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Le vin…

Le vin est avec l’huile d’olive et le pain le fondement de l’alimentation méditerranéenne, denrées qui se sont diffusées au fur et à mesure de la Conquête romaine en Europe occidentale.

Le vin est consommé coupé d’eau, ce qui permet d’en atténuer les effets, par toute la société romaine. Seul l’ivrogne ou le Barbare le boit pur. Le vin est associé à toutes les étapes de la vie quotidienne, des simples repas aux libations religieuses.

Les meilleurs vins de l’Antiquité sont grecs, de Lesbos ou de Chio. Les vins italiens sont déjà forts nombreux dès l’époque tardo-républicaine et certains sont plus luxueux que d’autres. Les trois Clos du Falerne, le Cécube et l’Albanum sont des vins les plus renommés, des grands crus, qui trouvent leur place sur les grandes tables, lors de banquets fastueux. Mais on connaît également des vins qui étaient considérés comme étant de mauvaise qualité, comme le « rosé de Veies », voire exécrable mais consommés par les populations les moins aisées : le vin de Sagonte (vin grossier) et ceux de Léétanie, considérés à l’époque de Martial, parmi les vins les plus médiocres et les moins chers que l’on trouve dans les tavernes romaines, à ne recommander qu’aux ivrognes ! Les amphores de la région de Barcelone ont pourtant connu un franc succès à travers tout l’Empire, signe qu’ils ne rebutaient pas tout le monde !

La posca consiste en un mélange de vin piqué et d’eau et ainsi Caton conseille d’en mettre dans le panier-repas de ses cueilleurs d’olives, environ deux litres de vinaigre par jour, à diluer. Pour la population civile, il existe un autre substitut du vin, la lora, que boivent les esclaves des domaines agricoles. C’est de la piquette qui se fait en passant de l’eau sur le marc, après pressurage. Caton en donne à ses esclaves, même à ses esclaves enchainés, à qui il donne aussi du vinum operarium, le vin des travailleurs. Mais la posca apparaît beaucoup plus souvent dans les sources qui concernent la vie militaire. L’empereur Hadrien a bu de la posca en Germanie afin de vivre comme les soldats et consommer leur ordinaire, et c’est certainement ce mélange qui a été donné au Christ, par les militaires, à l’aide d’une éponge. La posca paraît cependant si caractéristique de la consommation du soldat discipliné qu’il est difficile de ne pas penser qu’il s’agit d’une boisson réglementaire d’autant que l’on connaît des preuves que les soldats achetaient du vin, avec les amphores de vins italiens ou grecs souvent retrouvées dans les camps du limes, témoignages de la consommation des officiers. On le voit esclaves, artisans, ouvriers, militaires ou personnages de la haute société ne partagent pas les mêmes boissons à base de vin : de l’eau coupée au vinaigre aux grands crus, tout n’est qu’une question de statut et de moyens.

… Et l’ivresse

L’aristocrate romain doit faire preuve de tempérance et doit savoir ne pas s’enivrer. On ne boit pas seul et jamais avant la nuit. La femme romaine, l’épouse, n’était pas autorisée à manger couchée, ne devait pas boire de vin et se voyait interdite de participer aux libations rythmant la vie religieuse. L’ivrognerie des femmes deviendra pourtant un lieu commun des moralistes et les poètes élégiaques (Ovide) ou satiriques (Martial, Juvénal) les montrent s’enivrant et banquetant couchées au milieu des hommes. Cet interdit paraît tomber en désuétude dans la première moitié ou au milieu du IIe siècle a.C. On n’en retrouve plus par la suite de traces que lorsque Auguste, ayant relégué sa fille Julie dans une île, lui interdit aussi l’usage du vin : trait ostentatoire de son traditionalisme.

Sous l’Empire, autour des camps militaires permanents s’installent des sortes de tavernes que les soldats fréquentent. Nul ne dit s’ils s’enivrent souvent… mais vingt ans c’est bien long !

Le très célèbre passage du festin de Trimalcion, met en lumière un épisode central du Satiricon. Proche de Néron, grand seigneur, mondain, Pétrone était considéré comme un arbitre du bon goût et il a su décrire les mécanismes sociaux de la société romaine. Le texte se comprend comme une parodie du Banquet de Platon, qui réunit le vin et l’ivresse. Ainsi, on note l’arrivée tardive d’un convive déjà éméché, le sculpteur Habinnas, pendant de l’arrivée d’Alcibiade chez Agathon, en retard et déjà ivre, lui qui était connu pour boire dès le matin ! Les mets, relevant de la haute gastronomie, sont ridiculement prétentieux : « œufs couvés par une poule en bois », « Veau bouilli servi entier, coiffé d’un casque et découpé par un esclave déguisé en Ajax » ou « Priape en pâtisserie portant des fruits d’où jaillit de l’eau safranée » mais les vins servis sont exceptionnels, du mulsum et du falerne de « cent ans d’âge servi dans une urne de verre cachetée ». Toutefois, Trimalcion se vante d’en donner à ses esclaves qui le massent habituellement… ce qui heurte les principes du banquet de la haute société. Boire du vin fait partie des usages romains, qui sont codifiés, où l’ivresse n’a officiellement pas de mise.

Bibliographie

  • Blanc, N. et Nercessian, A. (1994) : La cuisine romaine antique, Grenoble.
  • Tchernia, A. (1986) : Le vin de l’Italie romaine. Essai d’histoire économique d’après les amphores. Rome.
  • Villard, P. (1988) : « Ivresses dans l’Antiquité classique » in : Histoire, économie et société, 443-459.
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Comment citer

Olmer, Fabienne (2022) : “Vin et ivresse”, in : Lacroix, Audrey, éd., L’Antiquité est une fête, Actualités des études anciennes, le carnet scientifique de la Revue des Études Anciennes, Ausonius éditions, 61-64 [en ligne] https://una-editions.fr/vin-et-ivresse [consulté le 23/03/2022]
Posté le 28/04/2022
EAN html : 9782356135001
ISBN html : 978-2-35613-500-1
Publié le 28/04/2022
ISBN livre papier : 978-2-35613-501-8
ISBN pdf : 978-2-35613-502-5
3 p.
Code CLIL : 3385; 3666
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