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Chapitre 4.
Les réseaux anciens accessibles
sur un petit périmètre

par

Mine des Atiels
(La Bastide-de-Sérou et Larbont)

Les vestiges miniers des Atiels sont situés au sud-ouest du hameau du même nom, en rive droite du Pézègues (fig. 119). Ils font partie d’un ensemble plus large comprenant un atelier de traitement du minerai de cuivre, au pied de la mine, et un atelier de réduction du fer, dans le hameau. Un habitat se situe très certainement plus haut sur le versant et les travaux miniers du Goutil sont également très proches, à 500 m à vol d’oiseau de la mine des Atiels, vers le nord-est.

Fig. 119. Travaux des Atiels (La-Bastide-de-Sérou et Larbont),
plan de localisation général et détail des travaux miniers. E. Meunier 2022

Cette mine fait partie de celles qui sont connues depuis le XVIIIe siècle. L’ampleur des travaux, attribués aux Romains, est considérable selon les sources, qui évoquent des travaux sur plus de 200 m de hauteur pour plusieurs kilomètres de réseau (Mettrier 1893, 317). Les reprises récentes de cette mine, qui datent du début du XXe siècle, ont en effet recoupé les travaux anciens. S’ils ne sont pas décrits précisément, on sait tout de même que le fond du réseau n’était toujours pas atteint à 90 m de profondeur (Anonyme 1907a). Il est donc certain qu’ils se sont enfoncés largement sous le niveau du ruisseau. La gestion de l’eau reste une inconnue, dans un contexte où la topographie ne permet pas de creuser de galerie d’exhaure* profonde.

En ce qui concerne la géologie, la partie accessible des travaux est encaissée dans un calcaire dolomitique du Dévonien moyen. La minéralisation, filonienne, se trouve dans une gangue* de quartz, de barytine ou de calcite selon les filons. De la chalcopyrite* et des cuivres gris y sont signalés en mouches (Dubois & Guilbaut 1982, 98). Les archives signalent également la présence d’argent dans de la chalcopyrite* nickélifère laissée par les Anciens dans les zones pauvres (Anonyme 1907a).

On peut atteindre la portion accessible du réseau ancien par le travers-banc* du début du XXe siècle, AT1. Les autres indices d’ouvrages miniers, AT2 à AT12, ne sont visibles qu’en surface ou ne correspondent qu’aux reprises modernes. Le cas des ateliers sera traité au chapitre 7 de cette partie 2. La présence de tessons d’amphores dans le lit du ruisseau est également à signaler et va dans le sens des affirmations des riverains qui attribuaient cette mine aux Romains dès le XVIIIe siècle. Les prospections de C. Dubois et J.­E. Guilbaut n’avaient cependant pas livré de mobilier à proximité des travaux (Dubois & Guilbaut 1982, 101). Cela s’explique d’une part par la densité de la végétation, mais aussi car le mobilier identifié lors des dernières campagnes de prospections a été libéré par un glissement de terrain causé par une crue relativement récente (une dizaine d’années selon les riverains). La prospection du versant n’a livré aucun vestige mobilier supplémentaire.

Les travaux sans accès au souterrain

Les indices de surface, cartographiés en 2014, sont répartis sur une zone de 110 m nord-sud et 50 m est-ouest, entre les cotes 450 et 490, à l’est de l’entrée du réseau principal AT1, plus haut sur le versant. Parmi les indices repérés, on relève deux tranchées (AT2, AT10), sept fosses (AT3, AT4, AT5, AT6, AT8, AT11, AT12) et deux entrées de souterrain rapidement comblées (AT7, AT9). Les deux tranchées ont uniquement en commun le fait d’être comblées et recolonisées par la végétation. La première, AT2, est une tranchée double dont le plan dessine un V à la pointe duquel on trouve une petite plate-forme (fig. 120, à gauche). Les deux branches de la tranchée ont un profil évasé et doux. Leur profondeur tourne autour de 0,8 m pour une largeur au fond de la tranchée de 0,7 m. La seconde tranchée, AT10, est beaucoup plus imposante (fig. 120, à droite). D’une largeur dépassant les 2 m, sa longueur est proche de 20 m. Orientée sud-est/nord-ouest, elle a un profil plutôt arrondi vers le nord-ouest et un peu plus quadrangulaire vers le sud-est. La végétation habituelle que l’on retrouve dans les bois du secteur, à savoir buis denses et autres feuillus, a ici bénéficié de l’action assidue des mousses et lichens pour parfaire le recouvrement des affleurements rocheux, ce qui ne facilite pas leur observation.

Fig. 120. Les tranchées AT2 (à gauche, vue vers l’est)
et AT10 (à droite, vue vers le sud-est). E. Meunier 2018

Parmi les fosses, trois d’entre elles (AT3, AT4, AT5) sont clairement quadrangulaires, avec des angles marqués légèrement arrondis. Elles sont proches les unes des autres, creusées au pied du même affleurement sur moins de 20 m de distance. La fosse AT5 (3 × 2 m) est la plus profonde (1 m max.), impression renforcée par le surplomb de l’affleurement, ici de plus de 3 m. Une ouverture dans l’angle nord de la fosse devait permettre de sortir le produit minier plus facilement (fig. 121, à gauche). Les fosses AT3 (fig. 121, à droite) et AT4 sont moins profondes (0,5 m max.). Vers l’est, elles sont également adossées à l’affleurement, mais les surplombs ainsi créés ne dépassent pas 2 m. Le caractère très angulaire de ces fosses ne correspond pas aux travaux anciens reconnus jusqu’alors dans le secteur.

Fig. 121. Fosses AT5 (à gauche, vue de dessus, vers le NO)
et AT3 (à droite, vue vers le nord). E. Meunier 2018

La fosse AT11, circulaire, et la fosse AT12, ovale, sont complètement envahies d’arbres morts recouverts de rideaux de mousse, ce qui empêche toute photographie utile et limite la vision que l’on peut en avoir. La fosse AT8, de petite taille (diamètre inférieur à 2 m), est située à 2 m au nord-ouest du départ de souterrain AT7. Il est cependant difficile de dire s’il existe une relation directe entre ces deux éléments, la descenderie AT7 s’enfonçant en direction opposée.

La fosse AT6 est la plus imposante : avec un diamètre à l’ouverture de près de 6 m et une profondeur de 4 m, elle dépasse largement les proportions de ses voisines. Les parois sont relativement abruptes et le diamètre au fond est proche des 2 m. Une ouverture est ménagée dans la partie supérieure de la fosse, donnant vers le nord-ouest. C. Dubois avait réalisé un sondage devant cette ouverture, à l’extérieur de la fosse, en 1991. Le sondage s’est malheureusement avéré stérile (Dubois & Métailié 1991, 46-47). Cette fosse a tout l’air de correspondre à une tête de puits comblée. Les parois rocheuses que l’on distingue à la base du cratère comportent quelques traces millimétriques de malachite. Le fait que cette fosse soit encore assez profonde, avec des contours bien marqués, et surtout son diamètre imposant nous incitent à y voir un ouvrage récent. Les arbres nombreux et sa morphologie empêchent malheureusement de prendre le recul nécessaire pour la photographier.

Enfin, les points AT7 et AT9 correspondent à des départs de travaux souterrains. AT7 est une descenderie d’une largeur de 0,8 à 1 m qui s’ouvre au fond d’une fosse circulaire (fig. 122, à gauche). On peut s’y avancer sur 5 m avant qu’elle ne soit totalement obstruée par des blocs stériles. On distingue juste à la surface des remblais, sur la paroi ouest, un petit ressaut qui pourrait marquer le départ d’une galerie, totalement comblée, au fond de la partie accessible. Il s’agit indubitablement d’une descenderie récente. Il en va de même pour la galerie AT9, ouvrage le plus haut sur le versant et le plus au sud. Elle est totalement obstruée et un bloc s’est détaché de la couronne*, très fissurée à l’entrée (fig. 122, à droite).

Fig. 122. Galeries récentes AT7 (à gauche, vue vers le sud) et AT9 (à droite, vue vers l’est). E. Meunier 2018

Le réseau souterrain AT1

Ce réseau correspond dans sa grande majorité aux travaux effectués au début du XXe siècle. Il est composé d’un travers-banc*, long de 83,6 m, de trois galeries modernes, GM1 à GM3 et d’une salle S1 (fig. 123, fig. 124, vidéo 3 et vidéo 4). Les travaux anciens sont recoupés à 70 m du jour. On les distingue parfaitement des creusements plus récents par la technique utilisée – l’outil d’un côté et l’explosif de l’autre – et par leur gabarit – 0,75 m de largeur moyenne contre 1,25 m. Ils sont toutefois assez mal conservés : l’élargissement des travaux au XXe siècle a entaillé les galeries plus anciennes, dont il ne reste parfois plus que des lambeaux de parois, et le remblaiement massif des ouvrages limite la zone accessible à un espace de 8,3 m nord-sud pour 5,4 m est-ouest.

Fig. 123. Plan du réseau AT1. E. Meunier 2022
Fig. 124. Coupes des secteurs modernes du réseau AT1. E. Meunier 2022

Nous ne nous étendrons pas sur la partie moderne de ce réseau, mais en relèverons les caractéristiques principales. Le travers-banc* est orienté N109º jusqu’au premier filon puis N88º jusqu’au front de taille* terminal. Son gabarit est régulier avec une hauteur de 1,65 à 2 m sur remblai et une largeur de 1,25 m. Des traverses en bois ou leurs empreintes témoignent de l’installation de rails pour faciliter l’évacuation des produits de la mine. La salle S1 correspond à un élargissement vers le sud suivant des petits filons peu développés. La galerie GM2 est une descenderie pour l’exploitation d’un premier filon à gangue* barytique, comblée à la cote -5. La galerie GM1 est un ouvrage d’assistance qui dessert un puits surplombant GM2. Un système de levage devait y être installé. Enfin, la galerie GM3 est une autre descenderie qui suit un deuxième filon à gangue* là encore barytique. L’exploitation se poursuivait à cet endroit par un chantier descendant incliné vers l’ouest, suivant le pendage du filon, aujourd’hui comblé à la cote -4,34. C’est ce chantier qui a suivi et élargi une partie des travaux anciens. Enfin, un puits dont le comblement est totalement calcifié est visible en couronne* du travers-banc* au niveau du départ de GM3 (fig. 124, coupe GM3).

La partie ancienne du réseau (fig. 125, fig. 126 et vidéo 4) est constituée de plusieurs galeries étagées (GA1 à GA6) destinées à l’exploitation de la structure filonienne recoupée par la galerie GM3. Ces travaux, actuellement accessibles entre les cotes +2,22 et -3,90, se poursuivent vers le haut et vers le bas, mais ils sont comblés. Les galeries GA3, GA4 et GA5 se trouvent dans l’allongement du filon principal. GA3 et GA4 ne sont plus décelables que par des lambeaux de parois recouverts de traces d’outil (fig. 127, a et b). GA5 n’est visible que dans sa partie haute, qui se trouve à environ 1,5 m sous la sole* actuelle du travers-banc*, encombrée ici de déblais. Des alvéoles creusées à l’outil dans la paroi orientale correspondent à des élargissements ponctuels pour exploiter des petits filonets (fig. 127, c). La galerie GA1 a suivi un petit filon secondaire sur deux niveaux, comme le montre le front de taille* conservé partiellement dans la partie haute (fig. 128, a). La galerie GA2 est quant à elle creusée dans le stérile et sert uniquement de jonction entre la galerie GA1 et la partie supérieure du chantier, à l’ouest. Enfin, la galerie GA6 est identifiée par un front de taille* suspendu conservé à la jonction entre le travers-banc* et GM3 (fig. 128, c). Les concrétions sur le parement masquent les traces d’outil, visibles uniquement près de la couronne*. Deux encoches peuvent avoir servi à maintenir un boisage en relation avec le puits qui s’ouvre en couronne*. Un autre puits se trouve dans la partie sud de GM3, au-dessus de GA3 (fig. 128, a). Le remblai est là aussi totalement calcifié et des encoches de boisage y ont été creusées (du bois en mauvais état s’y trouve encore). Ce puits est probablement antérieur à la reprise du XXe siècle, mais il ne semble pas non plus avoir fonctionné avec les galeries étagées.

Fig. 125. Plan de détail du secteur ancien du réseau AT1. E. Meunier 2022
Fig. 126. Coupes du secteur ancien du réseau AT1. E. Meunier 2022
Fig. 127. Vues des galeries GA3, GA4 et GA5 du réseau AT1. E. Meunier 2022
Fig. 128. Vues des galeries GA1, GA2 et GA6 du réseau AT1. E. E. Meunier 2022

Malgré la faible étendue de réseau ancien conservé, quelques conclusions peuvent en être tirées. La première chose que l’on remarque est l’utilisation exclusive de l’ouverture à l’outil. Les galeries suffisamment bien conservées montrent que le module de base est quadrangulaire aux angles arrondis, avec un élargissement central. On le voit avec le front de taille* en haut de GA1 (fig. 128, a), avec le profil complet de GA2 (fig. 126) et au niveau du front de taille* de GA6 (fig. 128, c). La partie haute de GA5 correspond à ce schéma, bien que le pendage du filon ait conduit à creuser suivant la même inclinaison (fig. 127, c). La galerie GA2, creusée dans le stérile, a une hauteur de 1,5 m pour 0,74 m de largeur maximale. On peut supposer qu’il s’agit là du gabarit minimal des ouvrages de cette phase d’activité. L’effort consenti pour le percement de cette galerie d’assistance permet d’y circuler debout en se baissant un peu. Il serait difficile d’avoir à y croiser quelqu’un, mais sa longueur réduite, 1,51 m entre le front de taille* à l’est et le chantier comblé à l’ouest, permettait sans doute de limiter ce dernier inconvénient. La taille de l’ouverture entre GA1 et GA2, avec une largeur de 0,57 m et 0,95 m de hauteur maximale, peut indiquer qu’il ne s’agissait pas d’un passage emprunté en permanence (fig. 126, axe PP’).

L’état de conservation de ce secteur ne permet pas d’apporter beaucoup de précisions sur la façon dont a été organisée l’exploitation ancienne. On signalera en complément que les archives mentionnent des piliers suspendus dans les vieux travaux recoupés au début du XXe siècle (Anonyme 1907a). Ce mode de soutènement est utilisé couramment dans les mines du district et permettait également de faciliter la progression verticale. Au moins deux phases d’activité sont identifiables dans ce réseau : la plus ancienne regroupe les galeries creusées à l’outil et la plus récente celle des recherches du début du XXe siècle, avec l’utilisation de l’explosif. Les sources historiques signalent également une phase d’activité au cours du XVIIIe siècle (Dietrich 1786, 113-114). Le puits au remblai calcifié qui semble recouper les galeries à l’outil pourrait correspondre à cette phase intermédiaire. On peut supposer qu’à plus d’un siècle de distance, les concrétions aient paru assez solides aux mineurs du début du XXe siècle pour y caler des boisages, qui, d’après leur emplacement, servaient peut-être à protéger le chantier qui démarre dans la galerie GM3 d’éboulements venant du réseau ancien non repris. Ceci restera pour le moment une simple hypothèse. Le sondage réalisé dans les galeries GA1 et GA2 permet tout de même de préciser la chronologie de la phase de travaux à l’outil.

Sondage et chronologie des travaux

Le sondage a été implanté dans les galeries GA1 et GA2 (fig. 125). L’extrémité orientale de la galerie GA2 a été vidée (fig. 128, b et fig. 126, axe NN’) et une coupe longitudinale a été effectuée dans GA1 (fig. 126, axe MM’ et photo). Le profil complet de GA1 a pu être dégagé sur sa moitié nord, ce qui permet de conclure que cette galerie atteignait 2,55 m de hauteur. La sole* de la galerie GA2 est plus basse de 30 cm que la base de l’ouverture entre les deux galeries, ce qui forme un ressaut étroit peu pratique à franchir (cote +0,74 contre +1,03) et renforce l’idée que ce passage ne servait que ponctuellement à la circulation des mineurs.

Les deux coupes ne sont pas directement connectées (fig. 126), mais la fouille a permis de constater que le niveau supérieur du comblement de chaque galerie correspond au même remblai massif. La numérotation des US est donc continue entre les deux galeries (tabl. 17 et fig. 129).

Nº USLocalisationType d’USInterprétationPour datation
US 01GA1 et GA2RemblaiStockage
de stérile
1 tesson
d’amphore
US 02GA2Résidus d’abattage
à l’outil
Activité locale
US 03GA1Poche de charbonsActivité locale
US 04GA1Niveau de circulationActivité localeCharbons
US 05GA1Résidus d’abattage
à l’outil
Activité locale
US 06GA1SédimentationAbandon
US 08GA1Résidus d’abattage
à l’outil
Activité locale
Tabl. 17. US du sondage effectué dans le réseau AT1.
Fig. 129. Diagramme stratigraphique
phasé du sondage effectué dans le réseau AT1.
E. Meunier 2022

Le phasage est défini en fonction de la stratigraphie observée dans la galerie GA1, plus développée. Dans la galerie GA2, on n’observe que les résidus d’une étape de creusement à l’outil (US 2, composée par des gravillons fins aux arêtes vives directement sur la sole*) immédiatement recouverts par le remblai d’abandon final de la phase 4, US 1. Nous proposons donc de situer le creusement de la galerie GA2 à la fin de la phase 3 du fait de l’absence de niveau de circulation ou de sédimentation intermédiaire. Dans la galerie GA1, la première phase d’ouverture de la galerie est marquée par l’US 7, reposant sur la sole*. Ensuite, la galerie connait une phase d’inactivité qui permet la formation de la couche de sédimentation argileuse US 6. La phase 3 correspond à une reprise de l’extraction localement avec une nouvelle couche de résidus d’abattage à l’outil, US 5. L’activité se poursuit dans cette galerie, comme l’indiquent le niveau de circulation charbonneux US 4 (fig. 130) et le rejet de charbons localisé de l’US 3. Ces charbons proviennent probablement de torches destinées à l’éclairage des mineurs et un prélèvement de charbons pour datation a été fait dans l’US 41. La phase 4 est la dernière des phases anciennes, qui voit le comblement de ces galeries, qui deviennent un espace de stockage de déblais. Son homogénéité et sa composition en majorité de petits blocs calibrés avec peu de sédiment fait penser à un comblement volontaire relativement rapide. Les quelques blocs décimétriques au sud de la galerie GA1 ne remettent pas en cause cette interprétation. Les reprises plus récentes qui recoupent ces ouvrages conformeraient une phase 5, qu’il faudrait peut-être subdiviser si le puits au remblai concrétionné s’avérait correspondre aux reprises du XVIIIe siècle plutôt qu’aux travaux du début du XXe siècle.

Fig. 130. Fouille de la galerie GA1, détail de l’US 4. E. Meunier 2022

La datation2 obtenue sur les charbons de l’US 4 correspond aux IIe et Ier siècles av. n. è. (202-37 BC à 93,5 % de probabilités). Ce large intervalle est en partie cohérent avec les tessons d’amphores italiques découverts dans le ruisseau et avec celui qui se trouvait à la surface de l’US 1, bien que le mobilier des niveaux de remblais miniers doive être considéré avec précaution. Le début de l’intervalle calibré est cependant antérieur à la chronologie donnée par les amphores et on ne peut l’exclure du raisonnement. D’autre part, il faut être conscient que la partie accessible des travaux anciens est à environ 30 m à la verticale de la surface. Cette profondeur sous-entend que la mine était déjà active depuis un certain temps au moment où les mineurs ont circulé dans la galerie GA1. L’exploitation de cette mine a donc pu démarrer au IIe siècle av. n. è. si l’on considère que l’activité dans GA1 est contemporaine des amphores italiques. Si l’on place l’activité de la phase 3 dans la première moitié de l’intervalle de dates calibré, en considérant que le tesson à la surface du remblai est un apport plus tardif éventuellement déplacé lors des travaux du XVIIIe ou du XXe siècle, l’exploitation du gisement des Atiels aurait très bien pu démarrer dès le IIIe siècle av. n. è. Rappelons que les archives mentionnent les dimensions impressionnantes des travaux anciens. Mais quelle que soit la chronologie attribuée à ce petit secteur du réseau ancien, le mobilier associé à l’atelier de traitement du cuivre identifié sur la berge du Pézègues montre que le site était toujours en activité au cours du troisième quart du Ier siècle av. n. è.

Conclusions

Au-delà de la cartographie des indices de surface, les apports de ces nouvelles données concernent la morphologie des travaux et leur chronologie. Concernant la morphologie, on peut se baser sur les galeries GA1 et GA2, conservées sur leur profil complet. La sole* de GA6 a été percée par les reprises modernes et on ne connaît pas sa hauteur originelle, supérieure à 1 m. La restitution de trois autres galeries anciennes (GA3, GA4 et GA5) est proposée sur la base de différents lambeaux de paroi taillés à l’outil identifiés à plusieurs niveaux. Dans ces trois cas, la paroi orientale et/ou la couronne* sont conservés. Leur disposition évoque un espace antique assez largement ouvert, exploitant en gradins et à l’outil la minéralisation inclinée.

Les deux galeries conservées, GA1 et GA2, ont une largeur similaire comprise entre 0,7 et 0,75 m. Les lambeaux de parois couverts de traces d’outils de la partie inférieure du réseau ancien ainsi que le front de taille* GA6 sont cohérents avec ce module. Il n’est pas possible en l’état de proposer une hauteur de galerie type. GA2 est la seule conservée en entier sur un seul niveau de travail (1,5 m). La hauteur de la galerie GA1, avec 2,55 m, est trop importante pour correspondre à un étage de travail unique. Le petit front de taille* partiel conservé dans sa partie haute donne une hauteur de 1 m, inférieure à celle de GA2, mais pas forcément représentative dans la mesure où il s’agit d’une extension de l’exploitation vers le haut sur la base d’une galerie déjà ouverte. Les travaux anciens sont globalement trop mal conservés pour restituer la dynamique d’exploitation.

Concernant la chronologie de l’activité, une exploitation tardo-républicaine ne fait pas de doutes. L’homogénéité technique et les dimensions réduites du secteur ancien accessible plaident en faveur d’une activité menée dans un délai relativement court. Il s’agit tout de même d’une portion de réseau particulièrement réduite comparée avec l’ampleur des travaux décrite au début du XXe siècle, qui ne peut pas être considérée comme étant représentative de l’ensemble, dont on ignore presque tout. La chronologie du démarrage de l’exploitation de cette mine demeure ainsi une inconnue, tout comme la durée de l’activité ou l’existence de reprises avant le XVIIIe siècle.

Pour terminer, on constate sur le plan général des ouvrages miniers que la fosse AT8 et la descenderie AT7 se trouvent à l’aplomb des extrémités sud des galeries modernes GM1 et GM2, une trentaine de mètres plus haut (fig. 119). Il n’est cependant pas possible de les mettre en relation directe : les deux galeries modernes du réseau AT1 ne présentent aucune ouverture à la couronne*3. Les ouvrages de surface devaient communiquer avec les puits comblés et concrétionnés. Il est également probable que les anciens accès aux travaux, dont on ignore tout aujourd’hui, aient en réalité été repris et transformés lors des travaux plus récents sur le gisement. Les possibilités de connaître un jour la chronologie du démarrage de l’exploitation des Atiels s’en trouvent fortement réduites.

Mine de La Tuilerie
(Larbont)

La mine de la Tuilerie a exploité une minéralisation cuivreuse encaissée dans la dolomie dévonienne, à gangue* de barytine et de quartz (Dubois & Guilbaut 1982, 111). Les vestiges de travaux sont alignés suivant un axe nord-sud sur près de 150 m (fig. 131), entre 530 et 570 m d’altitude. Des tranchées de recherche ont été réalisées sur ce site entre 1981 et 1982 pour la barytine (Robert 1982, 2-3). Le premier vestige minier au nord correspond à une tranchée comblée profonde d’environ 1 m (TUI4). En continuant vers le sud, une fosse comblée de 5 à 6 m de diamètre (TUI1) interrompt la topographie naturelle. On rencontre ensuite une petite salle voûtée qui s’ouvre au jour, TUI2, puis une tranchée envahie par la végétation TUI3. Les haldes* ne sont plus visibles, mais des petites buttes en bordure des ouvrages peuvent correspondre à des déblais recouverts de végétation.

Fig. 131. Plan des travaux de la Tuilerie (Larbont). E. Meunier 2022

À l’ouest de ces vestiges, une zone perturbée correspond probablement à un autre secteur d’exploitation. Le terrain a été remanié lors des plantations de pins qui se trouvent au sud et à l’ouest et on ne peut observer correctement ces vestiges. On constate tout de même la présence d’affleurements rocheux qui ont au moins fait l’objet de grattages. Des blocs peuvent correspondre à des haldes* étalées. La végétation assez dense contribue à limiter les observations.

Les ouvrages de surface

La tranchée TUI4 (fig. 132) est difficilement datable en l’état car les parois rocheuses ne sont pas visibles. Son tracé légèrement sinueux et le profil évasé s’accordent mal avec des travaux récents, normalement plus rectilignes, mais la morphologie d’une tranchée de ce type reste un très mauvais argument chronologique. Les archives du BRGM de Toulouse que nous avons pu consulter à propos de ce site n’étaient pas accompagnées d’un plan des travaux, ce qui conduit à maintenir le doute.

Fig. 132. Tranchée TUI4, vue depuis le nord. E. Meunier 2018

La fosse TUI1 n’est guère plus parlante : comblée et recouverte de végétation, elle n’est pas datable (fig. 133). Toutefois, il faut signaler que deux lèvres d’amphore Dr 1A y ont été trouvées (tabl. 18). La fréquentation de ce site au Ier siècle av. n. è. s’en trouve de nouveau illustrée, après les mentions de panses d’amphores italiques signalées lors des premières prospections le long de la piste d’accès (Dubois & Guilbaut 1982, 111). Toutefois, la localisation de ces nouveaux tessons dans la partie supérieure du comblement de la fosse TUI1 pourrait dater son abandon plutôt que son creusement.

CatégorieTypeÉlémentNRCommentaire
AmphoreDressel 1ALèvre1TUI14-1, fig. 136
AmphoreDressel 1Lèvre1Éclat non dessiné
AmphoreItaliquePanse3Dubois & Guilbaut 1982, 111
Tabl. 18. Inventaire du mobilier de La Tuilerie. NR : nombre de restes.
Fig. 133. La fosse TUI1, vue depuis le sud. E. Meunier 2018

Enfin, la longue tranchée TUI3, noyée dans les broussailles, constitue un autre ouvrage indatable en l’état (fig. 134, a). Sa largeur dépasse légèrement le mètre et on distingue l’affleurement rocheux qui a été suivi par les mineurs près de son extrémité nord (fig. 134, c). Une voûte en pierre maçonnée est visible sur environ 0,5 m de long dans la partie centrale (fig. 134, b). Le mortier utilisé n’est pas antique, pour ce que les conditions d’observation ont permis de constater. Cet ouvrage se développe certainement en profondeur, la construction de la voûte n’ayant pas beaucoup de sens pour un ouvrage de surface peu profond. La jonction pouvait se faire avec l’ouvrage TUI2 en souterrain, mais leur comblement ne permet pas de l’assurer.

Fig. 134. Vues des ouvrages TUI2 et TUI3 : a. Vue d’ensemble, depuis le NO, avec les bourrelets de terre en bordure ; b. Voûte maçonnée dans la partie centrale de TUI3, vue depuis le sud ; c. Bordures rocheuses de la tranchée sur affleurement, vues depuis le sud. E. Meunier 2018

La portion de réseau ancien TUI2

La salle voutée TUI2 constitue la seule partie de cette mine dans laquelle on peut observer un minimum de travaux anciens. Les observations sont cependant limitées dans la mesure où cette salle est largement comblée de blocs stériles de 10 à 20 cm de côté. De plan circulaire (fig. 135), ses dimensions visibles atteignent un diamètre de 3 m et une hauteur maximale sur remblai de 1,20 m. On distingue la partie supérieure d’un creusement dans la paroi sud-est, émergeant de quelques centimètres au-dessus du remblai. Il peut s’agir d’une galerie qui rejoindrait la partie profonde de la tranchée TUI3, ou simplement d’une alvéole latérale.

Fig. 135. Ouvrage TUI2, vue depuis le nord et plan
(plan d’après Dubois & Guilbaut 1982, fig 5). E. Meunier 2018

Cette salle a été creusée dans un affleurement rocheux aujourd’hui caché par les arbres. Elle est ouverte au jour sur tout le côté nord. La paroi rocheuse située juste au-dessus de l’ouverture comporte une alvéole au profil courbe, vestige d’un niveau d’exploitation supérieur (fig. 135). Ce profil, tout comme la voûte lisse de la couronne* de la petite salle, témoigne de l’utilisation du feu pour ouvrir ces travaux. Des traces d’outil sont aussi visibles près de l’ouverture que l’on décèle dans la salle. Il faut également signaler que ces coupoles ont des diamètres importants : 2 m pour la salle et 1 m de corde pour l’arc de cercle de l’alvéole supérieure. L’observation des parois ne permet pas de déceler de reprise ou d’élargissement de ces coupoles, dont le volume est uniforme et montre que les feux ont été conduits dès le départ avec la volonté d’abattre des grandes quantités de roche.

Chronologie des travaux

Les éléments chronologiques, en l’absence de sondage, se limitent aux tessons d’amphores recueillis sur le site (tabl. 18 et fig. 136). Leur chronologie est large, elle couvre une période allant des dernières années du IIe siècle av. n. è. jusqu’au troisième quart du Ier siècle av. n. è. Des reprises d’activités aux XVIIIe ou XIXe siècles sont tout à fait envisageables. Ces mines sont en effet connues dès le XVIIIe siècle (Dietrich 1786, 212). La voûte maçonnée pourrait correspondre à ces périodes.

Fig. 136. Dessin du mobilier de La Tuilerie.
E. Meunier 2018

Un autre élément est à prendre en compte au sujet de la chronologie de l’exploitation. Le site métallurgique de Sourre, situé à moins de 300 m au nord des travaux, a traité un minerai de cuivre qui aurait très bien pu provenir de la mine de la Tuilerie (voir le chapitre 7 de la partie 2 concernant la métallurgie). Les tessons d’amphores de type Pascual 1 mêlés au crassier* placent son activité dans les toutes dernières années du Ier siècle av. n. è. ou au début du Ier siècle de n. è. (Dubois et al. 1997, 207). On ne peut pas exclure un approvisionnement depuis la proche mine d’Hautech, mais il faut considérer que celle de La Tuilerie a pu fonctionner jusqu’à la période augustéenne, en continu pendant quelques décennies ou peut-être avec une interruption. L’état des recherches sur ce site ne permet pas de le préciser.

Notes

  1. L’absence de charbons dans les niveaux inférieurs et plus particulièrement au contact de la sole* ne permettait malheureusement pas de dater les couches les plus anciennes.
  2. Datation Poz-84531 : 2090 ±35 BP, soit 202-37 cal BC, 30-21 cal BC et 11-2 cal BC.
  3. La localisation des indices de surface n’est pas aussi précise que le relevé souterrain du fait des marges d’erreur des GPS en contexte boisé (précision théorique de 4 m au moment de la mesure, sans doute plus proche de 10 m dans la pratique). Les structures AT7 et AT8 sont probablement un peu décalées par rapport au chantier souterrain. La couverture Lidar du territoire français annoncée par l’IGN permettra à l’avenir de corriger ces localisations.
ISBN html : 978-2-35613-497-4
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EAN html : 9782356134974
ISBN html : 978-2-35613-497-4
ISBN pdf : 978-2-35613-499-8
ISSN : 2741-1508
16 p.
Code CLIL : 4117
licence CC by SA

Comment citer

Meunier, Emmanuelle, “Les réseaux anciens accessibles sur un petit périmètre”, in : Meunier, Emmanuelle, L’exploitation minière dans le sud-ouest de la Gaule entre le second âge du Fer et la période romaine. Le district à cuivre argentifère de l’Arize dans son contexte régional, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 10, 2023, 171-187 [en ligne] https://una-editions.fr/les-reseaux-anciens-accessibles-sur-un-petit-perimetre [consulté le 03/11/2023]
doi.org/10.46608/DANA10.9782356134974.15
Illustration de couverture • Première  : Dans les calcaires du massif de l’Arize, les mines de cuivre argentifère.
Quatrième : Filonet de cuivre gris curé à l’outil dans la mine du Goutil Est (photo : E Meunier).
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