsque le Tasse fut douloureusement éprouvé par la nouvelle de la mort soudaine de son épouse, puis dut fuir la ville éternelle avant de se fixer à Pesaro et Urbin221 et de passer au service du duc Guidobaldo. C’est alors que, pour les raisons économiques et politiques évoquées plus haut, il entreprit la révision complète et définitive de son Amadis pour le dédier à Philippe II d’Espagne. C’est donc à juste raison que, dans une lettre à Giraldi du 8 août 1556, il expliquait sa relative lenteur par les occupations liées à sa charge de secrétaire :
Essendo stato sforzato per arbitrio di que’ signori ch’io ho proposti di servire, spender la maggior e miglior parte de l’età mia ne l’azioni del mondo, sì che non è stata guerra da trenta duo anni in qua, dove in servizio e con li prencipi miei padroni non mi sia ritrovato222.
Lodovico Dolce reprend à son compte ces affirmations :
Si può dire che il Signor Tasso abbia composta la maggior parte dell’Amadigi a cavallo, tra i rumori delle armi e ne i disturbi di diversi negozi che gli hanno apportato i tempi, la fortuna e le occasioni223.
Quel que soit le caractère plus ou moins topique de ces excuses récurrentes224, il est indéniable que si les deux premières allusions à la composition d’un poème chevaleresque remontent comme on le croit à 1542, il faut attendre ensuite le mois de décembre 1552 pour que son auteur déplore le peu d’avancement de l’ouvrage. Il ne reparle pas de l’Amadis avant 1556, dans une lettre à Giraldi où il le remerciait d’avoir lu le premier chant, qu’il disait avoir terminé, mais devoir relire et corriger dans sa lettre à Sanseverino des années 1542-1544225. Dix années environ se sont écoulées entre l’annonce du début de la composition et une première mention du poème et, en tout, environ quatorze années avant que ne commençât une longue série d’échanges théoriques avec les hommes de lettres les plus connus de la Péninsule. Les expressions déjà repérées comme « malignità della mia fortuna », « povera fortuna », « maligna fortuna » et « avversità » ressurgissent comme un leit-motiv dans bon nombre de textes226 pour expliquer son silence. Elles confirment que pendant cette période particulièrement troublée qui va de la guerre du Piémont jusqu’au décès de son épouse, le Tasse n’a pas pu progresser de façon significative dans l’écriture de son poème en dépit de quelques pauses227.
Un moment plus calme de son existence correspondit aussi à l’automne de l’année 1556, lorsqu’il se réfugia auprès de Guidobaldo II duc della Rovere. Débutèrent alors ses échanges épistolaires croisés et réguliers avec Speroni et Giraldi. Moins d’un an plus tard, en mars 1557, il put enfin annoncer que son poème était pratiquement achevé mais qu’il désirait encore le revoir seul et avec ses amis, dont en particulier Sperone228. Il prévoyait d’y mettre un point final pour Pâques et de procéder à la relecture pendant l’été. De fait, à la fin du mois de septembre 1557, il écrivit dans ce sens :
Io ho dato fine (con la grazia di Dio) dopo tanti travagli di mente e di corpo al mio poema, e […] ho deliberato di rivederlo prima da me per mandarlo manco di macchie e di brutture pieno, che per me si potrà, al vostro giudizio229.
En novembre, il sollicita Dionigi Atanigi afin qu’il le corrigeât « quanto alle cose appartenenti a la locuzione e della lingua »230. En décembre de cette même année, il affirma à Giraldi qu’il avait presque terminé231 et, en mars 1559, assura avoir « dato fine al mio poema d’Amadigi »232. L’année suivante, le 3 mars, il déclara à Speroni que l’édition était désormais imminente233 puis, le 18 mai 1560, il informa Tolomeo Gallio qu’elle avait reçu l’approbation des autorités ecclésiastiques234. L’impression qui se dégage de cette datation est effectivement celle d’un long abandon ou presque du poème, suivie par une période d’intense activité.
Au-delà de la lenteur intrinsèque de rédaction liée, comme cela a été vu, aux événements néfastes qui troublèrent la vie du secrétaire-courtisan, d’autres facteurs sont à prendre en compte. La révision elle-même tout d’abord, car le dialogue inter pares qui s’instaura dans les pages du volume de 1560 dépendait de la bonne volonté des personnalités que Bernardo sollicitait et des retards dans la délivrance des courriers des uns et des autres. C’est ainsi, par exemple, que la réponse à la lettre dans laquelle il insistait pour obtenir l’opinion de Giraldi sur le titre de son ouvrage mit plusieurs mois à lui parvenir :
Oggi sono quindeci giorni ch’io ebbi le [lettere] di Vostra Signoria de li quattordeci di settembre in risposta de le mie de li otto d’Agosto235.
Cette citation permet de constater que, dans ses exordes, le Tasse se montre assez précis sur les dates d’envoi et de réception lorsqu’il s’agit de sa correspondance avec ceux dont il sollicite les conseils236. Il déplore parfois les délais d’acheminement du courrier qui retardent toute prise de décision :
La partita mia di Roma causata da i pericoli de la guerra in quel tempo ch’io aspettava la risposta de l’ultime ch’io scrissi a Vostra Signoria, mi fa credere che le sue lettere non m’abbiano saputo ritrovare, con grandissimo mio dispiacere, aspettando io di rissolvermi circa il titolo de l’opera mia col vostro dotto e prudente giudizio237.
À d’autres occasions, il n’hésite pas à réclamer instamment les réponses de ses interlocuteurs :
Non so, dottissimo Messer Girolamo mio, se le molte occupazioni de le vostre nobilissime fatiche o pur la poca memoria che tenete de l’affezione ch’io vi porto, siano state cagione che non abbiate risposto a le mie ultime due lettere238.
Parfois même, il les exige sur un ton peu amène, comme lorsqu’il s’adresse à Sperone Speroni, qu’il est souvent amené à relancer pour obtenir les avis souhaités et dont la lenteur à correspondre est attestée239 :
Io aveva deliberato di non iscrivervi più o per non dare a voi fatica di rispondermi, o per non avere io fastidio d’accusar la vostra negligenza […]. Sono due anni, ch’io non ho avute lettere vostre, avendone voi avute tante delle mie240.
De temps à autre, il parvient toutefois à contourner ces difficultés en faisant livrer par le truchement de Torquato, notamment à Speroni, des passages de son poème :
Le mando per mio figliuolo, il quale viene alla festa del santo, i primi quinterni del poema e sette quinterni del fine. Il resto dell’opera le manderò fra quattro o cinque dì241.
Cette question revient fréquemment dans les introductions des lettres242 relatives à l’Amadis, mais aussi dans le reste de sa correspondance243. Cela conforte dans l’hypothèse que la lenteur de composition du poème dérivait, au moins en partie, de celle des échanges postaux entre Bernardo et ses pairs.
Une autre explication à la durée de composition et de correction du poème est à rechercher dans l’état de santé de son auteur. Il s’agit d’un facteur secondaire sur lequel il n’insiste pas, pas plus au demeurant que la plupart des critiques, mais nombreux sont les préambules dans lesquels il déclare avoir été empêché d’écrire ou de répondre à cause d’une indisposition. Ces états maladifs sont variés, parfois indéterminés, « la mia indisposizione lunga e fastidiosa »244, parfois décrits assez précisément :
Son venuto qui a Bergamo, sì mal disposto, che ho avuto tre termini di quartana. Oggi è il quarto, se verrà bisognerà ch’io porti in pazienza245.
On peut légitimement supposer que s’ils l’ont empêché de répondre à son interlocuteur épistolaire, ils ont aussi retardé son travail de composition :
Da che ebbi le di Vostra Signoria, mi son trovato sì mal trattato da uno intensissimo dolor di denti, che non ho potuto pagar questo debito [di «rispondere a le lettere»] con lei, né far altro di buono246.
Quelques fois ces pathologies se prolongent dans le temps : « Vo’ che sappiate che io sono stato già cinque mesi infermo nel letto »247 et sont à plusieurs reprises explicitement reliées aux malheurs qui l’affligent, recoupant de la sorte le thème de sa « malvagia fortuna ». Ainsi, dans une lettre à Americo Sanseverino, il évoque l’état critique de son épouse, dont il vient d’avoir des nouvelles, en précisant : « mi pose una febbre addosso, che ancor mi tiene, né so quando mi lascierà »248. Il interprète d’ailleurs parfois ces problèmes en des termes qui relèvent de la superstition :
In ogni cosa dove pensi la fortuna di potermi offendere, mi si mostra nemica. Due ore prima che Vostra Signoria con troppo cortesia mi mandasse a dir che mi verrebbe a vedere […], m’era posto nel letto con una gran febbre, la quale poi riuscendo in una Efimeri mi die a credere che la fortuna lo facesse in prova, affine che io non potesse baciare la mano a Vostra Signoria e dirle il mio bisogno249.
Au vu du nombre de notations de ce type contenu dans le deuxième volume de lettres, il y a lieu de croire que, s’il ne s’agit pas de simples prétextes, la dernière partie de la vie de notre auteur fut émaillée non seulement des malheurs que l’on connaît mais aussi de problèmes de santé récurrents qui contribuèrent à ralentir la composition de l’Amadis ainsi qu’en témoignent des lettres qui donnent un aperçu du quotidien et de l’intimité de l’écrivain250.
Pendant son séjour vénitien, le Bergamasque dut aussi se préoccuper d’obtenir l’exclusivité de la publication de son roman pendant dix ans. Se posèrent alors les problèmes liés à la censure ecclésiastique qui prescrivait que, pour être publiée, toute œuvre fût d’abord relue « o dal Vicario di Roma, o dal Maestro del Sacro Palazzo »251, disposition qui se révélait être trop onéreuse pour lui. Dès le mois d’août 1558, il tenta donc de la contourner en s’adressant à Rome à Giovanni Carafa, duc de Palliano, qu’il pria d’obtenir un bref papal l’autorisant à faire examiner son ouvrage par un autre prélat résidant dans les domaines du seigneur d’Urbin ou à Venise afin que celui-ci témoignât de sa moralité et de sa bienséance252 :
Non possendo io, per molti ragionevoli rispetti, venir a Roma, né volendo mandar l’opera non trovandomi io presente, la supplico umilmente che si contenti di farmi almeno ottener un breve da Sua Beatitudine, nel quale commetta al vescovo Costazzaro qui o a qualsivoglia altro prelato nel dominio di questo Illustrissimo duca, overo al vescovo di Famagosta o ad altro prelato in Venezia, dove andrò per stamparlo, che vogliano veder l’opera e, non essendoci cosa alcuna in pregiudizio de la religione, né contra i buoni costumi, né di mal’essempio, che voglia farne fede a Sua Santità e, venuta detta fede, Vostra Eccellenza potrà […] farmi espedire il breve senza il qual non posso far imprimer questa opera, da la quale spero grand’aiuto in queste mie calamità253.
Il lui fallut sans doute du temps pour réunir les documents et les témoignages exigés par les autorités de la curie romaine, dont un compte rendu de la part du légat pontifical254 :
Io portai il poema al Reverendissimo Legato e insieme la fede de l’inquisitore e di tre gentiluomini ch’in esso non era cosa contra la religione, contra i buoni costumi, né contra prencipe alcuno; senza la quale questi Signori osservantissimi de la religione e de le cose virtuose e oneste non danno licenza che si stampi opera alcuna; ma con tutto ciò Sua Signoria Reverendissima, per obedir a quanto da Sua Santità le era stato comandato, l’ha fatto rivedere e, con questo corriero, ne viene la sua relazione255.
Il se démena également pour obtenir les mêmes privilèges d’exclusivité en Toscane en s’adressant à son ami Benedetto Varchi afin qu’il les lui fît expédier256, d’abord au mois de juillet 1558, puis en mars 1559257. À Ferrare, il fit intervenir Giraldi qui, le 12 octobre 1559, s’excusa de ne pouvoir lui apporter lui-même le document à cause de la mort d’Hercule II d’Este en ajoutant :
Ora, ritornando al privilegio, non vi potrei spiegare in carte, quanto volentieri, con quanta onorevole menzione di voi e della molta virtù vostra egli [il duca] lo vi concesse e quanto si mostrò desideroso di vedere e di leggere questo nobile poema vostro258.
À la cour espagnole, il se tourna vers le représentant de son nouveau mécène, en indiquant justement ces difficultés d’obtention du privilège d’impression comme sources de retard dans la publication de son ouvrage :
Io avrei dato principio a la stampa, s’avesse avuti i privilegi e la grazia almeno del bando259.
Toutefois, l’intention de cette lettre en particulier est peut-être autre, puisqu’elle remémorait au diplomate une supplique envoyée au seigneur Ruy Gomez, prince d’Eboli, dans laquelle il implorait la clémence de son destinataire afin d’obtenir une révocation de la sentence émise contre lui par le gouvernement espagnol à Naples260.
Les difficultés financières qui l’assaillaient ne furent pas non plus étrangères à l’ajournement de la parution. Une lettre à Girolamo della Rovere, du 9 juin 1557, priait ce dernier de rappeler à sa majesté sa promesse de subvention :
Senza la quale non posso far stampar questo mio poema, già finito e molto desiderato dal mondo, dal quale n’aspetto grandissima utilità, facendolo stampar a mie spese261.
Tout en essayant de se procurer les fonds nécessaires, le 13 août 1557, le Tasse se soucia également d’obtenir de Girolamo Ruscelli l’estimation des frais nécessaires à l’impression de l’Amadis :
Vi pregai ancora, che non vi fosse grave di scrivermi la spesa ch’andrebbe ne l’impressione de l’opera mia, la qual sarà da sei milla stanze poco più o meno, volendo stamparne due milla, affine che possa provedere al danaro262.
D’autres soucis, d’ordre matériel, vinrent différer à leur tour l’édition si désirée. Tandis que dans une lettre à Paolo Mario, datée du mois de septembre 1559, Bernardo annonçait le début du tirage pour novembre de cette même année, le 17 novembre, il écrivait à Ippolita Sanseverina que :
Questo diluvio d’acque ha portato via tutti i folli e le carte di que’ mercatanti di Garda a’ quali avea fatta fare la carta a posta, di maniera che, non volendo far torto a la bellezza del poema, facendolo stampare in carta comune, mi bisogna tardar sino ad aprile263.
En mars 1560, il annonce à Claudio Malopera, agent à Venise du duc de Savoie Emanuele Filiberto, que l’impression commencera dans les dix prochains jours et, en juillet, il informe le marquis de Pescara, Francesco Ferrante d’Avalos, que « già sono stampati, di cento che sono, cinquanta canti del mio Amadigi »264.
A contrario et aussi paradoxal que cela puisse sembler, dans une lettre à Speroni, qui est récupérée par Comino dans son édition des Famigliari, Bernardo reconnaît que la publication de son ouvrage sera retardée justement parce qu’il n’est plus dans le même état de nécessité qu’auparavant :
Il poema, poiché è mancata la cagione che mi spingeva a stamparlo, che era la necessità nella quale un anno e mezzo m’ha tenuto quell’ingratissimo prencipe […] dormirà ancor qualche giorno265.
Les problèmes de trésorerie dans lesquels il se débattit pendant toute une partie de son existence furent la cause du labeur acharné qui caractérisa les dernières années de la gestation du poème mais se traduisirent aussi par un allongement des délais de publication ou en empêchant le Tasse d’éditer son roman aussi rapidement qu’il l’aurait souhaité ou en le poussant à prendre son temps.
Notes
- Francesco Foffano, « L’Amadigi di Gaula di Bernardo Tasso », GSLI, 1885, XXV, p. 249-310 ; p. 250-251.
- Francesco Foffano, « L’ Amadigi di Gaula di… », p. 254-255 : « En plusieurs lieux de l’Amadis sont cités Arthur, le saint Graal, les romans de Tristan et de Lancelot » ; p. 255 : « Esso è informato dallo stesso spirito di avventure, dallo stesso culto della donna, dallo stesso sentimento dell’onore, che i romanzi della Tavola Rotonda; vi spesseggiano duelli, rapimenti di donne, avventure galanti, tornei; e maghi, fate, giganti, mostri popolano la scena ». Le Tasse lui-même défend l’opinion selon laquelle l’Amadis original était inspiré par le cycle arthurien : « Non è dubbio giudiziosissimo S. Girolamo mio, che lo scrittore di questa leggiadra e vaga invenzione, l’ha in parte cavata da qualche istoria di Bertagna ».
- Francesco Foffano, « L’Amadigi di Gaula di… », p. 255-257.
- Francesco Foffano, « L’Amadigi di Gaula di… », p. 258 : « In Italia esso dovette essere universalmente noto ben presto, come attesta una lettera del Bembo del 1512 (Vittorio Cian, Un decennio della vita di Pietro Bembo (1521-1531); appunti biografici e saggio di studi sul Bembo, Torino, Loescher, 1885, p. 206), e ne fanno testimonianza un passo del Cortegiano del Castiglione, compilato tra il 1514 e il 1518 e alcuni versi del Furioso “quasi tradotti” dall’Amadis ».
- Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 84 : « Le premier écrivain italien qui s’occupe d’un texte de toute manière connu, surtout dans les milieux cultivés, avant même qu’il soit publié en Italie ».
- Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 94 : « Il Tasso aveva sul suo scrittoio, magari accanto al testo spagnolo, il libro edito dal Tramezzino ».
- Ibid., p. 97.
- Ibid., p. 98 : « Les ressemblances entre le poème chevaleresque de Bernardo Tasso et la traduction italienne en prose de l’Amadis […] témoignent au fond de la flexibilité du poète bergamasque qui s’efforce de s’adapter aux modes littéraires de ces années-là ».
- En particulier celui de Didon abandonnée par Enée et les épisodes plus ou moins librement inspirés des Métamorphoses d’Ovide.
- Cf. Lettere, I, LXXXII, A Sperone Speroni, p. 148-152 et Lettere, II, CLIV, A M. Benedetto Varchi, p. 498-504.
- La plupart des poèmes édités au cours de ces années-là respectent l’unité d’héros comme l’attestent les titres : Giron le courtois, Costante, Floridant, Rinaldo, Goffredo et, naturellement, l’Hercule de Giraldi.
- Publiés respectivement en 1554 et 1557.
- Gian Battista Giraldi Cinzio, « Lettera a Bernardo Tasso sulla poesia epica », Trattati di poetica e retorica del Cinquecento, a cura di Bernardo Weinberg, Laterza, Bari, 1972, vol. II, p. 455-476 : « Dans cette œuvre, je n’ai pas voulu composer un poème d’une seule action, mais je me suis proposé d’exposer dans mes vers toute la vie d’un héros pour mettre un exemple d’actions louables et glorieuses dans notre langue sous les yeux de ceux qui voudraient lire mon poème, comme si je racontais poétiquement une histoire, sans marcher sur les brisées ni de Virgile, ni d’Homère ».
- Ce manuscrit a été étudié par Rosanna Morace, « L’autografo oliveriano dell’Amadigi epico di Bernardo Tasso », Nuova rivista di letteratura italiana, 2008, XI, 1-2, p. 155-181.
- Lett. Camp., VII, p. 80-82. Sans date et sans destinataire : « Je m’applique de mon mieux à la rédaction de mon poème et quinze chants sont déjà terminés ».
- Lettere, II, CLIV, p. 498-504 : « Au début de mon ouvrage, j’avais décidé de l’ordonner autour d’une seule action […] et de la sorte j’en composai dix livres ».
- Vraisemblablement le Roland furieux, le Roland amoureux, le Morgante maggiore, L’innamoramento d’Orlando de Niccolò degli Agostini, le Morgante de Luigi Pulci, et d’autres aussi. Cf. Edward Williamson, Bernardo Tasso, p. 108.
- Sur l’attention que Bernardo accorde à ce public, cf. Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 159-160.
- Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 143.
- Amadigi, LI, I : « Tel parfois un médecin qui veut/ Tromper le malade pour lui redonner la santé/ Afin qu’il ne refuse pas de le boire/ Ainsi, par la fiction des mots/ Des chimères que nous ne connaissons pas/ Les poètes donnent nombre de textes/ Au peuple ignare et aux esprits malades ».
- Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 163 : « Bernard défend autant qu’il le peut ses choix poétiques et le monde des chevaliers errants, mais […] lui aussi apporte sa contribution à son inéluctable fin, en essayant non seulement de divertir et de plaire, mais aussi d’être utile, autant par la moralité, par l’érudition, que par de nombreux […] documents sur l’art militaire ».
- Amadigi, Ai lettori, p. II.
- Il est avéré que Bernardo donnait publiquement lecture de son œuvre, cf. Lettere, II, CXIX, p. 349-351 : « Vostra Signoria saperà che, comandato con molta affezione da questa nobilissima Signora, leggo ogni giorno un canto de l’opera mia, dove quando non gli altri, il S. Cappello di continuo vi si trova ».
- Torquato Tasso, « Dialoghi. Apologia in difesa della Gerusalemme liberata », Opere, vol. V, a cura di Bruno Maier, Milano, Rizzoli, 1965, p. 415 : « Ayant donc accepté cette exhortation [à rédiger un poème sur l’histoire de l’Amadis ], car il maîtrisait fort bien l’art de la poésie, et en particulier celui qui nous a été enseigné par Aristote, il projeta de faire un poème d’une seule action et imagina une fable sur le désespoir d’Amadis pour la jalousie d’Oriane en terminant son poème par une bataille entre Lisuarte et Cildadano, tout en racontant bien d’autres choses conséquentes qui s’étaient produites avant ou après dans des épisodes à part ou digressions comme on peut les nommer. C’était là son dessein, et aucun autre maître en art poétique ne pouvait en faire un meilleur ou plus beau. Mais, finalement pour ne pas perdre sa réputation de bon courtisan, il préféra renoncer à celle d’excellent poète et écoutez comment. Il lisait certains de ses chants au prince, son maître ; et quand il commença à lire, les pièces étaient emplies de gentilshommes qui l’écoutaient, mais à la fin, tous avaient disparu. Il déduisit de cela que l’unité d’action était peu plaisante par nature et non par manque de talent de sa part ».
- Amadigi, Ai lettori, p. II : « Notre très savant seigneur Tasse, tout comme l’Arioste, avait très bien vu ce qu’Aristote écrit au sujet du poème épique et excellemment respecté les voies indiquées par Virgile et par Homère. Et il avait déjà dicté une bonne partie de l’Amadis en les imitant et selon les lois d’Aristote, partagé son œuvre en livres et le sujet de son poème, qui ne devait comporter qu’une seule action, était le désespoir d’Amadis. Puis, voyant qu’en dépit de ses efforts pour le rendre intéressant et plaisant, il n’intéressait pas et voyant que Giron le courtois d’Alamanni, qui avait lui aussi procédé à cette imitation, n’intéressait pas non plus et que d’autre part l’Arioste, qui s’en était éloigné, passait entre les mains de tous en recueillant des louanges et une célébrité universelle, il changea d’avis en suivant une meilleure idée et donna à son Amadis la forme que vous voyez présentement qui comporte plus d’action et se rapproche de cette plaisante variété qui, chez l’Arioste, a été universellement louée et approuvée par l’opinion des hommes ».
- Lettere, II, CLXXII, p. 540-547 : « Voyez le Giron de ce très érudit et très noble gentilhomme, qui s’il n’est pas entièrement composé en imitant les meilleurs poètes, les a toutefois imités par bien des aspects et néanmoins il n’intéresse pas. Nul doute que vous ne constatiez […] qu’on va imprimer son Avarchide, dont j’ai vu quatorze livres, et qu’elle ne sera pas louée, bien que fort érudite et bien que ce divin esprit y ait intégralement observé toutes les lois du poème épique et que son sujet soit précisément semblable à celui d’Homère ».
- Lettere, II, CLXXII, p. 540-547 : « Ne voyons-nous pas a contrario [du succès de l’Arioste] que le poème de Trissino, dont le savoir à notre époque fut digne d’émerveillement, qui est composé, nul n’osera le nier, selon les normes des lois d’Aristote et sur l’imitation pleine et entière d’Homère, qui est empli d’érudition et apte à enseigner maintes belles choses, n’est pas lu et a été rejeté presque le jour même où il a été publié ? »
- Lettere, II, LXXII, p. 213-219 : « Et j’ai toujours considéré que ceux qui ont abandonné cette belle et noble manière de faire de la poésie qui est née dans notre langue ont été mal conseillés […] ; ils ont cru acquérir une plus grande gloire en empruntant la voie qu’avait suivie Homère et qu’avait suivie le sage Virgile, mais si leurs poésies en ces temps et dans ces langues étaient et sont à peine moins que divines, à notre époque et dans notre langue, elles sont à peine moins qu’odieuses et on peut en avoir un exemple avec L’Italie de Trissino. Si, tout comme il était fort érudit, ce dernier avait été sage en choisissant un sujet digne d’un labeur de vingt ans, il aurait vu qu’écrire de la sorte, comme il l’a fait, était une façon d’écrire à des morts et il n’aurait pas blâmé la composition de l’Arioste comme une chose tout juste digne de la faveur du peuple et non pas des hommes instruits et sages ».
- Lettere, II, LXXII, p. 213-219 : « L’Amadis vous rapportera bien plus d’éloges, que ne le fera son Avarchide au seigneur Alamanni. Parce que s’il n’y met pas plus de sensibilité dans l’agencement de ses rimes et dans la disposition de la matière qu’il ne l’a fait dans son Giron […] au-delà de l’ennui qu’il procurera à ses lecteurs, cette imitation détaillée et superstitieuse d’Homère n’aura que bien peu de suavité et de grâce ».
- Lettere, II, CLIV, p. 498-504 : « M’apercevant ensuite qu’il [L’Amadis] n’avait pas la variété qui plaît habituellement et qui est requise par ce siècle déjà accoutumé à la forme des romans, je compris que ce n’était pas par hasard, ni parce qu’il ne connaissait pas l’art de la poésie (comme disent certains) que l’Arioste avait disposé de la sorte son œuvre, mais parce que, dans sa grande sagesse, il avait su s’adapter au goût de ce siècle. Ayant l’exemple du Giron le courtois sous les yeux, je me tournai vers cette voie que je trouve plus plaisante et divertissante et non point pleine de satiété et d’ennui ».
- Adaptée au contexte de la discussion entre le Tasse et Giraldi, l’expression est empruntée à Guido Baldassari, Il sonno di Zeus. Sperimentazione narrativa del poema rinascimentale e tradizione omerica, Roma, Bulzoni, p. 1982, p. 20.
- Lettere, II, LXXI, p. 209 : « les traces laissées par cet exquis et sage poète ».
- Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 11.
- Lettere, II, CLXXII, A Benedetto Varchi, p. 540-547 : « Il me semble […] que le poète doive principalement s’employer à divertir, et tout particulièrement dans ce siècle corrompu, entièrement livré au plaisir, dans lequel rien ne paraît beau, si ce n’est ce qui divertit. Et si je ne craignais pas que vous riiez de moi, j’aurais l’audace de dire que celui qui divertit est salutaire aux autres et que le divertissement ne peut être dissocié de l’utilité ».
- Amadigi, Ai lettori : « Il convient à la prudence du poète de s’accommoder au divertissement et à l’usage du siècle dans lequel il écrit […] ; le divertissement doit être le but premier et principal du poète […]. Les poètes ne se lisent si ce n’est principalement en raison du plaisir qu’ils procurent. Il est vrai que l’utilité est unie au plaisir ; non point comme une nécessité, si ce n’est dans la mesure où le bon poète (et particulièrement le poète épique) ne se met pas à écrire des choses vaines, mais plutôt des choses qui sont aussi profitables que plaisantes, en dissimulant sous l’agréable voile des inventions les préceptes de la philosophie morale ».
- Lettere, II, XCV, A Girolamo Ruscelli, p. 285-290 : « Je ne veux point, mon très cher maître, vous promettre autre chose de la qualité de ce poème, si ce n’est qu’il procurera chez ceux qui le liront beaucoup d’agrément ; ce qui me paraît devoir être le principal objectif de celui qui écrit cette sorte de poème qui comporte cette belle variété d’aventures qui, peu à peu, attirent l’âme du lecteur jusqu’à la fin avec un très grand plaisir ; tout comme la nature, parfaite gouvernante de toutes choses, qui pour rendre le monde beau, l’a fait plein de variété ».
- Stefano Jossa, La fondazione di un genere. Il poema eroico tra Ariosto e Tasso, Roma, Carocci, 2001, p. 51 : « Au poème de raison, façonné sur les modèles de l’art, s’oppose le poème de succès, fondé sur l’usage, le plaisir et le sens commun […] épopée et roman sont vus comme une “forme morte” et une “forme vivante” ».
- Lettere, II, CLXXVI, p. 574-579 : « Et ne croyez pas non plus qu’il s’agisse d’un poème d’une seule action, parce que, comme il me semble que la prudence du poète doit s’accommoder de la qualité des temps, du goût et de ce qui agrée au siècle dans lequel il vit, et comme j’ai vu que cette manière de poésie moderne utilisée par nos romans était déjà, non seulement acceptée, mais approuvée par l’usage, arbitre, maître et père de toutes choses, il m’a paru bon, laissant de côté l’imitation des Latins et des Grecs, de marcher sur les brisées de ces romans ». Il reprend ici des concepts similaires à ceux de sa lettre à Speroni du 26 septembre 1557 (Lettere, II, CXXI, p. 401-406) : « A me pare che sia grandissima prudenza del poeta il sapersi accomodare a l’uso del secolo nel quale scrive ».
- Ou à laisser fustiger par d’autres, voir la lettre de Giraldi, Lettere, II, LXXII, p. 216.
- Amadigi, Ai lettori, p. 1-2 : « Je dis donc que si ceux qui ont toujours entre les mains les balances d’Aristote et à la bouche tout le jour durant les exemples de Virgile et d’Homère considéraient la qualité des temps présents et la différence des langues, ils verraient qu’il convient à la prudence du poète de s’adapter à l’agrément et à l’usage du siècle dans lequel il écrit et ils n’opineraient pas que l’on doit toujours écrire d’une même façon ». Il prolonge son raisonnement en écrivant : « Che, sì come i tempi introducono nuovi costumi, e la varietà delle lingue diverse forme di favellare apportano; così pare, che ragionevolmente si ricerchi, che si faccia nello scrivere. Onde si vede, che Virgilio fu molto differente da Omero; sì come quello, che trovandosi in età diversissima da quella di Omero, seguitò l’uso del suo tempo; e quello, che questo Divino Poeta giudicò, che convenisse alla grandezza della lingua Romana. E con la stessa ragione è da credere, che altretanto si sarebbe egli discostato dal costume del suo secolo, quando si fosse trovato nel nostro; percioché chi altrimenti fa, si può dire che scriva a’ morti. Noi veggiamo, che molte cose si contengono in Omero, che a’ suoi tempi erano lodatissime; le quali ove fossero prese da Poeti d’oggidì, sarebbono stimate senza fallo ridicole. Alcune anco si leggono maravigliose in Virgilio, che a’ nostri giorni non sarebbono grate ».
- Lettere, I, Al Reverendissimo e Illustrissimo Monsignor D’Aras, p. 6 : « Ufficio giudico d’uomo prudente e virtuoso, mentre che al servizio di un padrone si vive, correre con quella medesima fortuna e per quella medesima strada con il suo desiderio caminare, che egli camina ».
- Enrica Pace, « Aspetti tipografico-editoriali di un best-seller del secolo XVI: l’Orlando furioso », Schifanoia, 1987, 3, p. 103-114.
- Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 98.
- Tiziana Mattioli, « Tra i carteggi di Bernardo: il dialogo sul poema, la memoria del giovane Tasso », Il merito e la cortesia, Torquato Tasso e la corte dei Della Rovere, a cura di Guido Arbizzoni, Giorgio Cerboni Baiardi, Tiziana Mattioli e Anna Teresa Ossani, Ancona, Il lavoro editoriale, 1999, p. 278-279.
- Lettere, II, CLXXII, p. 540-547 : « Et j’ignore si Aristote naissant de nos jours, voyant l’excellent poème de l’Arioste, connaissant la force des conventions et voyant qu’il plaît tant comme l’expérience nous le montre, ne changerait pas d’opinion et ne consentirait pas qu’on pût faire un poème héroïque de plusieurs actions, […] en lui donnant de nouvelles normes et en lui prescrivant de nouvelles lois. Et si l’objectif que le bon poète se propose d’atteindre n’est autre que d’être utile et de plaire, il est manifeste que l’Arioste a mené à bien l’un et l’autre, car il n’est nul savant, ni artisan, il n’est pas de jeune homme, de jeune fille, ni de vieillard, qui se satisfasse de l’avoir lu une fois ». La lettre se prolonge ainsi: « Non son elleno le sue stanze il ristoro che ha lo stanco peregrino ne la lunga via, il qual il fastidio del caldo e del lungo camino, cantandole rende minore? Non sentite voi tutto dì, per le strade, per li campi, andarle cantando? Io non credo ch’in tanto spazio di tempo quant’è corso dopo che quel dottissimo gentiluomo mandò in man de gli uomini il suo poema, si sian stampati né venduti tanti Omeri, né Virgili quanti Furiosi e, se così è, come veramente non si può negare, non è questo manifestissimo segno della bellezza e bontà dell’opra? »
- Torquato Tasso, « Dialoghi. Apologia… », p. 418 : « Mon père, voyant que ces poèmes [héroïques] doivent se situer parmi ceux que l’on mesure avec les mesures des extrêmes, parce qu’ils dépassent de très loin tous les autres, estima que l’accroissement était d’autant plus louable qu’il était considérable et que sa grandeur était d’autant plus remarquable qu’elle était peu usitée […]. Dans la rareté donc et dans l’abondance, pas seulement dans la norme, se situe sa propre mesure et presque sa propre perfection, que mon père tout en dépassant les limites du convenable, rechercha convenablement ».
- Torquato Tasso, « Dialoghi. Apologia… », p. 418-419 : « E s’avvide che l’esser dubbio nella spezie e nell’artifizio è d’imperfezione argumento; però scrivendo molte azioni, volle che fosse conosciuta la moltitudine […]. E perché le comparazioni allora sono più lodevoli e più acconcie a persuadere, che sono prese più d’appresso, né da parte più vicina si posson prendere comparazioni in materia di poesia che da l’istoria, da l’istoria debbono esser prese; ma fra l’istorie universali, che s’assomigliano a’ poemi di molte azioni, quelle meritano maggior lode, le quali contengono maggior notizia di cose e maggior copia d’avvenimenti; dunque nei poemi, nei quali si riceve la moltitudine, si deve lodar la copia. E qual poema fu più copioso dell’Amadigi? qual più abondante, qual più ricco, non solo dell’invenzioni, ma dell’elocuzioni e delle figure e degli ornamenti poetici? le quali son tante che senza impoverirne, potrebbe vestirne il Morgante e molti altri, che ne son quasi ignudi ».
- Lettere, II, LXXIX, p. 245-253 : « Né ho impresa ferma come ha il dottissimo nostro Ariosto la guerra d’Agramante, ma più imprese e fatte non in uno loco solo, ma in molti ».
- Comme celle d’Angélique dans toute la première moitié du roman de l’Arioste, par exemple.
- Rosanna Morace, « Son diverso ancor… », p. 123 : « Il principio della molteplicità si incarna così, nell’Amadigi, non solo nella molteplicità di azione, […] ma anche nella molteplicità degli episodi secondari, cioè delle digressioni per lo più patetico-amorose, nell’abbondanza (se non sovrabbondanza) retorica, con un’insistita presenza di metafore, similitudini, comparazioni, sentenze, prosopopee, apostrofi ai lettori ed ai personaggi, coppie sinonimiche ed endiadi, aggettivi usati in funzione attributiva, iterazioni, enjambement […]; ma vi è poi un largo ricorso alla minuziosità delle descrizioni, all’ “energia”, mentre è evidente la volontà di narrare, attraverso la molteplicità e la proliferazione degli episodi secondari, tutte le possibili combinazioni del destino, tutte le possibili reazioni umane ai casi della vita ».
- Edward Williamson, Bernardo Tasso, p. 108-109 : « Il principale difetto del poema è il modo meccanico e forzato nel quale il collegamento è effettuato. Egli tenta di far muovere i tre temi simultaneamente ed in parallelo, così che tutti e tre sono trattati in serie sostanzialmente in ogni canto. Ciò contribuisce alla rigidità e alla confusione ».
- Lettere, II, CXLI, p. 456-461 : « Volevano [alcuni eccellenti e giudiziosi uomini miei amici] eziandio che nel tralasciar che fa il poeta una materia par saltar ad un’altra, io lasciassi quella forma di dire usata da l’Ariosto e da gli altri, come per esempio sarebbe: “Lasciai signor se vi ricorda Orlando, etc”, ne la qual cosa ho voluto non in tutto, ma solo in parte al loro giudizio sodisfare, perché trattando io diverse azioni e parlando di diversi cavalieri, è necessario a le volte render i lettori ricordevoli ».
- Lettere, II, CXLI, p. 459.
- Lettere, I, XCIX, p. 176-179, A Don Luigi d’Avila.
- Torquato Tasso, « Dialoghi. Apologia… », p. 420-421.
- Stefano Jossa, La fondazione di un genere…, p. 15.
- Lettere, II, LXXIX, p. 245-253 : « Questo mio poema è diverso non pur da questi che di sopra ho nominati [Eneide, Theseide, Iliade, Farsalia, Metamorfosi] e da la Thebaide di Stazio, ma ancora in alcuna parte da l’Ariosto, conciò sia cosa che per fuggir del tutto il nome di traduttore e per far più vaga, più leggiadra e dilettevole l’opera mia, l’ho tessuta di tre fila principali le quali continuamente conducono fino al fine l’opera cominciata […] e conduco questi tre amori ugualmente, e in un tempo istesso al suo desiderato fine ».
- Lett.Com. 3, 43, p. 145 : « Je sais que mon poème ne plaira pas à tous ceux qui considèrent au fond d’eux-mêmes que le Roland furieux est un poème parfait, car j’ai voulu me montrer poète là où il me semble avoir eu raison d’imiter les poètes grecs et latins et de jouer avec l’esprit de la poésie ».
- Lett. Com.3, 51, p. 157-158 : « raisonnablement imaginé ».
- Lettere, II, CXX, p. 379 : « les prodiges obscènes ».
- Lettere, II, CXLIII, p. 467-469 : « Il me semble que la fin d’un de ces chants représente quelque chose comme un objectif, un terme où le lecteur, presque fatigué d’une honnête durée de la lecture, doive se reposer. Et vous voyez que c’est vrai, car bien des chants de l’Arioste sont ennuyeux parce que trop longs ». Voir aussi Lettere, II, CXXI, p. 401-406.
- Lett. Com. 3, 43, p. 145 : « Et il me semble que ces vers [sur la broderie de la veste envoyée à Floridante par Filidora] ornent grandement le poème. Et pour cette raison, nombreux sont ceux qui ont loué mon poème et l’ont trouvé plus poétique que celui de l’Arioste ».
- Torquato Tasso, « Dialoghi. Apologia… », p. 420-421 : « Parce que bien que ces ouvrages que l’on nomme romans ne soient pas d’un genre différent des poèmes épiques ou héroïques […] néanmoins nombreuses sont les différences de détail. C’est pourquoi un poète avisé se doit de narrer différemment cette matière lorsqu’il se trouve dans l’obligation de la traiter […] ce dont, en l’occurrence, ne se rendit pas compte l’Arioste qui se rapprocha des poètes épiques bien plus que les autres qui avaient écrit avant lui. […] Mais l’Arioste […] créa son poème à mi-chemin entre l’un et l’autre, tel un animal dont la nature serait incertaine ».
- Lettere, II, CXCV, p. 628-630 : « Que Dieu pardonne à l’Arioste, qui en introduisant cet abus [des louanges aux puissants et aux courtisans] dans les poèmes, a obligé ceux qui écriront après lui à l’imiter. Bien que, de son côté, il imite Virgile, contraint par l’adulation qui autrefois et aujourd’hui plus que jamais régnait et règne dans le monde, il outrepasse en la matière les règles de la sagesse […], il s’attarde tellement là-dessus et il veut mentionner tant de personnes qu’il en devient fastidieux et il est cependant nécessaire que nous qui écrivons après lui, nous marchions sur ses traces ».
- Le renard et les raisins.
- Lett. Camp., XLIV, p. 209-212, datée de janvier 1566 : « S’il y a une chose dans mon poème qui le rende digne de répréhension, et il y en a beaucoup, aucune ne l’est davantage que celle de vouloir nommer hors de propos tel ou tel seigneur et ami. Bien que je le jugeasse déplacé et source d’ennui pour les lecteurs à qui on rompt le fil du discours et l’ordre du roman, néanmoins, pour m’adapter à la qualité des temps présents et à mon état, j’ai été contraint de le faire ».
- Lettere, II, CXLI, p. 456-461 : « À certains de mes amis, hommes excellents et avisés, il semble que […] bien que ce ne soit pas un poème constitué d’une seule action, il soit plus héroïque que les autres romans similaires et ils m’ont convaincu de m’éloigner autant que possible de la manière des romans, d’élever mon poème autant que je le puis à la dignité héroïque et de l’ordonner en livres ».
- Lettere, II, CLIV, p. 503 : « In questa strada ne composi dieci libri ».
- Stefano Jossa, La fondazione di un genere…, p. 37-38 : « Identificato il romanzo con l’oralità dei canti e l’eroico con la struttura dei libri, Bernardo Tasso rivela una consapevolezza teorica nuova; alla varietà romanzesca dovuta alle techniche dell’improvvisazione e della sospensione tipiche della tradizione canterina, egli contrappone l’ordine eroico, che si fonda sulla compiutezza della struttura ».
- Lettere, II, CXLIII, A M. Sperone Speroni, p. 467-469 : « Bien que j’eusse partagé le poème en livres, davantage pour satisfaire à l’opinion d’autrui qu’à la mienne, je l’ai reporté à son ordre initial […] en suivant ainsi votre opinion ».
- Sperone Speroni, Opere, a cura di Mario Pozzi, Manziana, Vecchiarelli (ristampa anastatica dell’edizione Venezia, appresso Domenico Occhi, 1740), 1989, XXIII, p. 343-345, ou Lett. Camp. 3, 40, p. 138-142 : « Je vous envoie une copie d’une lettre que j’ai écrite à Giraldi, dans laquelle, en parlant avec lui du titre de l’œuvre, comme vous verrez, je lui dis que je suis différent de l’Arioste aussi ».
- Marina Beer, « Poemi cavallereschi… », p. 58 : « Dono all’interno di un’antropologia tutta feudale, l’opera d’inchiostro del poema entra tuttavia in un sistema di scambio ».
- Marina Beer, « Poemi cavallereschi… », p. 57-58.
- https://www.wga.hu/art/t/tiziano/10/22/10philip.jpg.
- Amadigi, chant I, p. 2 : « Et vous auguste Prince, unique espoir/ Du magnanime Charles, auquel plaisamment/ le Tage et l’Èbre offrent leurs rivages dorés,/ Leurs trésors et leurs vagues hautes et luisantes,/ Tandis que votre grand géniteur supporte,/ Tel un nouvel Atlas, sur ses puissantes épaules,/ Le lourd poids de la Monarchie,/ Entendez le chant de ma muse ».
- Amadigi, chant C, p. 604 : « L’eccelso e gran Filippo, onor de’ Regi,/ A cui posta ha la Gloria una corona/ Di mille palme adorna e mille fregi/ A cui l’Eternitate il loco dona/ Sublime più fra i pellegrini egregi./ E il Re da i gigli d’or, di cui risuona/ Grido illustre per tutto ove circonda/ Il Sol coi raggi e l’Oceano inonda ».
- Lettere, II, CLXXVI, p. 574-579 : « Je retrace du bienheureux souvenir de l’empereur Charles et de Sa Majesté Catholique et de quelques autres seigneurs de la cour une si honorable remembrance, qu’il me semble mériter et que sa Majesté Catholique me fasse cette faveur et que Vos Seigneuries me la procurent ».
- Lettere, II, CLXXV, p. 567-574 : « Si Sa Majesté me fait cette faveur, elle acquerra le nom de Clément dans l’opinion de tous et comme je suis quelqu’un de connu, cet acte public sera digne de maintes louanges ».
- Dans l’ordre : Hippolyte d’Este, Hercule Gonzague, Louis d’Este, Alphonse II de Ferrare, Guidobaldo II et François-Marie della Rovere, auxquels s’ajoutent l’écrivain Hannibal de Capoue et le noble Stanislas de Tarnow, qui avaient été ses compagnons d’études universitaires.
- Antonio Brancati, « Bernardo e Torquato Tasso… », p. 72 et n. 31.
- Lettere, II, CXXVI, p. 417-419 : « J’ai été contraint de rédiger une longue énumération et j’aurais dû en faire une encore plus longue si j’avais voulu nommer tous ceux que je connais qui l’auraient mérité et je ne doute pas que, sur le modèle de l’Arioste, je vais mécontenter nombre de ceux qui auront été nommés qui […] ne se satisferont ni du lieu, ni des choses que j’ai dites sur eux ».
- Francesco Foffano, « L’Amadigi di Gaula… », p. 266 : « En réalité, il avouait qu’il parlait de quelques-uns en raison des bénéfices qu’il en avait obtenus, d’autres à cause de l’espoir qu’il avait d’en obtenir, d’autres en raison de leur vertu et les bénéfices qu’il espérait étaient, cela est douloureux à dire, en monnaie sonnante et trébuchante ».
- Dans la note de bas de page correspondante, Foffano cite les Lettere inedite di B. Tasso a Marcantonio Tasca et une lettre à Benedetto Varchi appartenant au deuxième volume de Comino, mais dans aucun des deux cas Bernardo n’avoue ouvertement son but. Dans la lettre CLIV du deuxième volume en particulier, il se limite à écrire : « Sendo io stato gran servitore de la casa de’ Medici, e in particolare de la felice memoria del padre di cotesto Eccellentissimo vostro Signore, vorrei in quest’opera, continuando in questa servitù, mostrargli la mia affezione. Però vi piacerà di mandarmi il nome de l’Eccellentissima Signora Duchessa e figliuoli ».
- Lett. Com. 3, 40, p. 138 : « Par lettres de la cour, on m’assure qu’à cette heure Sa Majesté me ferait restituer la dot de mon épouse et une partie de mes avoirs, mais qu’on n’attend rien d’autre que la présentation de cette œuvre ».
- Lett. Com. 3, 44, p. 147-148 : « Les glorieuses entreprises et les amoureux tourments/ Du prince Amadis et d’Oriane ». Dans cette stance, le second vers disait : « D’Amadis de France et d’Orianne », mais comme je dois l’envoyer au Roi Philippe, je ne veux pas mettre ce mot France en évidence ».
- Stefano Jossa, La fondazione di un genere…, p. 98.
- Lett. Com. 3, 41, p. 138-142 : « Monseigneur, vous devez savoir que mon intention, lorsque je commençai ce poème, fut de faire que la dynastie des Sanseverino tire son origine de Floridant, et comme cette dynastie descend des ducs de Normandie, j’avais imaginé que Floridant était le seul fils de ce duc. Ayant changé d’avis à cause de l’ingratitude du prince, je me suis trouvé dans la nécessité de le faire prince d’Espagne ».
- Lett. Com. 3, 36, p. 132-134 : « Le poème […] dormira encore quelques jours, et ce d’autant plus que comme je lui ai fait subir cette nouvelle métamorphose du Roi de France à celui d’Espagne, je dois me donner la peine de corriger et de changer bien des choses ».
- Lettere, II, CLXXXIII, p. 597-600.
- Lettere, II, CLIV, p. 498-504.
- Lettere, II, CLI, p. 490-492 : « Je vous supplie pareillement de bien vouloir m’envoyer une liste de ces seigneurs et chevaliers de la cour et, si vous les connaissez, leur prénom, leur nom, leur origine et leurs titres à tous, parce que je me servirai, comme il me siéra le mieux, pour certains de leur prénom, pour d’autres de leur nom ou de leur titre ou de leur origine. Faites de même pour les dames de Milan et, de grâce, rappelez à Son Excellence que je puis honorer tel prince ou tel autre chevalier dans ce poème, selon son désir ». Voir aussi Lett. Com. 3, 39, p. 137.
- Lettere, II, CLXXXIII, p. 597-600 : « Je vous envoie un pro memoria de toutes les dames et de tous les seigneurs de la cour d’Espagne que je nomme dans ce poème et je vous enverrais les stances si je ne craignais pas que ce pli ne soit trop lourd ».
- Dans les pages qui suivent, je recourrai indifféremment aux termes de « roman » et de « poème » pour indiquer l’Amadis, d’une part parce qu’en ces années centrales du XVIe siècle régnait encore une grande confusion terminologique et de l’autre parce que le Tasse lui-même a longuement hésité sur la forme à donner à son ouvrage avant de se rapprocher de la forme romanesque qu’avait privilégiée l’Arioste.
- Avec l’Italie libérée des Goths de Trissino, Giron le courtois et l’Avarchide d’Alamanni, l’Hercule de Giraldi Ginzio, le Costante de Bolognetti, auxquels il faudrait ajouter le Rinaldo du Tassino.
- Cf. Roberto Agnes, « L’Ariostismo e Bernardo Tasso », Dizionario critico della letteratura italiana, dir. da Ettore Branca, UTET, Torino, 1986, IV, p. 248-249.
- Publiée dans sa version originale en 1536.
- Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 78.
- Lettere, II, CLXXXII, p. 594-596 : « Le sujet [de l’Amadis] en est si célèbre que peu nombreux sont ceux qui, en Italie et dans les principales cours des princes chrétiens, ne le connaissent pas ».
- Lettere, I, XCIX, p. 176-179 : « J’ai déjà, Illustrissime seigneur, grâce au loisir et à la disponibilité qui m’ont été concédés par l’Illustrissime Prince, mon seigneur, commencé à tenir ce que j’avais promis à Gand à Votre Seigneurie, au seigneur Don Francesco di Tolledo et à bien d’autres chevaliers, à savoir de composer sur l’aimable et élégante histoire d’Amadis de Gaule, un poème en langue italienne ».
- Lettere, I, CIV, p. 189-191 : « Sur le poème d’Amadis de Gaule, que j’ai déjà commencé, comme je vous l’avais promis dans les Flandres […], je ne vous écrirai rien d’autre pour en avoir longuement parlé dans ma lettre au seigneur Don Luigi d’Avila, avec lequel je sais que, en raison de la similitude de vos caractères et de l’affinité de vos âmes vertueuses, non seulement les autres choses, mais les pensées mêmes vous sont communes ».
- Lettere, I, LXXXII, p. 148-153 : « Dans la quiétude de cette vie, j’ai donc commencé à tenir la promesse que j’avais faite à mon seigneur, à Don Luigi d’Avila et à certains autres seigneurs de la cour impériale et à vous spécialement, de composer un poème en langue italienne sur l’histoire d’Amadis de Gaule ».
- Lettere, I, CXXIII, p. 223-224 : « Io v’ho scritto a lungo […] e mandatovi il principio del mio poema ».
- Lettere, I, CLXIII, p. 298-299 : « Voglio che sappiate che fra quattro o sei dì io monterò in posta, con la grazia di Dio, per tornarmene a casa […] e sovra tutti ricordatevi di scrivermi il vostro giudizio intorno l’opera ch’ho cominciata ».
- Bernardo indique à son protecteur qu’il viendra le voir le 2 ou 3 mai prochain, ce qui laisse supposer une rédaction au printemps. Cette lettre ne peut pas avoir été écrite en 1544 car, au début de cette année-là, F. Sanseverino, engagé aux côtés de l’empereur dans la quatrième guerre contre François Ier, avait rappelé son secrétaire auprès de lui dans le Piémont. Elle ne saurait non plus avoir été rédigée en 1542, à un moment où Bernardo venait tout juste d’obtenir de se retirer à Sorrente et ne pouvait donc avoir eu le temps matériel de mener à bien tout le travail qu’il mentionne.
- L’édition de 1549 (Le Lettere di M. Bernardo Tasso, intitolate a Monsi.or d’Aras…) mentionne bien « partorito ».
- Lettere, I, LXXXV, p. 160-161 : « Grâce à Dieu, je me suis délivré du premier chant, mais de la façon dont on dit que l’ours se délivre de ses petits, c’est-à-dire d’un morceau de chair sans aucune forme de membre. Il ne me reste plus qu’à le lécher peu à peu avec la langue de l’art et de la sagesse et qu’à lui donner la forme que j’estime nécessaire afin qu’il puisse circuler tranquillement parmi les hommes ».
- Torquato Tasso, « Dialoghi. Apologia… », p. 415 : « Sachez donc qu’alors que mon père se trouvait à la cour d’Espagne pour le service du prince de Salerne, son maître, il fut exhorté par les principaux seigneurs de cette cour à adapter en vers la fabuleuse histoire d’Amadis ».
- Ugo Scoti-Bertinelli, « Sulla composizione dell’’Amadigi di Gaula di Messer Bernardo Tasso », Miscellanea di erudizione, 1905, vol. I, p. 233-263.
- Paul Raymond, Dictionnaire topographique du département des Basses-Pyrénées, comprenant les noms de lieu anciens et modernes, Paris, Impr. Impériale, 1863.
- Lettere, I, CIV, p. 187-189.
- Lettere, I, CXXII, p. 221-223 : « Cette grâce [le salut que Bembo lui a fait parvenir] a dissipé dans mon âme l’ombre qui s’y trouvait puisque je n’avais pas reçu de réponse à la lettre que d’Espagne, j’écrivis à Votre Seigneurie Révérendissime en me réjouissant de votre accession au cardinalat ».
- Edward Williamson, op. cit., p. 92 ; Alexandre Henné, Histoire du règne de Charles Quint en Belgique, vol. VII, Bruxelles, Flatau, 1859, p. 40 et suiv.
- Edward Williamson, op. cit., p. 29.
- La plupart des lettres à Speroni sont ainsi comprises dans le troisième volume édité par Comino en 1751.
- Dans les lettres I, LXXXIV, p. 154-155 ; LXXXVII, p. 160-161 ; CIV, p. 187-189 ; CLXIII, p. 298-299.
- Lettere, I, LXXXII, p. 148-152 : « Et j’ai déjà non seulement conçu une telle et si abondante matière qu’elle suffirait à une construction plus importante que celle-ci ne l’est, mais j’ai entièrement disposé l’œuvre et pas seulement disposé, mais aussi placé les imitations, les comparaisons, les métaphores et les autres ornements à leur place. À présent, je commence à la rédiger en prose afin qu’elle puisse me servir d’exemple et de modèle pour tout l’assemblage ».
- Ibid., p. 149-150 : « Je ne puis le faire en vers libres conformément à votre opinion et à mon désir, mais, suivant en cela le commandement de mon maître, […] il m’est nécessaire de le faire en stances ».
- Lettere, I, XCIX, p. 176-179 : « Ce n’était pas mon intention de le faire en stances, car il me semble que ce n’est pas une rime digne, ni apte à témoigner de la grandeur et de la dignité héroïque […]. Mais pour plaire à Monseigneur le Prince et à Votre Seigneurie qui m’en pria avec moult instance, je veux bien le faire ».
- Lettere, I, LXXXII, p. 148-152 : « Les larmes d’amour et les glorieux faits d’armes d’Amadis, que je partagerai en deux moments ; je parlerai d’abord des simples larmes de son jeune âge, puis de toutes les actions glorieuses qu’il accomplit depuis qu’il fut armé chevalier jusqu’à ce qu’il ait la femme qu’il aimait pour épouse ».
- Ibid. : « En ce qui concerne la qualité et l’écriture des vers, je serai semblable à l’Arioste ; pour leur agencement et pour les autres choses relatives à leur disposition, je tâcherai d’imiter autant que je le puis Virgile et Homère ».
- Lettere, I, LXXXII, p. 150 : « J’ai supprimé toutes ces parties relevant de la création qui ne m’ont pas paru aptes à être ornées et dotées de splendeur, j’en ai ajouté beaucoup, […] et, en somme, je ne m’oblige pas à traduire Amadis, mais à composer un poème sur son histoire en me réservant l’autorité et la licence qui sont concédées aux poètes ».
- Lettere, I, XCIC, p. 176-179 : « Je ne voudrais pas que vous pensiez que j’ai l’intention de traduire cette histoire mot à mot ; c’est là chose très éloignée de ma volonté et indigne de la dignité et de l’art du poète ». Ce souci l’habita jusqu’à la fin de la composition du roman, voir sa lettre du 23 mars 1559 à Consalvo Perez (Lettere, II, CLXXVI, p. 574-579), dans laquelle il insistait sur son originalité : « Non si creda Vostra Signoria che questa sia traduzione ».
- Ibid. : « Né eziandio quelle cose, che nell’istoria sono scritte, trattando, serverò quello ordine stesso che ha servato lo scrittore d’essa, ma alcune dicendo prima, alcune dapoi, mutando del tutto quell’ordine continuato, farò di nuove membra un nuovo corpo ».
- Ibid., p. 150-151 : « Sans m’interrompre, je suis mon intrigue et je fais dire à telle ou telle autre personne, comme par digression, tout ce qui n’y rentre pas. Et comme l’une des choses qui me faisaient paraître cet ouvrage dur et difficile était l’âpreté et la barbarie des noms […] je me suis efforcé de les rendre doux et sonores et dignes de la compagnie des autres mots, en ôtant une syllabe à certains, en en ajoutant une à bien d’autres, en en changeant totalement plusieurs ».
- Lettere, I, XCIX, p. 176-179 : « Je ne suis pas seulement obligé de changer l’ordre et les choses, mais les noms mêmes des personnes dans l’œuvre susdite, car un habile poète doit soigneusement et diligemment éviter que des noms durs, âpres et barbares ne soient introduits dans son œuvre ». Bernardo poursuit en reprenant les propos qu’il avait tenus à Don Luigi d’Avila, sur les modifications à apporter aux noms propres.
- Lettere, I, LXXXII, p. 148-152 : « Io mi rendo certo che a tutti gli amici miei sarà di grandissimo piacere sapere ch’io sia vivo; vivo dico; perché sì come l’uomo da tempestoso mare travagliato e spinto in questa parte e in quella, senza pigliare porto, non può d’aver navicato propriamente dire; così avend’io per l’adietro da continui servizi de’ Prencipi, or sotto questo, or sotto quell’altro cielo faticosi menati giorni miei, non posso dir aver vivuto ».
- Lettere, I, XCIX, p. 176-179 : « Trois sont, Excellent seigneur, les principales parties appropriées et nécessaires au poète. Il faut d’abord trouver les choses que nous avons projeté de traiter dans le poème ; une fois qu’elles sont trouvées, il les faut clairement disposer en bon ordre et, en dernier lieu, il convient de rédiger dans une langue élégante et choisie les choses qu’on a trouvées et disposées de façon avisée et plaisante […], de telle sorte cependant que le poème sous le voile de la fantaisie et du mystère […] dissimule quelque enseignement fructueux. Ainsi, on charmera et on éduquera les esprits des auditeurs ».
- Lettere, I, LXXXVII, p. 160-161.
- Cet aspect du poème est souligné par Rosanna Morace, « Son diverso ancor dall’Ariosto », Italianistica, 2008, XXXVII, 3, p. 120.
- Une douzaine de lettres adressées à différents correspondants se rapportent précisément aux aspects matériels et/ou financiers relatifs à l’édition.
- Cette correspondance est difficile à quantifier en raison du caractère changeant des sujets dont elle traite d’une page à l’autre. Certaines lettres ne comportent qu’une simple allusion à l’Amadis, d’autres aucune, tandis que d’autres encore sont presque entièrement dédiées aux problèmes de composition que pose le poème, mais approximativement une vingtaine de lettres sont envoyées par le Tasse à son ami, tandis que celui-ci ne lui fait parvenir que deux réponses.
- Adriana Chemello, « “I sentieri della poesia”, la protostoria dell’Amadigi nelle lettere di Bernardo Tasso », Alla lettera, teorie e pratiche epistolari dai Greci al Novecento, Milano, Guerini Studio, 1998, p. 109-141, p. 119-120.
- Ces correspondants sont classés par ordre d’importance pour la composition du roman, mais cette hiérarchie ne tient pas compte des lettres non publiées dans ce deuxième recueil épistolaire. Les résultats divergent de ceux publiés par Adriana Chemello, « I sentieri della poesia… », p. 120, parce que mon relevé est exclusivement centré sur les lettres relatives à l’Amadis, en faisant abstraction de toutes les autres lettres à ces mêmes destinataires qu’elles soient amicales ou qu’elles appartiennent à une autre typologie.
- Guido Sacchi, Fra Ariosto e Tasso…, p. 41-42.
- Lettere, II, « Introduzione », p. XLII.
- Donatella Rasi, « Breve ricognizione… », p. 128 : « Le lettere – o buona parte di esse – sono concepite, appunto, come supporto teorico al poema, momento di legittimazione e giustificazione, nel cenacolo letterario cinquecentesco, del suo discostarsi dalla rigida normativa aristotelica per privilegiare il genere “romanzo” ».
- Lettere, I, LXXXV, p. 160-161 : « Entre les mains de tous ».
- Lett. Camp., XIX, p. 113-118.
- Guido Baldassari, « Prefazioni cinquecentesche », in « Quasi un picciolo mondo. Tentativi di codificazione del genere epico nel Cinquecento », Quaderni dell’Istituto di Filologia e Letteratura Italiana dell’Università di Padova, a cura di Guido Baldassari, Milano, Unicopli, 1982, p. 13-22.
- Notamment en ce qui concerne les échanges avec Gian Battista Giraldi Cinzio, voir Donatella Rasi, « Breve ricognizione di un carteggio cinquecentesco: B. Tasso e G. Battista Giraldi », Studi tassiani, 1980, XXVIII, fasc. IV, p. 5-24.
- Tiziana Mattioli, « Tra i carteggi di Bernardo… », p. 277.
- Lettere, II, CXXI, p. 401-406.
- Voir Lett. Com. 3, 43, p. 146, où Bernardo semble accepter de se plier sans protester au jugement de Speroni : « Vi mando tutte l’aurore poste ne’ principi de’ canti, di grazia cassate tutte quelle che non vi paion degne dell’opera ».
- Lettere, II, CXXI, p. 401-406 : « sensation de satiété et d’ennui ».
- Francesco Sberlati, Il genere e la disputa. La poetica tra Ariosto e Tasso, Roma, Bulzoni, 2001, p. 169.
- Lettere, II, CXXI, p. 401-406 : « Vous saurez donc que j’ai terminé tous mes chants par une description de la nuit et que je les ai commencés par une description de l’aurore, ce qui, d’après moi, a plu à la plupart de ceux qui l’ont entendu. À présent, Messire Vincenzo estime, et peut-être non sans raison, que cette chose peut susciter une sensation de satiété et d’ennui chez les lecteurs. Personnellement, je pense que c’est le contraire et je trouve nombre de personnes autour de moi qui partagent mon opinion […]. Il me semble qu’on ne peut terminer le chant ni avec plus d’élégance, ni avec plus de grâce et de plaisir des auditeurs que de cette manière. Mais parce qu’à ce sujet comme pour bien d’autres choses, je puis me tromper, je veux que votre opinion et la sienne me montrent où est le vrai ».
- Amadigi, Ai lettori : « L’Amadis de l’excellentissime seigneur Bernardo Tasso, que vous désiriez et attendiez depuis si longtemps ».
- Lettere, II, LXXIX, p. 245-253 : « Pour l’utilité de tous ».
- On trouve également deux lettres relatives à l’Amadis dans Lett. Camp. Les lettres répertoriées dans Comino, sont, à quelques numéros près, les mêmes que l’on retrouve dans l’édition d’Adriana Chemello.
- Quel que soit leur intérêt, parfois grand, les autres communications épistolaires ne peuvent être analysées dans le détail en raison de l’ampleur de la tâche.
- Lettere, I, LXXXII, p. 148-152.
- Lett. Com. 3, 50, p. 155-156.
- Lett. Com. 3, 49, p. 154-155 : « Je ne sais trop s’il est prudent de la part du poète d’imaginer que celui qui est mortellement blessé raconte tout le chemin qu’il avait parcouru avec ses compagnons et qu’il le décrive de façon détaillée, parce qu’il me semble incongru d’introduire dans le récit un personnage qui, sur le point de mourir, ait la force de décrire tout ce pays ».
- Lett. Com. 3, 51, p. 157-158 : « Fingo che questa fosse e che a quel tempo si chiamasse Isola ferma ed in cambio di Lubaina […] pongo una città vicina a quella parte ; il che è almanco finto con ragione ».
- La publication de la correspondance de Speroni (Opere di M. Sperone Speroni degli Alvarotti, tratte da Mss originali, tomo quinto. In Venezia, MDCCXL, appresso Domenico Occhi, Con Licenza de’ Superiori e Privilegio) laisse aussi apparaître des échanges fournis entre les deux hommes.
- N’obtenant pas de réponse à sa lettre de septembre 1557, au mois de novembre, Bernardo dut relancer son ami en lui reprochant sa négligence en un moment où il avait particulièrement besoin de ses conseils. En décembre, s’il attend toujours son avis, il a du moins la satisfaction de constater que celui-ci a rencontré Vincenzo Laureo. En janvier 1558, il présente ses excuses et cherche à rentrer en grâce. Voir Lett. Com. 3, 34 et 35, p. 129-131.
- Lett. Com. 3, p. 159-162 : « J’aurais vraiment à cœur que mon jugement soit jugé et réformé […] ; mais à condition qu’il soit jugé plutôt par la raison que par des exemples ; ou pour le moins pas avec l’exemple de l’Arioste, dont le poème peut être assimilé à une femme qui n’a pas grand-chose de beau en elle, mais qui a un je ne sais quoi qui fait qu’elle plaît aux gens. Et peut-être qu’en lui, ce je ne sais quoi […] n’est pas de lui, mais de quelqu’un d’autre, c’est-à-dire que l’invention et la disposition de cette œuvre, avec les noms des chevaliers, furent de celui qu’il ne daigne pas nommer ou, pour mieux dire, qu’il n’ose pas nommer ; craignant s’il le nomme de faire en sorte que le public s’aperçoive qu’il était au Boiardo ce que Martano fut à Griffone. Et ceux qui ne le croient pas peuvent le ressentir dans son malheureux cri de cinq chants, ou de six, qu’il émit difficilement et dont la musique s’éteignit misérablement parce qu’il ne trouva pas en autrui, mais uniquement en lui, ce peu de souffle et médiocre que l’on y sent passer. Il fut plutôt oie que cygne ».
- Lett. Com. 3, 46, p. 149-151 : « Ho avviso da Ferrara che il signor Pio degli Obici ha portato doi fogli stampati del mio Amadigi e che, essendo stato letto in casa del vescovo d’Adria, fu commendato assai, e spezialmente da M. Lorenzo Gambara, al quale fu risposto dal signor Pio; Voi sete di contrario parere di M. Sperone, il qual m’ha detto che questo poema non val nulla; ed essendogli replicato che non deveva aver bene inteso Vostra Signoria, e che difficilmente si poteva ch’avendola io già tanti anni osservata e riverita, avesse detto queste parole, ancorché il poema fosse stato tale; esso signor Pio replicò che così era come egli avea detto prima ».
- Lettere, II, LXXV, p. 226-229 : « Quelques doutes qui me chagrinent dans la publication de cette œuvre, afin que l’éclatant soleil de votre pensée dissipe toute brume d’incertitude qui puisse troubler mon âme ».
- Stefano Jossa, La fondazione di un genere…, p. 34.
- Lettere, II, LXXVI, p. 229-241. Giraldi affirme que l’Arioste a eu tort de donner le seul nom de Roland à son œuvre alors qu’elle narrait les aventures de plusieurs personnages : « Le dico che ad opera di tante azioni di diversi cavalieri, non fu convenevole dar nome da un solo cavaliero, ne meno gliele conviene dargliele di quello nel quale non devea finire l’opera sua ».
- Lettere, II, LXXVI, p. 229-241 : « Je considère que comme ceux qui traitent d’une seule action ont donné un seul nom à leur œuvre à partir du héros dont ils ont entrepris de raconter la geste, comme l’Odyssée à partir d’Ulysse, l’Énéide à partir d’Enée, ou encore à partir de la matière de l’action, comme l’Iliade à propos du sort d’Ilion […], que, de même, il convient que celui qui narre toutes les illustres actions d’un noble chevalier, sans se limiter à une action particulière, qui pourrait donner son nom à l’œuvre, doit donner comme titre à toute l’œuvre le nom du chevalier dont il décrit les glorieux faits d’arme et les illustres entreprises. Que Votre Seigneurie donne donc à son excellente composition le simple titre d’Amadis ».
- Dans les lignes précédentes Bernardo Tasso mentionnait Virgile, Homère, Lucain et Ovide.
- Lettere, II, p. 245-253 : « Il me semble que vos poèmes [classiques, grecs, latins] ne présentant aucune concordance avec le mien, ce dernier ne doit pas être inclus dans la loi que les anciens ont édictée pour leurs poèmes et qu’il est nécessaire que le titre corresponde au sujet et le sujet à la disposition de la matière et qu’entre les deux il y ait une concordance et une correspondance telles que l’un soit l’interprète et le commentateur de l’autre ».
- Gian Battista Giraldi Cinzio, Discorsi di M. Giovambattista Giraldi Cinthio nobile Ferrarese, e segretario dell’illustriss. Duca di Ferrara intorno al comporre de i Romanzi, delle Comedie, e delle Tragedie, e di altre maniere di Poesie Con la tavola delle cose piu notabili in tutti essi discorsi contenute. In Vinegia; appresso Gabriel Giolito de Ferrari et fratelli, 1554.
- Donatella Rasi, « Breve ricognizione… », p. 11 : « véritable discussion sur la nature et les finalités du roman chevaleresque ».
- Comme il ne recevait pas de réponse à son courrier du 8 août 1556, Bernardo fit porter une nouvelle lettre à son ami. Elle est explicitement datée du 5 décembre 1557, mais Adriana Chemello la répertorie sous la date du 5 décembre 1556. Il est effectivement vraisemblable qu’il s’agisse d’une erreur, car d’une part les événements relatés par Bernardo sont ceux de l’année 1556 (le début de la guerre entre Paul IV et les Espagnols, sa fuite de Rome, son passage par Ravenne et l’invitation du duc d’Urbin auprès de qui il se réfugie), et de l’autre un délai d’environ dix-huit mois entre deux quêtes de conseils est difficilement imaginable. Notre auteur y réitérait ses questions en précisant qu’il approchait du but et qu’il envisageait d’écrire un roman sur les douze travaux d’Hercule mais que, par égard pour son ami, il souhaitait d’abord le consulter, même si l’idée lui en était venue bien avant que Giraldi ne commençât à rédiger sa version du mythe. Une simple lettre de courtoisie, sans doute postérieure au 5 décembre 1556, dans laquelle le poète se limitait à présenter et recommander un certain « capitano Pietro » à son interlocuteur, lui donna l’occasion de renouveler sa demande. Datée du 13 septembre 1556, la réponse lui parvint, en toute logique, après sa relance, donc sans doute entre la fin de l’année 1556 et le printemps 1557 et proposait I Romanzi di M. Bernardo Tasso. L’hypothèse de cette datation est confirmée par la lettre du 22 avril 1557, dans laquelle Bernardo affirmait n’avoir reçu que quinze jours plus tôt, donc vers le début du mois d’avril, le courrier de son ami. Il lui faisait savoir que, conseillé par d’autres relations, il avait opté pour le titre l’Amadigi del S. Tasso. Il disait aussi avoir lu rapidement le début du roman chevaleresque du Ferrarais, en tissait les éloges et terminait en rappelant qu’il avait pratiquement terminé son propre roman. Le 25 mai, il présentait ses excuses pour le retard avec lequel il prenait à son tour la plume et assurait Giraldi qu’il attendait avec impatience de pouvoir lire son poème héroïque. Le 21 août, il protestait de son amitié et lui certifiait qu’il lui livrerait son opinion sur son ouvrage lors de son prochain voyage à Venise, ce qui laissait supposer qu’il avait reçu le manuscrit. C’est ce qui ressort également des affirmations de Giraldi, le 1er septembre 1557, qui exprimait à son tour son affection envers le secrétaire et lui ouvrait sa maison. Il y mentionnait également une : « lettera ch’ella mi avisava di avermi mandata molto lunga intorno al libro mio » qui ne lui serait pas parvenue. Le Tasse aurait alors vraisemblablement réceptionné le roman de son ami entre le 25 mai 1557 et le 1er septembre 1557. Un doute persiste cependant sur la chronologie de ces échanges, car, quelques lignes plus bas, Giraldi disait accepter ce que Bernardo lui avait exposé sur l’Hercule et l’en remerciait, il faut donc présumer qu’il avait finalement pu lire la lettre en question.
- Lettere, II, CII, p. 306-309 : « Io ho visto ciò ch’amorevolmente e con molto giudizio mi scrivete circa il titolo e perché (come vi ho scritto altre volte) io sono uomo che non credo tanto a le mie opinioni che non mi lasci poi persuadere da la ragione, se a lei il contrario pare, concorrendo nel primo vostro giudizio, quasi tutti gli amici con cui a l’intorno di questo titolo mi son consigliato, mi son risoluto, poste da canto le molte ragioni che al contrario fare mi movevano, di dargli quel titolo che prima voi mi scriveste; cio è l’Amadigi del Tasso ».
- Lettere, II, LXXV, p. 226-229 : « Mon poème étant différent du genre épique dans sa disposition et dans sa matière, il me semblerait raisonnable qu’il doive être différent dans son titre. Il convient que le titre corresponde au sujet […] et comme celui-ci propose plusieurs choses, qu’il promette lui aussi plusieurs choses ».
- Derrière laquelle se dissimule en fait la célébration du roi Philippe II d’Espagne. Cf. Maria Cristina Mastrototaro, Per l’orme impresse da Ariosto…, p. 111-114.
- Dans sa lettre du 9 septembre 1557, Lettere, II, XXIX, p. 167-174.
- La lettre est récupérée dans les inédits publiés par Campori : Lett. Camp., XXIX, p. 167-174.
- Lett. Camp., XXIX, p. 169 : « Les bons poètes doivent être utiles et plaisants […] et […] le prudent poète doit prendre en considération la qualité des temps dans lesquels il écrit et auxquels il lui faut s’adapter ».
- Lett. Camp., XXIX, p. 170 : « le peuple est meilleur juge du plaisir que ne le sont les érudits ».
- Lett. Camp., XXIX, p. 167-174 : « Il vostro poema, Sig. Giraldi mio, è tutto pieno di erudizione e di dottrina […]. Ma dubito che abbiate tanto atteso all’utile che non abbiate pensato alla delettazione, e voi molto meglio di me sapete che i buoni poeti devono giovare e dilettare […]. […] il poeta prudente deve considerare la qualità dei tempi ne’ quali scrive, e a quelli accomodarsi, non vedemo noi che a questo corrotto secolo nulla aggrada se non quello che diletta, e che la maggior parte degli uomini che ci vivono attendono alla delettazione più che all’utile […]? […] Mi pare medesimamente che abbiate usata maggior diligenza nelle cose che nelle figure dell’elocuzione, e che siate stato parco in dargli i colori e gli ornamenti che fanno vago e leggiadro il poema vostro, fuorché nelle comparazioni nelle quali per avventura sete stato troppo frequente […]. Vi sono di più molti versi che non hanno quel suono e quel numero ch’io vi saprei desiderare e sarebbe di bisogno […]. Vi si potrebbono ancora agevolmente levare alcuni errori della lingua che sono sparsi per l’opera ».
- Lettere II, CXX, p. 351-400. Elle date du 10 octobre 1558 et va de la page 351 à la page 400, mais ne comprend pas quarante-neuf pages comme on pourrait le croire, car il y a une erreur de pagination et le volume passe directement de la page 361 à la 370 sans que le texte soit coupé.
- Lettere II, CXX, p. 356 : « J’usai au mieux de mon esprit afin que toute mon œuvre fût composée dans un dessein d’utilité et d’honnêteté, car il me parut que ce devait être là l’intention du poète et non pas seulement le plaisir ».
- Ibid. p. 357 : « vie honnête et honorable ».
- Ibid., p. 357 : « Vidi che a fare che, con maggior efficacia, questo utile entrasse nell’animo a chi leggeva, vi poteva fare assai ampia strada il diletto, onde cercai che egli al giovamento fusse compagno […]. Avendo io adunque a stare […] sovra imprese faticose e spesse volte molto dure e spiacevoli, posi cura che l’istesso diletto, quanto alla materia conveniva, alleggerisse la fatica a chi leggesse ».
- Ibid., p. 370-371 : « Car si nous ne recherchions que ce en quoi le peuple se complaît […] nous serions tenus pour peu avisés. L’auteur doit considérer ce qui peut mériter quelque éloge auprès de meilleurs juges et non pas ce qui plaît au peuple. […] Et c’est pour cela que je veux croire que Votre Seigneurie, avertie comme elle l’est et qui a passé tant de temps et a affronté un si grand labeur comme celui que je pense qu’elle a affronté pour son noble poème, ne voudra pas élire comme juge d’une composition aussi magnifique le peuple auquel, comme nous l’avons dit, appartiennent toutes les bassesses et toutes les imperfections et qui n’a pas de discernement si ce n’est dans les choses qui lui ressemblent et qui relèvent de son domaine ».
- « plaisir ».
- « charme ».
- « divertissement ».
- « amusement ».
- « ennui ou lassitude ».
- Lettere II, CXX, p. 376 : « Et il n’y a pas que de cette façon-là que j’ai essayé de me conformer à l’usage de notre temps ».
- Ibid., p. 384 : « Et comme il est moins incorrect de tomber amoureux aussi éperdument, au point que souvent l’amant est poussé à quelque inconvenance, en son jeune âge qu’à l’âge mûr, et bien que Virgile ait imaginé Énée amoureux de Didon et qu’il ait provoqué la mort de celle-ci en raison de la perte de son honneur, néanmoins, j’ai fait en sorte qu’Hercule tombât amoureux en son jeune âge et j’ai voulu que cet amour fût le premier afin que son erreur fût plus excusable, car venant d’un homme peu expérimenté en de pareilles affaires. Qui plus est, pour atténuer l’inconvenance, j’ai introduit Junon, qui fait que le Sommeil, sous l’apparence de Jupiter, auquel Hercule devait, comme au plus grand dieu des païens et comme à son père, croire en toutes choses, le persuade de céder à cet amour ».
- Lettere II, CXX, p. 380 : « approprié à la matière ». Les mêmes déclarations reviennent à plusieurs reprises dans son texte : « adattando lo stile alle materie », p. 380 : « che il verso con la miglior forma di dire, che da me si potesse usare, convenisse con la materia », p. 385.
- Ibid., p. 388 : « J’ai utilisé des translations, en particulier dans les exagérations, en faisant du mieux que j’ai pu pour qu’elles ne semblent ni obscures, ni âpres, ni éloignées du sens, ni trop recherchées, ni tortueusement menées, et je me suis même servi […] de l’hyperbole, de l’image, de la similitude, de l’ironie, des oppositions, de la figure qui exprime la partie pour l’ensemble, des exemples, de l’inversion, de la répétition, très adaptée à cette langue pourvu qu’elle ne provienne pas d’une pauvreté d’élocution, et d’autres figures du même genre ».
- Lettere II, CXX, p. 388 : « Le comparazioni ho io usate assai spesso per parermi ch’elle non meno convengano alla epopeia che le traslazioni, over metafore, alla tragedia ».
- Ibid., p. 388 : « Mais néanmoins, en les utilisant [les comparaisons] j’ai eu soin de ne pas excéder le nombre de celles, je ne dis point d’Homère ou de Quintus de Smyrne, mais de Virgile […] qui, dans toute son Énéide a plus ou moins développé des comparaisons selon ce qui lui a semblé convenir à la matière qu’il traitait de livre en livre ».
- Donatella Rasi, « Breve ricognizione… », p. 5-24.
- Donatella Rasi, « Breve ricognizione… », p. 7 : « Ce qui compte en somme c’est que le poème plaise et soit lu, qu’il ait une diffusion, un public, un marché ».
- Donatella Rasi, « Breve ricognizione… », p. 21 : « Ciò che preme al Giraldi […] è […] definire più compiutamente il problema della finalità e della funzione dell’arte in direzione di una preminenza assoluta del docere ed all’interno di una concezione della cultura come fattiva partecipazione alla realtà del proprio tempo ».
- Donatella Rasi, « Breve ricognizione… », p. 24 : « Une conception différente de l’art et de sa finalité, avec une prédilection pour l’hédonisme chez l’un et un sévère investissement didactique chez Giraldi et plus encore donc, une façon différente de concevoir le rôle, les devoirs, la figure de l’homme de lettres et ses rapports avec tout son contexte social ».
- Lett. Camp., XXIX, p. 169 : « les bons poètes doivent être utiles et plaire ».
- Lett. Camp., XXIX, p. 170 : « pour prendre part à l’erreur de notre temps, j’ai mis plus de soin à plaire qu’à être utile ».
- Voir le chapitre sur les lettres moralisatrices.
- Donatella Rasi, « Breve ricognizione… », p. 13 : « une simple question de goût et d’attente du public ».
- Lettere, I, CXCIX, p. 352-359.
- De fait, si l’on exclut les écrits de nature purement informative, une bonne partie des autres sont parcourus de conseils et de suggestions. C’est pratiquement une constante de son écriture.
- Voir le chapitre sur les lettres moralisatrices en général et celui sur les lettres historiques en particulier, où sous couvert d’allégories, la lettre XX, destinée au comte Rangone lors des manœuvres militaires consécutives à la bataille de Pavie, contient essentiellement des exhortations à la prudence : « Sappiate che la Prudenza dalla Malizia è molto lontana e differente; perché quella con integrità e con giudizio il bene sceglie dal male e ciò che è da fuggire e ciò che abbiamo da desiderare ci insegna diligentemente, questa se tutte le cose che brutte e disoneste sono, male sono, sempre di preporre il male al bene si piglia vaghezza. E abbiate cura che questa scelerata Malizia per ingannar gli animi nostri moltissime volte il volto di maniera si compone e sì ne l’abito, ne’ sembianti e nelle parole la prudenza procura d’imitare, che ne’ suoi disegni e ne’ suoi desideri ci fa disavedutamente traboccare ». Pour d’autres exemples, voir Lettere, I, XXX, p. 70 et Lettere, I, XXXI, p. 71.
- Lettere, I, CXCIX, p. 352-359.
- Lettere, II, LXVII, p. 186-195 : « Parce que vous devez savoir que dans les âmes enfantines et imparfaites des jeunes gens naît tout d’abord le désir des plaisirs et des voluptés avant la règle et les normes de la raison. […] Efforcez-vous de conserver votre ascendant sur lui et dans son âme juvénile l’obéissance et soyez une mère sévère plutôt qu’indulgente, parce que de la sévérité naissent la crainte, l’obéissance et le respect ; tandis que de l’indulgence proviennent la licence, l’impudence et l’arrogance, fiers et capitaux ennemis de toutes les bonnes œuvres ».
- Lettere, I, XCIX, Al S. Don Luigi d’Avila, p. 176-179.
- Cette lettre est numérotée ainsi : p. 154, 159, 156, 158.
- Cette lettre ne comprend que la p. 158. Il manque la page 159 et son contenu qui figure aux pages 156-157 de Lett. Com. 2.
- Il manque la première page de cette lettre. On la trouve dans Lett. Com. 2 à la p. 157.
- La pagination est numérotée ainsi : p. 587-590-591-588.
- La pagination est numérotée ainsi : p. 588-593-594.
- Lettere, II, XVI, p. 55-57.
- Lettere, II, XVI, p. 55-57 : « Je m’efforce avec la plus grande diligence de mener à bien ce labeur que j’ai commencé depuis si longtemps et il est impossible qu’il réponde à l’attente qu’en a le public puisque je l’ai tellement fait désirer ».
- Lettere, II, CLXXII, p. 540-547 : « Or, venendo a la parte del mio poema, il quale per aventura non avrà maggior nemico che la grande aspettazione e desiderio che n’ha il mondo ».
- Amadigi, p. 1 : « Voilà, sages et bienveillants lecteurs, l’Amadis de l’Excellentissime seigneur Bernardo Tasso que vous avez tant désiré et attendu, qui venant finalement au jour, parvient entre vos mains ».
- Francesco Foffano, « L’Amadigi di Gaula… », p. 266.
- Cf. Lettere, I, LXXXII, A Sperone Speroni, p. 148-152 ; et Lettere, II, CLIV, A M. Benedetto Varchi, p. 498-504.
- Lettere, I, LXXVII, p. 135-136, Al cavalier Tasso.
- Cf. Edward Williamson, Bernardo Tasso, p. 29. Solerti (Angelo Solerti, Vita di Torquato Tasso, Torino-Roma, Loescher, 1895, vol. I, p. 5) diffère à l’année 1543 l’installation de Bernardo Tasso à Sorrente, et Seghezzi (Lett. Com. 1, I-LXIV) ne se prononce pas.
- Lettere, I, LXXXII, p. 148-153 : « Or, sans prolonger cet exorde, je vous dis que, abandonnant mes longues et presque continuelles pérégrinations, qui tel un courrier, me faisaient parcourir parfois une partie du monde, parfois une autre, j’ai élu Sorrente pour domicile ».
- Lett. Com. 2, p. 144-145 : « Je marche à grands pas vers la fin de mon poème et j’en suis arrivé à un point qu’avec un autre effort encore, j’atteindrai mon but ».
- Lettere, II, CLIV, p. 498-504 : « Mi partì da Roma e mia ventura, per esser la peste in Venezia dove aveva deliberato d’andare, mi condusse in Pesaro ».
- Lettere, II, LXXIX, p. 245-253 : « Pour avoir été contraint par la volonté des seigneurs que j’ai dû servir, de passer la plus grande et la meilleure partie de mon âge dans les affaires du monde, si bien qu’il n’y a pas eu de guerre depuis trente-deux ans, où je ne me sois pas trouvé en service et avec mes maîtres, les princes ».
- Amadigi, p. IV : « On peut dire que le seigneur Tasse a composé la plus grande partie de l’Amadis à cheval, dans le grondement des armes et dans les désagréments des différents négoces que lui ont procuré les temps, le hasard et les occasions ».
- Les mêmes propos, avec fort peu de variantes, reviennent dans la lettre que Bernardo envoyait à Bernardino Pino le 1er mars 1558. Cf. Lettere, II, CXLIV, p. 470-474 : « Io potrei iscusare questo mio errore con dire (come ognuno sa) ch’io sia da trent’anni in qua versato nelle azioni del mondo, contrastando con la malignità della mia fortuna, la quale m’ha sottoposto ai disagi e ai perigli quasi di tutte le guerre fatte dall’Imperadore; con dire di non aver mai potuto un anno intiero darvi opera; ch’io ho avuto come ho, l’animo in questo esilio mio oppresso dal gran peso delle mie sciagure ».
- Lettere, I, LXXXVII, p. 160-161.
- « La malignité de mon destin », « mon pauvre destin », « mon infortuné destin », « adversité ». Cf. Lettere, II, LXXV, p. 226-229 ; LXXVII, p. 241-243 ; CXLI, p. 456-461 ; CXLIV, p. 470-474.
- Comme lors de son ambassade auprès de la cour française, lorsqu’il se retira à Saint Germain puis à Poissy.
- Lettere, II, XCV, p. 285-290 : « Ma ancor ch’io sia tanto vicino a l’ultimo termine di questa fatica, che quasi lo tocco con mano, non potrò darlo alla stampa per alcuni mesi, volendo prima rivederlo da me […] dappoi rivederlo con l’Eccellentissimo M. Sperone e con altri amici miei fra quali uno sarete voi ».
- Lettere, II, CXXI, p. 401-406 : « J’ai mis la dernière main (avec la grâce de Dieu) à mon poème après tant de tourments de l’esprit et du corps et […] j’ai décidé de le revoir d’abord par moi-même pour l’envoyer avec le moins possible de taches et de ratures, que je le puis, à votre jugement ».
- Lettere, II, CXXVII, p. 419-421 : « pour ce qui relève de l’élocution et de la langue ».
- Lettere, II, LXXXI, p. 255-258.
- Lettere, II, CLXXVI, p. 574-579 : « mis un point final à mon poème sur Amadis ».
- Lett. Com. 3, 45, p. 148-149 : « Ho fatto l’instrumento col Giolito, ed al più tardo*, con la grazia di Dio, daremo principio alla stampa ».
- Lettere, II, CXCVII, p. 633-636 : « Resta solo ch’ella [Tolomeo Gallio,] procuri che il motu proprio sia espedito ».
- Lettere, II, CII, p. 306-309 : « Aujourd’hui, cela fait quinze jours que j’ai reçu les lettres de Votre Seigneurie du quatorze septembre en réponse aux miennes du huit août ». La réponse de son ami, datée du 13 septembre 1556, ne lui fut remise que dans le courant du mois d’avril 1557.
- Lettere, II, LXXV, p. 226-229 : « La malignità de la fortuna mia […] m’ha fatto tanto tardare a dar risposta a le lettere di Vostra Signoria » ; LXXIX, p. 245-253 : « Rendo infinite grazie […] de le sue lettere di tredici del passato » ; XCIX, p. 296-298 : « Io aveva deliberato di soprastare a rispondere a la ultima vostra del III d’Aprile, sin dopo Pasqua » ; CXXVIII, p. 422-423 : « Questa mattina [24 novembre 1557] mi sono state date le sue de li sedeci del presente, però la tardità de la risposta non sarà colpa mia » ; CXXXII, p. 430-434 : « Carissime oltre modo mi sono state le ultime lettere di Vostra Signoria de li XX di novembre » ; CXXXIX, p. 448-450 : « Le lettere di Vostra Signoria de li dodici di Genaro [1558] m’hanno grandissima consolazione seco portato » ; CXLVI, p. 478-479 : « Questa sarà, gentilissimo Messer Pietro mio, la risposta de le vostre di tre febraro » ; CXLVIII, p. 481-484 : « Il giovedì santo ebbi la lettera di Vostra Signoria mandatami dal signor Giovanni Battista Cusano insieme col mio quartiero integro », et ainsi de suite dans toute la fin du recueil. La même précision se retrouve d’ailleurs dans certaines des réponses de Giraldi, (Lettere, II, LXXVI, p. 229-241 ; CXX, p. 351-400 ; CXXXIV, p. 437-442 ; CLXXXVIII, p. 609-611) et dans d’autres écrits (Lettere, II, XXIV, p. 78-83).
- Lettere, II, LXXXI, p. 255-258 : « Mon départ de Rome, qui fut causé par les dangers de la guerre, au moment où j’attendais la réponse des dernières lettres que j’avais écrites à Votre Seigneurie, me laisse croire que les vôtres n’ont pas su me trouver, à mon très grand déplaisir, car j’attendais votre sage et prudente opinion pour me déterminer quant au titre de mon œuvre ». Voir aussi Lettere, II, CXVI, p. 339-341.
- Lettere, II, CXIV, p. 334-335 : « Je ne sais, mon très docte Messire Girolamo, si les nombreuses occupations de vos très nobles travaux ou bien le peu de mémoire que vous avez de l’affection que je vous porte sont la raison pour laquelle vous n’avez pas répondu à mes deux dernières lettres ».
- Notamment dans Lettere, II, CXXI, p. 401-406, où le Bergamasque recourt à la même formulation que dans la CLXIII : « Ho lasciato di scrivervi, mosso anche dal rispetto di non darvi fatica di rispondermi, il che so per per esperienza che voi fate malvolontieri ».
- Lettere, I, CLXIII, p. 298-299 : « J’avais décidé de ne plus vous écrire ou pour ne pas vous donner la peine de me répondre, ou pour ne pas, de mon côté, avoir le désagrément de vous accuser de négligence […]. Voilà deux ans que je n’ai pas eu de lettres de vous, alors que vous en avez eu beaucoup de ma part ». Cette citation se révèle particulièrement intéressante parce que, jointe à sa demande (« scrivermi il vostro giudizio intorno l’opera che ho cominciata »), elle permet d’avancer une hypothèse quant à la datation des deux textes. De fait, si deux ans environ se sont écoulés entre le moment où le Tasse a envoyé sa première lettre concernant son Amadis à Speroni et celui où il rédige ces lignes, en sachant que la lettre part d’Anvers et précise que « Fra quattro o sei dì io monterò in posta, con la grazia di Dio, per tornarmene a casa », il en résulte que cet écrit remonte à la période comprise entre mai et décembre 1544 et que le précédent doit être donc situé probablement dans la deuxième moitié de l’année 1542, peut-être plutôt vers la fin de l’année, compte tenu du travail de préparation du roman qui y est décrit.
- Lett. Com. 3, 38, p. 135-136 : « Je vous envoie par mon fils, qui vient à la fête du saint patron de la ville, les premiers feuillets du poème et les sept feuillets de la fin. Je vous enverrai le reste de l’œuvre dans quatre ou cinq jours ». Une semaine plus tard, la lettre suivante (Lett. Com. 3, 39, p. 137) spécifie que le reste de l’œuvre aussi est transmis par l’intermédiaire de Torquato.
- Lettere, II, CXLII, p. 461-466 : « Io son certo che Vostra Signoria avrà avute le lettere mie in risposta de le sue, perché furono raccomandate a l’Agathone ».
- Lettere, II, XXI, p. 68-69 ; CLXXII, p. 540-547.
- Lett. Com. 2, 50, p. 144-145 : « Ma longue et fastidieuse indisposition ». Cf. aussi Lett. Com. 2, 52, p. 145-147.
- Lettere, II, IX, p. 34-35 : « Je suis venu ici, à Bergame, si mal en point, que j’ai eu trois accès de fièvre quarte. Aujourd’hui, c’est le quatrième, si cela se reproduit, il faudra que je prenne mon mal en patience ». Le mois suivant, en septembre 1552, dans une lettre à Giovanni Angelo Papio (Lettere, II, X, p. 36-37), il revient sur le sujet en écrivant : « Un umor melancolico cagionato da le molte e sì giuste cause che io ho di pigliarmi melancolia, mi pose adosso una quartana, egritudine (come voi sapete) in ogni età di molto fastidio, in vecchiezza di molto fastidio e molto pericolo insieme ».
- Lettere, II, CXXVI, p. 417-419 : « Depuis que j’ai reçu les lettres de Votre Seigneurie, j’ai été si affligé par un très intense mal de dents, que je n’ai pu payer ma dette [de « répondre aux lettres »] envers vous, ni rien faire d’autre qui vaille ». Bernardo continue en précisant : « Signor mio, con grandissima fatica ho tessuto quest’ultimo canto del mio poema ».
- Lettere, II, LIV, p. 149-150 : « Je veux que vous sachiez que j’ai été malade et alité pendant cinq mois ».
- Lettere, II, XXXVI, p. 104-107 : « Cela provoqua en moi une fièvre, qui m’affecte encore et dont j’ignore quand elle se terminera ».
- Lettere, II, CIX, p. 322-324 : « En toute chose où la fortune pense pouvoir m’offenser, elle se montre mon ennemie. Deux heures avant que Votre Seigneurie m’envoie dire, avec trop de courtoisie, qu’elle viendrait me voir […], je m’étais mis au lit avec une grande fièvre, qui évoluant ensuite en accès fébriles me fit croire que la fortune m’envoyait cette épreuve afin que je ne pusse baiser la main de Votre Seigneurie et lui dire mon besoin ».
- Lettere, II, CXII, p. 329-330, (1557) ; CXXVI, p. 417-419 (nov. 1557). Voir aussi Lettere, II, XLIX, p. 137-140 (1554), dans laquelle il déplore un « flusso di rene » qui l’empêche de se déplacer ; Lettere, II, CIX, p. 322-324 (1557), où il se plaint d’« una gran febbre » ; Lettere, II, CXXVI, p. 417-419 (nov. 1557), où il fait allusion à « uno intensissimo dolor di denti » et Lettere, II, CXII, p. 329-330 (1557) : « Io sperai di duo giorni […] di poter venire [a salutare Vincenzo Laureo]; ma mi s’ammalò il servitore che poteva venire con esso meco, e di mano in mano tutti gli altri e non solo i miei servitori, ma quanti frati sono in questo convento, e oggi che aveva deliberato di venire, è caduto nel medesimo male Torquato mio, il quale ancor che sia certo che debba esser infirmità cattarrale di quattro o cinque giorni, com’è stata quella di tutti gli altri e non pur di questo monasterio ma di tutta la città, nulladimeno non ho ardir di partirmi ».
- Lettere, II, CLV, p. 504-505 : « ou par le Vicaire de Rome, ou par le maître du Saint Palais apostolique ».
- Cette lettre nous éclaire sur le fonctionnement de la censure ecclésiastique et sous-entend que le secrétaire, parfaitement conscient du pouvoir de ladite censure, pouvait difficilement en ces mêmes années publier des écrits à teneur évangéliste qui auraient attiré sur lui l’attention des autorités religieuses en un moment où il tentait désespérément d’obtenir l’annulation de la condamnation dont il avait fait l’objet à Naples, notamment en dédiant son Amadis au très catholique Philippe II d’Espagne.
- Lettere, II, CLV, p. 505 : « Ne pouvant pas, pour bien des motifs légitimes, venir à Rome et ne voulant pas envoyer mon œuvre sans me trouver présent sur place, je vous supplie humblement d’accepter de me faire obtenir au moins un bref de Sa Béatitude, dans lequel elle ordonne à l’évêque Costazzaro ici ou à n’importe quel autre prélat dans les domaines de cet Illustrissime duc ou encore à l’évêque de Famagouste ou à un autre prélat à Venise, où j’irai pour l’imprimer, de bien vouloir lire mon œuvre. Comme elle ne comporte pas la moindre chose pouvant porter préjudice à la religion, ni aux bonnes mœurs, et qu’elle n’est pas inconvenante, qu’il en témoigne à Sa Sainteté et, après avoir reçu ce témoignage, Votre Excellence pourra […] me faire expédier le bref sans lequel je ne puis faire imprimer cette œuvre, dont j’espère qu’elle m’aidera grandement dans les calamités que j’endure ». Voir aussi Lettere, II, CXXXVIII, p. 446-448 : « mi potrebbe ottenere [il protonotario Brancaccio] una lettera o breve, per la quale Sua Santità commettesse questa cura al vescovo d’Urbino, altrimenti bisognerà ch’io lo lasci dormire di molto tempo, con mio grandissimo danno e dispiacer del mondo, che lo desidera sommamente ».
- Si on exclut une allusion à l’inclusion du volume de lettres en cours de préparation au motu proprio du pape, les recueils épistolaires ne portent pas trace de pareilles formalités.
- Lettere, II, CXCVII, p. 633-636 : « J’ai apporté mon poème au révérendissime légat du pape en même temps que l’attestation de l’inquisiteur et de trois gentilshommes qu’il ne contenait nulle chose contre la religion, contre les bonnes mœurs, ni contre aucun prince. Sans cela, ces seigneurs fort respectueux de la religion et des choses vertueuses et honnêtes ne donnent pas l’autorisation d’imprimer le moindre ouvrage. En dépit de tout cela, Sa Seigneurie révérendissime, pour obéir à ce qui lui a été ordonné par Sa Sainteté, l’a fait relire et son rapport arrivera avec ce courrier ».
- Lettere, II, CLIV, p. 502 : « E perché il signor duca d’Urbino questi mesi passati ottenne grazia da Sua Eccellenza [Cosimo de’ Medici], tutto che allora fosse in servizio del principe di Salerno, del privilegio de l’opera e ora sollecita che si espedisca, sarete contento di procurar, che chi avrà cura di farlo, lo faccia con quella maggior riputazione mia che si potrà ».
- Lettere, II, CLXXII, p. 540-547 : « Grandissimo piacer mi farà Vostra Signoria se si contenterà di procurar l’espedizione del mio privilegio e mandarlomi qui indrizzato al S. Pero ».
- Lettere, II, CLXXXVIII, p. 609-611 : « À présent, pour en revenir au privilège, je ne pourrai vous expliquer par écrit, combien volontiers, et avec quelle honorables considérations sur vous et sur votre grande vertu il [le duc] vous le concéda et combien il se montra désireux de voir et de lire votre noble poème ».
- Lettere, II, CLXXXIII, p. 597-600 : « J’aurais déjà lancé l’impression, si j’avais eu les privilèges et obtenu au moins la grâce de mon exil ».
- Comme d’autres, ce texte s’inscrit en fait dans une stratégie épistolaire bien précise. Voir le chapitre traitant du chantage auquel il se livre vis-à-vis de son ancien mécène.
- Lettere, II, CIX, p. 322-324 : « Sans laquelle je ne puis faire imprimer mon poème, qui est déjà terminé et très désiré par le public, et dont j’attends beaucoup en le faisant imprimer à mes frais ».
- Lettere, II, CXIV, p. 334-336 : « Je vous priai aussi qu’il vous agrée de m’indiquer la dépense que comporterait l’impression de mon œuvre qui sera plus ou moins de six mille stances et dont je voudrais tirer deux mille exemplaires, afin que je puisse pourvoir à l’argent ».
- Lettere, II, CXC, p. 613-617 : « Ce déluge d’eau a emporté toutes les feuilles et tout le papier de ces marchands de Garde auquel je l’avais fait faire exprès, de sorte que, si je ne veux pas porter tort à la beauté du poème en le faisant imprimer sur du papier ordinaire, il me faut retarder l’impression jusqu’en avril ».
- Lettere, II, CXCIV, p. 625-627 : « déjà cinquante chants sur les cent de mon Amadis sont imprimés ».
- Lett. Com. 3, 36, p. 132-134 : « Puisque la raison qui me poussait à l’imprimer, c’est-à-dire l’état de nécessité dans lequel m’a tenu ce très ingrat prince pendant un an et demi, n’existe présentement plus […] le poème dormira encore quelques jours ».