Le site et ses abords
Contexte géologique et topographique
La ville d’Autun est située sur la rive orientale de l’Arroux, à l’emplacement de ce qui semble avoir été le promontoire le plus au nord de la navigabilité de la rivière durant l’Antiquité (fig. 4, 6). À l’ouest et au nord de la ville s’ouvre la plaine, ovale et plate, du Bassin Autunois, au-delà duquel se trouvent les hautes chaînes du Massif du Morvan. Dans la direction contraire, un demi-cercle de collines accidentées, s’étendant du Mont-Dardon à l’ouest-sud-ouest au Bois-Saint-Martin au nord-est, se dresse à la porte de la ville. Le site sur lequel la ville a été bâtie consiste en une colline en éventail bornée au nord-ouest par l’Arroux et au nord-est par un petit affluent de ce dernier, le Carron, ainsi que par deux ruisseaux plus petits s’écoulant le long de ses flancs sud. La pente naturelle du site n’est marquée qu’à son extrémité sud, où la colline se rétrécit pour former un éperon resserré qui se poursuit au sud pour rejoindre le pied du Mont Saint-Sébastien. Le long du front de l’Arroux l’altitude est de 290 m, de 326 m au centre-ville, et de 380 m au sud, au niveau du point le plus haut.
Géologiquement, la partie inférieure de la ville, située au nord, recouvre une ancienne terrasse alluviale mise au jour, mais aujourd’hui coupée par les canaux fluviaux les plus récents de l’Arroux et du Carron (fig. 4). Le reste de la ville occupe une large bande sédimentaire orientée est-ouest composée de grès, de conglomérats et de schiste bitumineux. À l’est, sur les plateaux adjacents, la géologie du plateau autunois est à la fois diverse et complexe avec du grès extrait comme matériau de construction depuis l’époque romaine, tandis que celle des collines du sud et de l’ouest consiste en une formation granitique uniforme.
Dans toute la zone urbaine, le soubassement est couvert d’une épaisse couche d’argile lourde micacée, de teinte allant du vert opaque au rouge, sa couche supérieure remontant au Pléistocène. Elle a été atteinte en plusieurs endroits de la fouille du cloître de Saint-Nazaire.
Le site étudié est quant à lui posé sur le versant d’une colline que l’homme a profondément remodelé dès son arrivée, au début du Ier s. p.C., par l’intermédiaire d’un vaste système de terrasses que l’on peut déduire à la fois de l’amplitude des niveaux de l’argile géologique et des observations archéologiques (sol géologique à 366.10 NGF sous le chœur de Saint-Lazare, à 365.85 NGF à l’emplacement du bâtiment occidental et de 360 à 361 NGF environ dans la zone orientale du préau du cloître ; fig. 128). En octobre et novembre 2004, une surveillance de travaux de canalisation effectués immédiatement à l’ouest du site, a mis en évidence la présence de structures antiques à moins d’un mètre sous la surface actuelle1, ce dont on avait déjà pu se rendre compte lors de l’exploration du chœur de la cathédrale Saint-Lazare, un sol de l’Antiquité tardive n’étant séparé de l’argile géologique que de 0,80 m (Berry et al. 1991 ; sol géologique à 366.10 NGF et sol de l’Antiquité tardive à 366.90 NGF). D’autre part, les vestiges d’un mur de terrasse antique ont été mis au jour à l’emplacement du mur occidental de la galerie ouest du cloître. Ces aménagements, amplement remaniés au IXe s., époque de l’installation du cloître, avec la création d’une sorte de cuvette correspondant au préau et aux galeries occidentale et méridionale2, assortie d’un léger pendage ouest-est pour vraisemblablement faciliter le drainage, ont été gommés au XVIe s. par des remblais afin de créer une cour reprenant un léger pendage de l’ouest vers l’est (fig. 5). Parallèlement, dans la zone septentrionale (actuelle cour de la Maîtrise, futur emplacement de la cathédrale), les surfaces devaient aussi présenter des dénivelés dans l’Antiquité, car un sol trouvé dans l’extrémité orientale (actuels jardins de l’évêché ; fouille de 1986-1987) se situe un mètre plus bas que les vestiges antiques trouvés plus au sud dans la cour du Chapitre, à l’emplacement du futur cloître (respectivement à 360 et 361 NGF). La construction de la première cathédrale puis ses transformations ont, là aussi, modifié la configuration originelle et à la fin du XVIIIe s. la création d’une plateforme (l’actuelle cour de la Maîtrise) à son emplacement, a entraîné la surélévation de cet espace par rapport à la cour du Chapitre (ancien cloître), avec un dénivelé de 3 m, ainsi que, au nord, par rapport à la place Saint Louis (emplacement de l’église Notre-Dame) située 6 m plus bas (fig. 126-128).
Cette topographie complexe du site étudié, avec pendage naturel et dénivelés importants dus à diverses actions anthropiques, doit être gardée à l’esprit.
Cadre historique
Avant d’aborder plus précisément la zone orientale de la ville haute qui a vu le développement du groupe épiscopal et canonial, il importe de présenter succinctement l’histoire de la cité et des personnages importants qui l’ont marquée.
Fondée à la fin du Ier s. a.C. sur le flanc inoccupé d’une colline constituée d’un plateau incliné du sud vers le nord se développant sur la berge méridionale de l’Arroux (fig. 6), Autun (Augustodunum) est une création romaine ambitieuse établie sur une grande échelle, destinée à supplanter Bibracte, capitale des Éduens (Gruel & Vitali 1998), en attirant sa population (Rebourg 1998). En effet, ce site fortifié – privilège rare à l’époque pour une cité gauloise, accordé grâce au ralliement précoce des Éduens au pouvoir impérial – possédait une enceinte de forme losangique épousant la configuration du plateau granitique, ponctuée de cinquante tours circulaires, agrémentée de quatre portes monumentales, mesurant 6 km de circonférence et enserrant un espace de 200 ha. Son statut de capitale d’une vaste civitas correspondant à presque la moitié de la surface de la Bourgogne actuelle (Rebourg 1991) nécessita l’érection d’édifices adéquats, tels que forum, temples, théâtre et amphithéâtre. La cité occupa une place importante en Gaule en tant que centre culturel et ses écoles – les écoles méniennes (Labaune et al. 2013) – célèbres dès le règne de Tibère, furent longtemps louées. Les imposants bâtiments antiques, élevés en grande partie grâce aux largesses du pouvoir impérial, marquèrent profondément la ville, comme en témoignent leurs vestiges conservés encore aujourd’hui (Labaune 2014). L’habitat privé, connu de façon très partielle, montre également une indéniable richesse au Haut-Empire (Rebourg 1998, 199-207). Si des signes de déclin peuvent être observés dès le IIIe s., la récente recherche archéologique est venue donner une image de la cité plus nuancée et moins catastrophique que celle véhiculée pendant fort longtemps sur la base d’analyses textuelles (Berry 1987 ; Young 2001). En réalité, Autun changea progressivement de visage au cours de l’Antiquité tardive (Kasprzyk et al. 2012 ; Kasprzyk 2005, I, 111-130) avec des activités de restauration de certains secteurs clefs (Labaune et al. 2013) parallèlement à l’abandon de la partie inférieure de la ville au profit de la partie sommitale, la ville haute, qui dans la seconde moitié du IVe s., possède vraisemblablement déjà une enceinte réduite (Balcon-Berry 2011) – le castrum – où s’installera le pouvoir religieux (Picard 1985 ; fig. 7).
Si des communautés chrétiennes existaient vraisemblablement à Autun dès les IIe-IIIe s., l’Église s’organise véritablement au IVe s. Le premier évêque, Rhétice, est présent au synode de Rome en 313 et au concile d’Arles de 314 (Mouginot 2003-2004). Progressivement, l’Église fait bâtir les sanctuaires indispensables au culte qui, tout autant que les édifices du Haut-Empire, constituent l’identité de la ville, en lui offrant un nouveau visage (Gauthier 1985 ; Picard 1987). Les premiers monuments chrétiens s’installent extra muros, dans le cimetière longeant la Via Strata, à 1 km à l’est de la cité (fig. 4). On compte parmi eux les basiliques funéraires du IVe s. de Saint-Pierre-l’Estrier fouillée en partie, sous la direction de Christian Sapin (Sapin 1982 ; Sapin 1998 ; Balcon-Berry & Berry 2016) et de Saint-Étienne, détruite en 1774 et connue uniquement par les sources écrites. Jusqu’au VIe s., le groupe cathédral correspondait quant à lui à l’unique centre urbain chrétien situé intra muros.
Avec la chute du pouvoir romain en Gaule, Autun passe sous l’obédience des Burgondes, dès 466 (Berry 1987, 468-470). Cette soumission est cependant de courte durée puisqu’une bataille ayant eu lieu à Autun en 532 scelle le destin du royaume Burgonde, entraînant l’annexion de la région par les Francs (Fontenay & Charmasse 1889, XCII-XCV ; Berry 1987, 470-474). Dès le IVe s., la création des castri de Mâcon et Chalon découle du morcellement de l’ancienne civitas Augustodunensis (Chaume 1925-1937, 2, 138-141). Mais au VIe s. la mise en place d’autres circonscriptions administratives, les pagi, conduit à la perte de l’Avallonnais, de l’Auxois et du Beaunois. Quant au pagus d’Autun, institué lui aussi à cette époque pour remplacer l’ancienne civitas, il s’étendait de la cité jusqu’à la Loire, et plus loin encore (Chaume 1925-1937, 2, 818-823 ; Bruand 2009, 69-85).
Au cours de cette période, plusieurs personnalités se distinguent avec en premier lieu Euphronius dans le troisième quart du Ve s. C’est lui qui fit édifier une basilique à l’emplacement du tombeau de saint Symphorien, vers 450 – la future abbaye Saint-Symphorien – avant de prendre la tête de l’Église d’Autun entre 456 et 475 (Gauthier 1985, 107). Euphronius chercha à exercer une autorité religieuse sur la Gaule centrale, parallèlement aux prélats d’Arles pour la Gaule méridionale (Mathissen 2000, 269).
Un autre personnage très important pour Autun au cours du VIe s. est lié à Saint-Symphorien. Il s’agit de Germain qui naquit à Autun vers 496 et dont la vie est relatée par Fortunat3. Ordonné diacre puis prêtre par l’évêque Agrippinus, vers 530, il est ensuite nommé abbé de Saint-Symphorien par l’évêque Nectarius (Mathissen 2000, 273). Vers 552, avec le soutien du roi Childebert, il devient évêque de Paris. Il maintint toutefois des liens étroits avec Autun, ce qui explique l’élection à la tête de l’abbaye Saint-Vincent de Paris de Doctrovée qui lui avait succédé à Saint-Symphorien d’Autun.
La seconde moitié du VIe s. fut profondément marquée par la nomination de Syagrius à la tête de l’Église d’Autun (Riché 1985, 147). Syagrius devient évêque d’Autun en 561, année de l’accession au trône du roi Franc Gontran. Issu d’une famille lyonnaise de renom, Syagrius s’est notamment distingué par les liens étroits qu’il entretenait avec les grands de son époque (Mathissen 2000), en premier lieu avec le roi franc Gontran qui, à la mort de son père, le roi Clotaire Ier, en 561, avait reçu en héritage l’ancien royaume burgonde, la Burgondie. Après la mort de Gontran, en 592, Brunehaut qui de fait régnait au nom de ses petits-fils, notamment Thierry II roi de Burgondie, se rapprocha de l’évêque Syagrius (Dumézil 2008, 294). La reine semble avoir beaucoup privilégié Autun qui se trouvait à la frontière entre la Burgondie et l’Austrasie, d’autant plus que Syagrius qui dirigeait son Église jouissait d’une grande renommée. À la fin du VIe s., le pape Grégoire désirait se concilier les prélats gaulois bénéficiant d’un certain pouvoir (Mathissen 2000, 281). Il demanda ainsi à Syagrius d’aider Augustin qu’il envoyait en mission auprès des anglo-saxons. Grégoire accorda le pallium à Syagrius, faisant d’Autun la seconde Église de la Province de Lugdunum Prima après Lyon. Ayant ainsi acquis un statut assez comparable à Arles, siège d’un évêché puissant, Autun retrouvait pour un temps le lustre de l’Antiquité.
Cette seconde moitié du VIe s. voit la fondation d’importants sites religieux, à l’instigation de Brunehaut et de Syagrius. Ainsi, on sait que c’est avec l’appui de Syagrius que la reine Brunehaut fonda l’église Saint-Martin non loin de Saint-Pierre-l’Estrier et de Saint-Symphorien, détruite au XIXe s. Saint-Martin est cité dans une lettre de 602 du pape Grégoire le Grand qui félicite Brunehaut d’avoir fondé cet établissement religieux (Sapin 1986, 143 ; Verpeaux 2012, 10). C’est dans la crypte orientale de cette église que fut inhumée Brunehaut (Sapin 1986, 145).
Avec Syagrius, Brunehaut avait également fondé le xenodochium francorum, mentionné dans une lettre du pape Grégoire4. Dans ce document, le terme xenodochium semble correspondre à un espace d’accueil des pauvres et des pèlerins, et non à un hôpital (Verpeaux 2012, 10-11, 20). La fonction même de cet établissement implique sa présence non loin d’une des portes de la ville. Sa localisation à l’abbaye Saint-Andoche qui incorpore une porte antique semble probable. Aucun vestige actuellement conservé en élévation ne peut se rapporter à l’époque à la fin du VIe s. En revanche, il subsiste une crypte occidentale datée entre le IXe et le Xe s. (Sapin 1986, 41) pouvant témoigner de l’organisation d’une communauté de femmes au début du IXe s., comme on le verra ci-dessous.
Toutefois, Nathalie Verpeaux a récemment montré que contrairement à une tradition généralement admise, c’est Syagrius seul qui fonda le monastère de femmes Sainte-Marie et non Syagrius avec Brunehaut. La localisation de cet établissement pose problème (Verpeaux 2012, 27). Il pourrait s’agir de Saint-Jean-le-Grand situé dans la partie nord de la basse ville, pas loin de la Porte d’Arroux.
On le voit, l’épiscopat de Syagrius est marqué par la construction de plusieurs complexes religieuxx importants. Cela pourrait traduire de la part du prélat une volonté de contrôler l’espace urbain et périurbain avec Saint-Martin. Nous verrons qu’il a également favorisé sa cathédrale.
Alors que la première moitié du VIIe s. fut assez prospère sous les rois Clotaire II (613-629) et surtout Dabogert Ier (629-639), une période d’instabilité s’installa à la mort de ce dernier. Le pouvoir royal s’affaiblit (Chaume 1925-1937, 1, 16-28). Les familles aristocratiques cherchèrent à prendre le pouvoir en faisant accéder leurs membres au statut de maires du palais des trois grandes régions que sont la Neustrie, l’Austrasie et la Burgondie (Riché 1985, 148 ; Brühl 1975). Au cours de la période trouble du VIIe s., Autun fut plusieurs fois assiégée.
C’est dans ce contexte qu’apparaît la figure de saint Léger qui occupe le siège épiscopal d’Autun dans la seconde moitié du VIIe s. Sous son épiscopat, l’Église d’Autun joue à nouveau un rôle de premier plan. Léger – Leudegarius – est né vers 615 (Grivot 1967, 51-54 ; Riché 1985, 148-151). Issu d’une famille bourguignonne, il est toutefois élevé à Poitiers par son oncle Didon qui était évêque. Après 657, il est conseiller à la cour auprès de la reine Bathilde qui, après la mort de Clovis II, règne sur la Neustrie5. Alors qu’Autun était privé d’évêque depuis la mort de Ragnobert en 661, Léger est nommé pour le remplacer en 662 ou 663. C’est la reine Bathilde qui lui offre ce poste.
Bénéficiant de cet appui royal qui en fait véritablement le chef de l’aristocratie de Burgondie, Léger va pouvoir légitimer ses nombreuses actions (Picard 1985, 341). Nous reviendrons sur ses activités de bâtisseurs qui touchèrent en premier lieu le groupe cathédral. C’est également Léger qui fit transférer dans la ville les reliques de saint Symphorien, geste fort qui montre sa volonté de placer Autun sous la protection de ce martyre des premiers temps chrétiens au détriment de l’abbaye élevée extra muros à l’emplacement de la tombe de Symphorien (Riché 1985, 149).
Alors qu’il existait déjà un espace d’accueil pour les pauvres, fondé on l’a vu par Syagrius à la fin du VIe s. – le xenodochium installé probablement au sud de la porte de Saint-Andoche – Léger ressentit la nécessité d’établir une matricule pour les pauvres qui se trouvait aux portes de la cathédrale6. La motivation de cette nouvelle fondation nous échappe (Verpeaux 2012, 20). Est-ce en raison du grand nombre de pauvres, ou bien parce que le xenodochium s’occupait essentiellement des pèlerins, ou même encore que ce dernier n’existait plus (Gaillard & Sapin 2012) ?
Comme il est rappelé dans sa Vie, dès 664 Léger eut maille à partir avec Ébroïn, maire du Palais de Neustrie qui cherchait à contrôler la Burgondie (Riché 1985, 150-151). Léger fut accusé de la mort du roi Childéric II et Ébroïn fit assiéger Autun, vers 676. Pour éviter que sa ville ne soit livrée à son adversaire, Léger se rendit. On lui creva les yeux et il se retira au monastère de Fécamp. Finalement, il fut décapité à Arras en 678 ou 679. Après la mort d’Ébroïn, vers 680, sa dépouille fut envoyée près de Poitiers, à Saint-Maixent où une basilique fut élevée en son honneur. Le culte de Léger se répendit alors en Gaule.
Depuis les travaux de Maurice Chaume (Chaume 1925-1937, 1, 55-56), on considère qu’Autun fut victime d’un raid de Sarrasins en 725, selon la chronique de Moissac, ou en 731 selon la chronique de Bèze et un diplôme de Charles le Chauve (Charmasse 1865, I-II, n° 28, 46). Dans ce dernier document, il est spécifié que la cathédrale Saint-Nazaire et toutes ses archives furent brûlées. Des destructions touchèrent d’autres sites religieux et la ville fut fortement affaiblie. Mais ce mythe du passage des Sarrasins vient d’être revu par Hervé Mouillebouche. Selon ce dernier les destructions des années 732-735 seraient dues aux leudes de Charles Martel (Mouillebouche 2011). Ce dernier aurait ainsi usurpé de nombreux domaines de l’Église situés dans la région afin d’établir ses partisans. Charles Martel confisqua vraisemblablement l’église Sainte-Croix qui se trouvait dans le castrum, mais dont l’emplacement n’est pas assuré (Charmasse 1865, I-II, 28-29 ; Sapin 1986, 30-31).
Après la confusion qui caractérisa la première moitié du VIIIe s., sous Charles Martel, la situation s’apaise dans la seconde moitié du VIIIe s. Un des parents de Charles Martel, Thierry Ier, est le premier comte d’Autun de l’époque carolingienne, attesté dès 755 (Fontenay & Charmasse 1889, CXXV ; Chaume 1936-1940, 337-338). Mais en 761, Waifer, duc d’Aquitaine, en lutte contre Pépin le Bref, ravagea la région située entre Autun et Chalon (Fontenay & Charmasse 1889, CXIV ; Riché 1983, 82-83).
La situation d’Autun s’améliore quelque peu sous ces premiers carolingiens (Maurice-Chabard 1999b). Mais, après la mort de Charlemagne, en 814, la région retombe de façon progressive dans une quasi-anarchie, le pagus passant sous l’allégeance d’un roi puis d’un autre parallèlement à la détérioration du contrôle centralisé (Fontenay & Charmasse 1889, CXXVII-CXXXI ; Chaume 1925-1937, 1, 257-280 ; Berry 1987, 476-478). Pour cette période, les noms de quelques comtes sont connus avant l’arrivée de Richard le Justicier en 882, mais leurs actions sont difficiles à mesurer (Chaume 1936-1940, 338-347).
De même, on connaît assez peu les premiers évêques de l’époque carolingienne. Les listes épiscopales contiennent tout au plus le nom des prélats avec toutefois des lacunes. Dans la première moitié du IXe s., les informations relatives aux prélats d’Autun sont plus fournies, avec la présence de personnalités importantes qui vont avoir à cœur de rétablir la richesse et la puissance de l’Église d’Autun.
Ainsi, entre 810 et 813, et jusque vers 840/843, une personnalité d’une certaine envergure devient évêque d’Autun puisqu’il s’agit de Modoin. Né dans les années 770, il fut élève à l’école fondée à Lyon par le fameux Leidrade qui faisait partie de la cour de Charlemagne (Fontenay & Charmasse 1889, CXV). Sa solide formation littéraire lui permit de rédiger des poèmes qui firent sa renommée (Garrison 1994, 119-130). Modoin est ainsi connu comme théologien, poète et administrateur. En tant qu’évêque d’Autun, il joua un rôle important lors de conciles. Ainsi, en 813, il participa au concile de Chalon-sur-Saône dont le troisième canon décréta la fondation d’écoles pour l’enseignement des lettres et des saintes écritures (Fontenay & Charmasse 1889, CXVI). C’est vraisemblablement pour cette raison que des érudits d’Autun pensent qu’il est à l’origine de l’école capitulaire d’Autun, qui aurait été fondée sur le modèle de l’école de Lyon fréquentée par Modoin dans sa jeunesse. Modoin fut par ailleurs un proche de Louis le Pieux qui, dans une charte de 815 prend sous sa protection l’Église d’Autun et ses possessions (Charmasse 1865, I-II, 31-32). La documentation est certes lacunaire, mais on peut se demander si Modoin n’est pas un acteur fondamental de l’établissement formel du chapitre des chanoines et dans l’aménagement des premiers édifices nécessaires à leur vie commune après les statuts du Concile d’Aix-la-Chapelle de 816, même s’il est possible qu’une réorganisation du clergé de la cathédrale était effective avant son arrivée. Comme on le développera, l’archéologie montre en effet sur le site du cloître la réalisation d’importants travaux à la fin du VIIIe s. ou au tout début du IXe s. Par ailleurs, une charte de l’évêque Jonas évoque l’action de Modoin envers le monastère de femmes de Saint-Andoche qu’il favorisa et tenta de réformer en introduisant une vie régulière (Verpeaux 2012, 31).
Ce même Jonas, à la tête de l’Église d’Autun au milieu du IXe s., est un autre personnage important qui a notamment amplifié les édifices nécessaires à la vie commune des chanoines, comme on le développera. Il fut notaire de la chancellerie royale (Riché 1999, 6). Évêque de 850 à 865 (?), il œuvra comme Modoin pour la restitution des biens de l’Église d’Autun.
Augier, qui prit la succession de Jonas en 875, sous Charles le Chauve, avait également été notaire de ce dernier de 865 à 875 ; il devint même chancelier (Riché 1999, 6). En 900, Augier reçut de Charles le Simple la possession de tout le castrum – dit plus tard le “Château” – ainsi que l’autorisation de battre monnaie (Charmasse 1865, I-II, 9-10). Il se rend régulièrement à Rome et reçoit le pallium comme l’avait reçu Syagrius avant lui. En 877, l’abbaye de Flavigny (Côte-d’Or) est donnée à Autun par Charles le Chauve pour remercier Augier de ses services. Par ailleurs, Augier s’est lui aussi battu pour récupérer des domaines de l’Église usurpés à l’époque de Charles Martel.
Dans la tourmente des dernières années du IXe s. (Chaume 1925-1937, 1, 257-280), Richard le Justicier, frère du roi Boson de Provence, devint comte d’Autun en 882 et commanda la résistance de la noblesse bourguignonne contre les Normands. Dans ce contexte, il érigea ce qui deviendra le futur duché (Chaume 1925-1937, 1, 361-390). Ses fils, Raoul (duc entre 921-932 puis roi de France en 936) et Hugues le Noir (duc entre 932-943), furent aussi comtes d’Autun (Chaume 1925-1937, 1, 391-440 ; Riché 1983, 242-244, 255-256). Cependant, les désastreuses politiques expansionnistes d’Hugues conduisirent au démembrement du duché par son père et son frère. En 955, le pagus d’Autun fut coupé en deux. La partie la plus grande, la Marche de Charolles, fut détachée et placée sous le contrôle de Lambert, comte de Chalon-sur-Saône. Le reste du territoire, correspondant plus ou moins à l’arrondissement actuel d’Autun, non assimilé à un comté, fut directement attaché au duché (Richard 1963, 89-92 ; Berry 1987, 478-480).
Deux événements majeurs doivent être mentionnés pour cette période : l’arrivée des reliques de Lazare sous l’évêque Girard (968-975) et l’autorisation, pour les chanoines, de battre monnaie, montrant leur émancipation par rapport au pouvoir épiscopal (Boëll 1942-1944). Le corps de saint Lazare fut déposé dans la cathédrale Saint-Nazaire jusqu’à l’érection de Saint-Lazare, au tout début du XIIe s.
Le premier tiers du XIe s. correspond en Bourgogne à une période de profondes mutations (Chaume 1925-1937, 1, 463-492 ; Richard 1954, 3-16 ; Berry 1993, 130-166, 481-490). En effet, à la suite de la mort du duc Henri, en 1002, le duché est réclamé à la fois par son beau-fils Otto-Guillaume et par son neveu le roi Robert II le Pieux. Après trois années de guerres, Otto se soumet tandis que le duché capétien se constitue. Après avoir finalement pris Dijon en 1016, Robert installe son fils Henri en tant que duc, titre qu’il portera jusqu’à ce qu’il devienne lui-même roi, en 1031. Mais le duché qu’il reçoit est bien restreint sur le plan territorial et surtout très affaibli en raison de longues années de conflits. C’est dans ce contexte qu’Autun s’est progressivement accoutumée à la perte de son statut de comté, grâce à l’accroissement de l’autorité de ses évêques et à la puissance du chapitre.
Aux XIe-XIIe s., face à la situation conflictuelle récurrente entre le duc et ses vassaux, l’Église tente de réconcilier les nobles guerriers et de protéger les domaines ecclésiastiques. Ce “mouvement de paix” constitue une partie d’un élan plus large vers une réforme de l’Église émanant à l’origine de Rome, mais très activement menée par le clergé bourguignon. Pour celui d’Autun, il s’agit d’une période cruciale, car au milieu du désordre, les évêques des XIe et du début du XIIe s., notamment Helmoin (1020-1055), Haganon (1055-1098) et Norgaud (1098-1112), constituent une des plus vastes seigneuries de Bourgogne. Fréquemment en conflit avec les ducs, ces prélats construisent ou acquièrent des châteaux et rassemblent un groupe impressionnant de vassaux nobles dans, et même à l’extérieur du diocèse (Richard 1954, 53-57).
À la même époque, les chanoines de la cathédrale poursuivent l’affirmation de leur puissance et de leurs richesses (Madignier 2011, 319-329). Les années 1100/1110 voient le début de la construction de l’église Saint-Lazare, à l’origine église de pèlerinage destinée à magnifier les reliques du saint compagnon du Christ conservées à Saint-Nazaire depuis le Xe s. (Serexhe 1987-1990 ; Sapin 2010). Afin de réguler les pratiques liturgiques, Saint-Lazare est élevée au rang de co-cathédrale en 1195. Avec la multiplication des maisons canoniales, l’implantation de l’église Saint-Quentin au XIe s. ainsi que la reconstruction de Notre-Dame du Châtel à la même époque – ces deux établissements devenant des églises paroissiales par la suite – l’Église investit plus de la moitié de la ville haute (fig. 8 ; Madignier 2011, 247-270). Parallèlement, en dehors du castrum, dans la ville basse, se développent cinq paroisses urbaines : Saint-Pancrace, Saint-André, Saint-Jean l’Évangéliste, Saint-Jean-le-Grand et Saint-Pierre, ces deux dernières étant associées aux abbayes de Sainte-Marie et de Saint-Andoche.
C’est à cette époque qu’on a traditionnellement situé l’établissent du quartier de Marchaux au centre de la basse ville. Mentionné dès le XIe s. et futur siège du vigerius ducal, sa fonction marchande (Richard 1954, 403, 451-452 ; Richard 1963, 82) ne peut en réalité être attestée qu’à partir du dernier tiers du XIIIe s. avec l’édification de sa fortification un peu plus tard (Balcon-Berry & Berry 2014b). À partir de ce moment, ce quartier constitue le pendant de la ville haute, siège du pouvoir épiscopal et canonial, même si une partie de ce dernier espace est aussi sous l’autorité du duc qui y a fait élever le château de Riveault, attesté dès la fin du XIe s. (Deflou et al. 1994, 163). L’existence d’une embellie économique durant ces années est bien perceptible à travers la prolifération des foires et des marchés, dont celui de la ville haute, qui font d’Autun un des trois centres d’échanges les plus importants du duché (Richard 1954, 355-356). Les désaccords incessants entre le chapitre et le duc à propos du contrôle des revenus qui en découlent attestent d’une économie florissante tout comme des tensions entre les autorités ecclésiastiques et laïques.
Tout ceci contribue à établir de nouveau une certaine importance de la ville à partir du XIIe s., postérieurement au départ des comtes, et a laissé des marques dans le tissu urbain tant dans la ville haute qualifiée à présent de “le Château” que dans les bourgs qui connaissent une forte croissance dans la ville basse autour des abbayes de Sainte-Marie et de Saint-Andoche, ainsi que des proches portes romaines de Saint-André et de l’Arroux, suivis par le développement du quartier de Marchaux un siècle plus tard. Le XIIIe s. voit l’amorce de grands chantiers dans la ville haute, avec en premier lieu ceux de l’évêché et de la cathédrale Saint-Nazaire, reflets d’une certaine prospérité qui a également touché le cloître.
Jusqu’au XVe s., Autun ne posséda pas de structures communales. Le vierg, représentait depuis le XIIe s. le pouvoir ducal à Autun (Chaume 1938 ; Richard 1954, 451-454). Il occupait le château de Rivault déjà mentionné, situé dans la pointe de la ville haute, à l’aplomb d’une tour antique, et dont il subsiste la tour des Ursulines (Besnier 2005 ; Besnier 2010). L’apparition d’un bailli ducal peut être située vers 1320 (la ville était sous la responsabilité du bailli de Dijon avant cette date) et le XIVe s. est émaillé par des conflits récurrents entre les évêques, le chapitre et les baillis, auxquels peuvent être ajoutées l’arrivée de la peste en 1348 et la prise de la ville basse par les Routiers en 1364 (Fontenay & Charmasse 1889, CLXV-CLXXXIX).
Aux XIIIe-XVe s., le tissu urbain de la ville haute se densifie encore en raison de nouvelles constructions ou reconstructions. Des maisons canoniales sont élevées ou remaniées au sud du cloître, à l’intérieur du claustrum qui, comme on l’a vu, était délimité par un mur, mais aussi en-dehors, à l’ouest et au nord (Béguin 2009, I, 76-81). Outre le château ducal qui, on l’a déjà mentionné, occupait la pointe sur de la ville haute, les espaces situés en dehors du claustrum accueillent des maisons appartenant à la noblesse et à la bourgeoisie, avec en premier lieu la résidence des Rolin située au nord, à l’emplacement de l’actuel Musée Rolin. Cette dernière comportait deux parties : au sud une structure qualifiée de “donjon” où Jean Rolin se serait installé en 1372, ainsi qu’au nord un ensemble de maisons accolées au mur de l’enceinte réduite qui avait connu plusieurs remaniements. Ces maisons ont été achetées en 1432 par le fameux Nicolas Rolin pour agrandir sa résidence7. Nicolas Rolin, chancelier de Bourgogne, institua également une collégiale à l’emplacement de Notre-Dame. Son fils, le cardinal Jean Rolin, marquera la ville en faisant notamment aménager la flèche de la cathédrale Saint-Lazare (Grivot 1967, 70-78).
Les vues cavalières des XVIe et XVIIe s. (fig. 11-13) reflètent dans une large mesure la physionomie de la ville à partir du XIIIe s. avec au sud la ville haute – ou castrum puis château – densément occupée, et plus au nord le quartier de Marchaux, situé au centre de la cité et élevé vraisemblablement en partie sur les ruines du forum antique avec une fortification peut-être au XIIIe s. Mais il existe également de vastes zones presque inhabitées au sein même de l’emprise de l’ancienne enceinte antique, avec des édifices de cette même époque toujours conservés en élévation, et pour finir les nombreuses églises situées intra et extra muros (fig. 4 pour le Haut Moyen Âge).
Présentation du groupe épiscopal et canonial
Le nord-est de la ville haute, cerné de murailles antiques et isolé du reste de la cité par le mur de l’enceinte réduite, au nord (fig. 4, 7), a été investi par différents bâtiments religieux, et tout d’abord, dès les IVe-Ve s., par l’église principale, future Saint-Nazaire (fig. 2.1, 148.A). Il est possible qu’avec l’église Notre-Dame située parallèlement à elle, quelques mètres au nord (fig. 2.2, 148.C)8, et reconstruite à plusieurs reprises, il existait initialement à Autun un système de cathédrale double, bien connu ailleurs, notamment à Genève ou à Lyon (Duval & Caillet 1996). À ce groupe épiscopal primitif, on peut adjoindre un baptistère dont la localisation exacte n’est pas assurée, mais que l’on situe entre Saint-Nazaire et Notre-Dame (fig. 148.B), ainsi qu’une domus ecclesiae (fig. 148.D) dont on pense avoir trouvé des vestiges (Balcon-Berry & Berry 2012). L’édifice que l’on désigne dans les textes par cette appellation revêt de multiples fonctions selon les époques (Duval 1991). En effet, il pouvait dans un tout premier temps servir pour la réunion de la communauté chrétienne avant la réalisation des basiliques et, en l’occurrence, avant la construction proprement dite de l’église Saint-Nazaire qui prendra place immédiatement au nord. Par la suite, la domus ecclesiae désigne un bâtiment ou un complexe monumental où vivaient notamment l’évêque et le clergé. Au IXe s., la bâtisse trouvée sur le site d’Autun sera incorporée au cloître des chanoines, après modifications, tandis que la nouvelle résidence épiscopale se développera plus à l’est, là où elle se trouve encore de nos jours (fig. 8.5).
De la cathédrale Saint-Nazaire il ne subsiste aujourd’hui en élévation qu’une chapelle conservée dans la cour de la Maîtrise, vestige du chœur, datant des XIIIe-XIVe s. (chapelle Saint-Aubin ; fig. 18-19), qui à partir de cette époque surmontait l’église paroissiale dédiée à Saint-Jean-de-la-Grotte – cette dernière remplaçant et incorporant probablement le baptistère – ainsi que le porche du XIe s. (fig. 81). Ces éléments ont fait l’objet de plusieurs campagnes de relevés et d’analyses archéologiques. D’autre part, quelques sondages limités, notamment dans les caves des maisons situées à l’emplacement du porche du XIe s. et dans le bâtiment septentrional (qualifié aussi de Chambre des Comptes) ayant supplanté le bas-côté sud de la nef, permettent d’avoir des informations sur les dispositions de l’église à différentes époques, même si bien des aspects demeurent obscurs en l’absence de fouille d’envergure.
Le cloître qui à partir du IXe s., se développait au sud de Saint-Nazaire (fig. 2.6, 3), dans l’actuelle cour du Chapitre, comportait dès cette époque un préau quadrangulaire, révélé par l’archéologie (fig. 9, 139), cerné de galeries qui permettaient de desservir les différents bâtiments communautaires (fig. 129-139). Ceux-ci existent toujours même s’ils se laissent parfois difficilement percevoir, soit parce qu’ils ont été profondément modifiés, soit parce qu’ils sont cachés derrière des façades modernes. Ainsi, le bâtiment occidental (fig. 3), édifice pourtant imposant encore aujourd’hui n’est pas visible côté rue (place du Terreau) où des maisons du XVIIIe s. le dissimulent, mais il se révèle pleinement côté cloître (cour du Chapitre ; fig. 24, 78). Dans son état actuel, ce bâtiment de quatre étages coiffé d’une très belle charpente, est le fruit d’une grande campagne de restructuration au XVe s. ainsi qu’au XVIe s., mais il incorpore des structures des XIe et XIIe s. Ce bâtiment est actuellement accolé à une maison du XVe s. qui servait de prison sous la coupe de l’autorité canoniale (bâtiment sud-ouest). Primitivement, cet édifice qui repose sur des élévations du IXe s., devait vraisemblablement être plus amplement lié au bâtiment ouest, de même que la maison qui la jouxte à l’ouest. Au sud, se trouve le bâtiment méridional (fig. 3) en grande partie reconstruit en 1870 en incorporant des structures anciennes (Bulliot 1862-1864). Ces travaux ont notamment conduit à la transformation du tiers oriental du bâtiment sud en chapelle – la chapelle des Bonnes-Œuvres –, dont on vient, pour des raisons de sécurité, de démonter l’abside9. Si la paroi nord du bâtiment sud a été profondément remaniée sauf à l’est du mur nord, au-dessus des toitures de la galerie orientale du cloître, où une fenêtre gothique est visible, il n’en est pas de même de l’élévation méridionale en partie du IXe s., avec des ouvertures du XIIIe s. (fig. 97-100). À l’intérieur, ce mur sud conserve plusieurs niveaux de peintures murales (fig. 99), que l’on peut situer entre le XIIe et le XVe s. L’étude de ces décors, couplée à l’analyse des maçonneries, permet de reconstituer les grandes phases de transformations de l’édifice. À l’est, prend actuellement place un bâtiment de forme rectangulaire abritant une salle inférieure voûtée surmontée d’un étage (fig. 88). Son emplacement laisse penser qu’il s’agirait de la salle capitulaire supportant le dortoir, mais comme on va le montrer, ceci reste hypothétique. À présent, cet espace est plutôt assimilé à une cave dont la voûte remonte au XVIIIe s. Cependant, la paroi occidentale préserve des vestiges de structures plus anciennes datées des époques mérovingienne et carolingienne.
Des galeries du cloître, seule celle de l’est subsiste toujours en élévation dans son état du XVe s., les autres ayant été détruites au XVIe s. (fig. 3)10 lors du changement de fonction du site qui devient une simple cour. Sont conservées des culées d’arcs-boutants du XIVe s. transformées en piles sur lesquelles se sont greffées au XVe s. des arcs ainsi que des voûtes. Ainsi, derrière la façade du début du XIXe s. (fig. 116), l’élévation de la fin du Moyen Âge, avec ses grandes ouvertures donnant sur le préau, est toujours bien présente et mériterait d’être mise en valeur. Entre cette galerie et le côté sud du transept de Saint-Nazaire, prend place une grande ouverture du XIVe s. qui devait donner sur la sacristie. Elle surplombe un espace appelé “le passage” qui, à partir du XVIe s., permettait d’accéder au bâtiment oriental. Des ouvertures liant Saint-Jean-de-la-Grotte au cloître sont toujours visibles sur le mur sud de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte (fig. 106).
Le XIIe s. voit la réalisation de Saint-Lazare (fig. 2.3), église de pèlerinage abritant les reliques du saint tutélaire. Située à l’ouest de Saint-Nazaire elle n’est pas orientée, aussi son bras “nord” de transept est-t-il aligné avec le porche de la première cathédrale (Serexhe 1987-1990). Reste à mentionner Saint-Quentin, église paroissiale détruite au XVIIIe s., qui, probablement à partir du XIe s., s’élevait au sud de Saint-Lazare (fig. 8.7).
Le chapitre et son implantation topographique dans la ville haute
Par Noëlle Deflou-Leca
La réforme canoniale d’Aix et son application à Autun
La vie des clercs qui forment, depuis l’Antiquité, l’entourage de l’évêque fait l’objet d’une réorganisation à l’époque carolingienne. Dans le cadre d’un vaste projet politique de mise en ordre de la société chrétienne amorcé par Charlemagne, ses successeurs mettent en œuvre une réforme qui touche à la fois les moines et les chanoines. Sur le modèle proposé vers 751 par l’évêque de Metz Chrodegang à son clergé, le concile d’Aix-la-Chapelle (816) décide d’imposer aux clercs cathédraux la vie commune. Même s’ils peuvent posséder des propriétés et des maisons en propre (canon 115, 142), les chanoines doivent désormais dormir au dortoir et prendre leurs repas ensemble au réfectoire. À Autun, ces dispositions ont peut-être été appliquées assez rapidement par l’évêque Modoin (av. 815- 840/843) qui affecte à ses clercs des biens-fonds (Charmasse 1865, I, 19 ; Tessier 1943, I, 205). Modoin est un proche de Louis le Pieux et sa fidélité ne se dément pas. Il est donc probable qu’il ait suivi pour son chapitre les prescriptions d’Aix même si l’on ignore précisément ce qu’il en advînt11. Les bâtiments canoniaux sont bien attestés en revanche en 858, date à laquelle l’évêque Jonas, constatant que les lieux étaient impropres et limités au regard de ce qui se faisait dans les autres cités, décide d’édifier un cloître et des locaux adaptés aux besoins de ses chanoines (Charmasse 1865, I, 21 ; Tessier 1943, I, 19 (859)). Afin de pourvoir à la vie des clercs, dont il limite le nombre à cinquante, il leur donne également des domaines qui sont à l’origine de la mense canoniale constituée au plus tard en 920 (Boëll 1942-1944). Les chanoines ne semblent pourtant pas s’être facilement pliés aux contraintes de la vie commune. Vingt ans plus tard (877), en effet, l’élargissement du chapitre et le respect des canons d’Aix sur l’usage du dortoir et du réfectoire sont les conditions posées par Charles le Chauve pour leur concéder les abbayes de Flavigny et de Corbigny (Charmasse 1865, I, 7).
Parallèlement au patrimoine foncier dont il est peu à peu doté par les prélats et les souverains, le chapitre des clercs obtient des privilèges qui lui garantissent une certaine autonomie de gestion vis-à-vis des pouvoirs locaux. L’Église d’Autun bénéficie ainsi de l’immunité depuis 815 et veille à faire régulièrement confirmer cette prérogative par les souverains (Charmasse 1865, I, 20 (815), 28 (843), 5 (850), 6 (900), 11 (936)). Avec l’accord du comte d’Autun, l’évêque et son chapitre sont exempts de toute emprise de la juridiction séculière sur le territoire qu’ils occupent dans la ville haute, dénommé castrum. Le comte s’en réserve en revanche l’exercice sur le reste de la ville même si, à partir du XIIe s., il octroie aux chanoines des droits à exercer la justice sur la ville entière pendant certains temps liturgiques ou au moment de la grande foire de la saint Lazare, début septembre. En 900, le chapitre obtient également du comte d’Autun Richard le Justicier, la restitution du droit de battre monnaie dont on ignore depuis quand il leur avait été usurpé et s’il en avait d’ailleurs jamais pleinement bénéficié (Charmasse 1865, I, n° 2 ; Lauer 1949, 33). Quoi qu’il en soit, en 921 encore, les chanoines en obtiennent la confirmation par le pape Jean X (Charmasse 1865, I, 48).
C’est à la même époque que le chapitre se structure et se hiérarchise. Les dignitaires, dont la fonction est tantôt liturgique (préchantre, chantre…), tantôt administrative (prévôt, archidiacre, écolâtre…) apparaissent au moment de la séparation du patrimoine de l’Église d’Autun en deux menses : l’une pour l’évêque, l’autre pour ses clercs. Les chanoines, désormais dirigés par un doyen (decanus), se montrent des acteurs de plus en plus fréquemment mentionnés dans les sources.
Normalisée par le concile d’Aix, la vie commune des clercs cathédraux donne naissance à la construction de bâtiments canoniaux dans un espace dit quartier canonial que la documentation appelle le cloître (claustrum).
La question de la délimitation du claustrum canonial
En son canon 117, le concile d’Aix prescrit que “tout évêque doit veiller à ce que la clôture des clercs soit entourée d’un mur solide, en sorte que nul ne puisse entrer ou sortir”. Une délimitation précise de l’espace canonial est difficile à reconstituer à Autun pour le Haut Moyen Âge. La cathédrale Saint-Nazaire et les bâtiments canoniaux sont installés dans le sud de la ville, sur un promontoire rocheux enserré dans les fortifications du Ier s. (fig. 2-3). La cité est, on l’a vu, l’une des rares à avoir été fortifiée dès le Haut-Empire par un rempart long de 6 km scandé par une cinquantaine de tours et quatre portes monumentales. Ces remparts, qui fermaient un large espace de 200 ha, gardent toute leur fonction au Haut Moyen Âge. Toutefois, c’est vraisemblablement au cours du IVe s. qu’est élevé un mur d’enceinte réduite au nord de la pointe méridionale de la ville, assurant une protection accrue de cette zone sommitale (Balcon-Berry 2011b). Vers 675, l’évêque Léger prend ainsi soin de les restaurer de même que ceux du Haut-Empire qui ceinturaient le sud de la ville haute (fig. 4, 7). De la sorte, l’espace épiscopal et canonial ainsi limité au nord, sud, est et ouest par les remparts du Ier et du IVe s. répondait pleinement aux prescriptions d’Aix. Toutefois, les premières mentions d’un castrum pour désigner cet espace de la ville haute protégé par une enceinte restreinte n’apparaissent pas avant 861 (Picard & Sapin 1987). Dans un diplôme adressé à l’évêque Jonas, par lequel il restitue des domaines, Charles le Chauve, distingue les biens-fonds situés dans le “castrum” de ceux situés dans la “cité” (Charmasse 1865, I, n° 8, 12-13 ; Tessier 1943, II, n° 227, 5-7). On retrouve par la suite l’usage du mot castrum pour désigner l’ensemble de la ville haute protégée par l’enceinte restreinte.
Cet espace clos de la ville haute n’est pas uniforme (fig. 7). Deux pouvoirs s’y côtoient, chacun occupant un espace, lui aussi progressivement délimité : l’autorité laïque est aux mains du comte d’Autun puis du duc de Bourgogne tandis que l’évêque entouré de ses clercs représentent le pouvoir ecclésiastique. La demeure du duc se situe à l’extrémité sud de la colline (fig. 8.12), au point le plus retranché et culminant de la ville (Besnier 2005 ; Besnier 2010). La cathédrale et l’ensemble des bâtiments épiscopaux et canoniaux sont édifiés à l’opposé, au nord/nord-est du castrum (fig. 8.1-10) Pendant tout le Moyen Âge, trois termes sont ainsi utilisés pour désigner la ville haute et ses deux espaces : castrum désigne l’ensemble de la ville haute12 ; le quartier de la ville haute sous la pleine juridiction du chapitre et de l’évêque est appelé claustrum ; l’espace ducal étant le plus souvent nommé castellum.
Reste la question plus délicate de la délimitation du quartier canonial à l’intérieur de la ville haute, autrement dit du claustrum à l’intérieur du castrum. On sait qu’en 900 ce castrum episcopi s’adosse aux remparts de la cité et comporte la cathédrale dédiée à saint Nazaire, mais il est difficile alors d’en suivre les limites précises notamment à l’ouest au contact avec l’espace ducal. La documentation est plus explicite à partir du début du XIIe s. En 1132, Innocent II confirme aux chanoines la donation qui leur a été faite par le duc de Bourgogne Hugues, d’un terrain pour y élever une église en l’honneur de saint Lazare (fig. 8.1) et par là même accroître l’espace canonial (Charmasse 1865, I, n° 4, 5-7). Jusque-là, le “cloître” était limité à l’ouest par trois rues qui montaient depuis la porte des bancs (fig. 7-8) au nord, jusqu’au château ducal de Riveau au sud, en passant par le carrefour de Saint-Quentin. Cette limite était-elle matérialisée ? Probablement mais peut-être pas par un mur, dont le duc autorise l’édification sur une partie du tracé (entre la porte du cloître et la maison Saint-Quentin) en 1178 (Charmasse 1865, II, n° 22, 109-111). Il faut attendre la fin du XIIIe s. pour avoir confirmation des limites occidentales du quartier canonial matérialisées par un fossé, établi par l’évêque et son chapitre en accord avec le duc, le long de la rue qui unit les remparts sud à Saint-Lazare (Charmasse 1865, II, n° 143, 234-253 (1282) ; Charmasse 1865, I, n° 151, 260-265 (1286). Le claustrum canonial exclut alors Saint-Lazare, peut-être pour préserver la clôture de l’afflux des pèlerins. Au début du XIVe s., les limites occidentales se précisent par un système de fossés et de palissades qui inclut la seconde cathédrale. Elles réunissent les maisons canoniales devant la façade de Saint-Lazare à la porte sud du rempart protégée par un chaffaud (Charmasse 1900, III, n° 130, 172-176 (1322)).
Malgré la clôture de l’espace canonial protégé par l’immunité, les conflits sont fréquents entre le duc et le chapitre. À la fin du Moyen Âge, duc, chapitre et habitants du castrum, participent chacun pour une part à l’entretien des fortifications de la ville haute.
Les chanoines : de la vie commune à la maison canoniale
Depuis la réforme carolingienne, les chanoines sont tenus de vivre en communauté. Le concile d’Aix prescrit en effet que s’il est permis aux chanoines d’avoir des habitations privées et d’y vivre pendant le jour, ils sont tenus de prendre leur repas en commun au réfectoire et de dormir au dortoir (canons 142 et 23). Ces bâtiments destinés à la vie commune des clercs du chapitre sont évoqués à plusieurs reprises dans la documentation carolingienne (Charmasse 1865, I, n° 7, 11 ; Charmasse 1865, I, n° 21, 33). À la fin du XIe s. encore, le dortoir est toujours utilisé, c’est là que se trament des pourparlers en vue d’une élection épiscopale (Charmasse 1865, I, n° 40, 63). Assez rapidement cependant, les clercs sont autorisés à posséder des maisons au sein de la clôture, qu’ils ne peuvent occuper, conformément à la règle, que par intermittence. À la faveur de la confirmation de plusieurs biens-fonds au chapitre, le roi Carloman approuve en 883 la décision de l’évêque d’Autun d’autoriser ses chanoines à bâtir des maisons dans le cloître, à la condition que celles-ci ne soient léguées ou vendues qu’à d’autres clercs (Charmasse 1865, I, n° 16, 25-26 ; Grat 1978, 176-179, n° 68). On ignore exactement quand les chanoines délaissèrent la vie commune au profit de maisons individuelles. Pour autant, l’usage de maisons canoniales dans le cloître ne signifie pas l’abandon des bâtiments communs (cloître, réfectoire, dortoir) qui restent entretenus et encore utilisés aux XIIIe-XVe s. pour les refectiones des fondations pieuses d’anniversaires ou pour la répartition des aumônes aux pauvres entretenus par l’évêque et le chapitre13.
L’abandon de la vie commune, sans doute au cours du XIIe s., pose le problème de la résidence des chanoines. Tenus en théorie d’habiter dans la cité où ils ont reçu une prébende, nombre de chanoines, dès le XIIIe s., cumulent en réalité plusieurs bénéfices entre leurs mains. Ils peuvent alors obtenir des dispenses pontificales ou encore choisir de résider dans les bénéfices où ils ont en charge la cura animarum. Seuls les dignitaires (doyen, chantre, prévôts) sont contraints à résidence par leur fonction.
Depuis l’abandon de la vie commune, les chanoines résident dans une maison du claustrum. Le système d’attribution des maisons aux XIVe et XVe s., obéit à un certain nombre de règles. L’usage veut ainsi qu’une maison canoniale soit attribuée à chaque nouveau chanoine dans les vingt jours qui suivent sa réception. Cette maison qui appartient au chapitre est alors baillée à vie moyennant le versement d’un cens. Lorsqu’aucune maison n’est disponible au moment de l’accueil d’un nouveau chanoine, le chapitre partage alors une maison déjà occupée et reçoit des deux occupants la moitié du cens affecté à la maison. Lorsque le chapitre ne dispose pas d’une maison canoniale à octroyer, il puise dans le stock des maisons qui sont ordinairement baillées à d’autres clercs ou à de simples laïcs. Inversement, si des maisons canoniales restent vacantes par manque de chanoines à y loger, elles sont alors baillées à des laïcs ou de simples clercs. Les maisons canoniales, habitées prioritairement par des chanoines, appartiennent au chapitre et lui reviennent lorsque l’occupant quitte ou perd son bénéfice. Aux XVe et XVIe s., les chanoines bénéficiaires disposent d’une certaine marge de manœuvre puisqu’ils peuvent accorder la jouissance de leur maison à leurs héritiers pendant un an après leur décès. Il leur est aussi possible de la vendre à un clerc. On peut noter qu’aucune maison n’est spécifiquement réservée aux dignitaires du chapitre, même si la rue des sous-chantres devait sans doute abriter les maisons qui leur étaient destinées, au moins au XVe s. (Beguin 2009). Il semble toutefois que ceux-ci cherchent à occuper un bâtiment le plus proche possible des cathédrales et des bâtiments communautaires.
Localiser ces maisons canoniales n’est pas sans difficulté, car la documentation se préoccupe peu de situer les confronts ou prend comme points de repère les noms des voisins ce qui limite toute identification fiable. Espace canonial, mais aussi espace résidentiel pour les laïcs, le cloître abrite également des ateliers (operatoria) qui occupent le plus souvent le rez-de-chaussée des maisons habitées à l’étage. Apothicaire, maître verrier, drapier ou cordonnier côtoient un artisanat plus courant comme le boulanger et témoignent de la mixité du quartier canonial qui n’est donc pas seulement un espace religieux et résidentiel.
Les zones d’inhumation du quartier canonial
Par Jacques Madignier
À l’époque de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge commençant, les zones d’inhumation d’Autun se situaient à la périphérie de la cité, à proximité de la voie qui s’éloignait vers le nord-est, en direction de Besançon (fig. 4.F-H). C’est là que les premiers convertis au Christianisme élurent leurs sépultures, mais aussi des lieux de culte14. Il est patent que ces cimetières de plein champ continuèrent de fonctionner durant l’époque médiévale et une partie de l’époque moderne15. Nous ne savons quand précisément les cimetières entrèrent dans la ville, mais au VIIe s., ils étaient déjà installés à l’intérieur du rempart ; ils étaient aussi présents dans la ville haute, établis à proximité des églises paroissiales, près des cathédrales et des bâtiments collectifs tenus par la communauté canoniale. Cette installation des zones funéraires intra muros renvoyait sans doute aux menaces pressantes qui pesaient sur Autun aux temps des incursions sarrasines et de l’affaiblissement des autorités politiques ; elle traduisait les prémices d’une société qui commençait à se structurer autour de nouveaux repères idéologiques et eschatologiques et qui était persuadée du caractère rédempteur de la proximité des saints ou des espaces sacrés qui résonnaient de la prière permanente. L’introduction du Memento au canon de la messe au cours du IXe s. fit de toute messe une messe des morts et contribua à transformer les clercs des communautés monastiques et canoniales en spécialistes de la mort et des pratiques de commémoration. Dans les siècles qui suivirent, le chapitre cathédral d’Autun dut faire face à de nombreuses donations pro remedio anima, à de multiples fondations d’anniversaires et à de nombreuses demandes d’inhumations ad sanctos, ce qui lui ouvrit d’importantes perspectives de revenus et le contraignit à mettre en forme les premiers livres des morts. C’est ainsi qu’apparurent au début du XIIIe s., les premiers nécrologes puis à la fin du siècle les premiers obituaires16. La particularité de ces sources nécrologiques autunoises réside dans le fait que très tôt les rédacteurs notèrent après un grand nombre de fondations, l’emplacement où reposait le corps du fondateur. Au total près de 250 notices de sépultures, courant du XIIe au XVe s. qui constituent une source incontournable pour tous ceux qui veulent étudier les cimetières de la ville haute d’Autun.
Les zones funéraires se répartissaient en deux pôles majeurs (fig. 2).
Le premier pôle était établi à l’intérieur de ce que les textes nomment monasteria, c’est-à-dire l’ensemble des cours, des passages, des sanctuaires et des bâtiments qui étaient disposés autour de l’aire carrée du cloître et protégés de vieux murs et de levées de terre. Les cimetières étaient parties intégrantes de l’enclos canonial primitif. Ils prenaient place dans de minuscules espaces.
- La vieille cathédrale Saint-Nazaire et Saint-Celse (fig. 2.1) était le premier lieu de concentration des tombes (36 % des notices de sépultures dans les obituaires). La plupart étaient disposées à l’entrée du sanctuaire, près de la voie d’accès, sous le porche, devant les portes. Cet emplacement exigu était quasiment le seul espace disponible compte tenu de l’ordonnancement des bâtiments environnants. Malgré les perturbations que connurent les édifices proches au cours des XIIIe-XIVe s., il continua de fonctionner au-delà du XVIe s. L’intérieur du sanctuaire resta, semble-t-il jusqu’à la fin du XIIIe s., vierge de toute inhumation. Ce n’est qu’au début du XIVe s. qu’il accueillit les premières sépultures et les travaux de transformation du bâtiment n’y changèrent rien : certaines tombes furent installées dans la partie ancienne de la cathédrale, d’autres dans le nouveau chœur gothique.
- La petite église de Saint-Jean-de-la-Grotte située sous la vieille cathédrale Saint-Nazaire était aussi un lieu d’inhumation. Sa position lui faisait jouer le rôle de crypte. Au XIIIe s., elle avait le statut d’église paroissiale dépendant du chapitre. Elle regroupait 15 % des sépultures évoquées par les obituaires. Pour moitié, elles prenaient place à l’entrée du sanctuaire, sous le porche, près des portes qui s’ouvraient au nord-est au profit de la déclivité du terrain. L’autre moitié était installée à l’intérieur du sanctuaire. Les tombes étaient disposées auprès des autels dédiés à la Vierge, à saint Jean-Baptiste et aux saints évangélisateurs de la Bourgogne du sud, Irénée et Léger. Le “plein” de la nef de Saint-Jean est à opposer au “vide” de la nef de Saint-Nazaire où le chapitre, peut-être par respect pour les reliques, marqua longtemps sa réticence à inhumer. Aux XIIIe et XIVe s., les cimetières de la petite église paroissiale furent sans doute quelque peu affectés par les travaux de rénovation de la cathédrale. Elle disparut des obituaires, mais quelques testaments sont là pour nous rappeler qu’on continua d’inhumer à Saint-Jean17.
- La salle capitulaire, accolée à la cathédrale Saint-Nazaire (fig. 2.8), était aussi un lieu de sépulture recherché, car elle était baignée en permanence de la prière et des lectures bibliques effectuées par la communauté canoniale. On y retrouvait 6,5 % des sépultures retenues par les obituaires. Les corps étaient sans doute couchés dans le sol recouvert de dalles de pierre ou de pavements de terre cuite. Ajoutons que le cloître proprement dit, si fréquemment utilisé comme cimetière par les institutions monastiques ou canoniales comme lieu d’inhumations, ne le fut pas à Autun. Les fouilles n’ont révélé la présence que de quelques ossements d’enfants antérieurs à l’installation du cloître, au IXe s. De même, les opérations archéologiques n’ont pas permis de mettre clairement en évidence les vestiges de la salle capitulaire.
Un second pôle funéraire apparut lorsqu’au cours du XIIe s., sur l’emplacement qui se tenait devant le monasterium, fut édifiée avec l’accord du duc de Bourgogne, une nouvelle église destinée à accueillir les reliques de Lazare (fig. 2.3). La translation des reliques en 1146 et la transformation en 1195 du nouveau sanctuaire en cathédrale contribuèrent à l’implantation de nouvelles zones de sépultures. Il est vrai que le nouvel édifice et ses abords immédiats, vierges de toute construction, offraient de larges perspectives d’inhumation. Le mouvement fut sans doute initié par les clercs eux-mêmes et plus particulièrement par le premier d’entre eux, l’évêque. En 1245, Gui de Vergy fit le choix de Saint-Lazare pour y installer sa sépulture18. Si son successeur immédiat, Ancelin de Pommard, ancien doyen du chapitre, souhaita rester fidèle aux sanctuaires du vieux cloître19, tous les évêques suivants à partir de 1279 élurent sépulture dans la nouvelle cathédrale20. Les clercs du chapitre suivirent. En quelques décennies du XIIIe s., Saint-Lazare devint une sorte de nécropole recueillant plus de 40 % des inhumations recensées par les obituaires. Cette nécropole n’était en rien homogène ; elle apparaissait bien plutôt comme une série de petits espaces funéraires accrochés aux murailles de la cathédrale. On n’en dénombrait pas moins de cinq.
- Un premier cimetière s’étendait à l’arrière du grand chœur, retro cancellum, sur des terrains incertains et agrestes recouverts de jeunes pousses et de broussailles, d’où leurs noms de viridarium ou virgultum.
- Un deuxième cimetière, sans doute beaucoup plus vaste et plus peuplé prenait place de la façade principale du sanctuaire jusqu’aux murs de la nef, en un vaste arc de cercle qui englobait les degrés qui conduisaient à l’arc latéral gauche du porche. Il s’étendait in platea ante monasteria, prope fontem, le long de la voie publique qui traversait la place du terreau, pas trop éloigné de la fontaine du cloître. Devant la porte principale, ante portam, il se retrouvait en contrebas de la terrasse que constituait le porche et là effectivement des sondages archéologiques ont révélé la présence de nombreux corps.
- Le porche de Saint-Lazare formait un troisième cimetière colonisé par tous ceux qui, faute de pouvoir et de dignité suffisants ne pouvaient prétendre se faire ensevelir dans les églises. Le lieu était nommé les marbres, les marbres, en raison de la pierre de marbre qui recouvrait le sol ou les colonnes des piédroits du portail. Était aussi considéré comme lieu d’inhumation le bas-côté droit du porche, petit espace clos que l’on appelait capitellum, car les chanoines résidents pouvaient s’y réunir aisément en petit chapitre21.
L’intérieur de la cathédrale était devenu aussi un lieu d’ensevelissement dès le milieu du XIIIe s. Des tombes avaient été creusées dans le sol, devant les autels et les chapelles qui avaient été fondés dans les absidioles du chœur, devant la chapelle de gauche dédiée à Marie Madeleine et à la Vierge, devant la chapelle de droite vouée à Marthe. D’autres avaient été installées dans le transept gauche, près du portail latéral par lequel entraient les processions. D’autres encore étaient établies devant les degrés qui conduisaient au maître autel jouxtant le tombeau monumental de Lazare. D’autres enfin dans les ultimes décennies du XIVe s. commencèrent à s’approprier les chapelles latérales des bas-côtés, ce qui amorçait un phénomène qui ne cessa de s’amplifier dans les siècles qui suivirent.
Il n’est pas sûr que la ville haute d’Autun n’abritât d’autres cimetières que ceux du quartier canonial. Le seul autre lieu d’inhumation dont les sources ont conservé la trace porte le nom de Sainte-Croix22 qui renvoie à un sanctuaire primitif qui aurait pris place à l’extrémité nord de la citadelle. L’image de ces cimetières accumulés aux portes des sanctuaires et pressés contre les bâtiments de l’enclos canonial autunois doit nous conduire à quelques réflexions. L’organisation de toutes ces zones funéraires était conforme à la législation canonique et aux recommandations des textes spirituels qui prescrivaient le dépôt des corps des défunts ad sanctos, auprès des églises où étaient conservées quelques reliques et où résonnait la prière de Dieu. Elle était tout aussi respectueuse des décrets conciliaires qui distinguaient église et espace consacré de l’église, qui interdisaient l’inhumation à l’intérieur des sanctuaires, mais imposait l’obligation d’être enseveli à côté d’eux. Les interdits édictés par les conciles du VIe s.23 furent assouplis par les décrets conciliaires du IXe s. qui acceptèrent d’entrouvrir les portes des églises aux évêques, aux abbés et aux dignitaires des chapitres, aux prêtres méritants et aux pieux laïcs24. Le chapitre cathédral autunois jusqu’au XIIIe s. respecta à la lettre ces prescriptions. La cathédrale Saint-Nazaire resta vide, mais les nefs de Saint-Jean-de-la-Grotte et de Saint-Lazare acceptèrent d’accueillir des évêques, des membres éminents du chapitre et de rares laïcs qui avaient su se montrer particulièrement généreux avec l’institution canoniale. Mais à partir du XIVe s., les arguments monétaires des fondateurs de chapelles et d’autels balayèrent les scrupules imposés par les interdits conciliaires et les inhumations dans les églises se firent plus aisément.
Les inhumations qui s’effectuaient dans les sanctuaires ou près des éléments architectoniques des édifices renvoyaient à des techniques d’ensevelissement bien différentes de celles des zones ouvertes. Les cimetières qui se serraient au pied de Saint-Lazare ou derrière le chevet n’étaient que de la terre bêchée et re-bêchée dans laquelle les corps étaient couchés. De place en place, la surface était marquée de quelques pierres levées qui servaient de repères lorsqu’à l’issu d’un anniversaire, les célébrants se rendaient en procession sur la tombe pour une ultime oraison. Les sépultures incluses dans les bâtiments, sous les porches ou à l’intérieur des églises requéraient d’autres techniques et d’autres coûts, car il fallait creuser le sol du dallage, faire tailler et poser une dalle aux dimensions du caveau. Un certain nombre de testaments prévoyaient de tels travaux et en remettaient le financement aux exécuteurs. Parfois la tombe était préparée avec grand soin par le fondateur lui-même avant sa fin. Ainsi en 1288, Jean de Bourbon, archidiacre d’Avallon prescrivait avec détail la réalisation de son caveau. Il le faisait creuser aux marbres de Saint-Lazare, au pied de l’autel Saint-Denis qu’il venait de fonder. Il y faisait déposer une dalle en attente de sa dépouille (Charmasse 1865, I, 316-317). Il se pouvait que la dalle fût déjà gravée à l’image du défunt comme le recommandait Pierre de Champdivers, sénéchal d’Autun, en 139325.
Tous ces lieux de sépultures répartis dans la ville haute n’étaient pas une accumulation anarchique. En réalité, ils participaient à une subtile hiérarchie. Chaque lieu, en fonction de sa position par rapport au sacré, conférait une protection plus ou moins efficiente. Le chapitre cathédral, maître du cloître, fut l’organisateur empirique des espaces funéraires en réservant les lieux les plus sacrés aux membres de l’ordo clericalis et à tous ceux qui l’emportaient par la potestas et la virtus.
À partir du milieu du XIIIe s., la petite église de Saint-Jean puis la cathédrale Saint-Lazare devinrent le lieu de sépulture des évêques, dès qu’ils purent s’émanciper du modèle nécrologique véhiculé par les communautés monastiques de Cluny et de Cîteaux26. Malgré la tentative avortée de Geoffroi David d’installer sa tombe dans la nouvelle cathédrale Saint-Nazaire, Saint-Lazare resta pour de nombreux siècles le cimetière aux évêques.
Les lieux d’inhumation des dignitaires étaient beaucoup plus dispersés, car leur condition était quelque peu ambiguë. En effet, malgré leur extraction aristocratique ils ne pouvaient prétendre à suffisamment d’autorité et de mérite. Certains d’entre eux, doyens, chantres ou archidiacres réussirent à se faire ensevelir à Saint-Jean-de-la-Grotte ; quelques-uns, à la fin du XIIIe s. et au XIVe s., accédèrent à Saint-Lazare27. Mais l’immense majorité restait aux portes des sanctuaires, sous les porches des cathédrales ou trouvait refuge dans la salle capitulaire.
Les cimetières des chanoines s’étendaient aux portes des églises. Les membres de la communauté demeurèrent longtemps fidèles aux sanctuaires du monasterium. Mais à partir de la fin du XIIIe s., beaucoup d’entre eux firent le choix d’être inhumés au porche de Saint-Lazare ou dans le petit espace qui s’étendait en contrebas.
Le clergé subalterne n’avait pas toujours accès à ces cimetières privilégiés et exigus. Curés, chapelains, clercs de chœur, à partir du XIIIe s., concentrèrent leurs sépultures derrière le chevet de Saint-Lazare où poussaient broussailles et jeunes arbres. Ils n’hésitèrent pas à y faire enterrer aussi leur famille la plus proche28.
Le quartier canonial n’était pas qu’un cimetière de clercs. Très tôt, il s’ouvrit aussi à toutes les populations laïques qui gravitaient autour du chapitre cathédral : ministériaux et domestiques de tous rangs et de toutes conditions qui assuraient le service de la communauté ; aristocratie urbaine issue du commerce et de l’artisanat qui avait su se rendre indispensable à l’économie et à la survie du chapitre ; aristocratie féodale représentant les lignages dont chanoines et dignitaires étaient issus. Par voisinage et fidélité, par clientélisme et népotisme, tous ces laïcs parvinrent à se faire enterrer dans les cimetières du quartier canonial.
Les laïcs de la familia canonicalis dans un premier temps accompagnèrent les chanoines qu’ils servaient aux porches des églises, mais à partir du XIIIe s., ils rejoignirent derrière le chevet de Saint-Lazare le clergé subalterne pour constituer une sorte de nécropole des serviteurs du chapitre.
L’aristocratie urbaine jusqu’au XIIe s. mêla ses tombes à celles des chanoines aux portes des églises. Puis, lorsque l’édification de Saint-Lazare ouvrit de nouvelles perspectives, elle envahit le cimetière qui se dessinait sur le flanc de la cathédrale, le long de la place du terreau. Les sépultures étaient disposées là, offertes au regard de ceux qui traversaient la place ou bien fréquentaient les échoppes et les ouvroirs29.
L’enclos canonial n’était pas le lieu d’élection des sépultures des lignages féodaux. Dans les seigneuries castrales, ils disposaient de leurs propres lieux de culte, chapelles ou collégiales mieux amènes d’accueillir leurs tombes. Toutefois nombre de veuves, fuyant l’univers masculin des résidences castrales, avaient trouvé refuge dans la ville haute, vivant sous la protection du chapitre où siégeaient leurs fils ou neveux. C’est pourquoi elles prirent place dans les cimetières du cloître. Par leurs fondations d’autels et de chapelles elles réussirent même à pénétrer des espaces qui ne leur étaient pas obligatoirement destinés30.
Cet agencement de nécropoles multiples n’était pas le propre d’Autun. Il se rencontrait dans nombre de quartiers canoniaux comme l’ont souligné les travaux conduits par Yves Esquieux dans les cités du pourtour méditerranéen (Esquieu 1992) ou les études plus ponctuelles sur Rouen, Angers, Limoges, Vienne (Picard 1994).
Jusqu’aux XVIIe et XVIIIe s., le quartier canonial autunois conserva, enchâssés entre ses églises et les bâtiments collectifs un grand nombre de ses cimetières. La belle ordonnance cléricale conçue au cœur du Moyen Âge avait quelque peu volé en éclats. L’évolution des comportements face à la mort en particulier au cours des troubles des XIVe et XVe s. et la montée en puissance du pouvoir économique et politique avaient ouvert désormais les cimetières les plus privilégiés à quiconque détenait un peu de ce pouvoir.
Historique de l’étude archéologique
Les méthodes mises en œuvre
Le carroyage de la cour du Chapitre (fig. 9) a été établi au début de la campagne de 1984 afin d’être compatible avec la grille de l’ensemble du site, c’est-à-dire la totalité du groupe épiscopal et canonial31. Il est orienté au nord, avec comme point de donnée de la fouille le seuil méridional du bâtiment occidental, qui de plus sert de point zéro, à 364.45 NGF. Aussi cette grille est-elle désaxée par rapport à l’implantation des bâtiments. Le système d’enregistrement adopté comporte des “contextes”, ou Unités Stratigraphiques [US], désignés consécutivement par des chiffres arabes.
Au cours des premières années, la fouille a été essentiellement menée en suivant les couches stratigraphiques naturelles. Dans le cas de couches profondes, visuellement homogènes, il a été procédé à une division arbitraire horizontale de 5 cm. En ce qui concerne les niveaux de remblais récents, les passes arbitraires étaient de 10 cm. Précisons que la quasi-totalité du site a été fouillé à la truelle ou parfois à la pelle pour vider les fosses modernes32. Le tamisage des terres a été effectué pour les niveaux les plus anciens – les niveaux pré-modernes – afin de recueillir le mobilier archéologique. L’enregistrement minutieux de la stratigraphie généralement bien conservée, correspondant à plus de deux mètres de dépôts, permet de proposer une reconstitution précise, et on l’espère fidèle, de l’histoire du site.
À partir de 1989, époque de la réalisation de fouilles plus limitées et de sondages de vérifications, les méthodes d’enregistrement ont été quelque peu modifiées et l’équipe s’est considérablement réduite. Il a ainsi été possible de fouiller par niveaux naturels des couches très minces, qui auparavant avaient été regroupées, présentes dans les galeries (fig. 62, 64-65), en repérant par là même le phénomène d’érosion de certaines surfaces lenticulaires de terre battue ainsi que la présence de recharges, ces niveaux étant liés à des occupations ou même à des phases de construction. Parfois, l’accrétion de dépôts d’origine végétale a été décelée. De même, des couches assimilées aux fameuses “terres noires”, concentrées au nord-est du préau, ont fait l’objet d’une fouille particulièrement minutieuse avec passes arbitraires de 5 cm, plans au 1/20e à chaque niveau enlevé, localisation précise de tous les éléments mis au jour et recueillement systématique du mobilier.
Au cours de la fouille, des descriptions minutieuses des contextes ont été réalisées sur des fiches ainsi que dans des carnets de contextes. Les observations prennent en compte la composition du sol, ou toute autre matière, l’emplacement et les limites du niveau, ses relations avec les contextes adjacents, etc. À partir de 1986, le site a été divisé en grands secteurs (secteurs est, sud-est, sud-ouest, ouest et central) placés sous la responsabilité d’un fouilleur qualifié33 qui tenait un carnet, remplissait les fiches et réalisait des plans (échelle 1/20e et 1/50e) à chaque US enlevée. Les photographies, les plans du jour à l’échelle du site (1/100e), l’attribution des numéros d’US et le suivi du chantier étaient assurés par le responsable d’opération qui par ailleurs tenait son propre carnet34. Cette logistique lourde, fondée sur le chevauchement de l’enregistrement, a permis d’assurer un enregistrement aussi exhaustif que possible de toute l’histoire du site et de revoir, au fur et à mesure de l’avancement des recherches, les hypothèses proposées.
Si tous les bâtiments composant le site (cathédrale Saint-Nazaire et cloître) avaient été relevés par des architectes dans les années 1980 (fig. 126-127)35, à partir des années 1990, il restait à entreprendre de nombreux relevés pierre à pierre des élévations conservées. Ces documents ont permis par ailleurs de procéder à une lecture archéologique plus fine, avec décomposition en US, dans le but de faciliter la relation avec l’enfoui. Cette numérotation suit celle attribuée aux couches et fait donc pleinement partie du système d’enregistrement global. La distinction entre l’enfoui et les élévations est abolie.
On a pris soin de recueillir tous les types de mobiliers archéologiques pour l’ensemble des périodes considérées, du XXe s. jusqu’au Ier s. Après avoir été nettoyés, triés et inventoriés par contexte, certains ont fait l’objet d’études. Un tessonnier a été constitué dès le début de la fouille accompagné d’une description précise des fragments (type de pâte et de revêtement caractérisés sur le plan de la couleur grâce au code Munsell ; description détaillée de la forme en présence)36. Au cours de l’étude, des spécialistes sont intervenus pour faire des prélèvements et compléter les données. Des synthèses de ces recherches sont proposées dans le chapitre 4.
L’intervention de 1983 à 1988
La fouille de la cour du Chapitre a été menée en plusieurs étapes que nous résumons (fig. 10). En 1983, un sondage préliminaire de 2 x 2 m a été réalisé au sud-ouest, à l’emplacement présumé d’un arc-boutant démantelé, connu par une fouille ponctuelle réalisée par Charles Boëll en 1919 (fig. 31). Notre intervention a confirmé l’existence de restes de structures imposantes tout en révélant une stratigraphie très bien préservée, le niveau le plus ancien pouvant être daté du début du XIIIe s., ou du XIVe s. (Berry 1983).
Au cours des deux premières campagnes de fouille, en 1984 et 1985, deux tranchées d’exploration furent réalisées aux abords nord et ouest du site, en tenant compte du passage des riverains, tandis qu’une grande excavation en aire ouverte débutait simultanément dans le tiers sud-est de la cour.
La première des tranchées d’exploration creusées en 1984 jouxtait le bâtiment nord de l’entrée de la cour. Elle visait à clarifier la chronologie du bâtiment occidental avant sa restauration imminente par les Monuments Historiques37. L’objectif de la deuxième tranchée liminaire, faite en 1985 à côté du bâtiment nord-ouest, était d’examiner la travée inachevée de la première nef gothique de Saint-Nazaire, incorporée dans une structure plus récente, à présent détruite38.
Au sud-est, la fouille en aire ouverte a été divisée en 1984 en deux zones séparées par une grande berme : ces deux espaces couvraient ensemble une surface de 150 m². Étant donné que la grille du site coupe la cour en diagonale, ces deux zones accusaient une forme triangulaire. La zone orientale s’étendait de l’escalier (Escalier 203) situé à l’angle formé par l’intersection des bâtiments est et sud, jusqu’à la chapelle sud-ouest du chœur de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire (chapelle Saint-Aubin). La zone sud débutait au niveau du pallier de l’Escalier 203 et atteignait le portail occidental du bâtiment méridional. Malgré de fortes perturbations dues à des canalisations modernes, cette première campagne d’envergure permit de déceler la présence d’une succession de pavements des XVIIIe et XIXe s. (fig. 125).
En 1985, il a été possible d’éliminer la berme séparant les deux zones de fouille ouverte, tandis que la surface attenante à la chapelle Saint-Aubin fut amplifiée (fig. 10). Un mur du XVIe s. associé à la culée d’arc-boutant trouvée en 1919 puis en 1983 et orienté est-ouest (Mur 2) a été découvert ainsi que, immédiatement au sud, les vestiges d’une paroi plus ancienne (Mur 13), datée de l’époque carolingienne (fig. 9). Cette découverte motiva la poursuite des recherches et il fut décidé d’étendre la fouille vers le nord-est, et donc de doubler la superficie de l’espace investi qui atteignit plus de 300 m². Les premières explorations de l’espace situé au nord-est du site entre le flanc sud du chœur de l’ancienne cathédrale et la galerie orientale du cloître – le “passage” – remontent à cette époque et se sont poursuivies bien après, notamment en 1988, puis en 1990-1992.
En 1986, cinq secteurs ont été définis et placés sous la responsabilité d’étudiants avancés. L’enlèvement mécanique des niveaux supérieurs des remplissages a malheureusement perturbé des couches plus anciennes en raison de la pente du terrain. Progressivement, les nouvelles zones étudiées ont été fouillées jusqu’aux niveaux des espaces attenants explorés en 1984-1985. Le mur carolingien (Mur 13) a été plus amplement dégagé et une phase de rénovation identifiée (XIe s.). Au sud-ouest, le retour de cette paroi vers le nord, correspondant au mur oriental de la galerie occidentale, a été découvert ainsi que le prolongement vers l’ouest du Mur 2 (Mur 5).
En 1987-1988, le secteur central, à savoir l’ancien préau du cloître, a particulièrement retenu l’attention. Là, et notamment dans la partie nord, de nombreuses couches intactes, situées entre le XIe et le XVe s. ont été mises au jour et fouillées minutieusement. Le puits fut découvert à cette époque (US 473 et 702 ; fig. 9), de même qu’une plateforme composée de grandes pierres (US 731) liée à un muret orienté est-ouest (US 712), ces deux éléments étant datés du XIIIe s., car associés au chantier de reconstruction de Saint-Nazaire. Au nord-est du préau, des sépultures mérovingiennes furent trouvées ainsi que, plus à l’ouest, des vestiges d’une occupation antique prenant la forme d’un silo (US 755). À la fin de la campagne de 1988, la richesse des découvertes a nécessité la prolongation de la fouille de deux semaines par le biais de plusieurs sondages très limités.
Les opérations plus limitées entre 1989 et 2003
En 1989, la partie nord du préau fut plus amplement explorée par une équipe très réduite39, avec en préalable un redressement des bermes réalisé de façon stratigraphique (fig. 10). Des tranchées liées à la construction gothique de Saint-Nazaire (côté méridional de la chapelle Saint-Aubin) furent repérées et partiellement fouillées. Au cours de la saison suivante, la fouille des tranchées de construction longeant la chapelle Saint-Aubin été achevée de même que celle des niveaux anciens du “passage” situé entre le mur sud des parties gothiques de Saint-Nazaire et la galerie est du cloître. En parallèle, au centre du préau fut reprise l’investigation des “terres noires” du Haut Moyen Âge, ces niveaux étant antérieurs au décaissement ayant précédé la construction du cloître au milieu du IXe s. Durant les étés des années 1991 et 1992, la fouille des terres noires fut amplifiée en surface et terminée. L’opération menée dans le passage fut aussi complétée, révélant pour la première fois des éléments de la domus ecclesiae. En définitive, l’étude des niveaux de circulation autour du puits situé dans la partie centre-ouest du préau (US 702) fut achevée à la fin de la campagne de 1992.
En 1993 et 1994, la fouille du cloître fut interrompue au profit de l’étude du mobilier par des bénévoles, avec confection de catalogues40. Au printemps 1995, deux sondages furent entrepris dans la galerie orientale afin de vérifier la présence de niveaux anciens. Parallèlement, des sondages pratiqués dans les enduits modernes des étages du bâtiment ouest permirent de mettre au jour des ouvertures anciennes ainsi que des graffiti. Ces derniers furent relevés en détail en 1999. Au cours de l’été 1995, un sauvetage urgent mené non loin de l’église Saint-Pierre-l’Estrier dans une zone funéraire réputée, éloigna temporairement l’équipe du groupe épiscopal et canonial41.
De 1996 à 1998 un sondage fut entrepris à l’intérieur du bâtiment septentrional, appelé aussi Chambre des Comptes42. Le but était de voir si cet espace correspondait à la galerie nord du cloître ou à la nef de Saint-Nazaire avec peut-être des perturbations dues à l’amorce de l’agrandissement de celle-ci au XIIIe s. Cette intervention permit de mettre au jour une maçonnerie dont seule une infime partie put être dégagée. Des problèmes de stabilité de la partie supérieure du bâtiment septentrional empêchèrent l’élargissement de la fouille. L’été 1998 vit aussi la réalisation de nombreux relevés, notamment ceux des murs du bâtiment septentrional, mais aussi de plusieurs élévations du bâtiment ouest, comme le parement extérieur du mur est ainsi que le mur occidental (2e niveau). Dans ce cas, il s’agissait d’enregistrer l’aspect de cette paroi avant restauration.
En 1997, en préalable à l’aménagement d’un local commercial, les caves des maisons situées au n° 1 (dite “le Lutrin”) et au n° 3, place du Terreau (fig. 10), firent l’objet de deux sondages successifs menés par les équipes de l’AFAN (Saint-Jean Vitus & Gerbet 1997 ; Venault et al. 1997). Une troisième intervention fut entreprise parallèlement à la fouille du bâtiment septentrional dans la cave orientale du n° 3 (maison accolée au nord de l’ancien porche de l’ancienne cathédrale) par l’équipe de Saint-Nazaire (Balcon & Berry 1997).
En 1999-2001, en raison de la destruction d’un escalier situé dans l’angle sud-est du cloître par un groupe d’insertion qui procédait à des travaux d’aménagement du site, une fouille fut pratiquée à cet endroit. Elle permit de mettre au jour différents niveaux d’occupation de la galerie sud du cloître, niveaux partiellement reconnus jusque-là. De plus, derrière l’escalier effondré, tout un pan de mur du bâtiment méridional, depuis sa phase initiale jusqu’au XIXe s., apparut.
Durant l’été 2000, la fouille, faisant office de chantier-école de la Sorbonne, se focalisa sur la galerie occidentale du cloître, à l’emplacement de la découverte, en 1989, des marches d’un escalier montant vers le bâtiment ouest. Le sondage orienté est-ouest permit d’associer l’histoire du cellier à celle de la galerie ouest, ainsi qu’au préau. Il fut ainsi possible de revoir les hypothèses proposées en 1989, à la suite d’une première exploration d’une zone située plus au sud. Des relevés de l’élévation méridionale du chœur de Saint-Nazaire furent par ailleurs entrepris (fig. 105-109).
En 2001, la partie est du bâtiment oriental fut plus amplement explorée, puis encore en 2002 avec, en parallèle, une analyse détaillée de la paroi ouest qui abrite des ouvertures anciennes. Au printemps 2002, le mur extérieur sud du bâtiment méridional fut relevé en détail grâce à l’aimable autorisation des nouveaux propriétaires43 (fig. 98).
La galerie orientale fut, quant à elle, investie en 2003. Comme on l’avait supposé, les vestiges qu’elle renfermait étaient du plus haut intérêt et toute l’histoire de l’espace, depuis l’antiquité jusqu’au XXe s. put être reconstituée.
L’été 2004 vit l’achèvement de relevés d’élévations et de coupes stratigraphiques. D’autre part, des peintures murales découvertes en 1989 sur le mur sud du bâtiment méridional (fig. 99) furent relevées à l’échelle 1. L’étude du chevauchement des badigeons et des enduits permit de proposer un phasage plus précis des reprises de la paroi, avec en parallèle l’amorce d’une étude des enduits peints trouvés en fouille44.
C’est aussi en 2004 et en 2005, que se sont poursuivies les études consacrées au mobilier, tandis qu’en 2006 avaient lieu des sondages à l’ouest du chevet de Saint-Lazare, révélant des fossés associés à un système de défense du groupe épiscopal du Haut Moyen Âge (fig. 149.K).
La connaissance du site par les sources écrites et iconographiques
Les sources écrites
C’est probablement au Ve s., voire à la fin du IVe s., qu’un premier groupe épiscopal s’installe en terrasses sur le promontoire occupant l’extrémité sud de l’enceinte augustéenne (Sapin 1986, 29 ; Piétri & Picard 1986, 41), dans le quart nord-est du castrum créé peu auparavant (fig. 2, 4), vraisemblablement dans la seconde moitié du IVe s. (Kasprzyk 2005, I.A. ; Balcon-Berry 2011). La dédicace à saint Nazaire – saint Milanais du début du IIIe s. dont le corps fut exhumé par saint Ambroise en 396 – de l’église principale est attestée aux VIe-VIIe s. (Décréaux 1979, 36). On considère que c’est pour orner le vestibule de la domus ecclesiae – résidence de l’évêque et des clercs – mentionnée à la fin du VIIe s. dans la Passion de saint Léger45 – ou Leudegarius – que Venance Fortunat envoya à l’évêque Syagrius un long poème acrostiche (Picard & Piétri 1986, 42 ; Vieillard-Troïekouroff 1976, 42)46. Cette même Passion de saint Léger fait référence à un baptistère47. Nous proposons de situer ce dernier au nord de Saint-Nazaire dans sa forme primitive (fig. 148.B), arguant du fait que l’église paroissiale dédiée à Saint-Jean-de-la-Grotte, située sous le chœur de Saint-Nazaire au milieu du XIIIe s., avec son entrée principale placée au nord, devait incorporer l’ancien baptistère dont elle reprend le vocable (Sapin 1986, 30). Quant à la domus ecclesiae, nous pensons avoir découvert ses vestiges au sud et à l’est de Saint-Nazaire (Balcon-Berry & Berry 2012 ; fig. 148.D). Comme nous l’avons déjà dit, il est possible qu’une seconde église, la future collégiale Notre-Dame détruite à la fin du XVIIIe s., qui prenait place au nord du supposé baptistère, parallèlement à Saint-Nazaire (fig. 148.C), ait fait partie du groupe épiscopal primitif, selon un système d’églises doubles connu sur d’autres sites (Duval & Caillet 1996). Un dernier édifice de culte est connu par les sources : l’église dédiée à Sainte-Croix, mentionnée dans un diplôme de 853, mais sa localisation demeure très hypothétique (Sapin 1986, 30-31). L’abbé Berthollet proposait de la situer au sud du groupe épiscopal, sur une étroite bande de terrain, ce qui serait en accord avec les dimensions données dans le diplôme de 853, faisant aujourd’hui partie de l’évêché (Berthollet 1947, 34).
D’après les sources, une première rénovation de la cathédrale fut entreprise vers la fin du VIe s. sous l’évêque Syagrius, conseiller de la reine Brunehaut (Piétri & Picard 1986, 42). Il procéda à la réalisation d’une mosaïque à fond d’or, et l’on est tenté d’associer à cette époque les tesselles dorées trouvées dans les niveaux de destruction des XIIIe-XIVe s., précédant la reprise des parties orientales de Saint-Nazaire. La domus ecclesiae mentionnée dans la Passio de saint Léger fut peut-être remaniée par ce prélat vers 670. Les textes nous assurent par ailleurs qu’il retoucha la cathédrale Saint-Nazaire et reconstruisit l’atrium qui la précédait (Piétri & Picard 1986, 42)48. Selon un document de 843 (Charmasse 1865, I, 47), cette église aurait été ravagée par un incendie causé par les Sarrasins en 731, mais, nous l’avons dit, une hypothèse récente propose d’attribuer cette exaction aux leudes de Charles Martel, vers 734 (Mouillebouche 2011). Saint-Nazaire aurait été de nouveau retouchée à la fin du IXe s. (Gagnarre 1774, 307). En 972, Saint-Nazaire abrita les reliques de saint Lazare, rapportées de Marseille par l’évêque Girard, jusqu’à leur translation en 1147 dans l’église spécialement édifiée à partir du début du XIIe s. pour les accueillir (Charmasse 1865, II, 332 ; Fontenay 1879, 334).
L’édifice fut vraisemblablement en partie reconstruit au XIe s. comme en témoigne notamment le porche remontant à cette époque (Sapin 1986, 30), dont le niveau inférieur est en partie conservé à l’entrée de la cour de la Maîtrise (fig. 81), ancien emplacement de Saint-Nazaire, mais les textes sont muets à ce sujet, ou bien ils sont perdus. Ce bâtiment d’apparence probablement fort disparate avec ses parties carolingienne et romane par rapport à la rutilante église Saint-Lazare élevée au début du XIIe s. sur son flanc occidental, devait toutefois être tout à fait convenable puisque si à partir de 1195 les offices divins sont partagés entre ces deux bâtiments ce n’est pas en raison de la vétusté de Saint-Nazaire, mais bien à cause de l’indécence du culte que l’on pratiquait à Saint-Lazare (Gagnarre 1774, 310-311, 620 ; Berthollet 1947, 182). Ce n’est qu’au milieu du XIIIe s. qu’il est question d’un ambitieux projet de reconstruction de la cathédrale Saint-Nazaire. Ainsi, en 1256, durant l’épiscopat de Girard II (1253-1276), les chanoines obtinrent une bulle d’indulgence du pape Alexandre IV pour des contributions “aux réparations de ce magnifique édifice” (Gagnarre 1774, 308). Il est possible qu’une première campagne de construction de l’église gothique ait été entreprise dès cette époque, voire peu avant. En effet, un document de 1253 mentionne la présence d’une inhumation dans Saint-Jean-de-la-Grotte, l’église paroissiale aménagée sous le chœur de Saint-Nazaire, en englobant et restructurant probablement une ancienne crypte associée à cette dernière49.
Selon toute vraisemblance, les travaux avancèrent lentement, car en 1347, sous l’évêque Guy de Chaume, une ordonnance stipule que des revenus devaient être réservés à la construction de Saint-Nazaire (Gagnarre 1774, 308-309 ; Charmasse 1900, 258). Mais étant donné qu’elle intervient juste avant l’arrivée de la Peste Noire en Bourgogne, cette initiative ne fut pas non plus couronnée de succès et, en 1432, on trouve encore mention de l’établissement d’indulgences pour des donations à la fabrique de la cathédrale Saint-Nazaire (Gagnarre 1774, 309). Dans ce même XVe s., la transformation de la chapelle sud du chœur de Saint-Nazaire – la chapelle Saint-Aubin – en “salle des archives” avec division en deux niveaux ayant nécessité l’abaissement de ses voûtes (fig. 114) aurait signé, avec d’autres facteurs, l’arrêt des travaux (Berthollet 1947, 186). D’après les sources des XVIIe et XVIIIe s., ainsi que la documentation iconographique (fig. 12-15), il est clair que seul le vaste chœur avait été en partie élevé quand les travaux s’arrêtèrent définitivement au XVe s.
En 1699, la voûte du chœur est démontée car elle menaçait ruine, peut-être à cause des restructurations de son flanc sud au XVe s. (Fontenay 1879, 337-338 ; Charmasse 1906, 185). Jusqu’au début du XVIIIe s., l’église sert toujours au culte, notamment lors de l’intronisation des évêques50. Mais le manque d’entretien entraîna sa ruine, puis sa destruction amorcée en 1778, mais effective en 1783 (Gagnarre 1774, 312 ; Fontenay 1879, 338-341). Seule subsiste en élévation la chapelle sud-ouest du chœur de Saint-Nazaire, la chapelle Saint-Aubin (fig. 3, 18-19).
Il est probable que peu après le concile d’Aix-la-Chapelle, en 816, l’évêque Modoin organise le chapitre cathédral, le dote de domaines ainsi que de locaux au sud de Saint-Nazaire, là où prenait place la domus ecclesiae primitive, lieu qui verra le développement du cloître (Deflou et al. 1994). Les documents relatifs à la naissance de cet ensemble canonial sont peu nombreux et assez ambigus51. Le premier datant de 858, sous l’évêque Jonas, laisse entendre qu’il existait déjà des structures, mais qu’elles ne sont plus appropriées ; il faut donc les remanier :
Primum enim prospiciens illorum habitum officinarum inconvenientem et pene nullum esse, comparatione aliorum, justa morem aliarum urbium, claustra officinasque congruentiores et aptiores ad usus eorum aedificare studui.
(Charmasse 1865, I, 32-34)
Dans le second document, écrit en 877, on apprend que l’évêque Augier reprend les travaux de Jonas et fait construire un réfectoire ainsi qu’un dortoir, bien que le passage pourrait aussi être interprété comme la réfection de bâtiments existants :
Hac ergo nostra donatione et canonicam suam amplificet et tam ex rebus jamdictae abbatiae, quamque et ex ejusdem episcopatus et numerum canonicorum augeat et ut in refectorio manducent, et ut in dormitorio, canonice ordinet.
(Charmasse 1865, I, 11-12)
Selon les textes, ce claustra ou monasteria destiné à abriter la vie d’une cinquantaine de chanoines comprenait un dortoir, un réfectoire, une salle capitulaire pour les réunions, une cuisine, un cellier, un grenier et une boulangerie. D’autres installations domestiques comme une grange, des écuries, des équipements sanitaires devaient aussi exister (la plupart probablement au sud du cloître, dans la région de l’ancienne cure, formant une “cour domestique”). La séparation entre la mense canoniale et la mense épiscopale, au tout début du Xe s., a peut-être eu des répercussions sur les bâtiments canoniaux restructurés à cette occasion (Boëll 1942-1944). Bien que dès le IXe s. les chanoines possédaient des maisons situées au sud du cloître (Deflou et al. 1994, 166), ils semblent avoir respecté la règle les enjoignant à vivre en communauté au moins jusqu’à la fin du XIIe s., voire le début du XIIIe s.52. Un texte de 1098 où l’on apprend que Norgaud, le futur évêque, se rend dans le dortoir pour demander à l’archidiacre Vautier d’appuyer sa candidature à l’épiscopat l’atteste clairement53. De même, dans un collectaire des années 1132, il est question d’oraisons à réciter dans divers bâtiments du cloître (salle capitulaire, dortoir, réfectoire)54.
Dans une charte de 1178, il est dit qu’un mur percé d’une porte charretière, en partie conservée de nos jours, est aménagé perpendiculairement au cellier jusqu’à la maison Saint-Quentin (Charmasse 1865, I, 110 ; Deflou et al. 1994, 168). Cette paroi (fig. 8.6-8) constituait une partie de la délimitation du grand cloître, ou claustrum, situé dans la partie sud-ouest du castrum, espace relevant de la juridiction des chanoines et abritant leurs maisons.
Les sources iconographiques
Bien que leur analyse ne soit pas toujours facile, quelques documents iconographiques antérieurs à la fin du XVIIIe s., date de la destruction de la cathédrale Saint-Nazaire et de l’église Notre-Dame ayant sensiblement modifié la configuration du site, donnent une idée des dispositions du groupe épiscopal et canonial.
La vue cavalière publiée en 1575 par Belleforest dans sa Cosmogonie universelle (fig. 11) doit être interprétée avec circonspection en ce qui concerne Saint-Nazaire, mais aussi d’autres aspects de la ville haute. L’ancienne cathédrale est assimilée à un bâtiment rectangulaire surmonté d’une flèche. Elle est agrémentée d’ouvertures et comporte une façade occidentale donnant sur la rue (la place du Terreau), ceci étant peu probable, comme on le verra ci-dessous. Elle est précédée au nord par un édifice qui semble lui être nettement dissocié et qui correspond, en partie inférieure, à Saint-Jean-de-la-Grotte. L’entrée de cette église paroissiale est surmontée d’un fronton. À l’arrière, les bâtiments du cloître sont schématiquement représentés, le bâtiment sud semble notamment absent.
La vue cavalière de Saint-Julien-de-Balleure publiée en 1581 dans son Histoire des Bourgongnons, montre plus de fidélité à la réalité (fig. 12). Là aussi, le flanc nord de Saint-Nazaire prend l’apparence d’un grand rectangle percé de deux ouvertures. Mais sa façade occidentale, simple mur droit, est précédée d’une cour avec en front de rue (c’est-à-dire place du Terreau), un alignement de maisons. Cette représentation différente de celle de Belleforest, correspond aux indications fournies par les textes ainsi que par l’archéologie, puisque cet espace s’est substitué à la nef de l’église dès les XIVe-XVe s., pour faire place à un cimetière, matérialisé sur la vue de Saint-Julien-de-Balleure par une croix. Au nord, Saint-Jean-de-la-Grotte prend l’aspect d’une sorte d’avant-corps isolé de Saint-Nazaire, avec un fronton inférieur surmontant son entrée, ainsi qu’un même élément en partie supérieure associé à la toiture. Ces indications semblent se conformer dans une large mesure aux données fournies par le document publié par Belleforest. Il faudrait ainsi admettre que la zone septentrionale de Saint-Jean-de-la-Grotte se distinguait de la cathédrale qui la surmontait, en se projetant nettement par rapport à cette dernière. Un mur orienté est-ouest ferme au nord la cour de Saint-Nazaire et rejoint les habitations situées à l’ouest, du côté de la place du Terreau. La Porte du chapitre mentionnée dans un document de 1178 et dont il subsiste des vestiges est bien représentée sur la vue de Saint-Julien-de-Balleure, accolée au bâtiment occidental du cloître. Ce dernier est en revanche étrangement orienté, et il est bien difficile de distinguer les autres éléments du complexe canonial55. À l’est se développe l’évêché doté de deux tours de fortification ; au nord prend place l’église Notre-Dame avec sa tour-clocher ; la zone occidentale est quant à elle dominée par Saint-Lazare. Les murs d’enceinte et ceux qui divisaient les différentes parties du groupe cathédral sont fidèlement représentés.
Sur une peinture de 1591 montrant le siège de la ville par le maréchal d’Aumont (fig. 13), conservée au Musée Rolin, on retrouve les deux frontons de Saint-Jean-de-la-Grotte, ainsi que la façade de Saint-Nazaire en fond de cour. La vue étant différente, on ne perçoit pas aussi nettement l’avant-corps formé par la partie septentrionale de l’église paroissiale inférieure. Cette peinture est cependant en grande partie fondée sur la gravure de Saint-Julien-de-Balleure.
Sur la vue de la ville depuis l’ouest de Pierre Tranchant datée de 1660 (fig. 14), conservée également au Musée Rolin, seule émerge la partie supérieure de Saint-Nazaire dont on perçoit trois ouvertures qui se confondent avec des arcs assimilables à des volées d’arcs-boutants, non figurées sur les documents antérieurs. Une dernière baie se cache vraisemblablement derrière la tour de l’église Notre-Dame. On distingue aussi clairement un porche accolé à la façade occidentale de Saint-Nazaire, mentionné là aussi dans les sources, car il abritait des sépultures, à l’instar de la cour ayant remplacé la nef qui le précédait à l’ouest. Cet élément a d’ailleurs laissé des traces en élévation, sur le bâtiment qualifié de Chambre des Comptes, ayant remplacé le bas-côté sud de Saint-Nazaire.
L’avant-corps constitué par l’entrée de Saint-Jean-de-la-Grotte est aussi clairement visible sur plusieurs plans assez schématiques des XVIIe-XVIIIe s. On en vient à se demander si cette disposition ne correspondait pas à la mémoire du baptistère dont l’église paroissiale reprend le vocable, voire même si son élévation fort ancienne n’avait pas été intégrée en partie dans la construction des XIIIe-XIVe s. Le traitement à l’antique de la façade, avec frontons, rappelle en effet celui du baptistère de Poitiers (Boissavit-Camus 2014). Seule une fouille permettrait de s’en assurer.
Les vues de Lallemand, datant des années 177056, et montrant le groupe épiscopal vu du nord et du sud, donnent d’autres informations sur les dispositions de Saint-Nazaire et de Saint-Jean-de-la-Grotte (fig. 15). S’apparentant là encore à un bâtiment rectangulaire, son aspect général est très dépouillé, surtout si on le compare à l’église Saint-Lazare hérissée de trois tours, avec transept saillant. De l’ancienne cathédrale on ne perçoit que la partie supérieure, avec sur son flanc sud quatre travées scandées de contreforts. Un mur écran semble avoir été installé en guise de façade occidentale, précédée d’une cour que l’on peut déduire de la distance importante la séparant de Saint-Lazare. À l’est, côté nord, on distingue un chevet plat percé d’un oculus surplombant deux lancettes, précédé d’une courte travée sans ouverture, assez comparable à ce qu’on en distingue sur la vue de Tranchant datant de 1660 (fig. 14). Il est possible que l’on soit en présence de l’amorce des parties orientales de Saint-Nazaire, avec mur temporaire élevé dans l’attente de la poursuite des travaux qui devaient conduire vraisemblablement à reproduire à l’étage le parti pris de Saint-Jean-de-la-Grotte, avec abside flanquée d’absidioles, selon des dispositions que l’on peut déduire des investigations archéologiques et du plan d’alignement de 1783 (fig. 16).
Sur ce dernier, utilisé par Harold de Fontenay pour sa restitution du plan de Saint-Nazaire/Saint-Jean-de-la-Grotte (Fontenay 1979, 333 ; fig. 29)57, on perçoit clairement la projection des trois travées nord du chœur – correspondant à des chapelles – séparées par des contreforts. À l’ouest, la cour correspondant au cimetière est bien représentée, tandis qu’à l’est un contrefort saillant appartenant à l’absidiole nord est indiqué. Du mur auquel ce contrefort est attaché partent des pointillés qui ne rejoignent pas l’extrémité orientale du chœur. En revanche, il semble qu’un mur oblique et la courte travée qui le précède, disposés apparemment à un niveau inférieur, car liés au mur de clôture septentrionale de l’évêché, correspondaient à l’église paroissiale.
Sur le cadastre de 1822 (section C), Saint-Nazaire n’existe plus (fig. 17) ; elle a fait place à l’actuelle cour de la Maîtrise. Seule subsiste la chapelle Saint-Aubin située au sud-ouest du chœur de Saint-Nazaire (fig. 2.9, 3). Cet édifice dont la façade a été aménagée en 1783 au moment de la destruction de l’ancienne cathédrale fait l’objet d’un dessin romantique publié par l’abbé Devoucoux en 1845 (Devoucoux 1845, 3-4), où l’on voit clairement la trace du porche qui précédait la façade composée d’un simple mur droit (fig. 18).
Cette chapelle est photographiée à plusieurs reprises, notamment par Harold de Fontenay dans les années 188058 (fig. 19), et d’autres documents du début du XXe s. en rendent également compte59. Sur ces vues extérieures de la façade nord de la chapelle, les pierres de taille placées de part et d’autre de l’arc de décharge mouluré surmontant la porte d’entrée sont bien visibles, de même qu’un enduit à faux-joints cachant le mur de bouchage supérieur abritant deux fenêtres. Cet enduit remontait probablement au XVIIIe s. Il a été repris en 1937-1938 pour donner lieu à une surface uniforme (fig. 21). D’autres travaux des années 1937-1938 ont vraisemblablement entraîné le démantèlement presque total d’un mur orienté nord-sud, situé dans l’alignement de la paroi orientale du bâtiment ouest du cloître. Sur un document de 1932, ce mur est conservé sur une hauteur de près de 3 m (fig. 20). Des pierres chaînées sont visibles à gauche, c’est-à-dire à l’extrémité méridionale. Elles pourraient trahir la présence d’un angle ou d’une ouverture alignée avec l’arc oriental du porche roman de Saint-Nazaire que l’on aperçoit à l’arrière-plan. Sur une vue de 1938, cette élévation a totalement disparu et la façade arrière du bâtiment situé au n° 7, place du Terreau, celui-là même qui englobe le porche roman de l’ancienne cathédrale, est complètement visible. Ce mur orienté nord-sud qui a été démantelé vers 1937 pourrait correspondre à la limite occidentale de la nef de Saint-Nazaire, à la jonction avec le porche roman dont il subsiste des vestiges.
Outre des vues intérieures de la chapelle Saint-Aubin, notamment un document de 1938 qui montre que les joints ont été amplement repris (fig. 22), une photographie concerne le côté sud de la même chapelle, c’est-à-dire à partir de l’ancien cloître (fig. 23). Le jardin qui agrémentait cet espace est bien visible. Les maisons situées en front de rue, et notamment celle qui abrite les vestiges du porche roman de Saint-Nazaire, sont aussi présentes sur certains de ces documents.
Comparativement, le cloître n’a pas donné lieu, et c’est bien normal, à une iconographie abondante. On l’a mentionné plus haut, il est difficile de cerner ses dispositions de détail sur les documents du XVIe s. Seul un dessin du bâtiment occidental datant du XIXe s. fait explicitement référence au cloître (fig. 24)60. On y voit notamment le porche d’entrée en bois aujourd’hui disparu. Reste à mentionner les photographies du côté sud du bâtiment méridional réalisées toujours par Harold de Fontenay dans les années 1880, où l’on voit clairement à l’étage les grandes baies gothiques du mur sud (fig. 25)61.
Bien qu’ils posent de nombreuses questions, ces documents iconographiques permettent en particulier d’appréhender les dispositions de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire associée à l’église Saint-Jean-de-la-Grotte. À l’aune des informations archéologiques recueillies au cours des vingt ans de recherche, ces données scripturaires et iconographiques prennent une autre dimension surtout en ce qui concerne l’église cathédrale Mère, alors même que sur le terrain seule une infime partie de cet édifice a pu être abordée.
Les recherches antérieures à l’intervention archéologique
Philibert Gagnarre
La mémoire du cloître qui occupait une partie de la ville haute était toujours vivace à la fin du XVIIIe s. comme le prouve le chanoine Philibert Gagnarre dans son Histoire de l’Église d’Autun publiée en 1774, ouvrage fondateur qui marquera profondément l’érudition locale puisque tous les auteurs que l’on évoquera y puiseront une partie de leurs informations. Gagnarre qui avait à disposition nombre de documents anciens, livre une grande quantité de détails sur le sujet qui le concerne et parle donc du cloître (Gagnarre 1774, 353). Pour lui, l’Église d’Autun fut une des premières à se plier à la règle de Chrodegang en 765, puis à celle d’Aix-la-Chapelle en 816. Pour vivre dans leur respect, des bâtiments furent construits et Gagnarre évoque notamment le dortoir et le réfectoire. Toutefois, selon lui, c’est l’évêque Jonas qui, en 859, fit bâtir des édifices plus adaptés aux besoins des chanoines, précisant qu’il en subsiste des “restes”. Il fait donc remonter à l’époque carolingienne une partie des bâtiments de la cour du Chapitre, comme le feront ses successeurs. Dans une note, il explique néanmoins que ce cloître ne possédait pas de galeries, mais était simplement composé d’édifices isolés par une muraille, assertion reprise jusqu’au XXe s. Comme on l’a déjà dit plus haut, il évoque également les aménagements successifs de Saint-Nazaire, en prenant appui sur des documents d’archives parfois perdus de nos jours.
L’abbé Devoucoux
L’abbé Devoucoux (1804-1870), chanoine puis vicaire général du diocèse ainsi que président de la Société Éduenne de 1855 à 1858, s’est intéressé au site dès les années 1830 (Bulliot 1872 ; Berry 1993, 389-394). Ses recherches fondées en grande partie sur l’étude des sources et qu’il destinait selon toute vraisemblance à la publication, sont consignées dans des carnets conservés à la Bibliothèque de la Société Éduenne, notamment dans ceux portant les numéros 11 et 12. En ce qui concerne le groupe épiscopal et canonial, il réalise trois plans assortis de commentaires. Dans le premier (carnet 11 ; fig. 26), il propose une restitution de Saint-Nazaire à l’époque de saint Léger (VIIe s.), avec l’atrium à l’ouest abritant une fontaine, flanqué au nord par la matricula, le baptistère au sud d’une profonde abside orientale, pendant d’un ministerium figuré au nord, ainsi que la domus ecclesiae sur son flanc méridional qui prend l’apparence d’un cloître62. Les deux autres documents concernent l’état des lieux au XIIe s. Dans le premier (carnet 12, 111 ; fig. 27), Saint-Nazaire est succinctement présentée (A) avec localisation du cimetière qui lui était associé immédiatement au nord. Sur ce document, Devoucoux insiste surtout sur le cloître détaillé dans la légende attenante. Il tente de retrouver ses dispositions d’origine en prenant appui sur les sources qu’il cite dans un texte associé et sur l’observation des bâtiments existants. Il pense que l’édifice situé dans l’angle sud-ouest (B), orienté nord-sud, correspondait au dortoir en raison notamment de la présence de grandes fenêtres en plein cintre conservées dans les combles qu’il date par comparaison de l’époque carolingienne et à partir de l’identification de maçonneries pouvant remonter selon lui à l’épiscopat de Jonas, vers 86063. L’information est précieuse, car ce bâtiment – l’ancienne cure – a été grandement modifié au cours du XIXe s., entraînant la destruction de ces ouvertures. L’attribution au dortoir est toutefois problématique, cet édifice étant généralement directement accolé à l’église principale, comme nous proposons de le restituer au sud de Saint-Nazaire. On pourrait dès lors se demander si les fenêtres vues par Devoucoux ne faisaient pas partie d’une paroi placée dans le prolongement méridional du bâtiment sud, voire même se confondaient avec ce dernier qui, on le montrera, présentait à l’origine une aile orientale. D’autant plus que ce bâtiment sud présente aujourd’hui encore de grandes baies au niveau des combles. Devoucoux reconnaît par ailleurs le réfectoire au sud, perpendiculaire au bâtiment qu’il qualifie de dortoir, daté du XIIe ou du XIIIe s.64 (C), puis le cellier à l’ouest (D) et à l’est, là où on s’attendrait à avoir une salle capitulaire (E), il parle de la présence d’un “cellier avec grande salle dessus communiquant dans l’église”. La fonction de cet espace ne serait donc pas très assurée, c’est pourtant là que nous pensons situer le dortoir, surplombant la salle capitulaire à une certaine époque. Dans son texte, Devoucoux précise que les bâtiments du cloître composaient avec Saint-Nazaire “un carré au milieu duquel se trouvait une cour”, omettant de la sorte les galeries absentes aussi de son croquis. L’ultime plan représente schématiquement le castrum cerné de tours (carnet 11 ; fig. 28), englobant les différents bâtiments du groupe épiscopal et canonial au premier rang desquels on voit Saint-Nazaire superposée à l’est à Saint-Jean-de-la-Grotte comportant une abside au sud, le cloître sur son flanc sud, l’église Notre-Dame plus au nord, et enfin Saint-Lazare à l’ouest avec Saint-Quentin dans son prolongement, également orientée au sud. Comme pour le plan de Saint-Nazaire au VIIe s., Devoucoux montre la présence d’une fontaine à l’ouest liée à un conduit qui bifurque vers Saint-Quentin au sud, tandis qu’au nord, il tourne vers l’évêché, à l’est donc. Devoucoux a aussi noté la découverte de vestiges trouvés dans les jardins de l’évêché, pouvant se rapporter à d’anciens bâtiments du complexe épiscopal, en particulier la domus ecclesiae65.
Harold de Fontenay et Gabriel Teÿras
Harold de Fontenay (1841-1889), archiviste-paléographe (Bulliot 1889), s’est surtout intéressé à Saint-Nazaire dont il propose une restitution assez précise (fig. 29) à partir du plan d’alignement de 1783 mentionné plus haut (fig. 16), ainsi qu’à Saint-Jean-de-la-Grotte (Fontenay 1879, 333-348 et 358-365). Il s’appuie en outre sur une abondante documentation conservée dans des fonds à présent regroupés aux Archives départementales de Saône-et-Loire, ainsi que sur des manuscrits faisant partie de sa bibliothèque personnelle, mais dont aujourd’hui on ne connaît malheureusement pas la localisation. Fontenay donne une image assez négative de Saint-Nazaire, édifice selon lui constamment en ruine, suivant en cela l’influence de Gagnarre qui écrit en 1774 avec sous les yeux un bâtiment effectivement en mauvais état (Berthollet 1947, 177). Il donne ses dimensions : “Sa nef, large de 11 m 60, n’avait que 22 m 30 de longueur hors œuvre” (Fontenay 1879, 342). Sur son plan (fig. 29), Fontenay ne restitue qu’une seule abside, très vaste, à l’emplacement des actuels jardins de l’évêché, épaulée au nord par le contrefort visible sur le plan d’alignement de 1783 (fig. 16), dont il reproduit en pointillés le pendant au sud. Il la fait précéder d’une courte “nef” à collatéraux donnant sur des chapelles latérales séparées par des murs épais qui abritaient les culées d’arcs-boutants, à l’instar de ce qu’il a pu observer au sud pour la chapelle Saint-Aubin. Trois chapelles sont figurées, suivant toujours en cela le document de 1783. Cependant dans son texte il parle de cinq chapelles au sud, citées dans les sources, dont une de localisation incertaine, et de trois chapelles au nord (Fontenay 1879, 342). À l’ouest, il indique la présence du cimetière, mais omet de représenter le porche précédant l’église, évoqué dans les textes puisqu’il abrite des sépultures et bien visible sur le document de 1660 de Pierre Tranchant (fig. 14). Pour Saint-Jean-de-la-Grotte, Fontenay ne propose pas de restitution, mais simplement une description fondée sur les documents écrits à sa disposition ainsi que sur la vue de Saint-Julien-de-Balleure (Fontenay 1879, 358-365). Si elle existait au XIIIe s., puisqu’on la trouve citée dans des textes, il est clair pour Fontenay qu’elle a subi de profonds remaniements aux XIVe-XVe s., époque des reprises de l’église supérieure. Sa façade était au nord et seules trois chapelles peuvent être citées en raison de leur mention dans les sources. Fontenay s’est peu occupé des bâtiments du cloître attenant à Saint-Nazaire auxquels il ne consacre que quelques lignes dans son ouvrage de synthèse, Autun et ses monuments, paru en 1889 (Fontenay 1889, 390)66. Un document de Fontenay informe d’autre part sur des vestiges trouvés dans les jardins de l’évêché, en complément des données fournies par l’abbé Devoucoux quarante ans plus tôt67.
Gabriel Theÿras, avocat de son état et amateur éclairé, a pris connaissance des documents personnels de Fontenay pour rédiger un petit ouvrage intitulé Autun vers le XVe s., publié en 1891. Aussi, bien que lyrique, son récit où il présente de façon détaillée les bâtiments composant le groupe épiscopal, notamment l’ancienne cathédrale et l’église paroissiale qui lui était associée, est digne d’intérêt (Theÿras 1891, 85-111). Il évoque le cloître de façon allusive, préférant s’attarder sur le chapitre, son histoire et ses fonctions68.
Jacques-Gabriel Bulliot
Theÿras s’est aussi fortement inspiré des Croquis d’Autun vers le XVe s. de Jacques-Gabriel Bulliot publiés dans la revue L’Éduen au cours des années 1840, car si le nom de Bulliot (1817-1902) est certes fortement attaché à la “découverte” de Bibracte, il n’en a pas pour autant négligé l’histoire médiévale de sa ville, y revenant de façon récurrente (Berry 1993, 394-398 ; Strasberg 2002). Ainsi dans ces mêmes Croquis d’Autun vers le XVe s., il consacre de longues pages au “château”, notamment à l’hôtel Rolin, à l’église Notre-Dame, à Saint-Lazare, à Saint-Nazaire et à Saint-Jean-de-la-Grotte (Bulliot 1840). En ce qui concerne ces derniers, il est clair que Bulliot s’est appuyé sur Gagnarre et sur les nécrologes, notamment du XVIIe s., pour en donner une description assez succincte qui néanmoins a effectivement inspiré Theÿras. Bulliot fournit surtout des informations intéressantes sur l’ancien cloître. Il indique notamment qu’une salle à ogives qui en faisait partie et qu’il assimile prudemment au réfectoire, avait été détruite quelques années plus tôt69. Il s’agit peut-être du bâtiment qui, selon Devoucoux, comportait dans les combles des baies en plein-cintre, car Bulliot ne fait nullement mention à ces voûtes dans l’article qu’il consacre quelques temps plus tard au réfectoire (Bulliot 1862-1864). Bulliot précise aussi que l’on a trouvé dans ce même bâtiment “une statue de St. Marc en marbre… qui se trouve aujourd’hui chez M. Jovet”. La bibliothèque de la Société Éduenne conserve en outre ses notes manuscrites où l’on peut notamment puiser d’autres informations sur le réfectoire, c’est-à-dire le bâtiment sud.
Charles Boëll
Chercheur prolixe, bien qu’ayant relativement peu publié en raison probablement de son perfectionnisme, Charles Boëll (1877-1940), secrétaire perpétuel de la Société Éduenne, nous a laissé une abondante documentation extrêmement soignée (Carnot 1941-1944 ; Berthollet 1941-1944). Le cloître l’a beaucoup intéressé puisqu’il lui a consacré une étude en partie publiée70. Quant au manuscrit qui regroupe des copies de nombreux documents, dont des extraits des carnets de Devoucoux, il est de même conservé à la Bibliothèque de la Société Éduenne71. Dans ce document, Charles Boëll affirme lui aussi que le cloître remonte au IXe s. et qu’il a été restructuré à plusieurs époques, notamment au XIIe s. Il propose un plan (fig. 30) permettant de visualiser ses hypothèses concernant les fonctions des différents bâtiments composant le cloître au XIIe s. Pour lui, le cellier prenait bien place à l’ouest. Au sud-ouest, il était accolé à la prison. Cette dernière jouxtait le dortoir qui lui-même flanquait le réfectoire disposé au sud. À l’est prenait place la salle qualifiée de “chapitre” et qui devait donc correspondre pour lui à la salle capitulaire. Il reconnaît deux galeries : une au sud et une à l’est. Ces dernières l’ont visiblement intriguées – il est d’ailleurs le premier à les mentionner – puisqu’en 1919 il participe à des campagnes de fouilles destinées à mettre au jour leurs vestiges (fig. 31). Ces sondages ont surtout touché des structures du XVIe s. comme devaient le révéler les opérations récentes. Il est intéressant de souligner que Charles Boëll a réalisé un plan détaillé de ladite salle capitulaire (fig. 32), à l’est. Il note la présence d’ouvertures bouchées et d’un arrachement visible sur le mur nord, et dont l’importance sera ultérieurement démontrée. Sur un plan réalisé à partir de cadastres (fig. 30), il note la présence du dortoir à l’ouest du réfectoire, dans un espace qui pour Devoucoux devait comporter des parties remontant au IXe s. Dans son étude des parcelles (fig. 33), cette zone occidentale du bâtiment méridional est bien isolée. On doit aussi à Boëll d’intéressantes observations sur l’évêché (Balcon-Berry 2011b), dont il a notamment étudié les caves, montrant la présence de murs du castrum pouvant remonter à “l’antiquité”, suivant en cela l’abbé Devoucoux qui a tenté de restituer de façon schématique les contours de l’enceinte réduite (carnet 11 ; fig. 28). Sur l’un de ses croquis (fig. 30), Boëll restitue une grande abside pour les parties orientales de Saint-Nazaire comme le proposait Harold de Fontenay au XIXe s. (fig. 29).
Jean Berthollet
L’abbé Jean Berthollet, autre érudit d’Autun, s’est beaucoup intéressé au groupe épiscopal et canonial, notamment à l’évêché, objet d’une monographie qu’il publie en 1947, à la suite des travaux de restauration d’envergure au cours desquels il avait pu faire de nombreuses observations sur les phases anciennes du bâtiment (Berthollet 1947). Son étude est précieuse, car dans les jardins de l’évêché il a noté la présence de maçonneries qu’il attribue à la domus ecclesiae, maçonneries qui se situent dans le prolongement des découvertes que nous avons faites plus à l’ouest (fig. 34). Dans ce même ouvrage, Berthollet s’est aussi attardé sur Saint-Nazaire, lui consacrant le dernier chapitre avec le souci de rectifier l’image par trop négative d’une église “toujours inachevée et toujours menaçant ruine” véhiculée par Gagnarre et ses successeurs, notamment Fontenay (Berthollet 1947, 177-186). Il propose en effet une autre analyse de l’acte de 1195, montrant que si les offices ont lieu à partir de cette date à la fois dans Saint-Nazaire et Saint-Lazare ce n’est pas tant à cause du mauvais état endémique de la première, mais au contraire des négligences observées dans la seconde72. Berthollet parle aussi d’un fossé prenant place devant le porche de Saint-Nazaire73. Ses idées concernant l’agencement de l’ancienne cathédrale et l’église sous-jacente ont été esquissées sur une copie du plan proposé par Fontenay, document conservé à la Bibliothèque de la Société Éduenne. On voit qu’il développe un schéma assez complexe pour la zone orientale qui comprenait pour lui des absidioles dotées de contreforts, cernant une abside à chevet plat74. Il note aussi le départ de la nef à l’ouest de la chapelle Saint-Aubin, comme il l’explique aussi dans son texte.
Berthollet parle de la galerie orientale qu’il date du IXe s. (Berthollet 1947, 183), en prenant appui sur les sources et sur les documents de Devoucoux et de Boëll, comme le montrent ses notes conservées à la Bibliothèque de la Société Éduenne75. Dans ces mêmes documents, il existe un plan de la cour de la Maîtrise et de la cour du Chapitre montrant la galerie orientale avec les ouvertures restituées, ainsi que la galerie sud d’après le sondage entrepris en 1919 par Boëll.
Il nous faut aussi rendre hommage aux travaux de synthèses de l’abbé Grivot, un des derniers chanoines d’Autun qui dans son ouvrage intitulé Autun, paru en 1967, a synthétisé les données de ses prédécesseurs (Grivot 1967).
Toutes ces recherches montrent l’attrait exercé par l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire et le cloître attenant avec à la clef diverses interprétations prenant appui essentiellement sur les sources textuelles. L’étude archéologique menée pendant vingt ans s’est au contraire efforcée de faire parler les bâtiments existants et d’exhumer des vestiges pour faire revivre de façon détaillée cet ensemble monumental à l’origine de l’Église d’Autun.
Notes
- Surveillance réalisée par Y. Labaune et A. Tisserand du service municipal d’archéologie avec la collaboration de W. Berry.
- Il en était peut-être de même pour celle du nord, mais elle n’a pour l’heure, pas fait l’objet d’une fouille. Des sondages pratiqués dans les années 1980 n’ont pas permis d’atteindre les niveaux carolingiens. Seuls d’amples remblais ont été mis au jour.
- Fortunat, Vita Germani, MGH, SRM, VII, p. 372 ; Riché 1985, 147.
- Grégoire le Grand, Registrum epistolarum, XIII, 7.
- Richer 1985, 148 ; Passion de saint Léger, éd. Corpus Christianorum, 117, 527.
- Passio Leudegarii prima, II, p. 285 et Testament – document fortement remanié au IXe s. – dans Charmasse 1865, n° 50, 80-82.
- Strasberg 1999, 111-116 ; Béguin 2009, III, Inv. n° 2, 449-456.
- L’église Notre-Dame (“monasterium beate Marie”) est mentionnée clairement pour la première fois en 1204 (Charmasse 1865, 123). Mais l’adjonction du titre “Dei Genitricus Mariae” à la cathédrale dans une charte de 936 (Charmasse 1865, 17) suggère l’existence d’une église antérieure associée à Saint-Nazaire (Piétri & Picard, 1987, 42 ; Sapin 1986, 30-31). Pour l’église Notre-Dame au XVe s., voir Maurice-Chabard 1998 ; Maurice-Chabard 1999a.
- Travaux supervisés par F. Didier, architecte en chef des Monuments Historiques, en partenariat avec la Ville d’Autun.
- Celle du nord avait été profondément modifiée au XIIIe s. lors de l’agrandissement du chœur de la cathédrale Saint-Nazaire.
- Aucune source ne précise s’il a effectivement fait construire des bâtiments pour la vie commune de ses clercs, mais dans un diplôme de Charles le Chauve de juillet 843, son successeur Althé évoque les privilèges qu’il avait obtenus de Louis le Pieux et qui ont tous brûlé dans le supposé incendie de Saint-Nazaire provoqué par les Sarrasins (Charmasse 1865, I, 28).
- On trouve une mention du castrum episcopi dans un diplôme de Charles le Simple daté de 900 (Charmasse 1865, n° 6, 9-10 ; Lauer 1949, n° 33, 69-71), expression assez rare dans les textes puisqu’on ne la retrouve que vers 963 chez Rathier de Vérone, dans son De contemptu canonicorum.
- Voir le Collectaire du premier quart du XIIe s., Autun B.M. S, 43.
- Description des abords de la basilique Saint-Étienne attenante à un cimetière dans Grégoire de Tours, De gloria confessorum, (Bordier 1862, III, ch. LXXIII et LXXIV).
- En 1223, l’évêque d’Autun Gauthier était enseveli au prieuré Saint-Symphorien, cf. ADSL, 5 G 1, K Mai.
- Notre étude repose plus particulièrement sur trois sources nécrologiques. D’abord sur un nécrologe établi au début du XIIIe s. dans les marges étroites d’un martyrologe d’Usuard et regroupant parfois des fondations très anciennes (BNF, ms lat. 9883). Ensuite sur un obituaire très complet rédigé vers 1286/1287, reprenant pour une part les fondations du précédant et les complétant (ADSL, 5 G 1). Enfin sur un livre des anniversaires de 1530, ayant appartenu à Léon Pardin, prêtre habitué de la cathédrale d’Autun, archichapelain de la chapelle Notre-Dame, témoignant de quelques fondations des XIVe et XVe s. (ADSL, 5 G 60).
- En 1325, Seguin de Bligny, chanoine d’Autun et de Beaune, élit sépulture à Saint-Jean-de-la-Grotte au côté de celle de son frère Gilles (Charmasse 1865, II, 177).
- Obit de l’évêque Gui de Vergy. Cf. BNF, ms lat. 9883, 13 K Nov. ou ADSL, 5 G 1, 11 K Nov.
- Obit d’Ancelin de Pommard. Cf. BNF, ms lat. 9883, K Apr. ou ADSL, 5 G 1, K Apr.
- Dans son testament de 1376, l’évêque Geoffroi David émettait le souhait d’être enseveli dans la sépulture qu’il faisait bâtir dans la partie inachevée de la nouvelle cathédrale Saint-Nazaire. Cette recommandation exprimait en quelque sorte un espoir sur l’avenir du nouvel édifice. Au cas où tout cela ne serait pas possible, il demandait que son corps fût déposé à Saint-Lazare, à côté de la dépouille d’Hugues d’Arcy, devant le maître autel, au pied des degrés (Charmasse 1865, II, 320).
- L’expression de capitellum apparaît près de huit fois dans l’obituaire de 1287.
- Dans l’obituaire de 1286/1287, Jean Murier et son épouse Guillermette étaient déclarées enterrées au cimetière de Sainte-Croix ; ADSL, 5 G 1, 10 K Mar.
- Concile de Braga en 563, qui dans son canon 18 interdisait de déposer des corps dans les églises mais recommandait les sépultures au pied des murailles des églises. (Héfèle & Leclercq 1909, III, 175-181).
- Concile de Mayence, qui dans son canon 52 acceptait d’établir à l’intérieur des sanctuaires les tombes des évêques, abbés… (Héfèle & Leclercq 1910, III, 2, 1138-1142).
- Dans son testament de 1393, Pierre de Champdivers, sénéchal d’Autun, évoquait sa tombe sur laquelle il y avait sa representatio (Charmasse 1865, II, 389).
- Au XIIe s., Étienne de Bagé (mort en 1112) et Robert de Bourgogne (mort en 1139) furent inhumés à Cluny. Henri de Bourgogne (mort en 1140) et Étienne (mort en 1189) furent enterrés à Cîteaux et Fontenay (Gallia Christiana, IV, col. 389-392 ; col. 392 ; col. 394-396 ; col. 396-397).
- Le doyen Clérembaud de Châteauneuf décédé en 1294 fut inhumé à Saint-Lazare à côté de sa mère ; il en fut sans doute de même pour son frère Gui (Charmasse 1865, I, 302 ; Charmasse 1865, II, 146).
- À l’arrière du chœur étaient enterrés le prêtre Guillaume et sa mère (ADSL, 5 G1, 6 N Mar.), Amoigarde d’Arnay, mère du prêtre Humbert (ADSL, 5 G1, 11 K Mar.).
- Les gravures du XVIIIe s. de J.-B. Lallemand semblent représenter au pied de la muraille de Saint-Lazare des fragments de pierres tombales.
- Supplice de Gubertis et Elisabeth Dardant furent inhumées dans la salle capitulaire (ADSL, 5G1, N Jan. et 3 N Oct.) ; Isabelle de Chappes, mère des doyens Clérembaud et Gui de Châteauneuf élit sépulture dans la cathédrale Saint-Lazare (ADSL, 5 G1, 5 Id. Jul.) ; Odierne d’Antully, sœur du prévôt Gui de Limenton, fut ensevelie à Saint-Nazaire (Charmasse 1865, II, 153).
- Grille établie par Anne Bossoutrot, architecte DPLG qui a aussi supervisé les relevés d’architecture.
- À la fin de la campagne de 1985, il a été décidé d’agrandir la zone de fouille du préau (espace central). Les niveaux supérieurs les plus récents ont, de ce fait, été enlevés à la pelle mécanique. Mais ces travaux qui n’ont pas tenu compte de la pente de la cour moderne, ont perturbé des niveaux plus anciens. Ainsi le Pavement 37 dont on reparlera a été très malmené.
- Responsables de secteur : Marjorie Berbuto, Noëlle Deflou-Leca, Hugues Pothier, Benjamin Saint-Jean Vitus.
- Walter Berry et Sylvie Balcon-Berry.
- Relevés réalisés par Anne Bossoutrot avec la collaboration, notamment, d’Olivier Juffard et de Patrick Desamais.
- Sous la responsabilité de Walter Berry.
- Travaux effectués pour la salle inférieure, en 1984-1985 ; fouilles réalisées par Bailey Young.
- Dégagement de la maçonnerie gothique réalisé par Frédéric Didier, Architecte en chef des Monuments Historiques lors des travaux de 1993. Fouille réalisée, là aussi, par Bailey Young.
- Placés sous la responsabilité de Walter Berry.
- Sous la direction de Sylvie Balcon.
- Conduit par Sylvie Balcon.
- Sous la direction de Sylvie Balcon et Walter Berry.
- M. et Mme Lequime, que nous remercions chaleureusement.
- Étude d’Emmanuelle Boissard-Stankov.
- Passio s. Leudearii, éd. B. Krusch, 514-516.
- Venance Fortunat, Carmina, V, 6, éd. et trad. par M. Reydellet, Paris, Les Belles Lettres, 1998, 2, 33.
- Passio s. Leudegarii Ia, éd. B. Krusch, Liber scintillarum, Epistulae Defensoris, Locogiacensis monachi Desiderii Cadurcensis, 1957, 542.
- Passio s. Leudegarii Ia, éd. B. Krush, MGH SRM 7, p. 531
- L’évêque Anselle de Pomare est enterré dans le chœur de Saint-Jean-de-la-Grotte en 1253 ; Fontenay 1879, p. 360 citant le manuscrit d’une copie du XVIIIe s. d’un document des années 1600 par Bonnaventure Goujon, “Histoire de l’Église et des évêques d’Autun”, Bibliothèque de la Société Éduenne, Ms 24, p. 101-102.
- “Essay de l’histoire de l’Église d’Autun”, ms 2020 de la Bibl. mun. de Rouen, fol. 62-64 copié par Charles Boëll, Bibl. de la Société Éduenne, ms 53, fol. 13-14 où l’on relate l’intronisation de Bertrand de Senaux en 1704.
- C. Boëll, “Cloître et maisons canoniales”, Bibliothèque de la Société Éduenne, Ms 53, p. 93 ; Sapin 1986, 31-32.
- C. Boëll, “Cloître et maisons canoniales”, Bibliothèque de la Société Éduenne, Ms 53, p. 96 évoque un document de 1204 où il est question d’une maison canoniale, ce qui signifie pour cet auteur que les chanoines ne vivaient plus en communauté à cette date.
- Chronique d’Hugues de Flavigny, Patrologie Latine, CLIV, p. 380 ; C. Boëll, “Cloître et maisons canoniales”, Bibliothèque de la Société Éduenne, Ms 53, p. 94 ; Deflou et al. 1994, 166.
- Bibliothèque municipale d’Autun, ms 43 cité par C. Boëll, “Cloître et maisons canoniales”, Bibliothèque de la Société Éduenne, Ms 53, p. 95. Il s’agit d’une procession du dimanche qui passe par le cloître et les bâtiments communs.
- La représentation de l’évêché, de Notre-Dame et de Saint-Lazare semble là aussi assez conforme à la réalité de l’époque.
- Les illustrations de Lallemand sont contenues dans l’ouvrage intitulé Voyage pittoresque de la France avec la description de toutes les provinces, tome II, Paris, Lamy, 1784 ; Strasberg 1985.
- Plan conservé aux Archives Départementales de Saône-et-Loire, DD1.
- Bibliothèque de la Société Éduenne, Fonds Fontenay, album photographique.
- Archives Départementales de Saône-et-Loire, 2F4/18, B2 (1924).
- Bibliothèque de la Société Éduenne, Album sites et monuments, Autun, Bourgogne, Morvan, planche 80.
- Bibliothèque de la Société Éduenne, Fonds Fontenay, album photographique.
- Devoucoux mentionne Saint-Nazaire dans son étude consacrée à Saint-Lazare publiée en 1845 où il intègre d’ailleurs un dessin de la chapelle Saint-Aubin Devoucoux 1845, 3-4.
- Dans le texte attenant, Devoucoux précise que “dans le grenier de cette maison que je crois avoir été le dortoir, dont il est parlé dans la vie de l’évêque Norgaud on voit […] des fenêtres cintrées et placées tout à fait au haut de ce qui fut jadis une grande salle. Ces fenêtres rappellent celles du dortoir de l’abbaye de Fontenelle construite dans le VIIIe s.”. Dans ce même carnet 12, Devoucoux revient sur ce bâtiment “Dans la maison acquise récemment par Mgr. on trouve les vestiges bien reconnaissables de constructions antérieures au XIIe s. Il est probable que ce sont là les restes de l’ancien dortoir du chapitre qui existait à la fin du XIe s. et qui avait été construit sous l’évêque Jonas à la fin du IXe s.”. Ce dernier document a été copié par C. Boëll, Bibliothèque de la Société Éduenne, Ms 53, p. 162.
- Dans le carnet 3, folio 65, Devoucoux parle des fenêtres du réfectoire. Malheureusement, ce carnet a disparu suite à l’exposition américaine consacrée à Gislebertus ; Grivot 2008, p. 14 où la page faisant état de la découverte du tympan de Saint-Lazare est reproduite.
- Carnet 4, folio 79 où il est question de la découverte, le 17 mai 1842, de “constructions antiques qui paraissent s’aligner avec le mur qui sépare la maîtrise du verger. On y a trouvé un fut de colonne dont le diamètre est d’environ 50 cm. Cette mesure suppose un module qui mettrait cette portion de colonne en rapport de proportion avec le chapiteau de pilastre découvert il y a quelques années dans les fondations de la maison de mission. Non loin de la colonne était un caniveau – près de là des dalles encore placées”. Sur le croquis qui accompagne cette note on voit la colonne en coupe, un niveau de sol avec l’indication de l’emplacement des dalles ainsi que le caniveau associé à des “cendres, ossements, urnes”. Idem, carnet 4, folio 16 : “Le 22 juillet 1842, les ouvriers qui travaillaient à réparer le canal qui conduit les eaux de la fontaine dans le jardin de l’évêché ont découvert à une profondeur d’environ 10 pieds un massif de béton servant de dallage et incliné de manière à se diriger par une pente douce depuis le jardin de l’évêché jusqu’à la cour de derrière. Les nombreux fragments de charbon dont ce pavé est couvert prouvent qu’il était placé sous un toit qui a été incendié dans une des catastrophes d’Autun plus ancienne que le XIIe s. Le plan incliné paraît se rattacher aux constructions découvertes derrière les écuries et qui avant d’avoir été la domus ecclesiae avaient été le palais du gouverneur”.
- “Le porche de la maison n° 11 [place du Terreau] donne accès à une cour basse où se trouvaient les caves et les greniers du Chapitre ; ces derniers sont remarquables par leur charpente encore conservée”.
- “Notes de M. de Fontenay », dans Notes manuscrites de Roidot-Déléage et Roidot-Errard, pochette Augustodunum, Bibliothèque de la Société Éduenne, série K10 : “À l’évêché. Un pavé en béton ayant une pente très inclinée se dirigeant des jardins de l’évêché à l’ancien réfectoire du chapitre ; passant sous la tour carrée et la voûte qui suit. Près du réfectoire du chapitre ; des piliers et une colonne probablement l’entrée d’un grand monument que l’on suppose le prétoire ; la colonne se trouve dans les dimensions d’un chapiteau découvert dans les fondations de l’évêché que l’on fit voir à M. Jovet ; il y a 4 ans, il le jugea du temps de Constantin. Dans les fondations de l’ancienne muraille du Château on a découvert une masse de débris de monuments antiques de 2 pieds de haut sur 8 de large ; on ne peut pour la longueur rien affirmer de ce qui est au-delà de l’évêché. Dans un mur de la maison de Mme Louis de Monard, quelques restes de monuments antiques encastrés”.
- Theÿras 1891, 31 : “Autour de cette place centrale [du Terreau] qui, dans la cité chrétienne, jouait le rôle prépondérant du forum antique, étaient rangés les édifices publics, notamment la Chambres des Comptes et les ‘greuyers du chapitre’ connus aussi sous le nom de ‘petit cloître’, en souvenir du temps où les chanoines y vivaient en communauté sous la règle de Saint-Chrodegang… ” : 233.
- Bulliot 1840 : “M. Michaud a démoli, il y a quelques années, une salle à ogives qui était peut-être le réfectoire et où l’on a trouvé une statue de St. Marc en marbre dont la ville, comme d’habitude, n’a pas voulu faire l’acquisition et qui se trouve aujourd’hui chez M. Jovet où est réellement le Musée d’Autun”.
- Charles Boëll, “Cloître et maisons canoniales”, Recueil de copies de documents et de notes variées sur Autun, Ms 53, Bibliothèque de la Société Éduenne ; Boëll 1942-1944.
- Série K, 98.
- Berthollet 1947, 182. Plus loin (Berthollet 1947, 183) il ajoute : “Puisque les chanoines avaient continué jusque-là à se contenter de l’église Saint-Nazaire, à côté de la toute neuve église Saint-Lazare, il faut en conclure que la cathédrale, loin d’être en ruines, leur offrait le cadre convenable aux amples cérémonies de leur office canonial”.
- Berthollet 1947, 183, n° 19 : “Terreau [nom de la rue longeant actuellement l’entrée de l’ancienne cathédrale] signifiait alors fossé en Bourgogne”.
- On doit toutefois préciser que sur ce document, Berthollet semble proposer une restitution de Saint-Jean-de-la-Grotte comprenant les absidioles à contreforts, et une restitution pour Saint-Nazaire qui pour lui ne comprenait que des absides à chevet plat surmontant les chapelles orientales de l’église inférieure. Il a aussi esquissé, apparemment pour Saint-Jean-de-la-Grotte, une profonde abside touchant presque l’évêché, qu’il isole du reste du bâtiment, peut-être parce qu’il n’était absolument pas assuré de son existence.
- Bibliothèque de la Société Éduenne, papiers de Berthollet.