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Éduquer à travers les jeux sportifs traditionnels Du conflit au bien-être émotionnel

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Introduction

Divers organismes internationaux identifient le bien-être relationnel et l’éducation pour la paix comme des objectifs prioritaires pour garantir une éducation physique (EP) moderne de qualité (Unesco 1917).

Les avancées neuroscientifiques montrent les remarquables expériences issues de l’exploration sensorielle (Damasio, 2018 : 35) et, de ce fait, confirme l’apport considérable de l’EP quand, à travers cet aspect, elle s’oriente vers une éducation des relations interpersonnelles des élèves.

Pour autant, malgré les immenses progrès scientifiques, nous assistons encore à des façons d’agir désuètes où mouvement et corps biomécanique demeurent l’objectif primordial de la séance d’EP. Pour répondre avec rigueur aux besoins du XXIe siècle, il est nécessaire d’adopter un tournant copernicien ; il s’agit de changer de paradigme et adopter de nouvelles avancées véhiculées notamment par la systémique, les neurosciences, la physique quantique mais aussi la praxéologie motrice (Parlebas 1959 : 10) qui prône l’EP comme une éducation des conduites motrices (Parlebas 2001 : 85). Dans cette perspective, la personne est conçue comme un tout ; c’est-à-dire que chaque élève est un être intelligent, unique, indivisible qui, lorsqu’il participe à une activité physique, accomplit des actions motrices personnelles chargées de sens, des conduites motrices. Selon ce concept, la conduite motrice est un comportement moteur porteur de sens. Ce sont des actions et des réactions d’une personne qui agit dont l’expression, l’organisation, la pertinence et la signification sont de nature motrice (Parlebas, 1981 : 80). Ainsi, les connaissances fondamentales ne correspondent pas à apprendre à faire rebondir la balle ou à effectuer un certain nombre de redressements assis en une minute. L’éducation des conduites motrices établit qu’un élève, en plus d’apprendre à dribbler ou lancer la balle avec une technique plus ou moins raffinée, apprend aussi à prendre des décisions, à interagir avec les autres, à exprimer et gérer ses émotions et à doser l’effort physique. Passer le ballon est une exécution motrice mais aussi une décision, une émotion, une relation et de l’énergie (Lagardera et Lavega, 2003 : 199).

Le concept de conduite motrice donne à l’EP sens, originalité et spécificité. En considérant la totalité de la personne et les différentes dimensions de la personnalité qui interviennent, il est possible de proposer une éducation motrice qui réponde aux priorités et objectifs internationaux dictés par des organisations telle que l’Unesco.

Éduquer les conduites motrices au bien-être socio-émotionnel à travers le jeu sportif traditionnel (JST)

Légitimer le recours aux JST dans le changement de paradigme pédagogique

Parmi les ressources pédagogiques possibles à la disposition des motriciens, les JST constituent un outil de premier ordre. Contrairement au sport, dont les règles sont les mêmes partout dans le monde, les JST ont une grande variété de règles convenues par les participants eux-mêmes selon la tradition ou les conditions socioculturelles locales.

Chaque JST possède une logique interne (LI), une carte d’identité qui le rend unique par rapport aux autres pratiques, dès lors qu’il s’agit de mettre à l’épreuve les participants dans leurs relations avec les autres joueurs, avec l’espace, avec le matériel et avec le temps (Lagardera, 2021 : 12).

Lorsqu’il s’agit de promouvoir l’éducation au bien-être relationnel, il convient d’identifier deux grandes familles d’expériences sociales :

  • Le JST psychomoteur, dans lequel les participants découvrent leurs forces et leurs faiblesses en intervenant sans interagir avec les autres (ex : sprints, sauts ou lancers).
  • Le JST sociomoteur dans lequel le joueur doit résoudre des problèmes liés aux relations avec ses partenaires (JST de coopération : saut à la corde, cercles, danses…), avec ses adversaires (JST d’opposition : lutte, jeux de ballon, jeux de poursuite…) ; ou avec ses partenaires et ses adversaires en même temps (jeux de coopération-opposition entre deux équipes comme la balle au prisonnier, ou jeux avec des réseaux de communication originaux comme la balle au chasseur, ou encore des jeux paradoxaux ou ambivalents comme les quatre coins et les trois camps).

En outre, dans ces deux grandes familles, on peut trouver des jeux avec un score final (où les gagnants et les perdants sont identifiés) et d’autres sans score où les actions des joueurs ne sont pas comparées, comme par exemple dans les jeux d’inversion des rôles tels que les quatre coins, les jeux de poursuite, etc.

Ce rapide tour d’horizon de la variété des modes de mise en relation et d’intervention que proposent les jeux montre l’intérêt qu’ils représentent en tant que moyen pédagogique pour favoriser et éduquer au bien-être relationnel et émotionnel.

Effet des JST sur le bien-être socio-émotionnel

De nombreuses études ont confirmé l’impact positif des JST sur les relations interpersonnelles et l’émergence d’émotions positives.

L’une d’entre elles a montré que les jeux sociomoteurs, et notamment de coopération, activent des émotions positives plus intenses que les jeux psychomoteurs. Elle a aussi démontré que, lorsqu’il y a compétition, l’intensité des émotions est très inégale entre les participants, selon qu’ils réussissent ou non leurs actions. En revanche, dans les jeux sans compétition, où divers rôles sont alternés (par exemple, les jeux de poursuite), les participants ont tendance à ressentir une intensité similaire dans les émotions positives (Lavega et Alonso et al., 2014 : 458).

Dans une autre étude menée sur les relations socioaffectives, il a été observé que les effets du JST sur la qualité des interactions sont bien plus probants que ceux provoqués par le sport (Ben Chaâbane, 2019 : 59). La comparaison entre un questionnaire sociométrique, soumis avant et après un cycle de deux types de jeu sportif, a montré que les élèves qui ont pratiqué des jeux traditionnels paradoxaux ont amélioré leurs relations socioaffectives alors que ceux qui ont joué un sport institutionnel – handball – ont augmenté leur antagonisme et leurs rejets les uns envers les autres, notamment leur aversion envers l’équipe adverse. De plus, l’indice d’interaction du groupe expérimental qui a joué au handball ne s’est pas amélioré après la pratique.

Dans le sport, il n’y a vraisemblablement pas ou peu de place pour les relations socio-affectives. La structure du duel des jeux sportifs institutionnels demeure rigide au niveau relationnel. La logique interne est friande d’efficacité et l’amitié s’efface au profit de l’opérationnalité : « Ce qui compte, c’est ce qui se compte. » (Parlebas 2005 : 29). Le processus sous-jacent est centré sur la tâche et non plus sur le groupe (Oberlé et Drozda-Senkowska, 2006 : 63).

Le sport, qui ne regroupe qu’une partie parmi le grand éventail des activités physiques et sportives, propose principalement l’affrontement compétitif de deux coalitions. Ce type d’activité crée des aversions entre les équipes adverses. A ce sujet, plusieurs recherches ont dévoilé que les activités compétitives sont enclines à développer l’agressivité et l’antagonisme plutôt que la solidarité et l’altruisme (Collard, 2004 : 5, Pfister, 1985 : 243, Roché, 2005 : 100). La théorie du conflit réel, vérifiée par Sherif et Sherif (1969 : 221) dans le cadre d’une expérience au sein d’un camp de vacances pour adolescents, avait déjà montré que, engagés dans divers jeux de compétition, les groupes développaient des comportements hostiles entre eux : les duels d’équipes favorisent l’hostilité inter groupale. Par ailleurs, le conflit entre deux groupes tend à augmenter la solidarité intra groupale, mais de façon différée car elle est affermie en cas de victoire et le serait moins en cas d’échec (Dugas, 2011 : 5).

Les travaux de Collard sur l’agressivité et le sport montrent à cet effet, que l’opposition privilégiée par le sport ne produit pas spécialement d’effets cathartiques. Elle serait même à la base de comportements agressifs, reflets des valeurs de la société. D’après l’auteur, le sport est une affirmation de supériorité physique et un apprentissage de la domination par la force et l’intimidation : ceux qui s’en sortent le mieux dans la vie sont les plus agressifs ; ils profitent de la peur des autres pour s’imposer. Le sport prône simplement les vertus valorisées par notre société (Collard, 2004 : 25).

En revanche, dans les jeux traditionnels paradoxaux, chacun joue pour soi et l’élève choisit ses partenaires en fonction de ses affections. Pas d’adversaire, ni de partenaire préétablis. Les relations sont changeantes. Mon adversaire peut devenir un partenaire et vice-versa. Ces relations qui se tissent sont d’ordre socioaffectif. Les processus sous-jacents ne sont plus centrés sur la tâche, mais bel et bien sur le groupe (Oberlé & Drozda-Senkowska, 2006 : 63). Au sein du groupe expérimental qui a joué aux JST, l’interaction socioaffective a augmenté, les rejets ont diminué et les choix ont foisonné après le cycle de jeux traditionnels paradoxaux (Ben Chaâbane, 2019 : 65).

Les relations interpersonnelles se construisent et se modélisent vraisemblablement selon le type d’activité physique pratiquée.

Il a même été démontré, selon la bibliographie consultée, que les relations au sein de groupe témoin, donc dispensé de toute activité physique, sont restées cordiales à postériori : la tendance va même « dans le sens d’une augmentation des relations amicales » remarquera Collard dans ses travaux sur l’agressivité et le sport (Collard, 2004 : 140). Dans le même ordre d’idée, plus tard, les travaux de Dugas (2011 : 19) révèlent eux aussi, chez ce groupe, une évolution du taux d’interactions d’entraide nettement plus importante et très significative (p < 0,01) au cours du post-test :

L’absence de pratique physique scolaire, neutralisée durant un mois, semble bénéficier aux interactions d’alliance motrice, bien plus qu’une activité physique de coopération motrice dans un milieu certain […]. Ne rien faire sur le plan ludomoteur dans le temps scolaire semble rendre les élèves plus pacifiques, et donc moins agressifs sur le plan moteur, tout du moins sur un laps de temps aussi court […]. La forme spécifique d’agressivité développée dans les activités sociomotrices semble bel et bien renforcée par la pratique régulière de la compétition sportive (Dugas, 2011 : 19).

Alors que le sport cultive l’antagonisme et les aversions entre les individus, l’absence de pratique sportive semble favoriser les relations amicales. Faut-il pour autant éduquer au pacifisme et encourager la sédentarité pour éviter la manifestation de l’agressivité et des conflits provoqués par la pratique des activités physiques ?

Le modèle GIAM. Aider les enseignants à transformer les conflits à l’aide de JST

Le modèle GIAM est issu du groupe de recherche sur l’action motrice de l’INEFC1 et repose sur la praxéologie motrice (Parlebas 1981) et la conflictologie (Vinyamata, 2014 : 30). Il donne une continuité aux premiers travaux menés par Sáez de Ocáriz (2011 : 65) en proposant les bases générales de l’éducation des conduites motrices conflictuelles.

Ce modèle vise à aider les éducateurs à détecter, analyser et intervenir sur la transformation du conflit moteur (CfM) (Rillo-Albert et al., 2021b : 5).

Cette approche pédagogique orientée vers la transformation positive du CfM, présente une démarche guidée structurée en deux parties (Rillo-Albert et al., 2021a : 3).

Conception de l’intervention pédagogique (Partie 1)

L’éducateur doit concevoir le programme d’intervention pédagogique (unité didactique) pour aborder les contenus sélectionnés et atteindre les résultats d’apprentissage souhaités. Ce processus se compose de deux phases :

  • Déterminer les effets pédagogiques poursuivis ou attendus par rapport aux contenus à développer et aux conduites motrices des élèves à transformer (Parlebas, 2018 : 92) ;
  • Sélectionner les situations motrices (type de famille de JST, avec ou sans compétition) dont la logique interne permet de tester les élèves en fonction des effets recherchés. Connaître les caractéristiques du groupe-classe, ainsi que les effets que les différents JST avec ou sans compétition déclenchent sur les relations socioaffectives des élèves sera d’une grande aide pour déterminer quelles pratiques motrices sélectionner.

Détection, analyse et intervention en cas de conflit moteur
(Partie 2)

Caractérisation des conflits moteurs

Lorsque les élèves partagent leurs expériences, il y a forcément des relations interpersonnelles tendues qui peuvent déclencher des conflits. Dans ces situations, des émotions négatives apparaissent qui, lorsqu’elles ne sont ni contrôlées ni régulées, provoquent des effets contraires à un traitement cordial, respectueux et pacifique. Cependant, plutôt que d’être un phénomène négatif, les conflits deviennent une occasion d’apprendre à vivre ensemble (Molina, 2005 : 213) ; c’est pour cette raison que nous parlons de transformation positive des conflits moteurs.

Selon les premières études de Sáez de Ocáriz (2011 : 118), le CfM est un processus formé par un agent générateur et par une réponse conflictuelle dérivée du stimulus initial. Ce processus provoque une intervention de l’enseignant et/ou des protagonistes eux-mêmes selon le niveau d’intensité latente de la situation conflictuelle générée.

L’agent générateur du conflit moteur

Le CfM, dans un JST peut survenir lorsque les conduites des participants dévient ou s’écartent des relations ajustées établies par la logique interne avec les autres, l’espace, le matériel et le temps. Dans d’autres études, trois types de CfM ont été identifiés : a) une conduite verbale conflictuelle associée au pacte (par exemple : un désaccord sur la stratégie à utiliser) ; b) une conduite motrice conflictuelle désajustée (par exemple : passer un ballon de manière incorrecte à un coéquipier) ; et c) une conduite motrice conflictuelle perverse (par exemple : donner un coup de poing à un autre joueur ou tricher) (Sáez de Ocáriz, 2011 : 121).

La réponse au conflit

La personne qui reçoit le CfM peut réagir de manière agressive envers l’autre personne (Dollard et al. 27, Fung 53). Selon l’intensité de l’agressivité (Fujihara et al. 185), trois types de réponses sont identifiés : a) les agressions verbales (par exemple : une insulte), b) les agressions physiques (par exemple : un coup de poing) et c) les agressions mixtes, somme d’une agression verbale et physique simultanée (par exemple : une insulte et un coup de poing).

L’indice de conflit

L’indice de conflit (ICf) permet d’identifier le niveau d’intensité du CfM, un aspect qui sera d’un grand intérêt lors de la proposition de stratégies pédagogiques pour transformer le CfM (Sáez de Ocáriz et Lavega, 2013 : 553).

L’ICf correspond à la somme de la valeur des intensités de l’agent générateur du CfM (action) et de la réponse au conflit (réaction). Les valeurs vont de la plus faible (1 point) à la plus haute intensité (3 points).

  • Il existe trois niveaux d’intensité dans les conduites motrices à l’origine du CfM : Conduites verbales associées au pacte (1), Conduites motrices désajustées (2) et conduites motrices perverses (3) ;
  • Les réponses aux conflits donnent également lieu à trois niveaux d’intensité différents : l’agression verbale (1), l’agression physique (2) et l’agression mixte physique et verbale simultanément (3).
Tableau 1. Classification des conflits moteurs selon l’indice de conflit (source : élaboration personnelle adaptée de Sáez de Ocáriz, 2011 : 130, Sáez de Ocáriz et Lavega, 2013 : 554) ; Int = intensité.

Dans une étude menée auprès d’élèves de l’école primaire, l’utilisation de l’ICF a permis de détecter le profil conflictuel et de proposer des actions spécifiques pour sa transformation (Sáez de Ocáriz et Lavega, 2013 : 553). Dans cette expérience éducative, à laquelle ont participé 43 élèves, 21 garçons et 22 filles (M = 21,5 ; SD = 0,5), âgés de 8 à 11 ans (M = 9,35 ; SD = 1,07), pendant une année scolaire, lors de sessions d’une heure deux fois par semaine, 255 JST ont été proposés et observés. Un total de 746 CfM ont été détectés et analysés par le biais du test x2 de Pearson auquel a été appliqué le test des résidus corrigés lorsqu’un résultat significatif a été observé (p < 0,005).

Cette recherche et d’autres études (Sáez de Ocáriz, 2011 : 65, Sáez de Ocáriz et Lavega, 2013 : 549) ont montré que chaque famille de JST est à l’origine de caractéristiques et d’intensités différentes de CfM (tableau 2). Les résultats confirment l’utilité de cet outil pour systématiser et transformer positivement le CfM.

Tableau 2. Synthèse des contributions les plus significatives (p < 0,005) extraites de l'étude de Sáez de Ocáriz (2011 : 264).

L’attitude de l’élève avant le conflit

Afin de contextualiser le conflit dans chaque groupe-classe, il est utile d’identifier l’orientation motivationnelle des personnes impliquées dans un CfM. Selon que cette orientation privilégie la satisfaction de ses propres besoins ou de ceux des autres, quatre modèles d’attitudes sont identifiés pour faire face aux conflits : la compétition (je gagne – tu perds), la coopération (je gagne – tu gagnes), la soumission (je perds – tu gagnes), l’évitement (je perds – tu perds) ou le compromis/négociation (parvenir à un accord, mais uniquement sur ce qui est essentiel pour résoudre le conflit).

L’intervention pédagogique, le dialogue et la réflexion doivent réorienter les attitudes de compétition, d’évitement, de soumission et de compromis vers des attitudes de coopération, où les intérêts de tous les participants ont une importance égale dans la transformation du conflit (Rahim, 2002 : 216, Thomas et al., 2008 : 149).

La transformation positive du conflit moteur par l’enseignant

Une fois le profil conflictuel identifié, l’enseignant peut introduire des mesures de prévention et/ou d’intervention directe pour transformer positivement les conflits moteurs (Sáez de Ocáriz, 2011 : 127). Il existe deux stratégies principales :

  • Modifier certaines caractéristiques de la logique interne du JST (par exemple, modifier les rôles, modifier le type d’interaction motrice, le terrain de jeu, la manière d’utiliser le matériel, le système de score ou la manière de mettre fin au jeu) ;
  • Agir sur les protagonistes du conflit en encourageant la réflexion directe qui mène à l’autogestion.

D’autre part, selon l’intensité du CfM et le contexte dans lequel il émerge, l’enseignant peut impliquer les acteurs dans la responsabilité de sa transformation. Il peut séparer momentanément les joueurs pour qu’ils puissent continuer à jouer, les séparer temporairement avec la possibilité de participer plus tard, ou même les exclure définitivement du jeu. Ainsi, l’enseignant facilite l’optimisation des compétences liées au traitement et à la gestion des conflits (Rillo-Albert et al., 2021b : 7, Sáez de Ocáriz, 2011 : 129).

La transformation positive du conflit moteur par les protagonistes

Cette autre stratégie privilégie le dialogue interpersonnel et la réflexion pour, dans et sur l’action motrice comme axe fondamental pour travailler sur l’éducation des conflits et leur transformation entre pairs (Burguet, 1999 : 121, Capllonch et al., 2014 : 51, Lavega et al., 2018 : 143). À travers cette intervention, l’objectif est de fournir aux protagonistes du conflit des stratégies et des compétences sociales pour améliorer la gestion et la transformation de leurs propres conflits (Johnson et Johnson, 1999 : 35). Il est essentiel d’offrir aux participants des lignes directrices communes afin qu’ils abordent le conflit avec respect et de manière consensuelle. De cette façon, l’acquisition de compétences et de stratégies pour transformer positivement les conflits est favorisée (Sáez de Ocáriz, 2011 : 129).

Fig. 1. Schéma du processus de transformation du conflit moteur : modèle GIAM (source : élaboration personnelle adaptée de Rillo-Albert et al., 2021b : 5, Rillo-Albert et al., 2021a : 3) ; JST : jeu sportif traditionnel ; CfM : conflit moteur ; ICf : indice de conflit ; LI : logique interne.

Application du modèle GIAM : expérience dans l’enseignement secondaire

Dans l’étude de Rillo-Albert et al. (2021b : 8), l’effet du modèle GIAM sur le bien-être relationnel des élèves a été examiné à travers le climat motivationnel perçu du groupe-classe. Au total, 287 étudiants (M = 14,90 ; SD = 0,66 ; tranche d’âge = 14-16 ans) ont participé à sept sessions de JST correspondant à un duel d’équipe (domaine de coopération-opposition compétitive). Le « Questionnaire sur le climat de motivation des pairs dans le sport des jeunes » (Peer Motivational Climate in Youth Sport Questionnaire, Moreno et al. 2011 : 104), validé en espagnol, a été utilisé pour déterminer l’orientation du climat motivationnel perçu envers la tâche, la compétition/capacité intra-équipe (climat de l’ego) et le conflit intra-équipe. Les tests statistiques effectués par le biais d’une ANOVA à mesures répétées (MR) (comparaison pré-post) ont montré des changements significatifs dans l’augmentation du score du climat de la tâche (p < 0,001) et une diminution de la compétition/capacité intra-équipe (p = 0,009) et du conflit intra-équipe (p <0,001).

Une autre étude de Rillo-Albert et al. (2021a : 5) correspondant à la même recherche, mais réduisant l’échantillon à 222 élèves (M = 14,86 ; SD = 0,65 ; tranche d’âge = 14-16 ans), a analysé l’effet du modèle GIAM sur la présence ou l’absence de CfM et sur l’intensité émotionnelle. Pour ce faire, les auteurs ont validé le questionnaire sur les conflits moteurs « Motor Conflict Questionnaire » (dimension relationnelle, CfM) et utilisé l’échelle des Jeux et émotions « Games and Emotions Scale GES-II » (dimension émotionnelle, émotions positives et négatives) (Lavega-Burgues et al., 2018 : 118). Le test statistique ANOVA MR (comparaison pré-post) a confirmé des changements significatifs dans la diminution de la présence de CfM entre partenaires (p = 0,004) et entre adversaires (p < 0,001). Les émotions négatives ont diminué tout au long de l’expérience avec un effet significatif (p = 0,047) ; la colère (p = 0,043) et le rejet (p = 0,041) étant les émotions qui ont montré un changement significatif lors de l’analyse des émotions séparément (positif : joie ; négatif : colère, tristesse, peur et rejet).

Les résultats de ces deux études confirment l’effet positif du modèle GIAM sur le bien-être relationnel et émotionnel des élèves. Relation, motivation et émotion sont les composantes d’un même phénomène : les conflits moteurs.

Conclusion

Cette étude a montré la possibilité de transformer positivement les conflits moteurs dans les séances d’éducation physique.

En procédant à l’identification du profil conflictuel, le modèle GIAM, initié par Sáez de Ocáriz (2011 : 103), poursuivi par Rillo-Albert et al. (2021b : 5), a établi les principales caractéristiques des conflits moteurs (les parties du conflit, l’indice de conflit, l’orientation motivationnelle des élèves) et les stratégies de prévention et d’intervention directe pour les transformer positivement.

Les résultats de l’étude ont, par ailleurs, démontré que chaque famille de JST est à l’origine de caractéristiques et d’intensités différentes de CfM ; c’est ainsi que, dans les jeux traditionnels de coopération-opposition avec score, il a été possible de systématiser et transformer positivement des conflits moteurs à travers le modèle GIAM.

Ainsi, en transformant les conduites motrices conflictuelles, nous pouvons simultanément transformer les relations interpersonnelles, les émotions et les décisions.

L’outil fournit aux enseignants des critères et des procédures à suivre dans l’éducation de relations interpersonnelles pacifiques.
Il permet d’offrir un moyen pour répondre aux objectifs prioritaires en matière d’éducation au bien-être et à la paix.

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  • Vinyamata, Eduard. 2014. Conflictología : curso de resolución de conflictos, Ariel, 336 p.

Note

  1. http://praxiologiamotor.inefc.es
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Posté le 20/06/2023
EAN html : 9791030008296
ISBN html : 979-10-300-0829-6
ISBN pdf : 979-10-300-0830-2
ISSN : 2823-8680
15 p.
Code CLIL : 3318

Comment citer

Sáez de Ocáriz, Unai, Lavega-Burgués, Pere, Ben Chaâbane, Zhaïra, Rillo-Albert, Aaron, ”Éduquer à travers les jeux 
sportifs traditionnels. Du conflit au bien-être émotionnel”, in : Bruneaud, Jean-François, Montoya, Yves, Ben Chaâbane, Zhaïra, Le bien-être au prisme des violences scolaires. Espaces, corps, valeurs, Pessac, PUB, collection S@nté en contextes 3, 2023, 137-154, [en ligne] https://una-editions.fr/eduquer-a-travers-les-jeux-sportifs-traditionnels [consulté le 19/06/2023].
10.46608/santencontextes3.9791030008296.8

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Illustration de couverture • © borisz / iStock
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